AEC REGENT et LEYLAND TITAN – Bons baisers de Londres.
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Lorsque l’on demande de citer les véhicules représentant les plus célèbres symboles de la Grande-Bretagne, en ce qui concerne les voitures de prestige, les noms qui viennent évidemment en premier à l’esprit sont ceux de Rolls-Royce, Jaguar ou Bentley et de l’Austin ou Morris Mini pour ce qui est des voitures populaires, ainsi que du Land Rover ou du Range Rover dans le domaine des tout-terrains.
Si l’on élargie ce champ, ou ce domaine, aux véhicules utilitaires et que l’on demande de citer quels sont les utilitaires anglais les plus célèbres, les réponses au sein du public risquent d’être beaucoup moins rapides et, surtout, beaucoup moins nombreuses, ou, en tout cas hésitantes. Il est vrai que si l’industrie du Royaume-Uni a produit un grand nombre d’utilitaires de toutes sortes, ce ne sont pas vraiment ces derniers qui sont le plus restés dans les mémoires. Si bien que s’il ne se trouve pas dans l’assistance ou dans le groupe un sujet de Sa Gracieuse Majesté, ou, à défaut, une personne ayant vécu d’obtenir une réponse à la fois claire et exacte à cette question.
Si vous précisez votre question, on demandait à vos interlocuteurs quels sont les plus célèbres des autobus anglais et une image très nette et précise se formera alors immédiatement dans leur esprit, celle des célèbres bus rouges à deux étages qui ont, pendant des décennies, sillonnés les rues de Londres. Leur renommée a d’ailleurs dépassé depuis longtemps les frontières du Roayume-Uni et ils sont aujourd’hui connus aux quatre coins du monde, à tel point que même s’ils ont, depuis un certain temps déjà, disparus de la circulation de la capitale britannique, ils continuent, pourtant toujours à figurer au panthéon des symboles de la culture et de l’esprit britannique, au même titre que le thé, le fish and chips, la sauce à la menthe ou encore les célèbres « bobbies ».
Beaucoup d’étrangers qui se rendent pour la première fois au pays de Shakespeare s’étonnent d’ailleurs de ne plus en voir circuler, que ce soit dans le quartier gouvernemental de Westminster comme dans les banlieues populaires et ne manque pas d’en être chagriné, sans doute à juste titre car les bus à impériale d’antan possédaient un charme nostalgique indéniable, ainsi qu’une forte personnalité, que sont loin d’avoir leurs successeurs d’aujourd’hui.
C’est au début des années 30 que la compagnie London Transport (qui exploite alors ce qui représente la plus importante flotte d’autobus au monde) fait appel au constructeur AEC, qui fabrique déjà pour cette dernière l’excellent bus Regent, fort apprécié des Londoniens, en lui demandant de concevoir un nouveau modèle d’autobus à deux étages. Une commande qui est d’autant plus importante pour le constructeur comme pour la compagnie que ce nouveau bus impérial doit venir, à terme, renouveler la totalité de la flotte de véhicules de ce type utilisé par la société London Transport.
Ce sont d’ailleurs les ingénieurs de cette dernière qui fixeront les grandes lignes du cahier des charges de celui qui deviendra$ l’archétype du bus londonien. Notamment en ce qui concerne les dimensions, qui resteront les mêmes durant toute la durée de production du modèle : 2,28 m de large et 4,44 mètres de haut. Sous le capot de cet imposant autobus, on retrouve un six cylindres en ligne Diesel « maison » qui, malgré son imposante cylindrée de 9 600 cc et ses 125 chevaux aura néanmoins fort à faire pour mouvoir ce colosse de quatre mètres de haut qui affiche tout de même un poids total de onze tonnes. On ne s’étonnera alors aps vraiment que la vitesse maximale dont il est capable ne dépasse guère les 65 km/h. Mais sur un autobus, comme sur n’importe quel autre utilitaire, les performances n’ont qu’une importance toute secondaire et même si la circulation dans les rues londoniennes de l’époque était encore loin de ce qu’elle est dans les grandes capitales d’aujourd’hui, cela restait une vitesse suffisante pour que, les utilisateurs des bus londoniens soient toujours sûrs d’arriver à l’heure à leur rendez-vous au salon de thé ou à leur travail. Du côté de la transmission, les choix techniques opérés par AEC se révèlent plus originaux, avec le montage d’une boîte présélective Wilson (conçu par un ancien major de l’Armée britannique pour le constructeur Armstrong-Siddeley et que l’on retrouvera, en France, sur les Talbot Lago), actionnée par une commande pneumatique, ce qui, à l’époque, est assez avant-gardiste pour un autobus ou un utilitaire en général.
Si les premiers exemplaires de ce nouveau bus à impériale sortent des usines d’AEC et sont livrés aux services de la London Transport à partir de 1939, environ 150 exemplaires seulement commenceront leur carrière et effectueront leurs premiers tours de roues dans les rues de Londres avant le déclenchement de la guerre en septembre de la même année, qui viendra en arrêter la production. A l’image de l’ensemble du parc de véhicules (voitures comme utilitaires) que compte le Royaume-Uni, ainsi que l’ensemble de l’industrie britannique, les autobus londoniens seront soumis à rude épreuve et un certain nombre d’entre eux seront détruits sous les bombes durant les bombardements de l’aviation allemande sont sera régulièrement victime la ville de Londres. Quant à ceux qui survivront au conflit et qui seront toujours en service actif une fois la paix revenue, en mai 1945, la plupart ne seront guère en meilleur état. Les destructions causées par l’ennemi ainsi que le rationnement de carburant et autres matières premières et les privations de toutes sortes ayant souvent empêché de leur assurer un entretien digne de ce nom. Tant et si bien qu’une fois la guerre terminée, nombre d’entre eux se verront obligés de prendre une retraite anticipée. C’est-à-dire, purement et simplement… envoyés à la casse !
Dans un pays en grande partie en ruines et qui mettra encore de longues années à panser ses plaies, les besoins, en matière de transports en commun comme dans tous les autres domaines, sont énormes. Ayant un besoin urgent de renouveler sa flotte d’autobus, la London Transport passe alors une nouvelle et importante commande auprès d’AEC. Ce ne sont, en effet, pas moins de 4 000 nouveaux bus à impériale qui lui sont commandés. Les mesures de restriction mises en place durant les hostilités restent toutefois toujours d’application et n’étant levées que de manière très lente et progressive, cette commande, en dépit des bénéfices importants qu’elle rapporterait ne pourra être honorée dans l’immédiat, le constructeur AEC ne parvenant, en effet, à reprendre la production de ses autobus qu’en 1947. Le redémarrage de celle-ci s’avérant d’ailleurs lent et difficile.
Face aux difficultés que rencontre AEC et au besoin, aussi urgent qu’important de pouvoir renouveler et reconstituer sa flotte de véhicules, la compagnie London Transport décide alors de s’adresser à l’autre grand constructeur d’autobus en Angleterre et principal concurrent d’AEC, Leyland, pour qu’il conçoive et produise sa propre version de l’autobus RT. Pour réaliser celle-ci, baptisé, tout simplement RTL, le constructeur reprendra, comme base de travail, le bus Titan, motorisé par un moteur Diesel de 9,8 litres, qui sera produit, au total, à 2 135 exemplaires. Outre la version « standard », Leyland produira aussi une version LTW, dont le châssis verra sa largeur portée de 2,28 m à 2,44 mètres. Cette version « large » étant plus particulièrement destinée à desservir les lignes les plus fréquentées du centre de Londres.
Qu’ils soient produits par Leyland ou AEC et quels que soient les carrossiers qui ont assuré la fabrication de leurs carrosseries, les bus RT ne présenteront entre eux que des différences de détails, parfois difficiles à distinguer pour un œil non exercé.
Le RT Regent produit par AEC, de son côté, sera produit à plus de 4 800 exemplaires jusqu’en 1954. Construits pour durer et étant destinés, dès leur mise en service, à une très longue carrière, la société London Transport n’a donc pas jugé nécessaire ni même urgent, au moment de l’arrêt de sa production, de préparer sa succession. Son successeur, le Routemaster ne fera d’ailleurs son entrée en service que cinq ans plus tard, en 1959.
L’une des images indissociables des bus londoniens d’autrefois est le contrôleur perché sur la plateforme arrière par laquelle les passagers avaient accès à l’autobus et dont le rôle était d’assurer le contrôle et le poinçonnage des billets, laissant ainsi le chauffeur libre de se concentrer sur sa tâche. Ce qui était d’autant plus nécessaire que manœuvrer un tel colosse, aussi haut que lourd, dans les rues de Londres n’était pas toujours une tâche facile ni de tout repos, loin s’en faut. Dans le courant des années 60 et 70, cet ancien usage tombera progressivement en désuétude, les autobus de nouvelle génération entrant en service à cette époque, plus modernes sur le plan technique que leurs prédécesseurs et se montrant d’une conduite plus aisée que ces derniers, ce qui offrira ainsi la possibilité d’assurer le rôle de chauffeur et de contrôleur par une seul et même personne.
AEC REGENT et LEYLAND TITAN – Bons baisers de Londres.
Texte maxime Dubreuil
Photos Droits Réservés
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