CHEVROLET CAMARO -Kill the Mustang !
Initiée par Lee Iacocca en 1964 avec la première génération de la Ford Mustang, les ingrédients essentiels et la recette à suivre pour créer une pony-car sont, finalement, assez simples. Et la recette, si elle est bien cuisinée et préparée avec les bons ingrédients, est d’autant plus simple à réaliser et d’autant plus rentable pour un constructeur que, sur de nombreux points, celui-ci n’a, au final, même pas besoin de partir d’une feuille blanche pour la créer. Il lui suffit simplement de prendre un simple modèle familial de taille compacte il n’y a d’ailleurs même pas besoin qu’il s’agisse d’un coupé à la base, une brave berline pouvant tout aussi bien faire l’affaire, l’important étant, avant tout, que son châssis présente un empattement suffisamment long pour pouvoir accueillir quatre personnes adultes dans le meilleur confort possible, de l’habiller d’une nouvelle carrosserie aux lignes inédites, qui, tout en offrant un habitacle avec une grande habitabilité, offrira également un style à la fois moderne et agressif pour séduire la jeunesse américaine.
Il ne s’agit donc pas ici en tout cas à la base de créer une véritable voiture de sport destiné à brûler du bitume au feu rouge, mais bien une voiture à caractère familiale avec, simplement, la ligne d’une sportive afin de la rendre plus valorisante aux yeux des acheteurs que les classiques berlines medium et full size dans lesquelles roulent leurs parents. Pour mieux séduire les clients de la jeune génération et afin aussi de leur permettre de mieux se différencier de ces derniers ainsi que de se différencier de leurs voisins ou de leurs camarades d’université le pire, à leurs yeux, après avoir tout juste acheté le nouveau modèle à la mode, serait de croiser le même exemplaire, à l’identique, sur le parking du terrain de base-ball, du drive-in ou du cinéma du coin -, une liste d’équipements littéralement longue comme le bras, leur permettant ainsi d’avoir la garantie de posséder une voiture quasiment « unique ». Une liste d’options qui ne concerne d’ailleurs pas que les équipements de confort ou la décoration intérieure et extérieure, mais également les motorisations et les transmissions. Chaque acheteur pouvant ainsi créer et s’offrir la voiture qui correspond le mieux à ses goûts ainsi qu’à ses besoins et à son style de conduite. C’est cette recette que Iacocca a appliqué à la Mustang, avec le succès que l’on sait.
Un succès qui hormis peut-être son créateur a surpris quasiment tout le monde, surtout au sein de la concurrence. Chez Chevrolet, qui est, à l’époque, depuis près de quarante ans, le premier rival de Ford les deux marques se partageant, en alternance, le titre de premier des constructeurs américains, en termes de chiffres de production -, inutile de dire que, passez le choc de la surprise, après que la Mustang ait été dévoilée au public, les cadres de la marque, tout comme l’état-major du groupe General Motors, fulminent en voyant les chiffres de vente du nouveau bébé de Ford faire exploser tous les records. Lorsque se clôture l’année-modèle 1965, Ford a réussi à écouler, au total, près de 681 000 Mustang (depuis le lancement de celle-ci, en avril 1964), alors que celle qui, au sein de la gamme Chevrolet, est la concurrente directe de la Mustang, la Corvair la seule voiture américaine de série des années soixante équipée d’un moteur arrière, ne s’est vendue, en tout, au cours de ce millésime, qu’à 235 000 exemplaires.
Outre le fait qu’ils avaient sous-estimé comme tous les autres constructeurs le succès que remporteraient la Mustang, surtout auprès de la génération du « baby-boom », les responsables de la plus importante division de General Motors étaient convaincus que la nouvelle génération de la Corvair, qui avait bénéficié d’une nouvelle ligne, nettement plus agressive que celle de la première mouture, parviendrait, sans trop de difficultés, à lui tenir tête. C’était compter sans l’ouvrage de l’avocat Ralph Nader, « Unsafe at any speed » (« Dangereuse à toutes les vitesses) qui va détruire en grande partie l’image de cette dernière auprès du public. Après avoir atteint leur point culminant en 1962, avec 306 000 voitures vendues cette année-là, ses ventes ne feront, par la suite, que déclinée jusqu’à sa disparition – dans la plus extrême discrétion en 1969. Chevrolet ne peut donc logiquement et décemment resté très longtemps sans réagir. La nécessite et même l’urgence de fourbir ses armes et de préparer est une riposte efficace est d’autant plus grande que l’état-major de GM sait déjà que son autre grand rival, le groupe Chrysler, entend bien, lui aussi, profiter de ce nouveau marché qui vient d’émerger avec le lancement de la Mustang et qui, comme celle-ci l’a bien montré, représente une véritable poule aux œufs d’or.
Face à la déferlante commerciale du petit cheval fougueux de la firme à l’ovale bleu, la solution de la riposte qui doit être adoptée s’impose d’elle-même. Pour employer une formule qu’on a souvent prêté, à une époque, aux constructeurs japonais (et qui, durant les deux décennies précédentes, assurera d’ailleurs le succès d’un certain nombre de leurs modèles, notamment de leurs coupés sportifs, sur les marchés occidentaux) : « Y a qu’à copier ! ». C’est à dire reprendre la base (châssis, trains roulants et aussi la mécanique, en tout cas pour les versions de base) d’un modèle et compact déjà existant au sein de la gamme. A l’image de la populaire et plutôt insipide Falcon chez Ford, c’est la modeste et très conventionnelle Chevy Nova qui, chez Chevrolet, va ainsi servir de « voiture donneuse ». En plus de la plateforme, elle prêtera aussi son 6 cylindres 4,1 litres de 140 ch et son V8 de 5,4 litres de 210 chevaux. A l’image du reste de la fiche technique (suspensions à ressorts hélicoïdaux à l’avant et à lames de ressorts et un pont – très – rigide à l’arrière,…), les moteurs, quel que soit le nombre de leurs cylindres, présentes, eux aussi, une architecture tout ce qu’il y a de plus classique (bloc en fonte et poussoirs hydrauliques,…), quasiment sans aucune once d’originalité technique. La nouvelle pony car de Chevrolet devant s’adresser à une clientèle populaire et la plus large possible et l’avant-gardisme n’ayant jamais vraiment figuré dans la culture de Chevrolet ni de General Motors (ni même de leurs principaux concurrents en général), la mésaventure de l’infortunée Corvair ayant d’ailleurs, dans ce domaine, refroidi les ardeurs.
Si la plupart des acheteurs de la nouvelle Chevrolet Camaro ne se sont sans doute jamais posé la question de l’origine de son nom, même s’il sonne bien à l’oreille, contrairement à ce que certains ont peut-être dû s’imaginer, lui trouver un nom adéquat, pour les responsables du marketing, ne fut pas aussi facile qu’on l’imagine. Lorsqu’un constructeur lance un nouveau modèle, les réflexions et le choix final du nom dont sera baptisé celui-ci revêt souvent une importance capitale, parfois presque aussi grande que la conception des lignes du modèle.
Le nom en question devant d’abord être en adéquation avec la vocation du modèle. Il doit également être facile à retenir ainsi qu’à prononcer et n’avoir aucune connotation négative ou ne prêter autant que possible à aucun mauvais jeu de mots, et ce, dans aucune langue. Autre point assez important, le nom de ce nouveau modèle doit aussi avoir, à l’oreille, un certain « air de famille » avec ceux des autres modèles proposés au catalogue.
Tous les noms de modèles au sein de la gamme Chevrolet du milieu des années soixante commençant par un « C » (Corvair, Chevy, Chevelle et Corvette), il était donc « obligatoire » de procéder de même pour la future pony car. Après avoir passé en revue, et éliminer, un grand nombre de noms d’animaux (oiseaux, félins et autres) et même d’étoiles et autres corps célestes, les membres du service marketing ainsi que les responsables de Chevrolet et la direction de la GM n’ayant toujours pas trouvé leur bonheur, les premiers cités allèrent même jusqu’à consulter des dictionnaires de langues étrangères dans l’espoir d’y trouver enfin un nom qui puisse « faire la différence ». C’est en parcourant un dictionnaire de la langue castillane (la langue ancienne de la Castille, une région d’Espagne) qu’ils tomberont sur le nom de Camaro, qui a pour signification : « camarade » ou « compagnon ». En plus d’avoir une belle phonétique, cette signification ne pouvait donc que séduire le chef de la division Chevrolet, Pete Estes, ainsi que le grand patron de General Motors, Edward Cole.
Pour les lignes, la mission est placée sous la supervision de l’incontournable, tout-puissant et charismatique William « Bill » Mitchell, dont le talent n’est, depuis longtemps déjà, plus à démontrer. Le style de la nouvelle Camaro n’est pas sans évoquer, en tout cas dans ses grandes lignes, celui de la Mustang. La Chevrolet Camaro affichant toutefois des lignes plus imposantes et plus massives, avec un profil qui recevra le surnom de « coke bottle », puisqu’il a été inspiré par celui de la bouteille de Coca-Cola (ce qui se remarque d’ailleurs assez bien dans les dessins des flancs de la voiture), une poupe arrière tronquée avec de grands feux rectangulaires. Le look se voulant également plus moderne et plus sobre, avec un profil dépourvu de tout ornement chromé. D’autres traits de style, comme le becquet arrière à l’extrémité du coffre, le « décrochement » contribuant également à lui conférer une allure racée, même dans ses versions d’entrée de gamme.
A l’intérieur aussi, la présentation se veut « racée » et en rapport avec la vocation première de la voiture, notamment en ce qui concerne le dessin de la planche de bord, avec ses deux grands cadrans derrière un volant typé « sport » et l’imposante console centrale qui encadre les deux sièges avant.
A son lancement, la Camaro semble bien également correspondre, sur le plan des tarifs et des motorisations proposées au catalogue, à la définition donnée par Ford de ce que doit être une pony car. La gamme se montrant, en effet, assez vaste et pouvant donc répondre à tous les besoins et à tous les budgets. Le prix de base étant fixé à 2 466 dollars. A ce prix-là, l’acheteur n’a toutefois droit qu’au « petit » moteur 6 cylindres accouplé à une boîte mécanique à trois rapports aussi simple que rustique, un système de freinage à tambours, une direction dépourvue de tout système d’assistance ainsi qu’une instrumentation et une présentation intérieure guère plus riante que celle d’un utilitaire. Pour s’offrir une voiture en tant soit peu puissante et avec un minimum d’équipements de confort, il lui faut donc opter, soit, opter pour une version équipée d’un moteur V8 ou piocher dans l’épais catalogue des options. Dans ce domaine, l’acheteur n’a donc que l’embarras du choix. Celui-ci pouvant toutefois faire très vite grimper l’addition, certaines d’entre-elles n’étant pas vraiment « données ».
En plus des deux motorisations de base issus de la Chevy Nova, l’amateur a aussi le choix entre une belle palette de moteurs V8, dont la cylindrée et la puissance vont de 5,4 l et 275 ch jusqu’au « big block » de 6,5 litres développant entre 325 et 375 chevaux (en passant par un V8 de 5,7 l et 295 ch). Outre le fait de pouvoir ainsi prétendre séduire un large public, que ce soit en terme de besoins comme de moyens, ce vaste choix en matière de mécaniques permet aussi à Chevrolet de soutenir sans mal la comparaison avec son éternel rival, Ford. (En comparaison, la Mustang, dont a motorisation et le prix de base pour le millésime 1967 – le premier de la Camaro – est de 2 461 dollars avec un 6 cylindres de 120 ch – avec, au sommet de la gamme, un V8 de 6,4 litres et 320 chevaux). Sur les big blocks sont aussi proposés deux package d’options parmi les plus prisées sur le modèle : RS (Rally Sport) et SS (Super Sport), qui peuvent d’ailleurs être couplés.
Pour mieux contrer la menace des Mustang big blocks (notamment les mythiques versions Shelby GT 350 et 500), Chevrolet présente sa riposte sous la forme d’une version à hautes performances appelée, elle aussi, à devenir mythique : la Camaro Z-28. Celle-ci étant, avant tout, destinée, à l’origine, à combattre la Mustang sur les circuits. En 1966, l’année même du lancement de la Camaro, le SCCA (pour Sports Car Club of America) créé la catégorie Trans Am. Une nouvelle catégorie réservée aux voitures de série à deux portes et quatre places. L’une des conditions essentielles pour les modèles qui entendent courir dans cette catégorie est que leurs moteurs affichent une cylindrée maximale de cinq litres. Une formule idéale pour les Mustang big blocks, où celle-ci vont d’ailleurs tenir le haut du pavé. Sur ce terrain là aussi, le premier et éternel rival de Ford ne pouvait resté décemment ni longtemps sans réagir. Dès la mise en chantier de la Camaro, Chevrolet fait donc étudier une version spécialement conçue pour cette épreuve. La Z-28 y concourra toutefois uniquement aux mains d’écuries privées, car l’American Manufacturers Association, la chambre syndicale des constructeurs automobiles, interdisant alors toute participation officielle à ces derniers. Pour que la Camaro Z-28 soit conforme à la réglementation du championnat Trans Am, le choix de Chevrolet se porte sur le V8 de 5,4 litres, auquel il sera toutefois apporté plusieurs modifications afin de pouvoir obtenir son homologation en compétition. Notamment le montage du vilebrequin de la version 4,6 litres du V8. Si le nouveau bloc aussi obtenu, de 302 ci (cubic inches) débutera donc sa carrière sur les voitures courant sur les circuits, le règlement du championnat Trans Am stipule néanmoins qu’il doit être proposé au catalogue du constructeur pour être homologué.
La version « civile » du V8 de la Camaro Z-28 présente toutefois plusieurs différences, sur le plan mécanique, afin de pouvoir s’adapter au mieux à un usage « civile », comme des poussoirs mécaniques et un collecteur spécial en aluminium. Dans cette configuration, il développe une puissance « brute » de 290 chevaux. La version « route » de la Z-28 est présentée, au sein du catalogue Chevrolet, sous la forme d’un package qui, outre la motorisation spécifique, comprend également un ensemble d’éléments spécifiques afin d’offrir les meilleurs performances ainsi que la meilleur tenue de route possibles à cette version « compétition-client ». Si le client qui opte pour le package Z-28 en a assurément pour son argent et peut s’enorgueillir de posséder une voiture fort proche de celles du championnat Trans Am, celui-ci n’est toutefois pas vraiment donné, puisque l’ensemble des équipements de cet ensemble « spécial performances » représente pas moins de 30 % du prix d’un coupé Camaro V8 en version standard ! Si les débuts de la Camaro Z-28, sur le plan commercial en tout cas, sont assez timides, puisqu’un peu plus de 600 clients seulement opte pour le package Z-28 la première année, l’année suivante sera un véritable succès pour celui-ci, puisque les ventes feront un bon spectaculaire avec plus de 19 000 voitures qui en seront équipées durant l’année-modèle 1969 ! Confirmant ainsi la justesse du choix de Chevrolet et l’encourageant plus encore d’aller chasser sur les terres de la Mustang, non seulement sur les circuits mais aussi sur celui des muscle cars, l’évolution presque « naturelle » des pony cars, qui en cette fin des années 60, fait désormais un carton auprès des amateurs de sport et de vitesse, en particulier au sein de la jeunesse américaine. C’est aussi durant le millésime 69 que le package Z-28 s’enrichit de plusieurs éléments qui vont alors faire partie des caractéristiques essentielles et incontournables de l’identité esthétique de la version hautes performances de la Camaro, notamment les monogrammes spécifique et, surtout, les prises d’air fonctionnelles à l’arrière du capot (un détail qui n’est pas inutile de préciser, car, chez certains autres constructeurs, en tout cas sur cette version, il ne s’agit que d’un simple élément de décoration et celles-ci sont alors purement factices).
Bien que la marque revendique fièrement son identité et son statut particulier au sein de la gamme, la Z-28 n’est toutefois pas la version la plus puissante qui soit proposée au catalogue. Celle qui peut revendique, en effet, le titre de la plus puissante de toutes les Camaro est la version équipée du big block ZL-1 de 427 ci développant pas moins de 425 chevaux. Celui-ci n’étant toutefois disponible que sur commande spéciale et monté uniquement chez certains concessionnaires, même si certaines voitures, au cours de la production de l’année-modèle 69, en seront équipées directement à l’usine lors de leur montage sur les chaînes d’assemblage. Si la mission prioritaire (pour ne pas dire la raison d’être) de la Camaro est, non seulement, d’aller chasser sur les terres de la Mustang, mais également, et plus encore, de parvenir à la détrôner de sa place de modèle numéro un sur le marché des pony cars, comme cela arrive souvent quand on se fait prendre de vitesse par la concurrence et qu’on est alors forcé de prendre le train en marche, malgré de solides atouts dans sa manche, le combat sera néanmoins assez rude.
Si la Camaro peut se prévaloir d’un très beau score pour son premier millésime, avec près de 221 000 exemplaires, et même si la Mustang, qui, à l’occasion de l’année-modèle 1967, connaît alors son premier remaniement esthétique et dont la ligne commence déjà à prendre des rondeurs, figure toujours en tête du peloton des modèles de la catégorie. Du côté de la concurrence, chez Chrysler, si la nouvelle génération de la Plymouth Barracuda a bénéficié d’une ligne plus agressive que celle de la première mouture, elle reste encore un peu trop sage ou « BCBG » par rapport à celles de la Mustang ou de la Camaro. Ce qui explique sans doute, en grande partie, qu’elle reste loin derrière avec seulement un peu plus de 62 000 unités. Si la catégorie des pony cars est apparue à peine trois ans plus tôt, le millésime 1967 va pourtant marque son apogée, presque tous les constructeurs (c’est-à-dire ceux occupant les segments de voitures dites « populaires » ou de gamme « intermédiaire ») vont alors s’engouffrer dans la brèche en présentant leur cheval de bataille : Pontiac avec la Firebird, Mercury avec la Cougar qui se présente comme une variante plus cossue de la Mustang. Le nouveau félin de Ford est toutefois vendue uniquement en coupé, alors que Chevrolet et Pontiac en propose deux et trois chez Ford et Plymouth (coupé tricorps, coupé fastback et cabriolet). Si la carrosserie décapotable apparaît alors comme « incontournable » sur une sportive de grande diffusion, elle ne représente toutefois, sur la grande majorité des modèles, qu’une faible part des ventes. Sur la Camaro, il n’en sera produit, en 1967, qu’à peine 25 000 exemplaires.
Etant donné, à la fois, qu’elle a été conçu quelque peu « dans l’urgence » et aussi que Chevrolet et le groupe GM ont misé gros sur elle, la Camaro ne connaîtra, à l’occasion de l’année-modèle 1968, que des changements mineurs. Esthétiquement, l’une des seules différences par rapport aux premiers modèles est la suppression des déflecteurs sur les portières. Sur celle du millésime 1969, les changements seront toutefois plus profonds qu’il n’y paraît, même si cela ne saute pas immédiatement aux yeux. Si, de prime abord, ceux-ci se limitent à l’ajout d’une nervure horizontale au-dessus des passages de roues ainsi qu’à l’inversion du sens d’inclinaison de la jupe arrière, la Camaro 69 n’a, en réalité, plus aucun panneau de carrosserie en commun avec la version originelle présentée en 1966.
Si, en dépit du délai de développement assez court avec lequel les hommes du bureau d’études ont dû composé pour concevoir la Camaro, Chevrolet et General Motors se sont néanmoins donné les moyens et ont même mit les petits plats dans les grands afin de faire de la Camaro une chasseuse et même une tueuse de Mustang, la pony car de Chevrolet reste pourtant, malgré tous ses efforts, cantonnée à la deuxième marche du podium : un peu plus de 235 000 exemplaires sortis de chaîne à la clôture du millésime 1968 et 230 000 pour l’année-modèle 1969. Si la position intouchable et le succès écrasant qu’avait connu la Mustang durant ses premières années ne le sont plus autant à la fin de la décennie, il est vrai aussi que la concurrence est nombreuse et rude. Le bureau d’études ainsi que les responsables de Chevrolet et la direction de General Motors finissent alors par réaliser que, malgré toutes ses qualités, si elle veut véritablement pouvoir ravir à la Mustang sa place de leader sur le marché des pony cars et donc la renverser de son piédestal, la Camaro n’a d’autre choix que de muer et de faire peau neuve. Bill Mitchell charge alors le styliste Henry Haga de tracer la nouvelle de la Camaro nouvelle génération, celle-ci n’étant toutefois pas encore finalisée. Avec pour conséquence, sur le plan commercial, que la Camaro (ainsi que sa cousine, la Pontiac Firebird, puisque celle-ci est conçue sur la même base) du millésime 69 vont voir leur carrière prolonger (la production s’interrompant, dans les faits, en même temps que pour les autres modèles, les concessionnaires devant alors se voyant alors charger d’écouler les stocks et de faire patienter la clientèle en attendant la présentation des voitures de la nouvelle génération) et que celles de l’année-modèle 1970 ne seront présentés qu’à la fin du mois de février 1970, soit plus de cinq mois après le reste des autres modèles de la gamme.
Lorsque la Camaro deuxième du nom est finalement dévoilée au public, celle-ci se veut en effet résolument plus agressive que sa devancière, en particulier en ce qui concerne le dessin de la partie avant, avec une calandre proéminente en forme « d’étrave » et ses deux grands phares aux extrémités des ailes. Le reste des lignes de la voiture se veut, lui aussi, d’un style plus sportif et plus dans l’air du temps, avec son absence de vitre de custode ainsi que ses quatre feux circulaires à l’arrière. Preuve de la justesse des choix esthétiques opérés par Bill Mitchell et son équipe, le dessin de la nouvelle Camaro sera unanimement salué comme une réussite. Les coupés fastback (c’est-à-dire avec un pavillon plongeant formant une pente depuis le haut de la lunette arrière jusqu’au coffre) étant devenus à la mode en ce début des années 70, c’est sous cette forme que sera dévoilée que la Camaro « number two » sera commercialisée en 1970, qui est aussi désormais la seule carrosserie disponible au catalogue. Le cabriolet n’ayant toujours représenté qu’une très faible partie de la production (moins de 8 % pour le millésime 69), il ne sera pas reconduit sur la nouvelle génération.
Si celle-ci continuera sur la voie du succès au début des années 70, l’éclatement de la première crise pétrolière, à l’automne 1973, qui provoquera l’extinction des muscle cars ainsi que l’instauration des limitations de la vitesse autorisée sur les routes américaines. Un nouveau contexte fort sombre qui verra ceux qui étaient auparavant les modèles les plus emblématiques de la production américaine dans ce domaine, comme la Mustang, qui devra alors opérer une mutation profonde pour pouvoir survivre à cette période sombre. Une mutation qui passera par une cure d’amaigrissement drastique, tant en ce qui concerne les dimensions des voitures que de la cylindrée et de la puissance des moteurs. Si la Camaro n’y échappera pas, elle non plus, et devra, elle aussi, se mettre au régime, celui-ci sera toutefois moins radical et ses effets moins profonds et violents que sur sa rivale de chez Ford. Même si les éléments d’accastillage (spoilers, becquets, extensions d’ailes et jantes en taille large) disparaitront progressivement et que la Camaro devra alors revenir à une « garde-robe » plus « BCBG », contrairement à la Mustang qui abandonnera toute prétention au sport et à la performance, les versions les plus puissantes de la Camaro se maintiendront au-dessus de la barre symbolique des 200 ch (même si on est désormais fort loin des big blocks de plus de 300 ou 400 chevaux des années fastes).
Sur le plan esthétique, la Camaro devra aussi abandonner sa belle proue en étrave pour faire place à une face avant moins agressive pourvue d’un pare-chocs aussi épais et élégant qu’un rail de chemin de fer, nouvelles normes sécuritaires obliges. La Z-28, de son côté, continuera à être proposée au catalogue jusqu’en 1975, en conservant jusqu’au bout de très bons chiffres de vente. Ce n’est, en tout cas, sans doute pas vraiment une coïncidence si c’est au moment où la Mustang commence à perdre son âme que la Camaro verra ses ventes connaître une hausse significative. Chevrolet refusera de suivre la même orientation de Ford en suivant la voie du dowsizing afin de tenter de concurrencer les coupés japonais et décidera de conserver à la Camaro son identité de « bon gros coupé à l’américaine ». Un pari risqué mais qui s’avérera finalement gagnant.
Texte Juan Moreno
Photos archives Chevrolet et DR
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