LINCOLN CONTINENTAL et CADILLAC FLEETWOOD – Reagan, Bush Senior et Clinton
Jusqu’ici, la marque Lincoln, la division de prestige du groupe Ford, avait régné presque sans partage sur le parc automobile de la Maison Blanche. Cadillac, la marque de luxe de General Motors, le principal concurrent de Lincoln, devant, elle, le plus souvent, se contenter de jouer un rôle de figuration. Si cette dernière était présente au sein des garages de la présidence depuis le début des années 1930, elle n’y avait, la plupart du temps, occupée qu’une place secondaire. Les Cadillac qui servirent sous les présidences de Roosevelt, Truman, Eisenhower ou Kennedy étant, en effet, le plus souvent, affectées au service de la First Lady ou du vice-président. Avec la présidence de Ronald Regan, la division de prestige du groupe G.M. va cependant avoir l’occasion d’occuper une place plus grande au sein des garages de la Maison Blanche.
En 1983, Reagan décida, en effet, de passer commande d’une nouvelle limousine présidentielle, destinée à remplacer la Continental qui avait été construite à l’attention de Richard Nixon. Cette dernière allant alors sur ses dix ans d’âge, la nécessité de la remplacer par un véhicule neuf se faisait donc sentir. Etant donné que, jusqu’à présent, la marque Lincoln « détenait la majorité » au sein des garages présidentiels, et ce depuis plus de quarante ans, il semblait donc normal que, pour la nouvelle limousine présidentielle, le choix du chef de l’exécutif se porte sur le nouveau modèle haut de gamme du catalogue Lincoln, la Town Car (Auparavant simple finition spécial du modèle Continental, la Town Car était devenu, à partir de 1981, le nouveau vaisseau amiral de la marque. La Continental, quant à elle, étant alors « reléguée » au rôle de simple modèle « d’entrée de gamme »). En lieu et place de cette dernière, le choix du président Reagan se porta toutefois sur le rival historique de Lincoln, Cadillac. Le modèle qui servit de base à l’élaboration de la nouvelle voiture présidentielle était le plus gros modèle disponible au sein de la gamme Cadillac, à savoir la Fleetwood Brougham (portant parfois aussi l’appellation Brougham tout court dans certains catalogues de la marque). Déjà utilisé dans le passé au sein de la gamme Cadillac entre 1925 et 1937, celui fera sa réapparition au catalogue en 1955, avec la présentation du show-car Eldorado Brougham (qui sera commercialisé deux ans plus tard). C’est en 1977 que la Brougham deviendra le modèle haut de gamme de Cadillac (Si l’on excepte l’imposante limousine de la Série Seventy-Five). Une seconde limousine, quasi identique à la première, mais plus spécialement destinée, elle, au vice-président et à la first lady, fut livrée quelques mois plus-tard. Après leur mise à la retraite, la première rejoindra la Reagan Presidential Library à Simi Valley en Californie (L’Etat dont Reagan avait été gouverneur avant de devenir président). La seconde limousine, rendue à General Motors, aura à nouveau l’occasion de s’illustrer, au cinéma cette fois, dans le film La Ligne de Mire avec Clint Eastwood, sorti en 1993.
Représentant pour beaucoup, aussi bien en Amérique qu’à l’étranger, l’archétype de la voiture américaine traditionnelle, il faut cependant faire remarquer qu’à la fin des années 80 et au début des années 90, presque tous les modèles de la marque (Seville, Eldorado, Alante, DeVille et Fleetwood) se seront convertis à la traction avant et que la Brougham sera alors la seule à être restée fidèle à la propulsion. Lorsque sa production sera arrêtée en 1992, l’appellation Brougham disparaîtra alors définitivement de la gamme Cadillac.
Comme cela avait été le cas pour ses devancières, la Cadillac vit son châssis rallongé (L’empattement augmentant de 43 cm) par rapport au modèle de série. Malgré un pavillon qui, comme le reste de la voiture, était équipé d’un blindage à toute épreuve (avec des vitres de 60 mmml d’épaisseur), comme pour la Lincoln Continental de Nixon, cette Cadillac bénéficiait, sur tous les côtés, d’une vaste surface vitrée, afin que le président et les autres occupants de la voiture puissent bien être vus de la foule. Pour pallier au poids supplémentaire engendré par le blindage de la voiture, celle-ci reçue des jantes de plus grand diamètre que le modèle standard, équipées de pneus plus épais, ainsi que de freins et de suspensions renforcés.
En 1989, George Bush Sr, auparavant vice-président de Ronald Reagan, qui lui succéda à la Maison-Blanche, estima judicieux de faire commander la réalisation d’une nouvelle limousine afin de renouveler la flotte des véhicules présidentielles, en secondant ainsi la Cadillac Brougham utilisée par son prédécesseur et aussi pour remplacer la Lincoln Continental réalisée pour Nixon. Bush décida alors de renouer avec la tradition instaurée par Franklin Roosevelt à la fin des années trente en portant son choix sur la marque Lincoln. En l’espèce, assez logiquement, sur le vaisseau amiral de la marque, la Town Car. Comme pour la Cadillac, cette dernière reçue, bien évidemment, elle aussi, un châssis à empattement rallongé, portant la longueur totale de la voiture à 6,7 mètres et sa hauteur à 1,5 m. Lorsqu’elle fut livrée à la Maison Blanche, le modèle sur lequel était basé cette nouvelle limousine était toutefois arrivé en fin de carrière (La Town Car de première génération avait été présenté en 1981 et le modèle 1989 était son dernier millésime de production. La génération suivante, qui sera dévoilée un an plus tard, bien que d’un style, elle aussi, fort classique, se montrera bien plus moderne, avec des lignes aux angles arrondis, bien plus dans l’air du temps. Ce qui aura aussi pour effet de donner à la voiture du président, pourtant toute récente, une allure assez démodée).
C’est sans doute l’une des raisons pour lesquelles, peu de temps après son entrée en fonction comme 42ème président des Etats-Unis, le démocrate Bill Clinton prit la décision de commander, à son tour, un nouveau modèle destinée à occuper la place de tête au sein des voitures du parc de la Maison Blanche. Comme Reagan avant lui, le nouveau président américain manifesta une préférence marquée pour la marque Cadillac, en détriment du fournisseur « traditionnel » de la Maison Blanche qu’occupait jusque-là la marque Lincoln.
Coïncidence avec l’actualité politique du moment et l’entrée en fonction d’un nouveau président, c’est aussi en 1993 que la division de prestige de General Motors présenta son nouveau vaisseau amiral, la Fleetwood. Recevant parfois aussi l’appellation Fleetwood Brougham dans les catalogues de la marque, celle-ci prenait la succession de la Brougham (qui, même si elle conservait un cercle d’aficionados, commençait tout de même à accuser son âge, sa carrière ayant débutée quinze ans plus tôt, en 1977) comme porte-drapeau de la gamme Cadillac. Bien qu’emprunte, comme sa devancière d’un style fort classique et même, par certains côtés, un peu baroque, les lignes de la nouvelle Fleetwood, affichaient néanmoins une élégance et une prestance indéniable et reprenaient les caractéristiques essentielles des Cadillac de la grande époque (La calandre en forme de blason ou de bouclier, les pare-chocs à butoirs, les chromes disposés en abondance, les longs feux arrière verticaux,…) tout en arrondissant les angles de la carrosserie pour remettre la ligne au goût du jour. Affichant pas moins de 5,70 mètres de long, le modèle de série (A l’ exception des limousines construites sur sa base, ainsi que sur celles de ses devancières, toutes réalisées par des carrossiers indépendants) la plus longue de toutes les Cadillac, ainsi que la plus longue des voitures américaines des années 90. Comme ses « cousines » des autres divisions du groupe G.M. (Les Buick Roadmaster, Chevrolet Caprice et Oldsmobile Ninety-Eight), sa carrière sera toutefois écourtée par la décision prise, fin 1996, par la direction de General Motors de mettre fin à la production des grandes berlines « full-size » traditionnelles à propulsion.
Les chaînes d’assemblage de l’usine d’Arlington, au Texas, où elles étaient construites, étant alors reconverties pour accueillir celles des SUV comme les Chevrolet Tahoe et Surburban. (En plus du fait que le secteur des SUV commençait à prendre le pas, en terme de chiffres de ventes, sur celui des grandes berlines traditionnelles, sa courte carrière vient sans-doute aussi du fait qu’ elle n’ a jamais réussie à détrôner ni même à atteindre le niveau des ventes de sa plus grande rivale, la Lincoln Town Car: Un peu plus de 90 500 Fleetwood Brougham seront produites (Près de 32 000 en 1993, sa meilleure année de production) en près de quatre ans, alors que Lincoln vendait environ 100 000 exemplaires de la Town Car chaque année. Cadillac ayant perdu la place de premier plan qu’ elle occupait sur ce marché jusqu’au début des années 90, la direction de General Motors jugea alors préférable de se retirer de ce marché pour se consacrer à d’ autres segments où ses productions rencontraient plus de succès).
Si les Fleetwood de série étaient motorisées d’abord par un V8 de 5,7 l de 185 ch, puis, à partir de 1994, par le V8 « LT1 » de 260 chevaux emprunté à la Chevrolet Corvette, la Cadillac présidentielle, elle, sera équipée d’un 8 cylindres en V de 7,4 litres provenant du pick-up Chevolet Série C 2500.
Après avoir été utilisée par le président Clinton durant toute la durée de sa présidence, l’imposante limousine est aujourd’hui exposée au Clinton Presidential Center situé à Little Rock, en Arkansas (L’état dont Bill Clinton avait été le gouverneur avant de devenir président des Etats-Unis). L’intérieur de la voiture n’est toutefois pas visible par les visiteurs. Pour des raisons de sécurité, toutes les portières ont été verrouillées et les clés en ont été conservées par les responsables des Services Secrets. Le directeur du Clinton Center ayant expliqué que même pour simplement dépoussiérer l’intérieur de la voiture, il leur faudrait demander l’autorisation au bureau régional des Services Secrets !
La voiture du président Clinton sera toutefois probablement la dernière voiture présidentielle a être conservée et exposée au public. Désormais, afin de conserver le secret entourant la construction des voitures présidentielles, la direction des Services Secrets a pris la décision de faire détruire ou, en tout cas, de ne plus céder les voitures utilisées par les anciens présidents. Une autre raison semble être de pouvoir disposer de véhicules de tests pour la formation et l’entraînement des agents affectés à la protection rapprochée du président.
Philippe Roche
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