Renault 4 CV découvrable 1955, quatre places au soleil
Ça vous branche une virée en 4 CV découvrable ? Alors pourquoi pas à la découverte de la côte nord finistérienne, à bord de la petite puce jaune de Claude Le Maître, président d’honneur de la Société d’Histoire du Groupe Renault ?
Guillaume Waegemacker, photos Frédéric Veillard
« J’étais haut comme trois pommes quand j’ai accompagné mon père au salon de l’auto 1946 sous les verrières du Grand Palais. C’est là que j’ai découvert une drôle de petite auto sur le stand Renault : la nouvelle 4 CV. Toute jaune, c’était en quelque sorte la bombe du salon et ça m’a marqué. Claude Le Maître, propriétaire de la fringante découvrable est un historien reconnu et un collectionneur averti. Il a un losange dans le cœur et est complètement passionné par l’aventure automobile de Renault. Claude a présidé aux destinées de la Société d’histoire du groupe Renault pendant dix-sept ans. Je travaillais dans un cabinet d’architecture dont Renault était client. C’est ainsi que j’ai fait la connaissance de Gilbert Hatry, un homme pointu sur l’histoire de la firme. En toute amitié, nous avons eu le plaisir d’écrire ensemble plusieurs ouvrages liés à la marque. » Avec son épouse Joëlle, Claude savoure sa 4 CV dès le premier rayon de soleil et depuis les premiers tours de roues de sa seconde vie, la petite découvrable a déjà parcouru 40 000 kilomètres sans broncher.
Agile et conviviale
La 4 CV attend sur le port de Lampaul-Plouarzel. Reflétant les nuages nacrée du ciel breton, les chromes de la voiture surlignent sa bouille caractéristique. D’un appel de phares, la 4 puces m’invite à bord. Le siège m’accueille en toute simplicité, avec un confort relatif. La planche de bord en tôle peinte n’a qu’un seul cadran à oreilles qui rassemble tachymètre, compteur kilométrique, thermomètre d’eau, témoins lumineux de pression d’huile et de charge et jauge à essence. Les trois pédales rondes surprennent par le petit diamètre. Légèrement décalé vers la droite, le pédalier ne ménage pas la colonne vertébrale. Après avoir mis la voiture sous tension, je lève la grande tirette du démarreur, à droite à côté du changement de vitesses. Le quatre cylindres s’éveille. Le levier de vitesses au plancher dispose d’une grille classique, mais avec néanmoins la première en bas à gauche, face à la marche arrière. Il n’y a que trois rapports. La seconde est en haut à droite et troisième en bas à droite. Très approximatif dans son maniement, le levier accuse un débattement important. Cela n’empêche pas l’auto d’être agile. La 4 CV se faufile d’un virage à l’autre avec aisance. Si le moteur n’est pas un foudre de guerre, il témoigne néanmoins de reprises convaincantes. Bien entendu, il n’est pas question de chercher la performance, mais de savourer la conduite d’un modèle rare et attachant. Survireuse par nature, la quatre pattes a une direction étonnamment sensible. Assurée par des ressorts hélicoïdaux et quatre amortisseurs hydrauliques, la suspension est plutôt sèche. Côté freinage, c’est plutôt convaincant. En dépit d’une garde au sol assez basse, cette icône des Trente Glorieuses est sensible au vent latéral. Mais tout se passe dès lors qu’en bon Breton on a le pied marin et l’âme d’un Cap-hornier ! Trêve de plaisanterie, l’auto est en fait aisément maîtrisable dès qu’on cherche à la comprendre. Il n’y a pas d’ambiguïté dans son comportement. Elle est dans son élément entre 70 et 80 km/h. Ayant déjà eu l’occasion de conduire des 4 CV équipées du 747 cm3 d’origine, j’apprécie le punch et la souplesse du “Coup de fouet” Dauphine qui permet de gravir les côtes en troisième. À quatre à bord, la découvrable se savoure sans modération, qu’il s’agisse d’un pique-nique en famille, d’une ballade en bord de mer, d’un rallye ou d’un concours d’élégance. La petite auto est à son aise en toutes circonstances. Fiable et facile d’entretien, la 4CV découvrable est aussi élégante et représente un excellent compromis.
“Coup de fouet” Dauphine et “Motte de beurre”
Elle est arrivée chez Claude en épave le 12 novembre 1976, soit plus de trente ans après son premier contact avec la 4 pattes. « Elle n’était pas très engageante quand je l’ai récupérée. Bariolée en bleu roi et blanc, elle avait été rapiécée de partout par le précédent propriétaire pour être maintenue en état de marche. L’aile avant droite et le bord supérieur droit avaient souffert d’un accident de la circulation, mais l’infrastructure était relativement saine. Quant à la capote, elle était bricolée de bric et de broc. Elle ne fermait plus et avait été retaillée dans une bâche de camion et sur des arceaux tordus. Le travail de tôlerie a été pris en charge par un de mes amis orfèvre en la matière : Jean Tournet. Au marteau et au tas, Jean va transformer la citrouille en carrosse. L’intervention la plus délicate sera la remise en état de la bordure supérieure de la voiture. Opérer avec un vérin était impossible à cause de la déformation du montant central. L’ami Jean a dû dépointer toute la doublure intérieure et ses quatre-vingt quinze points. Comme une découvrable est toujours dotée d’une double cloison, un second dépointage sera effectué dans la foulée, ce qui représente en tout deux bons jours de travail. À l’issue de ce pensum la bordure était enfin accessible pour un planage et une remise en ligne parfaits. Au fil du démontage, on va découvrir la teinte d’origine, le Vert Tribord 956. Les séances de ponçage m’ont fait mesurer le travail des carrossiers, lâche Claude avec un grand sourire. Cela étant, il y a un troisième mousquetaire, Emmanuel Cognet, qui va se pencher sur la mécanique. Vu de l’état de l’ensemble, les 40 000 kilomètres affichés laissaient penser que l’auto avait déjà fait un tour de cadran.
Quand nous remettions la voiture en état, Pierre Le Moal, un de mes amis du Club des Anciennes Renault d’Ile de France, m’a donné une épave de berline avec toit ouvrant. J’ai pu prélever sur cette voiture un ensemble moteur-boîte-pont qui avait peu de kilomètres. Lors de la remise en ordre de la mécanique, nous en avons profité pour installer le fameux “coup de fouet” Dauphine. C’est un kit qui était commercialisé par Renault pour passer la cylindrée à 845 cm3. Il se compose d’un jeu de cylindres et de pistons. Si les pièces de tôlerie étaient introuvables, ce n’était pas forcément le cas de certains éléments périphériques. La boîte de vitesses et le pont ont néanmoins été vérifiés. Seuls les synchros de boîte étaient usagés. Dans la foulée, nous avons changé mécanisme et disque d’embrayage. Moteur, boîte de vitesses et pont vont reprendre leur place petit à petit, mais il restait encore les accessoires, la sellerie, la capote et la peinture. » Pour la couleur, Claude choisit, en accord avec Joëlle, le Jaune Tournesol Renault, référence 308. À l’époque, cette teinte habille déjà la Renault 4 GTL de Madame. Pour Claude, il y avait sans doute une pointe de nostalgie là-dedans puisque la 4 CV qu’il avait vue depuis les épaules de son père était du même jaune, d’où son surnom de l’époque “la motte de beurre”. Pour la sellerie, Claude s’accordera quelques petites libertés avec l’origine en adoptant un simili cuir noir en adéquation avec la teinte de carrosserie. Le remontage s’est ensuite échelonné sur plusieurs semaines en fonction des disponibilités de chacun. Claude a aussi eu la chance de mettre la main sur un jeu d’enjoliveurs à rayons Robergel. « Alors que la voiture était en cours de finition, j’avais téléphoné à tout hasard chez ce fabricant d’accessoires. Le magasinier qui m’a répondu qu’il devait se débarrasser de son énorme stock d’accessoires qui datait des années 50 et j’ai eu les enjoliveurs pour cent francs. »
Renault 4 CV découvrable 1955, quatre places au soleil
Octobre 1948, la découvrable entre en scène
Présentée au grand public au salon de Paris 1948, la découvrable est préparée par la SAPRAR, filiale de la Régie Renault. Exposée de concert avec la berline Luxe, la Luxe Découvrable reçoit pour le salon des pare-chocs épais et des jantes chromées. Élégante, cette version donne une image coquette et féminine à cette auto populaire. Non encore au catalogue, la nouvelle version – qui n’est pas encore définitive – recueille tous les suffrages. L’année suivante, la découvrable est de nouveau au salon et est cette fois disponible au catalogue de la Régie sous l’appellation Décapotable. La Décapotable 4 CV est systématiquement pourvue de la nouvelle finition Grand Luxe. Elle dispose donc du moteur de 21 ch et des accessoires spécifiques comme le phare antibrouillard et les enjoliveurs d’ouïes arrière. En 1951, la 4 CV adopte un nouveau cadran à oreilles sur la planche de bord. Il remplace le rudimentaire cadran en fer à cheval des modèles précédents. En 1954, la 4 CV change de look : la face avant dispose désormais de trois barrettes larges au lieu de six fines. Et en avril 1954, l’on fête la 500 000e 4 CV. En octobre 1956, la petite Renault reçoit une nouvelle planche de bord avec une instrumentation installée derrière le volant. Un embrayage automatique Ferlec rejoint la liste des options. 1957 sera la dernière année de commercialisation de la décapotable Grand Luxe. La carrière de cette version s’achève avec une production de 9518 exemplaires. À partir d’août 1957, la 4 CV est équipée de jantes à voiles pleins et le 6 juillet 1961, elle tire sa révérence avec une production globale de 1 105 547 exemplaires. La 4 CV laisse désormais la place à une nouvelle gamme d’autos à traction avant qui se nomment R3, R4 et R4 L. Une nouvelle ère commence.
Fiche technique 4CV découvrable 1955
MOTEUR
4 cylindres en ligne disposé longitudinalement en porte-à-faux arrière, bloc en fonte, culasse en aluminium, chemises humides amovibles, vilebrequin à 3 paliers. Graissage sous pression par pompe à engrenages.
Alésage x course (mm) : 58 x 80 (configuration “coup de fouet” Dauphine)
Cylindrée : 845 cm3
Distribution : arbre à cames latéral, soupapes en tête commandées par tiges et culbuteurs
Alimentation : un carburateur Solex 22 BIC
Refroidissement par eau avec pompe, ventilateur et radiateur
Allumage : 6 volts par batterie, bobine et distributeur
TRANSMISSION
Roues arrière motrices
Embrayage monodisque fonctionnant à sec
Boîte de vitesses à 3 rapports
Rapport de couple : 4.72
CARROSSERIE / SUSPENSION / FREINAGE
Carrosserie monocoque en acier
Suspension avant indépendante par quadrilatères déformables transversaux, ressorts hélicoïdaux et amortisseurs télescopiques
Suspension arrière indépendante par demi-essieux oscillants, ressorts hélicoïdaux et amortisseurs hydrauliques télescopiques
Direction à crémaillère
Freins à tambours à commande hydraulique sur les 4 roues, frein à main mécanique sur les roues arrière
Pneumatiques : 135 x 380
DIMENSIONS / PERFORMANCES
Longueur : 3,60 m
Largeur : 1,43 m
Hauteur : 1,48 m
Voies avant et arrière : 1,19 m
Empattement : 2,10 m
Vitesse maximale : 90 km/h
Mille mercis à Claude et Joëlle Le Maître pour leur accueil et leur disponibilité lors de ce reportage.
Guillaume Waegemacker, photos Frédéric Veillard
Une autre histoire de Renault ici : https://www.retropassionautomobiles.fr/2020/04/renault-riffard/
Visiter Road-Story : https://www.road-story.com/