Station 70, le musée de la RN13
La RN 13 prend sa source Porte Maillot pour déverser son flot de Parisiens pendant 338 km jusqu’au pied du Fort de Querqueville près de Cherbourg. Entre ces deux points, le tracé original rappelle qu’il est bon parfois d’emprunter une sortie pour découvrir ce qui s’y cache. Osmanville est située entre Bayeux et Carentan, en plein coeur des plages du débarquement. Nous avons rendez-vous dans un endroit atypique, la Station 70.
L’éloge de la sympathie et de la simplicité
Le maître des lieux, Luc Le Gleuher, est un personnage qui vaut la visite à lui tout seul. Ici on ne fait rien comme tout le monde, et on le revendique. La cinquantaine souriante, Luc porte à bout de bras cet endroit qui lui ressemble beaucoup. L’accueil est détendu, et le propriétaire, heureux d’être là ne se fait pas prier pour faire le guide. La visite est répartie dans plusieurs bâtiments. Ce qui frappe d’entrée c’est la quantité de 2 roues exposés. Une collection entamée il y a 40 ans et qui retrace la riche histoire des pétrolettes de notre pays. Notre hôte est un puits de “science cambouis” et rappelle qu’il y a eu jusqu’à 150 constructeurs de mobylettes dans l’hexagone.
La décoration est assurée par une abondance de bidons d’huile d’époque, d’affiches retraçant l’histoire riche de la locomotion ou de photos de champions. Une Estafette Renault “Miko” côtoie un mannequin déguisé en gendarme. Les Choppers semblant tout droit sortis d’Easy Rider rivalisent avec un 50 Peugeot orange so seventies.
Si vous êtes habitués aux mises en scènes léchées, bourgeoises et spectaculaires des musées automobiles, vous n’allez pas comprendre ce qui vous arrive. Si vous aimez les voitures, les bécanes, les vélos, l’odeur de l’huile et des jouets anciens, vous passerez un bon moment.
Des jouets, petits ou grands
A l’étage, une première salle dédiée aux jouets anciens se visite comme un vieux grenier. “J’ai longtemps été embêté avec la poussière, mais maintenant j’ai enfin la solution”, devant mon visage interrogatif, Luc poursuit “ouais, maintenant je ne la fais plus » ! Honnêtement cela participe au charme de cet endroit habité par une multitude de petits trains Jouef, miniatures Dinky Toys et autres jouets d’une époque qu’on devine moins soucieuse. Je retrouve d’ailleurs le même petit train électrique des années 50 que mon père m’avait offert enfant. Un peu plus loin, c’est une scène du débarquement qui est reproduite à l’échelle, l’occasion de rappeler que les libérateurs ont emprunté la route devant la barrière pour rejoindre Cherbourg, Saint-lô ou Caen.
Le témoignage d’une époque
Un deuxième bâtiment s’ouvre devant nos yeux et dévoile une Peugeot 404 entourée de milliers d’objets d’époque. Le hangar suivant nous plonge dans une ambiance compétition. L’occasion d’interroger Luc sur son passé de pilote de course entamée à 16 ans par la coupe Motobécane et suivie de 25 ans d’anecdotes sur deux roues. “A l’époque on courrait sur des critériums un peu partout. On repartait au volant de la moto avec laquelle on venait de courir. Parfois l’un de nous n’avait pas de quoi payer l’essence du retour. On se cotisait et il rentrait chez lui. L’époque était à la solidarité, mais on ne s’en rendait pas compte, c’était normal pour tout le monde.”
J’interroge Luc sur une Fiat rouge équipée de baquets, harnais et d’équipements de compétition. Il me confirme qu’il a couru au volant de cette voiture « jusqu’au jour où ‘j’ai senti de l’air sous mes pieds ». Le châssis venait de casser. Fissuré dans le sens de la longueur !
Des bolides rares
Dans le garage compétition, deux nouveaux bolides ont pris place dernièrement. Une barquette de course Hema, repeinte aux couleurs JPS, avec un moteur de Renault 5 Turbo. Ces barquettes, rares aujourd’hui étaient la création de Henri Mayeur. Celui-ci proposait à la vente un kit avec un châssis tubulaire avec poutre centrale, la carrosserie en polyester, des suspensions de R8 Gordini, un pédalier, une tringlerie de boîte, et des faisceaux électriques. Le kit était sur le principe du Mécano, aucune soudure à faire, aucun coup de scie à donner. Cet exemplaire portait les couleurs du Circuit du Mas du Clos à son arrivée, où elle servait visiblement de voiture école.
Cette Hema a pour voisine une magnifique Nova Sterling fraîchement repeinte également, dans les couleurs GULF. Cette Kit car anglaise réalisée sur sur une mécanique et un châssis Volkswagen, est une version unique avec des portes spécifiques.
La nationale
La visite se poursuit dehors, où Luc a commencé à reproduire une Nationale 13 avec pompes à essence, devanture de garage, bornes kilométriques et véhicules d’époque.
La fausse RN 13 est peuplée de Peugeot 104, Ami 8 avec queue de Renard au rétroviseur, Acadianes, véhicule de Pompier, de Police des PTT ou d’EDF, il y en a pour tous les goûts pourvu que ce soit populaire et que ça sente le bon vieux temps. Il y a même un camion Saviem SG4 tractant une magnifique remorque publicitaire.
Ce musée pas comme les autres est aussi capable de s’exporter grâce au camion musée. Celui-ci est utilisé pour des manifestations extérieures, souvent accompagné d’un monstrueux dragster à pédales, effet garanti !
La RN13 étant un lieu stratégique de la libération, cet hyperactif organise un “Food & Ciné”, la projection en continu toute la journée du film “Le jour le plus long” accompagnée d’un repas, toute la journée entre le 1et le 10 juin. Le musée de la RN13 sera d’ailleurs aux premières loges pour voir passer les défilés de véhicules militaires.
Nicolas Laperruque https://www.road-story.com/
Un autre portrait https://www.retropassionautomobiles.fr/2020/03/interview-video-jean-do/