ARNOLT-BRISTOL roadster

L’ARNOLT-MG et L’ARNOLT-BRISTOL

L’ARNOLT-MG et L’ARNOLT-BRISTOL ou quand Stanley Wacky ARNOLT révolutionnait les roadsters, le travail des carrossiers et les 50’s.

Arnolt Bristol

L’une des nombreuses conséquences qu’a eu la Seconde Guerre mondiale sur l’industrie automobile, en Europe comme en Amérique, fut la fin du règne des grands carrossiers traditionnels. C’est-à-dire des artisans spécialisés dans les réalisations de haut de gamme, ayant encore recours à des méthodes entièrement artisanales pour des carrosseries entièrement façonnées et montées à la main. Chez les constructeurs américains, dès les années 1930, des voitures « semi-artisanales » réalisés par des carrossiers appartenant aux grands constructeurs ont d’ailleurs progressivement remplacées les réalisations uniques faites par des artisans indépendants. Cette méthode présentant l’avantage pour le client, outre un net gain en termes de coûts, de ne plus de devoir se charger lui-même de faire livrer un châssis « nu » chez le carrossier de son choix mais aussi de ne plus avoir à patienter plusieurs semaines – voire plusieurs mois – pour que la carrosserie qu’il avait commandée soit réalisée, et qu’il puisse enfin prendre livraison de sa voiture entièrement habillée et prête à prendre la route.

L’ARNOLT-MG et L’ARNOLT-BRISTOL

Jouissant autrefois d’une renommée internationale, les carrossiers français, refusant ou se révélant incapable de s’adapter à ces temps nouveaux et à ce changement des mentalités, vont s’enfermer dans des traditions et des méthodes de travail désuètes qui vont rapidement les conduire à leur perte : à la fin des années 50, la plupart d’entre eux auront ainsi mis la clé sous la porte. De plus, les châssis séparés, autrefois utilisés par l’ensemble des constructeurs sur leurs modèles qu’ils soient de prestige ou populaires, se trouvent progressivement remplacés par la structure monocoque où le châssis et la structure sur laquelle sont assemblés les panneaux de la carrosserie ne forment plus qu’un seul et même ensemble. Si cette dernière ne rend pas impossible la réalisation de carrosserie hors-série, elle complique néanmoins sérieusement la tâche aux artisans, surtout pour ceux ayant encore recours à des méthodes de fabrication entièrement, ou en grande partie, manuelles.

Nuccio Bertone

Ce qui est notamment le cas de l’entreprise de carrosserie fondée par Nuccio Bertone et qui, comme la grande majorité de ses confrères, était resté fidèle à des méthodes de travail entièrement artisanales et produisait, pour chaque voiture (ou, plutôt, chaque châssis) qui passait par ses ateliers des « œuvres » uniques, commence à s’interroger sur l’avenir de son métier et donc, à terme, celle de son entreprise. Ainsi qu’il le racontera plus tard au journaliste automobile André Costa, dans une interview publiée dans L’Auto-Journal en 1970 : « J’ai constaté, heureusement, que les Américains, suivis d’ailleurs par les Anglais, n’étaient pas favorables à la fabrication monocoque. Je me suis donc précipité chez MG, j’ai acheté deux châssis de TD et j’ai réalisé deux carrosseries, un coupé et un roadster, que je voulais exposer au Salon de Turin 1952 ». L’idée de Bertone étant, avec ses deux MG habillées de carrosseries italiennes, de séduire l’importateur de la marque en Italie pour y commercialiser ces deux voitures sous la forme d’un modèle hors-série ou d’une série limitée, qui pourrait aussi, in fine, être commercialisée dans d’autres pays d’Europe. Ces MG spéciales présentaient l’avantage d’être motorisée par une mécanique simple, robuste et facile à entretenir, le tout sous une carrosserie à la fois moderne et assez glamour.

Si, de face, la parenté avec les MG TD est assez évidente (sans-doute et surtout parce qu’elles conservent la calandre traditionnelle des MG), de profil, en revanche, il serait fort difficile voire impossible d’y reconnaître un modèle de la marque à l’octogone. Dessinée par le jeune styliste Giovanni Michelotti (31 ans à peine à l’époque !), qui semble avoir puisé son inspiration dans le style « ponton intégral » des voitures américaines contemporaines, ces MG Spéciales sont à cent, voire à mille lieues des frêles roadsters sortis de l’usine d’Abindgon, UK, si reconnaisables avec leurs phares rapportés, leur étroit capot en forme de V, les ailes bien séparées du reste de la carrosserie, leur roue de secours apparente fixée sur la malle du coffre à l’arrière, leurs petites portières échancrées et leur pare-brise rabattable, et conservent un style pratiquement inchangé par rapport à leurs devancières des années 1930.

C’est d’ailleurs justement ce style si « vintage », si « délicieusement démodé » par rapport aux nouveaux modèles créés par les constructeurs et les carrossiers transalpins, qui donnent désormais le « la » en matière de style automobile en Europe, qui plaît beaucoup aux Américains.Il est vrai qu’ils ne se voient pas encore proposer d’équivalent au sein des constructeurs de Detroit, hormis la confidentielle Nash-Healey – la Corvette et la Thunderbird ne faisant, elles, leur apparition, respectivement, que deux et trois ans plus tard.

En Europe, toutefois, Bertone et d’autres carrossiers sont convaincus que MG ne pourra plus très longtemps perpétuer la lignée des roadsters T face aux nouvelles petites sportives européennes. Ces roadsters commencent à faire figure de « dinosaures » et il faut donc « rajeunir » l’image du constructeur britannique avec des réalisations au style plus dans « l’air du temps ». De plus, le travail « fait main » représente souvent un prix assez conséquent, les châssis MG produits en grande série et donc vendus à bons prix permettront de maintenir le tarif de ces MG Spéciales italiennes dans des limites assez raisonnables.

C’est lors de ce Salon, qui représente alors la grand messe de l’industrie automobile et de la carrosserie italiennes, que le chemin de Nuccio Bertone va croiser celui de Stanley Harold Arnolt, un Américain, installé à Chicago, spécialisé dans la vente de voitures de sport européennes. C’est d’ailleurs l’achat d’un roadster MG, en 1949, qui l’avait décidé à se lancer dans le commerce d’automobiles. Si l’homme est alors un novice dans ce domaine, dans celui des affaires en général, il a déjà un parcours aussi long que prolifique. Celui-ci débute dans les années 1930 lorsque, son diplôme d’ingénieur en poche, il mettra au point un petit moteur marin qu’il réussira à vendre à l’US Navy. Véritable touche-à-tout et se révélant doué pour les affaires, ce businessman autodidacte s’impliquera dans de nombreux domaines, notamment l’édition de journaux, la fabrication de meubles en tubes, la construction navale, la vente d’accessoires… jusqu’à racheter une plantation de palmiers et de cocotiers situées au Mexique !

ARNOLT-MG cabriolet

Au sortir du Second Conflit mondial, les automobilistes Américains, notamment au sein des classes aisées, vont rapidement s’enticher des petites voitures de sport européennes en général, et des roadsters made in England en particulier. Bien qu’uniquement considéré (comme c’est d’ailleurs souvent le cas sur leur terre natale) comme des engins de loisirs, voire même – comparé au gabarit des modèles de la production américaine – comme des sortes de « jouets pour adultes », l’allure fort décalée, la maniabilité et le côté « joueur » de ces charmantes petites british va immédiatement séduire les acheteurs d’outre-Atlantique. Il est vrai que l’autre raison de leur succès au pays de l’Oncle Sam est que les constructeurs de Detroit ne proposent alors pas d’équivalent et donnent alors l’impression de ne savoir produire à la chaîne que de grosses berlines, cabriolets ou breaks (station-wagon dans le jargon américain) taille XXL. Arnolt est à ce point confiant en ce qui concerne son « flair » pour les affaires qu’il n’hésitera pas à passer commande auprès de la marque anglaise Morris d’un millier d’exemplaire de la Minor, ce qui représentera la plus importante commande de la part d’un distributeur indépendant dans l’histoire du groupe BMC.

ARNOLT-MG coupé

Un succès commercial dû aussi au talent de négociateur d’Arnolt et à sa capacité à convaincre les responsables des marques qu’il représente de lui proposer le meilleur tarif pour les voitures qu’ils souhaitent acquérir et vendre aux Etats-Unis. Il parviendra ainsi à convaincre Bertone de baisser suffisamment ses tarifs pour parvenir à vendre l’Arnolt-MG, le nom sous lequel seront vendus les MG habillées par le carrossier italien, sous la barre des 3 000 $ (2 995, très précisément), un prix de vente fort attractif pour un modèle de ce genre, la plupart de ses concurrentes du moment étant vendues à des tarifs nettement supérieurs. A titre d’exemple, la Nash-Healey, elle aussi dessinée et habillée par un carrossier transalpin (en l’occurrence, Pininfarina) et produite en petite série selon des méthodes de fabrication toutes aussi artisanales, est pourtant affichée à près de 5.000 $. Grâce à son prix de vente très compétitif, la belle Arnolt-MG trouve rapidement et facilement son public, un succès qui ne manque évidemment pas de ravir son commanditaire américain ainsi que le carrossier italien qui en réalise la carrosserie.

ARNOLT-MG cabriolet

Dix-huit ans après, comme il le racontera lors de son interview à l’Auto-Journal, le maître-carrossier turinois s’en souvenait encore clairement : « Je me trouvais sur mon stand quand je vis arriver un genre de cow-boy, avec un grand chapeau et des bottes à talons hauts, qui me donna une grande tape dans le dos et me demanda : « Ces voitures, à qui sont-elles ? » Comme je ne savais pas quoi répondre, il m’annonça soudain : « Eh bien, disons qu’elles sont à moi, maintenant ! » Cet Américain impétueux était en fait l’importateur MG pour une bonne partie du territoire nord-américain. Je l’ai d’abord pris pour un fou, surtout qu’il a voulu repartir aussitôt avec les deux voitures en les ramenant par avion dans son pays ! En 1952, la chose était assez peu pratiquée… » Lorsque l’on sait que Stanley Arnolt avait pour surnom « Wacky » (littéralement : « farfelu »), en référence à son tempérament enflammé, cette façon très « familière » avec laquelle il s’est présenté auprès de Nuccio Bertone n’étonnera guère ceux qui le connaissaient, tout comme de vouloir acheter sur le champ les deux MG dessinées par Michelotti. C’est à peine s’il n’est pas venu sur le stand du carrossier Bertone avec une valise remplie à ras-bord de dollars américains en grosses coupures, non seulement pour acquérir les deux voitures mais aussi – cerise sur le gâteau – la centaine d’exemplaires supplémentaires qu’il commande aussitôt après au carrossier.

ARNOLT-MG cabriolet

Inutile de dire qu’avec cette commande aussi importante qu’inattendue, Nuccio Bertone avait de quoi afficher un beau sourire et se frotter les mains. Non seulement parce qu’elle va lui permettre d’assurer son avenir pour plusieurs années mais aussi car cela va permettre à la Carrozzeria Bertone de passer rapidement du statut de simple petit artisan à celui de véritable carrossier de taille « industrielle ». « Les constructeurs italiens étaient plutôt étonnés. Ils voyaient les châssis MG arriver « nus » chez moi et repartir quarante jours plus tard pour les USA carrossés et prêts à servir ! Aujourd’hui (en 1970, époque de l’interview, donc), compte tenu des outillages, il nous faut entre quinze et dix-huit mois pour lancer une fabrication en série, mais, à l’époque, soixante jours suffisaient pour entamer une fabrication à la main de cent unités ». Malgré le succès qu’elle connaîtra dès son lancement auprès de la clientèle des riches Américains, la carrière de la séduisante Arnolt-MG ne durera pourtant que trois ans, puisque sa production sera arrêtée en 1955. Si la clientèle d’outre-Atlantique était réputée pour disposer d’un pouvoir d’achat assez large ainsi que pour sa versalité dans ses goûts en changeant alors aussi souvent de voitures que de chemises, la raison de l’arrêt de la production de l’Arnolt-MG vient du fait que Stanley « Wacky » Arnolt avait alors – déjà – en tête de nouveaux projets, d’une ambition plus grande encore.

Devenu, grâce à la fabuleuse commande qu’il avait passé au carrossier turinois vice-président de Bertone, en plus de Morris et de MG dont il assure la distribution aux USA, il va bientôt s’intéresser à une autre célèbre marque anglaise, beaucoup moins connue que ces dernières mais dont les modèles se situent, eux, à un niveau nettement plus prestigieux, tant au niveau de la qualité de fabrication que des prix de vente : la marque Bristol. Située dans le sud de l’Angleterre, non loin de la ville du même nom, celle-ci s’était d’abord fait un nom dans le domaine de l’aéronautique et plus particulièrement de l’aviation de guerre. Après avoir construit, durant la Seconde Guerre mondiale, une grande partie des chasseurs et des bombardiers de la Royal Air Force, une fois le conflit terminé l’entreprise décide, pour pallier la baisse fort importante des commandes militaires, de se diversifier. S’étant vu attribué, au titre des dommages de guerre imposés aux entreprises allemandes après la défaite de 1945, les plans des moteurs d’avions conçus par l’entreprise BMW (qui, il faut le rappeler, à l’époque de sa fondation, au cours du Premier conflit mondial, était spécialisée dans le secteur aéronautique avant de se reconvertir, après la défaite de 1918, dans la fabrication de motos et de se diversifier ensuite dans celle des automobiles avec le rachat de la firme Dixi), Bristol décide alors de se lancer sur le marché de l’automobile de prestige en reprenant la production des modèles BMW d’avant-guerre sous son propre nom. (Le constructeur bavarois, de son côté, ne parvenant à reprendre ses activités automobiles qu’au début des années 50).

Arnolt Bristol

Souhaitant donc intégrer la marque Bristol à son catalogue, Arnolt prend alors contact avec le directeur commercial du constructeur qu’il rencontre à l’occasion du Salon automobile de New York en 1953. Bien que fort séduits tant par les lignes des coupés Bristols que par leur qualité de fabrication, qui n’ont pas grand-chose à envier à celle des Aston-Martin ou des Rolls-Royce, notre « cow-boy » ne peut toutefois pas s’empêcher de faire la grimace au vu des tarifs pratiqués par la marque, qui, eux aussi, sont au niveau de ces derniers. Il ne manque d’ailleurs pas de le faire savoir à son interlocuteur. A ses yeux, ceux-ci sont bien trop élevés pour avoir une chance d’y remporter un vrai succès commercial, surtout par rapport aux autres voitures de prestige européennes qui sont alors prisées sur le marché américain,. Le nouveau modèle de la marque, le coupé 404 est, en effet, vendu au prix assez exorbitant de 6 750 $. Or, selon les calculs d’Arnolt, pour que les Bristol puissent se faire une place aux Etats-Unis, où la concurrence est aussi nombreuse que féroce, le prix de vente ne doit pas dépasser la barre des 4 500 $.

Son statut de vice-président de la Carrosserie Bertone lui donne alors une idée ingénieuse : demander au carrossier italien de faire réaliser une carrosserie au dessin inédit destinée à un modèle spécialement conçu pour le marché US. Afin d’optimiser les performances du moteur d’origine BMW et de rester dans la limite de prix qu’il a fixé. Il est prévu dès le départ que l’intérieur affichera un style assez dépouillé et que les équipements de confort seront réduits au minimum. C’est à Franco Scaglione, qui dirige alors le bureau de style de Bertone (et qui créera certains des modèles les plus emblématiques d’Alfa Romeo, comme le coupé Giulietta Sprint ou la berlinette 33 Stradale), qu’est confié la mission de dessiner les lignes de la nouvelle Arnolt-Bristol. Connu pour sa la virtuosité ainsi que sa capacité à relever brillamment les défis, Scaglione va toutefois rapidement se retrouver confronté à un problème d’ordre technique :le système d’alimentation verticale et l’architecture « longue course » du six cylindres BMW (dérivé de celui monté avant-guerre sur la 327) ayant pour effet de lui donner une hauteur assez marquée. Or, l’image que l’on se fait généralement d’une sportive (dans les années cinquante comme aujourd’hui) étant celle d’une voiture aux lignes fort basses et élancées. Cela se révèle contraignant lorsqu’il va s’agir de coucher sur le papier et, surtout, par après, de matérialiser en trois dimensions les lignes de l’Arnolt-Bristol.

ARNOLT-BRISTOL roadster

Bien que conscient de la difficulté, Nuccio Bertone ne se montre toutefois pas trop inquiet, car il connaît le talent de Scaglione et sait que ce dernier réussira sans trop de mal à s’acquitter de cette tâche avec brio. Se trouvant dans l’impossibilité de modifier la configuration ou la position du moteur, le styliste dessine alors, pour le capot ainsi que les ailes, des lignes qui semblent avoir été inspirées par la silhouette des vagues  : le sommet des ailes comme du capot culminant au point le plus haut de la mécanique. En plus de pouvoir ainsi permettre d’habiller le châssis Bristol sans devoir apporter la moindre modification au moteur d’origine BMW, le dessin imaginé par Scaglione confère aussi à l’Arnolt-Bristol une ligne fort racée et musclée, qui n’est pas sans évoquer celui d’un félin prêt à bondir sur sa proie. Une fois franchit le sommet du capot, celui-ci redescend en pente douce jusqu’au sommet de la calandre, où viennent également se réunir les ailes. La calandre se résumant ici à un minuscule orifice de forme carrée qui viennent encadrer les phares. Le tout donnant une ligne à la fois très personnelle et unique, qui, lors de sa présentation, au Salon de Londres de 1953, ne ressemble à aucune autre.

ARNOLT-BRISTOL roadster

Même si, devant l’insistance de son commanditaire Américain, les ouvriers de Bertone ont appris à travailler vite, lorsque le Salon automobile de Londres ouvre ses portes, le premier exemplaire de l’Arnolt-Bristol vient à peine d’être terminé. Un choix qui apparaît néanmoins assez curieux car Stanley Arnolt a déjà prévu de réserver ce nouveau modèle inédit exclusivement à l’exportation et au marché américain en particulier. A posteriori, les dirigeants de Bristol durent probablement se dire qu’ils auraient dû insister auprès d’Arnolt pour qu’elle soit aussi diffusée sur le marché britannique car elle ne manqua pas d’attirer l’attention et de séduire le public au Salon d’Earls Court et aurait très bien pu y connaître un certain succès. Avec son prix très compétitif par rapport aux autres modèles du constructeur britannique, l’Arnolt-Bristol n’était affichée qu’à un tiers du prix d’un coupé 404.

404/X/3123

Deux versions étaient disponible, celle DeLuxe, qui se présente comme la plus « cossue » même si sa présentation ainsi que son équipement sont loin de celui d’une Jaguar ou des autres modèles de la gamme Bristol. Elle comprend des (embryons de) pare-chocs, une capote ainsi qu’un pare-brise assez efficace bien que présentant une hauteur assez basse (sans-doute afin de conserver à la voiture l’allure la plus racée possible), ainsi que des enjoliveurs de roues, des glaces latérales (démontables) et un « véritable » tableau de bord, en forme d’arc de cercle, derrière le volant. L’autre version, déjà par son appellation, « Bolide », s’inscrit clairement dans l’esprit « compétition-client », et affiche d’ailleurs une présentation ainsi qu’un équipement beaucoup plus spartiate car elle ne comprend aucun des équipements susmentionnés dont est équipé la version DeLuxe. A l’intérieur de cette version, clairement conçue pour la compétition, les instruments de bord sont directement encastrés sur la tôle.

A la même époque, la marque Bristol tentera l’aventure de la compétition, qui tournera toutefois court, les résultats ne se révélant pas à la hauteur des espérances et seront même assez décevants. Il est fort probable que, en plus de l’allure de la nouvelle Arnolt-Bristol qui évoquait fortement celle des voitures de compétition de l’époque, cette volonté de la part du constructeur britannique de voir ses modèles briller sur les circuits ait donné l’envie à Wacky Arnolt de vouloir en faire de même avec le nouveau modèle portant son nom. Afin de lui offrir toutes les chances de s’illustrer en compétition et de rendre celle-ci la plus légère possible, il fera d’ailleurs réaliser plusieurs exemplaires habillés d’une carrosserie réalisée en aluminium. Mieux encore il n’hésitera pas, pour mieux assurer la promotion du modèle en course, à faire assurer celle-ci par l’ancien pilote français René Dreyfus, qui, après avoir quitté l’univers des circuits, s’était reconverti comme restaurateur à New York ! La première apparition des Arnolt-Bristol à l’occasion d’une compétition sera sur un circuit américain, plus exactement, aux 12 Heures de Sebring en 1955, où trois voitures sont engagées, l’une d’entre-elles étant d’ailleurs pilotée par Arnolt lui-même. Toutes trois termineront la compétition aux 1ère, 2ème et 4ème places dans la catégorie 2 Litres. Après ce début de carrière très encourageant en compétition, elles reviendront à Sebring l’année suivante et se hisseront à nouveau sur le podium en remportant les 2ème et 3ème places dans leur catégorie. Les circuits américains semblant porter sa chance à l’Arnolt-Bristol, elles ne manqueront évidemment d’être à nouveau présentes au départ lors de l’édition 1957.

Celle-ci va, malheureusement être marquée par un drame qui va toucher directement Stanley Arnolt, son ami et coéquipier Bob Goldich trouvant la mort durant la course. Une perte qui va profondément l’affecter, au point même de briser sa passion pour l’automobile, mettant ainsi fin à tous les projets d’un éventuel nouveau modèle portant son nom.

Si la carrière de l’Arnolt-Bristol va se poursuivre pendant encore six ans, il se contentera désormais de vendre les voitures construites mais sans plus guère s’impliquer dans leur production. Lorsque la dernière Arnolt-Bristol quitte les ateliers du carrossier Bertone, à la fin de l’année 1963, celle-ci aura été produite, au total, à 142 exemplaires (auxquels il faut ajouter une douzaine d’exemplaires supplémentaires qui ne roulèrent toutefois jamais, car ils furent détruits à l’usine lors d’un incendie), tous avec une carrosserie découverte (en cabriolet ou roadster), seuls trois d’entre eux ayant reçus une originale carrosserie coupé.

Arnolt no. .299.Chassis no…27858.Engine no…27785.Body serial no..4355

Indépendamment du désintérêt progressif de son commanditaire pour la carrière de l’Arnolt-Bristol, au début des années soixante, il est clair que celle-ci ne constitue plus la priorité du carrossier turinois. Celui-ci peut toutefois être fort reconnaissant envers cet Américain un peu farfelu, car c’est bien lui qui, grâce à l’importante commande qu’il a passé auprès de Nuccio Bertone, en ayant le « coup de coeur » pour les MG spéciales dessinées par Michelotti, lui a permis de se développer et de devenir l’un des « poids lourds » de la carrosserie italienne et de nouer de fructueux partenariats avec les grands constructeurs italiens Alfa Romeo et Fiat, mais aussi de devenir le carrossier attitré d’un nouveau venu dans le monde des voitures de grand sport et qui va devenir, dès le départ, l’un des plus sérieux rivaux de Ferrari : Ferruccio Lamborghini. Au cours de cette décennie, l’entreprise fondée par Nuccio Bertone va véritablement connaître son âge d’or.

Le constructeur anglais Bristol, de son côté, abandonnera, à la même époque, le six cylindres BMW, arrivé en bout de développement (il est vrai qu’il avoisinait alors les trente ans d’âge) au profit d’une nouvelle motorisation plus moderne et, surtout, beaucoup plus puissante qui permettra aux luxueux et discrets coupés britanniques de soutenir la comparaison face à la concurrence : le V8 Chrysler, qui transfigurera ses performances. Si la marque fut un temps importée en France, par l’intermédiaire d’André Chardonnet, la marque choisira bientôt de se replier sur le seul marché britannique, choisissant de cultiver, ouvertement, une certaine « culture d’exception ». Cette sorte de « chauvinisme », ou « d’isolationnisme » ne l’empêchera toutefois pas de survivre à toutes les vicissitudes et toutes les tempêtes qui affecteront l’industrie automobile ainsi que l’économie britannique jusqu’au début des années 2010. Stanley Wacky Arnolt, quant à lui, décédera durant la nuit de Noël 1963, peu de temps après avoir vendue sa dernière voiture.

Juan Moreno

Plus de lecture ici https://www.retropassionautomobiles.fr/2020/04/maserati-ghibli-et-bora/

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