Maserati A6 GCS de 1955, la Bella Machina
Maserati A6 GCS de 1955, la Bella Machina
Alors que la marque au trident célèbre son premier centenaire, nous avons eu le privilège d’approcher l’une des biplaces Maserati les plus emblématiques, la A6 GCS de 1955. Zoom sur une machine bouillante dont le cœur vibre sur le tempo du chrono.
Texte Guillaume Waegemacker, photos Xavier de Nombel
« Je l’ai achetée lors d’une vente aux enchères à Monaco. Elle porte le numéro de châssis 2 087 et a notamment participé aux Mille Miglia le 1er mai 1955 aux mains d’Attilio Buffa, » annonce le propriétaire. Orchestrée par l’Automobile Club de Brescia, cette épreuve de légende qui se déroulait sur route ouverte ne ménageait pas les équipages puisqu’elle s’échelonnait sur 1 597 km. L’édition 1955 sera remportée par la Mercedes-Benz 300 SLR de Stirling Moss et Denis Sargent Jenkinson qui bouclent l’épreuve en dix heures, sept minutes et quarante-huit secondes. La première Maserati A6 GCS dans le classement est celle de Francesco Giardini qui se hisse à la 4e place au général. Quant à “notre” A6 GCS, elle abandonne après six heures, trois minutes et quatre secondes. Pour l’édition 1956, Attilio Buffa est de nouveau sur la ligne de départ avec la 2 087 sous le numéro 344, mais cette participation se soldera à nouveau par un abandon. Les années suivantes, la voiture continue de courir. Elle est modernisée, avec une face avant remaniée, dotée de phares sous bulles comme cela se faisait beaucoup. Ainsi modifiées, les petites A6 s’approchaient du style des 300 S. Lorsque la voiture est restaurée une première fois par un propriétaire britannique, elle retrouve son allure d’origine avec les phares droits. C’est dans cette configuration que son propriétaire actuel en fait l’acquisition. Pilote chevronné, il participe à de nombreuses épreuves historiques. Plusieurs éditions des Mille Miglia, Le Mans Classic bien sûr, mais aussi les Grand Prix de Malte et de Tunis. « C’est une auto agile et très équilibrée. L’A6 GCS est une voiture qu’on fait glisser des quatre roues sans appréhension. J’ai eu l’occasion de piloter une 300 S à différentes reprises et mon expérience sur ces deux modèles penche en la faveur de la petite A6 GCS qui est nettement plus vive. Cela étant, la 300 S demeure une auto racée et particulièrement intéressante » rassure le propriétaire de l’A6 GCS.
Configuration “Mille Miglia 1955”
Après avoir bien profité de son A6 GCS dans de nombreuses épreuves historiques, le propriétaire va décider de la restaurer en remettant cette pièce historique dans sa livrée du temps des Mille Miglia. L’opération sera réalisée par un atelier renommé du Grand Ouest. « Quand je l’ai achetée, elle avait un pare-brise bas qui protégeait pilote et passager. Grâce à des documents d’époque, j’ai pu la faire remettre dans sa version “monoposto”, avec juste un saute-vent caréné côté pilote. Il est complété dans sa fonction par un appuie-tête profilé en aluminium qui vient chevaucher la malle arrière. Connaissant la valeur patrimoniale de cette auto, je n’envisage plus de l’engager en compétition, mais davantage en démonstration. Les épreuves historiques sont risquées et éprouvantes pour les autos authentiques. » Vous l’avez perçu, le possesseur de l’auto est un “pur”. En effet, rares sont les collectionneurs de voitures historiques qui appliquent cette démarche. En effet, une voiture de compétition préservée dans sa configuration d’origine est un témoignage qui doit être transmis aux générations futures. Avec les contraintes qu’imposent aujourd’hui les épreuves historiques, les autos sont parfois dénaturées et perdent peu à peu leur authenticité au gré des accrochages, des modifications et des concessions à la sécurité.
Un souvenir de Dinky
Comme tous les fanas de miniatures automobiles, j’ai découvert l’A6 GCS par l’intermédiaire de son modèle Dinky Toys qui inaugurait la fameuse Série 24. Approcher une telle auto à l’échelle 1 provoque une belle émotion à tous ceux qui s’intéressent à la compétition. Les lignes de la voiture respirent la rigueur et l’efficacité. Fait d’un treillis tubulaire en acier, le châssis poids plume assure néanmoins une grande rigidité. Doté d’un bloc en alliage léger, le moteur est un six cylindres de 1 983 cm3 qui développe 170 chevaux. La structure de la carrosserie, en fins tubes d’acier, est coiffée d’une peau en aluminium. Sur la balance, l’auto n’excède pas 740 kg. Les roues fils sont signées Borrani, l’un des plus grands spécialistes en la matière. Le freinage est assuré par des tambours à l’avant et à l’arrière. La planche de bord en aluminium poli accueille une instrumentation Jaeger avec, de gauche à droite, un indicateur de température du liquide de refroidissement, un compte-tours gradué jusqu’à 8 000 tours/minutes et un manomètre de pression d’huile. Le volant à trois branches en aluminium, a une jante en bois comme le veut la tradition des gentlemen drivers. Très court et d’une seule pièce, le levier de commande des vitesses émerge d’une grille de sélection en laiton brut. Alors que la voiture évolue sur la piste, le son du six cylindres est encore un grand moment d’émotion qui fait ressortir le caractère de cette Maserati pleine de vivacité.
De l’A6 G à l’A6 GCS
Dérivée d’une auto expérimentale à moteur six cylindres de 1 500 cm3, l’A6 G est conçue pendant la seconde guerre mondiale par Ernesto Maserati et Alberto Massimo. La A6 G voit le jour en 1947. À cette époque, le sport automobile a le vent en poupe et la renaissance des Mille Miglia s’avère prometteuse. C’est d’ailleurs à l’occasion de cette épreuve que l’A6 G débute en compétition en juin 1947. Alberto Massimo la fait rapidement évoluer, pour en faire une biplace à ailes séparées pouvant concourir à la fois en F2 et en catégorie Sport. Ce nouveau modèle se nomme A6 GCS, les lettres C et S correspondant respectivement à Corsa et Sport. En concurrence directe avec la Ferrari 166 SC réalisée suivant le même concept, la A6 GCS est trop lourde pour être compétitive en F2, tout comme sa concurrente directe d’ailleurs. Chez Maserati, on travaille maintenant à une véritable monoplace, la A6 GCM. Alors que les épreuves réservées aux deux litres Sport fleurissent à travers l’Italie, une évolution de la biplace A6 GCS est mise en œuvre. Dotée du moteur six cylindres à deux arbres à cames en tête de la A6 GCM, la nouvelle A6 GCS va recevoir une carrosserie de barquette, fine et légère, dessinée par Gioacchino Colombo. Les premiers exemplaires sont carrossés par Medardo Fantuzzi et les modèles de la série suivante sont habillés dans l’atelier de Celestino Fiandri. Plusieurs de ces voitures appartenant à la – petite – série des A6 GCS sont aussi carrossées par de grands couturiers transalpins de l’époque : Frua, Vignale ou Pinin Farina. En 1954, au moment de l’arrivée de la 250 F, l’A6 GCS subit de légères évolutions techniques et reçoit notamment un différentiel à glissement limité. La production du modèle s’établira à cinquante deux unités. Les derniers exemplaires sont produits au cours de l’année 1955, où apparaissent deux nouveaux modèles, la 300 S et la 150 S. Une nouvelle ère s’amorce.
Merci au propriétaire de cette barquette pour sa patience. Son A6 GCS est en bonnes mains
Texte Guillaume Waegemacker, photos Xavier de Nombel
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