SYRENA – La petite sirène de Varsovie
Comme pour la plupart des pays d’Europe de l’Est, c’est après la Seconde guerre mondiale que la Pologne fera véritablement son entrée sur la carte du monde automobile. Le pays a alors enfin retrouvé son indépendance, en 1918, à la suite de l’effondrement de la dynastie des Romanov, du démantèlement d’une partie de leur immense empire. Toutefois, dans les années 1920 et 1930, principalement à Varsovie, plusieurs tentatives, plus ou moins longues et fructueuses suivant les cas (CWS, Pzinz, Stetysz,..), eurent lieu dans le but de créer une véritable industrie automobile polonaise. Même si certains connurent leur heure de gloire durant la période de l’entre-deux-guerres, leur production n’atteignent, le plus souvent, que quelques centaines d’exemplaires tout au plus. Tous disparaissent finalement avant le début de la Seconde Guerre Mondiale. En plus des constructeurs locaux, plusieurs autres grands constructeurs étrangers : General Motors (entre 1928 et 1939), Citroën (entre 1930 et 1935) et Fiat (entre 1931 et 1939) s’intéressèrent au marché automobile polonais et y implantèrent des usines d’assemblage. Parmi ces derniers, seul Fiat s’y installera de manière durable, et y connaîtra un réel succès avec ses modèles. Tout d’abord avec la 508, puis, entre autres, les 514, Topolino et 508 Ballila, vendues sous la marque Polski-Fiat qui, en dehors de quelques détails, étaient quasiment identiques à ceux assemblés en Italie, à Turin.
De tous les pays d’Europe de l’Est, la Pologne sera l’un de ceux qui seront les plus gravement touchés par la guerre. La capitale, Varsovie, sera d’ailleurs en grande partie détruite lors de sa prise par les troupes soviétiques. Comme celle-ci, la guerre a aussi détruit presque toutes les capacités industrielles du pays, parmi lesquelles l’usine qui assurait la production des Polski-Fiat. Lorsque, durant les premières années de l’après-guerre, le nouveau régime, mis en place par les Russes, s’attèle à la reconstruction du pays, l’un des objectifs est de reconstituer d’emblée une industrie automobile nationale. Un projet initié notamment par l’Automobile-Club de Pologne, qui compte en son sein des personnalités influentes, qui a constitué un lobby militant dans ce sens. Dans un premier temps, leurs efforts portent rapidement leurs fruits En effet, en avril 1946, le Conseil central pour la Motorisation, l’organisme d’Etat chargé d’étudier la question, vient d’être créé. Il met en place, d’une part, un nouveau système d’immatriculation pour les voitures et, surtout, annonce la création d’une nouvelle industrie automobile. Dans ce but, l’entreprise FSO (Fabryka Samochodow Osobowych, littéralement, Usine de Voitures Particulières en polonais) est établi à la fin du mois de décembre 1947. Comme une grande partie du public, le gouvernement polonais n’a pas oublié l’implication de Fiat au sein de l’industrie automobile du pays avant la guerre. L’idée initiale est donc, assez naturellement, de renouer un nouveau partenariat avec le constructeur italien : reconstruisant ainsi une nouvelle usine afin d’y produire de nouveaux modèles inspirés de ceux qui sont maintenant produits à Turin. Des contacts sont alors noués avec l’ancien partenaire italien et un accord pour la construction sous licence d’un nouveau modèle Fiat à partir de 1950 est signé fin juillet 1948. L’usine qui assure la fabrication des Polski-Fiat dans les années 30 ayant été totalement détruite pendant la guerre, il faut évidemment, avant d’envisager de pouvoir démarrer la production, construire une toute nouvelle usine. Dans ce but, en décembre 1948, un terrain est acquis sur la rive droite de la Vistule, dans le quartier de Zeran, non loin de la ligne de chemin de fer reliant Varsovie à Prague. Si les travaux de construction de cette nouvelle usine, débutés en mai 1949, sont menés à un rythme assez rapide, le nouveau contexte géo-politique de la Guerre Froide va toutefois conduire, assez rapidement, à l’abandon de ce projet (ou, plutôt, son ajournement).
Moscou faisant pression sur le gouvernement de Varsovie pour que celui-ci rompe tout contact, dans l’industrie automobile comme dans tous les autres domaines, avec les nations et partenaires « capitalistes ». En forme de « dédommagement » ou de « compensation », le « grand frère soviétique » offre son aide, logistique et matériel, pour la production en Pologne d’une version locale de la nouvelle « berline moyenne » russe, la GAZ M20 Pobieda, qui sera produite et vendue en Pologne sous le nom de Warszawa. Un accord est signé dans ce sens en janvier 1950. Plusieurs centaines de techniciens polonais étant formés par l’usine GAZ de Gorki afin de pouvoir en assurer la production. Le premier exemplaire de la version polonaise de la Pobieda sort d’usine en novembre 1951. Elle y sera produite durant plus de vingt ans, jusqu’en 1973.
Si la mise en production de la Warszawa permet progressivement au pays de se remotoriser, cette dernière reste encore bien trop chère pour la grande majorité des citoyens polonais. Comme dans le reste des pays du bloc communiste, le développement d’une véritable industrie automobile n’a jamais figuré parmi les priorités du gouvernement polonais. La voiture particulière est en effet souvent perçue comme un symbole capitaliste, dans les pays du bloc de l’Est, pour des raisons idéologiques et économiques. La faiblesse du pouvoir d’achat de la plupart des polonais limite, de toute façon, assez fortement les perspectives commerciales. Bien qu’étroitement surveillé (et muselé, au besoin) par la Police politique, le bras armé du pouvoir communiste, le public, par la voie de la presse, commence toutefois à s’élever pour critiquer le manque criant d’initiative de l’industrie. Le ministère concerné n’est alors pas épargné et les médias viennent bientôt réclamer l’étude et la mise en production d’une véritable voiture populaire qui soit accessible au peuple polonais. C’est pourquoi, en mai 1953, le gouvernement charge l’entreprise FSO, qui assure déjà, depuis 1951, la production de la Warszawa, de commencer l’étude d’un modèle de taille plus modeste. Comme c’est souvent le cas lors du lancement de l’étude d’une nouvelle voiture, le budget qui a été alloué par l’état polonais est assez limité. Ainsi, dans le but de réduire le plus possible les coûts de production, le bureau d’études de FSO décide de réemployer le plus grand nombre possible d’éléments provenant de la Warszawa. Un premier prototype, équipée d’une carrosserie quatre portes entièrement en acier, est réalisé durant l’été de la même année. Conformément au cahier des charges initial établi par FSO, celui-ci emprunte une partie des éléments de carrosserie du modèle existant : Les ailes, le toit, ainsi qu’une partie des portières. Si l’esthétique ne fait, évidemment, pas partie des critères prioritaires du projet de cette voiture populaire, il n’en reste pas moins que son style, assez lourd, est loin de faire l’unanimité. Sur le plan technique, la nouvelle petite voiture polonaise a, manifestement, puisé son inspiration du côté des DKW allemandes (lesquelles ont déjà inspiré les IFA produites en Allemagne de l’est). L’architecture mécanique de la nouvelle FSO repose donc sur le principe du moteur bicylindre à deux temps refroidi par eau. Placé en position longitudinale, accouplé à une transmission aux roues avant. Détail assez « amusant », ce moteur, affichant une cylindrée de 746 cc et une puissance de 22 chevaux, a été conçu, à l’origine, pour équiper une motopompe ! Si la transmission qui équipe cette nouvelle « voiture du peuple », tout comme certains points concernant sa mécanique (embiellage, cylindres et pistons en aluminium) font preuve d’une certaine modernité, d’autres, en revanche, comme la boîte de vitesses (construite chez IFA en Allemagne de l’Est), dont aucun des rapports n’est synchronisé. Elles commencent à apparaître anachroniques et trahissent bien la faiblesse des moyens avec lesquels doivent composer les ingénieurs polonais. En tout état de cause, ce premier prototype n’est pas jugé suffisamment convaincant. Il est donc abandonné. Un nouveau prototype est étudié et réalisé en quelques mois à peine, ses lignes ont été dessinées par Stanislaw Panczakiewicz, un vétéran de l’industrie automobile polonaise. Il a commencé sa carrière chez CWS dans les années 1920. Ce second prototype, présenté à la direction de FSO à la fin de l’été 1953, présente des lignes beaucoup plus modernes que le premier. On ignore si cette ressemblance est voulue ou si elle est le fruit du hasard, mais toujours est-il que ses lignes ne sont pas sans évoquer certains modèles de la production automobile de l’Ouest, notamment la Rosengart Ariette. En dépit d’un physique très moderne, les techniques de construction employées pour la nouvelle FSO, elles, le sont beaucoup moins, puisqu’elle utilise encore des méthodes issues de l’avant-guerre. Les panneaux de carrosserie, par exemple, sont recouverts d’une sorte de simili-cuir qui recouvrent une structure en bois. Là encore, FSO s’est inspiré de l’IFA F8 est-allemande, ainsi que des DKW des années 30. Autre point qui n’est guère moderne ni pratique, le coffre est dépourvu d’ouverture extérieure. Pour y accéder, il faut passer par l’habitacle, en abaissant le dossier de la banquette arrière. Du côté de la suspension, à l’avant, on retrouve des ressorts à lames transversales et des roues indépendantes et, à l’arrière, un essieu rigide complété par un unique ressort à lames transversal. Le tout complété par des amortisseurs hydrauliques. Le système de direction, à vis et galet, est emprunté à la Warszawa et les quatre roues bénéficient, quant à elles, d’un freinage hydraulique. Autre similitude avec les IFA de la R.D.A, comme sur celles-ci, le levier de vitesses est installé sur le tableau de bord.
En ce qui concerne le nom de baptême de la nouvelle voiture « populaire » polonaise, elle recevra, finalement, le nom de Syrena. Elle fait référence à la sirène qui figure sur les armoiries de la ville de Varsovie, qui, selon la mythologie polonaise, protège la ville ainsi que la rivière qui la traverse, la Vistule.
Le public découvre pour la première fois la Syrena à l’occasion de la 24ème Foire Internationale de Poznan en 1955. La voiture présentée n’est toutefois qu’un prototype et ce n’est que deux ans plus tard, en 1957, que les premiers modèles sortent enfin d’usine. Dans sa version initiale, le Type 100, la Syrena n’est toutefois construite qu’à un nombre très faible d’exemplaires : un peu moins de 4 900, alors que, la même année, FSO produit pas moins de 10 000 Warszawa. La raison de cette production réduite est son mode de fabrication, qui reste encore très artisanal : les carrosseries sont réalisées entièrement à la main. Malgré une production qui augmente sensiblement au fil du temps (deux cents exemplaires construits en 1957 et six cents en 1958), les cadences de production restent encore faibles et, de toute façon, bien en deçà de la demande et des besoins des automobilistes polonais. Si l’installation, à l’automne 1958, de chaînes de montage pour l’assemblage de la Syrena permet à celle-ci de quitter enfin le stade artisanal, les cadences de production restent néanmoins à cent voir à mille lieux de celles en vigueur chez les constructeurs occidentaux : Trois mille voitures produites en 1959 et quatre mille en 1960, alors qu’à la même époque, quinze mille exemplaires de la Warszawa sont produits chaque année. Fin 1959 apparaît une nouvelle version de la Syrena, dénommée Type 101 ; Celle-ci ne diffère du modèle originel que par quelques détails esthétiques (notamment des roues de 15 pouces au lieu de 16) et des modifications d’ordre technique (boîte de vitesses améliorée avec les deux rapports supérieurs désormais synchronisés, un nouveau carburateur et une nouvelle pompe à essence qui permettent de faire passer la puissance de 22 à 27 chevaux), ainsi que de nouveaux amortisseurs.
Au début du printemps 1962 est présenté la troisième version de la Syrena, baptisée, en toute logique, Type 102. Ce nouveau modèle se reconnaît à ses baguettes latérales sur les flancs ainsi qu’à la peinture deux tons qui décorent sa carrosserie. Chaque voiture reçoit, de toute façon, un toit de couleur beige, quelle que soit la teinte de la carrosserie. Sur le plan technique, la nouvelle Syrena bénéficie surtout d’une installation électrique entièrement revue. Ainsi, le bouton installé sur le tableau de bord qui commandait auparavant le démarreur est maintenant remplacé par une clé de contact. La planche de bord est désormais équipée d’un système d’éclairage qui s’enclenche automatiquement quand les phares sont allumés. Toujours dans l’habitacle, des sièges avant sont maintenant installés à la place d’une banquette, et le frein à main se situe désormais sous le tableau de bord (auparavant à gauche du siège avant). L’arrière de la voiture reçoit, lui, l’adjonction d’un feu de recul et le coffre, qui est maintenant accessible de l’extérieur, voit son volume augmenté de 30% grâce au changement de l’emplacement de la roue de secours. En 1963, la gamme s’enrichie d’une autre version, baptisée 102 S, dont l’unique différence par rapport à la 102 « normale » se situe sous le capot. Le bicylindre original est remplacé par un trois cylindres de 991 cc emprunté à la Wartburg est-allemande. Cette version n’aura toutefois qu’une existence éphémère, puisqu’elle disparaîtra à la fin de l’année 1963, après moins d’un an d’existence et 141 exemplaires produits.
Au début de l’automne 1963, nouveau changement au sein de la gamme Syrena, avec l’arrivée des Syrena 103 et 103 S. Extérieurement, elles se distinguent par leur face avant modernisée : nouvelle calandre grillagée de forme ovale et clignotants de grandes dimensions placés sous les phares. Le moteur de la 103, toujours à deux cylindres, reçoit, lui, une série d’améliorations techniques, qui, si elles portent la puissance de 27 à 30 chevaux, ne modifient toutefois pas la vitesse de la voiture, qui reste toujours de 105 km/h. En 1966, après trois ans de carrière et environ 30 000 exemplaires (auxquel il faut ajouter la Syrena 103 S, avec moins de 400 exemplaires, tous produits en 1964), le Type 103 quitte à son tour la scène pour être remplacé par la Syrena 104. Comme pour toutes les autres versions qui l’ont précédé, ce « nouveau » modèle n’est, en réalité, qu’une évolution plus ou moins profonde de la version précédente. Les changements, en tout cas sur le plan mécanique, sont néanmoins plus importants : Le bicylindre qui équipe la Syrena de 1953 est maintenant remplacé par un nouveau moteur trois cylindres de 842 cc développant 40 ch. Il permet de faire passer la vitesse de pointe à 120 km/h. De plus, la boîte de vitesses est, à présent, entièrement synchronisée, le système de refroidissement et de chauffage a été amélioré et la capacité du réservoir d’essence a été augmentée (passant de 33 à 40 litres). Concernant l’esthétique ainsi que les aspects pratiques, la Syrena 104 reçoit aussi de nouveaux pare-chocs ainsi qu’un bouchon de réservoir fermant à clé.
Au milieu des années soixante, bien que ses chiffres de production apparaissent encore relativement modestes (En tout cas en comparaison avec ceux des modèles populaires des constructeurs occidentaux), avec un peu plus de 13 300 exemplaires produits en 1966, ceux-ci se rapprochent enfin du niveau de ceux de la Warszawa (produite à environ 17 700 exemplaires cette année-là). Trois ans plus tard, en 1969, pour la première fois depuis son lancement, la production de la Syrena dépasse celle de sa « grande soeur » (qui n’atteint plus, elle, qu’un peu plus de 17 600 exemplaires cette année-là). La Syrena peut d’ailleurs s’enorgueillir d’être alors la voiture polonaise la plus produite. La nouvelle Polski-Fiat 125 P ; présentée en 1967, n’a pas encore atteint sa production optimale (environ 14 700 exemplaires en sont toutefois produits en 1969).
La Syrena 104, de son côté, cède sa place, en 1972, à celle qui sera la sixième et aussi la dernière génération du modèle, la Syrena 105. Cette ultime représentante de la lignée se reconnaît notamment à ses portières qui s’ouvre (enfin) dans le « bon sens ». Le modèle abandonnant finalement, après une carrière déjà longue de près de vingt ans, ses antiques portières s’ouvrant à contre-sens de la marche (Une réminiscence des voitures d’avant-guerre qui, même en Pologne ou dans les autres pays du bloc de l’Est, commençait à apparaître fortement anachronique).
On peut d’ailleurs dire qu’elle commence esthétiquement à accuser son âge, en comparaison avec les modèles plus récents de la production automobile polonaise ou des autres pays d’Europe de l’Est : la Polski-Fiat, la Trabant, la Dacia 1300 (cousine roumaine de la Renault 12), les Skoda 100 et 110, la Zaparojets, la Moskvitch ou encore la Wartburg. À son lancement, au début des années cinquante, ses concepteurs ne prévoient sans doute pas à une telle longévité pour la Syrena. Au cours de toutes ces années, plusieurs prototypes sont pourtant réalisés par le bureau d’études de FSO pour lui succéder. Aucun d’eux ne recevra, malheureusement, le feu vert des autorités polonaises pour sa commercialisation. Ces projets inaboutis expliquent la longue carrière que connaîtra la Syrena, qui s’étale sur pas moins de trois décennies. Comme on l’a dit, le renouvellement des modèles de la production automobile n’a jamais figuré parmi les priorités du pouvoir politique au sein des républiques communistes. Ce peu d’intérêt de la part des gouvernants de l’époque et leur immobilisme, qui ont pour effet de « figer », en grande partie, l’évolution des voitures produites à l’Est. Une fois que le mur de Berlin tombé, à l’automne 1989, ce manque d’évolutions se retournent contre FSO. Ses modèles, produits du temps du communisme, souvent commandités par le pouvoir en place, deviennent alors le symbole d’une époque honnie au moment où l’Europe de l’Est se démocratise. La grande majorité des citoyens des pays de l’ancien bloc communiste veulent désormais les oublier. En conséquence, beaucoup d’entre-elles connaissent, à partir des années 1990 une longue « traversée du désert » qui, pour certains, durent encore aujourd’hui. Heureusement pour elle, la Syrena, de son côté, est finalement sortie du purgatoire. Si son « aura » au niveau international n’est peut-être pas aussi grand que celui dont bénéficie d’autres voitures de l’Est, comme la Trabant est-allemande ou les Tatra tchécoslovaques, la Syrena n’en est pas moins considérée, de nos jours, en Pologne, comme une voiture culte.
En 1972, au moment où la dernière évolution de la Syrena entre en scène, la production de la Polski-Fiat, qui prend de plus en plus d’importance au sein de l’usine de Zeran, conduit la direction de FSO à faire transférer sa production au sein de l’usine de Bielsko-Biala, dans le sud-est du pays. Au total, depuis sa présentation en 1953, la Syrena aura été assemblée sur le site de Zeran à un peu plus de 177 000 exemplaires (dont 113 689 pour la version 104). Construite au départ pour la seule production de la Syrena, l’usine FSM (pour Fabryka Samochodow Malolitrazowych, ou Usine de Voitures Economiques en polonais) devra toutefois, à partir de 1973, partager ses chaînes de production avec la nouvelle Fiat 126.
Tout comme la Polski-Fiat 125, la production de cette petite citadine italienne (qui sera la dernière Fiat à moteur arrière) est le résultat d’un accord passé entre le constructeur italien et le gouvernement de Varsovie. Présentée au Salon de Turin en octobre 1972, elle commencera à être produite sous licence en Pologne au début de l’été suivant. Si, dans les premières années de sa carrière, elle est construite à la fois chez Fiat et chez FSM, il ne s’agit toutefois que d’une situation transitoire. En effet il est d’emblée prévu qu’elle soit à terme uniquement produite en Pologne. Ce qui sera le cas à compter de 1979. La production de la 126 augmentant sensiblement au fil des années, celle de la Syrena, elle, commencera progressivement à diminuer. Même si, au sein des pays du bloc de l’Est, la production automobile vieillie, d’une certaine façon, moins vite que dans les pays occidentaux, il est clair qu’avec, maintenant, qu’avec quasiment vingt ans d’âge au compteur, la Syrena est arrivée en bout de développement. Sa carrière, à court ou moyen terme, s’achèvera alors bientôt. Ce qui ne l’empêchera pourtant pas, au bout du compte, de continuer à être produite pendant encore onze ans, jusqu’en 1983.
En 1972, peu de temps avant que sa production soit transférée de Zeran à Bielsko-Biala, le catalogue de la Syrena s’enrichit de deux nouvelles variantes de carrosseries. Il s’agit de deux versions à vocation utilitaire, un pick-up et une fourgonnette vitrée. Curieusement, ces modèles, dont la partie arrière a été allongée de 20 cm, sont encore établis sur la base de l’ancienne version de la Syrena, la 104 (dont la production de la version de tourisme vient alors d’être arrêtée) et conserve donc les portières s’ouvrant dans le « mauvais sens » (d’avant en arrière). Elles adopteront toutefois, dès l’année suivante, les portières de la 105, s’ouvrant, elles, dans le bon sens.
Comme mentionné plus haut, si sa carrière n’a durée pas moins de trente ans, le modèle, en dépit de sa longévité, n’a connu finalement que peu d’évolutions, tant sur le plan esthétique que pour les différentes carrosseries disponibles au catalogue. En ce qui concerne le niveau de finition, on notera tout juste l’apparition, à partir du printemps 1974, d’une version Luxe qui se distingue par une sellerie plus cossue, un levier de vitesses et un frein à main au plancher ainsi qu’un double circuit de freinage.
Parallèlement aux modèles de série, le bureau d’études de FSO étudie plusieurs autres versions « spéciales » sur base de la Syrena. La plus intéressante d’entre-elles se présente sous la forme d’un élégant coupé équipé d’une carrosserie en fibre de verre. Cette Syrena Sport ne reprend pas le moteur de la Syrena de série mais reçoit un quatre cylindres à quatre temps, spécialement conçu pour elle. Créé en 1960, ce coupé, malgré des lignes indéniablement réussies, ne connaîtra, malheureusement, aucune suite en série.
De lignes moins « attrayantes » mais d’une utilisation sans doute plus pratique, la version break à trois portes de la Syrena reste, elle aussi, un prototype sans lendemain. Concernant la version Coupé, le pouvoir politique de l’époque a dû certainement juger que, par ses lignes, par sa vocation, ce modèle incarne trop le « capitalisme décadent » et que le peuple n’a que faire d’une telle « voiture de play-boy. Si cela n’est ainsi guère étonnant concernant le Coupé, il peut sembler curieux que le Break Syrena, lui, n’ait en revanche droit à aucune production en série. D’autant qu’il fait montre d’un aspect pratique indéniable : il peut embarquer jusqu’à sept personnes, grâce à ses trois rangées de sièges, ou jusqu’à 480 kg de marchandises. De plus, ce genre de carrosseries existent déjà sur d’autres voitures de l’Est, comme les Skoda en Tchécoslovaquie ou les Trabant en Allemagne de l’Est. Ces versions y connaissent un assez grand succès. La raison pour laquelle le gouvernement ne donne pas son feu vert à sa mise en production est d’autant plus difficile à comprendre que les régimes communistes sont plutôt favorables au développement des véhicules utilitaires.
En 1964, les ingénieurs et les stylistes du bureau d’études de FSO présentent le prototype d’une voiture à trois portes aux lignes très modernes destinée à remplacer, dans un proche avenir, la Syrena. Radicalement différentes et en rupture totale avec celles de sa devancière, ce projet, baptisé Syrena 110. Il fait preuve d’une modernité étonnante, surtout pour une voiture des pays de l’Est et nul ne se doute qu’en observant sa carrosserie, qu’il date de la fin des années soixante. Par bien des côtés, il annonce nettement le développement des « super-citadines » qui commenceront à être en vogue dans les pays d’Europe occidentale dans le courant des années 1970. Ses courbes, notamment celles de sa partie arrière, évoquent fortement celles de la future Renault 5, qui ne sera pourtant dévoilée au public que cinq ans plus tard. Le modernisme de ses lignes ne s’est toutefois pas étendu à la partie technique ; sous le capot, c’est toujours le moteur deux temps de la Syrena 105. Une version pourtant plus moderne, équipée d’un quatre cylindres de 1000 cc inédit, déjà étudié en 1964, pour le projet d’une version modernisée a été aussi prévue. À l’époque, le lancement, à peine un an plus tôt de la Polski-Fiat a, malheureusement, pour effet de mettre fin à ce projet, pourtant très prometteur. Le gouvernement polonais estime, en effet, que ce nouveau modèle est suffisant pour répondre aux aspirations de ceux qui souhaitent une voiture plus moderne que la Syrena ou la Warszawa et qu’il est donc inutile d’investir dans la conception et la construction d’un modèle entièrement nouveau.
À la fin des années 60, dans l’intention de moderniser la Syrena, le bureau d’études conçoit aussi une carrosserie en plastique, d’un dessin entièrement nouveau. Ce prototype, baptisé Syrena Laminat, fut réalisé en quatre exemplaires, mais, là, aussi, le projet finit par être abandonné.
Le dernier est pour un modèle destiné à remplacer la Syrena, étudié en 1971. Malgré le veto mis par le gouvernement polonais à l’idée d’une nouvelle citadine moderne à trois portes, cette étude a, manifestement, donné quelques idées aux stylistes du bureau d’études de FSO pour une nouvelle version de la Syrena. Ces derniers réalisent alors une version « hatchback » (nom de code 105 F) dotée d’une partie arrière entièrement redessinée intégrant un hayon ; En dépit du fait que ce projet ne nécessite pourtant qu’un investissement limité, lui non plus n’entrera pas en production.
Le 15 juillet 1983, le dernier exemplaire de la Syrena 105 quitte l’usine de Bielsko-Biala, mettant ainsi fin à la production de celle qui fut pendant longtemps la plus populaire des voitures polonaises. Au total, toutes versions confondues, 521 311 exemplaires de la Syrena ont été produits durant ses trente ans de carrière.
Texte: Juan Moreno
Photo DR
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