VISA 1000 Pistes, la Groupe B familiale
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Début des années 80, le groupe PSA est sur tous les fronts. D’un côté, nous avons Peugeot qui se bat au plus niveau avec la 205 Turbo 16 et de l’autre Citroën aux ambitions sportives bien affirmées mais qui peine à trouver sa voie. Il faut dire que la physionomie du service compétition a bien changé, suite au départ de Marlène Cotton figure emblématique du service compétition, c’est à Guy Verrier que revient la lourde tâche de lui succéder. Parmi le catalogue des véhicules de la marque, c’est la petite VISA qui sera désigné pour porter les couleurs de Citroën en compétition. Destinée à une clientèle plus jeune, les modèles sportifs de la VISA envahissent déjà les concessions avec la VISA GT, puis la VISA Chrono et ensuite la GT Tonic une série spéciale issue du croisement entre la VISA GT dont elle reprend la base et la VISA Chrono.
Le baptême du feu
L’étude d’un modèle destiné à la compétition sera externalisée par Citroën. Plusieurs prototypes naitront de cette initiative dont celui proposé par Denis Mathiot. Son étude est basée sur la GT Tonic qui réunit tous les atouts susceptibles de faire pencher la balance en sa faveur. Son prototype étant compatible avec une production en petite saison, 200 exemplaires peuvent prétendre à une homologation en Gr B, ne nécessitant pas de refonte de la voiture et donc garantissant une maîtrise des coûts pour Citroën. Cette solution fut rapidement validée par Philippe Wambergue qui s’impose à son volant en catégorie prototypes à l’occasion du rallye des 1000 Mille pistes 1983. Le nom de la petite Visa sportive est déjà tout trouvé, elle se prénommera « Mille Pistes ».
Une Groupe B familiale
La VISA 1000 Pistes est une quatre portes avec deux vraies places arrières plutôt confortables et un coffre dont la contenance est tout à fait honnête, malgré la présence d’un réservoir supplémentaire et pour peu que l’on ait pris soin d’en sortir la roue de secours. On peut aisément s’imaginer partir en vacances en famille à son volant, à condition de faire abstraction du bruit et de la chaleur que dégage le moteur dans l’habitacle.
Sur le papier les performances de la VISA Mille Pistes ne font pas rêver, son petit 4 cylindres en ligne de 1360 cm3 développe à peine 112 chevaux à 6800 tr/min. Mais la prouesse est ailleurs, avec cette auto Citroën réalise le tour de force de proposer à ses clients pilotes amateurs une vraie quatre roues motrices, un privilège jusque-là réservé aux équipes usines.
Même si la VISA n’a pas les armes pour se battre à la régulière, elle pourra éventuellement tirer son épingle du jeu sur un Dakar ou un Monte-Carlo bien enneigé. Pour 120 000 francs de l’époque tout n’est pas parfait. La caisse est confiée à Heuliez pour la fixation des suspensions arrière ainsi que pour le tunnel de transmission. Le tableau de bord et l’instrumentation sont directement issus de la VISA Tonic, un équipement qui se situe à des années lumières des standards d’une voiture de course. Mais le plus surprenant pour une auto à vocation sportive comme celle-ci, réside dans le fait qu’elle n’est pas équipée de sièges baquets mais qu’elle a conservé ses sièges de série qui sont certes très confortable mais qui n’offrent aucun maintient.
VISA 1000 Pistes Evo
Conscient des limites de la version 112 chevaux, Citroën proposait par le biais de préparateurs agréés une version « Evolution » plus puissance. Bien sûr pour bénéficier de cette extension, il fallait mettre une petite rallonge budgétaire sur la table, de l’ordre de 60 000 francs (soit 50% du prix de la version de base). La cylindré de la VISA 1000 Pistes passait ainsi de 1360 cm3 à 1434 cm3, le 4 cylindre bien aidé par deux gros carburateurs weber développait une puissance de 145 ch à 7000 tr/mm.
La VISA aux Milles Visages
L’histoire de la 1000 Pistes de notre essai, débute lorsque Bertrand Lenoir figure incontournable du rallycross à la fin des années 70 reprends du service en 1984 avec une VISA 1000 Pistes préparée par ses soins. Il commence par dépouiller complètement l’auto de ses équipements superflus, remplace les portes par des ouvrants plus légers mais conserve tout de même tous les éléments au fond de son garage, un détail qui prendra toute son importance quelques années plus tard. Il participe à un certain nombre de courses d’autocross à son volant ainsi qu’à quelques rallyes sur terre avec notamment deux participations au fameux rallye des Mille Pistes. En 1987, il fait une violente sortie de route et un tonneau par l’avant lors du Rallye d’Etampes. La VISA est sévèrement endommagé et son coéquipier gravement blessé, cet accident qui aurait pu être tragique mettra en évidence la fragilité des arceaux en aluminium qui seront définitivement abandonnés par la suite. Il rachète une caisse neuve chez Citroën mais ne remontera jamais la VISA. C’est à ce moment là qu’intervient Georges, le propriétaire actuel de la VISA, qui rachète l’auto accidentée ainsi que toutes les pièces à Richard Lenoir et entame ensuite une reconstruction complète de la petite Citroën en 2011. La VISA récupère alors ses portières ainsi que ses banquettes de sièges et tous ses équipements d’origine. Au premier regard, rien ne laisse présager de son passé sportif hormis peut-être l’arceau de sécurité toujours présent dans l’habitacle et quelques autocollants qu’Andréa Andrina a retrouvé dans un de ses cartons à souvenirs. Sous le capot par contre, se cache le 4 cylindres évolution gavé par deux carburateurs Weber double corps de 45 mais Georges a toujours en sa possession le 1360 cm3 d’origine qu’il conserve pieusement. On note par la même occasion la barre de renfort qui relie entre elles les deux têtes d’amortisseur montée seulement sur les versions Evolution. Georges a aussi conservé d’autres éléments de l’évolution moins visible comme les trains roulants, les auto-bloquants et les gros freins.
La VISA, ça décoiffe
En 1984 Citroën lance le trophée féminin Citroën Total qui voit s’affronter une sélection de onze femmes représentant onze régions différentes. Véritable coup de publicité pour la marque au double chevron, les sélections remportent un vif succès, sur la région PACA par exemple, pas moins de 600 prétendantes se présentent aux sélections qui se déroulent sur une semaine. Les onze pilotes féminines lauréates devront s’affronter ensuite au sein d’un challenge Citroën comprenant 6 rallyes du championnat 1ère et 2nd division sur terre et sur goudron. Chacune d’entre elles dispose de deux mécaniciens et d’un directeur technique ainsi que d’une Visa 1000 Pistes évolution qui leur est allouée.
Dédoublement de personnalité
Pour réaliser cet essai, nous avons fait appel à Andréa Andrina, lauréate de la région PACA et troisième du Trophée Féminin 1984 qui pour l’occasion a accepté de reprendre le volant d’une VISA 1000 Pistes pour la première fois depuis 35 ans. Pour tester cette petite sportive, nous avons choisi la spéciale de Charleval autrefois utilisée par Peugeot pour le développement de la 205 Turbo 16. Sur le goudron la VISA tire rapidement sur les bras, Andréa se souvient « je sortais des spéciales j’avais les bras en feux. Je me suis mise à faire de la musculation pour muscler mes bras ». Le comportement de la 1000 Pistes change du tout au tout dès qu’elle pose ses quatre roues sur la terre. Sur son terrain de prédilection, la petite 4×4 s’avère redoutable, c’est d’ailleurs sur ce terrain que la 1000 Pistes a connu ses meilleurs résultats.
Si à l’époque on lui a souvent reproché son manque de puissance, aujourd’hui la VISA 1000 Pistes est probablement la Groupe B la plus accessible du moment. Vous l’aurez compris, si vous lorgnez sur un des 200 exemplaires produits, n’hésitez plus foncez avant que sa côte ne s’envole.
Texte et photos Thierry Lesparre
D’autres Citroën https://www.retropassionautomobiles.fr/2020/08/citroen-sm/
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