BRISTOL 414 à BLENHEIM – GRAND TOURISME « SO BRITISH » (III)
Effet indirect mais inévitable de la fourniture des motorisations équipant les Bristol par la Chrysler Corporation, le petit constructeur britannique se voit obligé de suivre la politique technique et commerciale mise en place, depuis le milieu des années 50 déjà, par le groupe américain. D’année en année, ceux-ci deviennent toujours plus gros et plus puissants. A tel point que les modèles le plus puissant du groupe, les Dodge Charger et Challenger, ainsi que les Plymouth Road Runner et Cuda non plus rien à envier en termes de performances aux plus puissantes et exclusives des sportives européennes comme les Ferrari. Pour les moteurs équipant les Bristol, Crook, à la fois prudent et pragmatique, se garde toutefois bien de prendre les énormes big blocks qui rendraient ses voitures bien trop sauvages et dangereuses à conduire. Les V8 Chrysler que l’on retrouve sous le capot des Bristol sont empreints d’un caractère beaucoup plus sage, bien plus en adéquation avec la vocation grand tourisme des voitures ainsi qu’avec la philosophie de la marque. Bien que plus dociles, ils n’en affichent pas moins des cylindrées fort importantes. L’arrivée sur le marché du coupé 411, en 1969, reflète bien cette véritable course à la puissance entamée depuis une quinzaine d’années alors par Chrysler et par ses concurrents, Ford et General Motors.
Si, extérieurement, la nouvelle 411 paraît identique à sa devancière, le bloc Chrysler que l’on retrouve dans son compartiment moteur, lui, voit sa taille augmentée de manière significative, passant ainsi de 5,3 l à 6,7 litres. Une forte augmentation de la cylindrée qui s’accompagne d’une augmentation de 30% de la puissance (340 chevaux au total), permettant ainsi à la Bristol 411 de franchir la barre des 230 km/h. Pour garantir une tenue de route optimale face à des performances revues à la hausse, la voiture est équipée d’un différentiel à glissement limité. Avec la 411, cette lignée des coupés Bristol, inaugurée en 1963 avec la 408, semble être arrivée à maturité, puise ce modèle connaîtra une carrière qui durera sept ans, soit bien plus que ses devancières (Trois ans pour la 408, deux ans pour la 409 et un an à peine pour la 410). Ce qui n’empêchera toutefois pas ce modèle de connaître plusieurs évolutions significatives. La première, la Série 2, intervient en 1971, avec une nouvelle suspension plus évoluée. La Série 3, lancée l’année suivante, se caractérise, au plan mécanique par un moteur avec un taux de compression plus faible et surtout, au plan esthétique, par un style complètement revu. L’avant se caractérisant par une proue rectangulaire aux angles arrondis équipée de quatre phares ronds. (Elle sera la première Bristol à en être équipée). La Série 4, présentée en 1974, elle, pour compenser le taux de compression fort réduit (9,5 à 8,2), reçoit un moteur à la cylindrée augmentée (6,5 litres). La cinquième et dernière série, produite en 1975 et 1976, ne se signalant, elle, que par des évolutions mineures. (Elle sera toutefois la première Bristol à disposer d’enrouleur de ceintures de sécurité).
Commercialisée en 1975, la 412 clôturera la « série des 400 », car elle sera le dernier modèle à utiliser la dénomination inaugurée avec la 400. Alors que ses devancières, depuis la première Bristol (En dehors du confidentiel cabriolet 403 et de la berline 405), avaient toutes été des coupés à deux ou quatre places de facture très classiques, la Bristol 412 rompe avec la tradition en étant proposée uniquement en coupé à toit amovible de type Targa (avec un système similaire à celui équipant la version éponyme de la Porsche 911). De plus, alors que, depuis la création de la marque, toutes les carrosseries des Bristol avaient entièrement été réalisées en Angleterre, celles, dessinées dans un style très anguleux typique des années 70, de la 412 sont construites chez le carrossier italien Zagato et expédiées ensuite à l’usine Bristol de Filton, où elles sont montées sur leurs châssis. Le catalogue de la 412 la décrivait ainsi : « La voiture est dotée d’une carrosserie en aluminium, ce qui permet d’éliminer les problèmes de corrosion. Le nombre d’anciennes Bristol encore en circulation témoigne de la résistance au temps de ce type de carrosseries. La 412 a de meilleures accélérations que la plupart des voitures sportives. Ces dernières sont le plus souvent étriquées, bruyantes et peu économiques. La 412 correspond vraiment à la définition de Voiture de Grand Tourisme au sens le plus noble du terme. Et si vous avez encore un doute, il faut savoir que chaque voiture est réellement testée en fin de fabrication, parfois par le « chairman » (président) lui même ! La production des automobiles Bristol est volontairement limitée à une poignée de voitures par semaine, afin d’assurer l’exclusivité et la meilleure qualité de fabrication. La voiture est construite pour ceux qui peuvent s’offrir et apprécier le meilleur. Ce niveau restreint de production permet d’assurer que chaque voiture est assemblée individuellement et testée par une équipe spécifique d’hommes qui savent comprendre et apprécier le sens des termes Qualité et Travail artisanal. La carrosserie de la 412 a été dessinée par la très réputée et très respectée carrosserie italienne Zagato, répondant ainsi à notre demande d’une voiture aux lignes modernes, incorporant nos caractéristiques de sécurité et d’habitabilité. »
Si les premières 412 conservaient le moteur 6,3 l de la précédente 411. Cependant, la deuxième série de la 412, lancée fin 1977, recevra, elle, un moteur affichant une cylindrée plus réduite. Alors que, depuis la fin des années soixante, Bristol s’était recentré exclusivement sur le marché britannique, à la fin des années 70, le constructeur commença à caresser le projet de s’implanter sur le marché américain. Une version spéciale de la 412, baptisée (en toute logique) 412 USA, fut créée dans cette intention, reconnaissable à ses quatre phares à l’avant et équipée d’un pot catalytique. (Des équipements dont fut, par la suite, équipée la version « européenne »). Cette tentative se solda malheureusement par un échec, car le constructeur ne parvint jamais à satisfaire aux exigences de la législation américaine en matière de sécurité ainsi que d’émission de pollution. La troisième monture de la 412, la S3 (qui ne remplaça toutefois pas la S2, qui était maintenue au catalogue), reçue bientôt la nouvelle appellation Beaufighter, inaugurant ainsi une nouvelle pratique au sein de la marque de baptiser ses modèles du nom d’un des avions construits par la firme durant la Seconde guerre mondiale. En plus des quatre phares repris de la 412 américaine, elle disposait aussi d’un moteur à la puissance accrue grâce à un turbo compresseur créé par les ingénieurs de la marque. A partir de 1984, et jusqu’à la fin de sa production, en 1993, elle fut également disponible dans une (très rare) version cabriolet baptisée Beaufort.
En plus de la 412, un autre modèle succéda, en parallèle, à la 411, la 603. Ce modèle fut le premier à rompre avec la tradition instaurée lors du lancement de la première Bristol qui était de suivre des chiffres commençant par 400. La dénomination choisie pour celle qui remplaçait la 411 vient du fait que en 1976, l’année de son lancement, cela faisait exactement 603 ans que Bristol s’était vu reconnaître le statut de ville par le roi Edouard III en 1373. Si les lignes de cette dernière étaient étroitement inspiré de celles de sa devancière (Le dessin de la proue, avec sa calandre rectangulaire aux angles arrondis qui englobait les quatre phares ronds), elles avaient néanmoins été mises au goût du jour, avec un physique plus « massif » et un profil « plus tendu ». Un style à la fois moderne et sobre, qui avait été expressément conçu pour ne pas heurter la clientèle, très traditionaliste, de la marque.
Un style qui fut toutefois jugé un peu trop « consensuel » et, pour tout dire, pas très inspiré par les observateurs de la presse automobile, en tout cas à l’étranger. Dans L’Auto Journal, le célèbre chroniqueur Serge Bellu avait décrit, à l’époque, que la nouvelle Bristol avait une esthétique désespérante, toute faite de rondeurs, de lignes contrariées et maladroites et il n’émanait de cette carrosserie aucune élégance. Si ce jugement peut, avec le recul, apparaître comme manquant quelque peu d’objectivité, il faut néanmoins reconnaître que l’innovation ou l’audace ne sont vraiment pas ce qui caractérisent le plus la Bristol 403. A tel point que, s’ils ne s’y connaissaient guère en automobile, les passants ou les autres conducteurs, s’ils avaient la chance (rare) d’en croiser une, que ce soit dans les rues des beaux quartiers de Londres ou sur une route de campagne du Devonshire, ils auraient très bien pu la prendre pour un modèle d’une des marques du groupe British Leyland ou Ford. S’il n’en fut toutefois construit que 70 exemplaires en tout jusqu’à la fin de sa carrière, plus que sur son physique plutôt « anonyme » ou la somme rondelette de 30 000 £ (3 000 de plus que pour une Rolls-Royce Silver Shadow), cela est sans doute du, avant tout, aux méthodes de construction fort artisanales en vigueur au sein de l’usine Bristol.
La 603 fut remplacée en 1982 par les coupés Britannia et Brigand, dont les carrosseries conservaient les grandes lignes de leur devancière, dont elles se différenciaient essentiellement par leur simple paire de phares carrés remplaçant les quatre phares ronds. Toutes deux produites jusqu’en 1994, ce qui faisait d’elles les modèles qui eurent la plus longue carrière dans l’histoire de la marque. Il est vrai qu’à l’époque, chez Bristol comme chez les constructeurs anglais « traditionnels », comme Aston Martin ou Rolls-Royce, le fonctionnement de la société ainsi que l’évolution des modèles se faisait à un rythme « tranquille », pour reprendre le terme même de ses dirigeants.
BRISTOL BEAUFORT
Au point que certains observateurs étrangers ont crus, par moment, que la marque était dans une sorte de « demi-sommeil », L’Auto Journal déclarant même, en 1994, que la production était quasiment arrêté, bien que l’entreprise demeuraient « officiellement » en activité. Il est vrai que le sens de la communication n’a jamais vraiment été le fort des responsables de la marque et pratiquait même ce que l’on pourrait qualifier, à certains égards, de « culte du secret ». Si refuser tout contact avec les représentants de la presse automobile était leur droit, cette politique pratiquée par Tony Crook et le reste des cadres de Bristol a néanmoins eut pour effet d’encourager les légendes de toutes sortes (et pas toujours bienveillantes) sur la marque et ses dirigeants.
Sur bien des points, la marque Bristol n’est comparable à aucune autre, même parmi les constructeurs les plus prestigieux, que ce soit en Angleterre ou ailleurs. A certains égards, plutôt que de marque, au sens ordinaire ou classique du terme, Bristol ressemble plus à un « club ». Semblable en cela à ces clubs londoniens aussi élitistes que « snob » où se retrouvent depuis des siècles les plus hauts membres de la société britannique. Quand on sait que deux des qualités essentielles prônées depuis toujours par ces clubs sont la retenue et la discrétion et que c’est là aussi deux des qualités prônées depuis sa création par la marque, on comprend aisément que les distingués gentlemen anglais composent une grande part de la clientèle du constructeur de Filton et qu’ils lui soient demeuré fidèle au fil des décennies.
En plus de leur élégance et de leur discrétion typiquement britannique, chacun des modèles de la marque se doit de répondre à des caractéristiques fort singulières. Parmi celles-ci, le fait qu’une Bristol doit offrir une visibilité périphérique parfaite, un critère qui influence évidemment de manière très forte la conception des lignes au niveau de son habitacle. Autre critère important, comme sur un tout-terrain (bien que dans une moindre mesure), les angles d’attaque et de sortie des carrosseries ont une grande importance et sont donc étudiés avec le plus grand soin. Ainsi, ils ne descendent pas en dessous de 20° sur l’ultra-performant coupé Fighter. Deux exigences incontournables figurant dans le cahier des charges de chaque nouvelle Bristol qui ont pour conséquence d’écarter d’emblée, au sein du bureau d’études de la marque, toute idée de l’ajout d’appendices aérodynamique comme un spoiler (surtout du genre de ceux figurant sur les voitures du championnat DTM) ou de tout autre extracteur dépassant de la carrosserie. Une autre exigence, qui apparaît toutefois, elle, plus curieuse (voire incongrue sur une voiture de ce genre), une Bristol doit pouvoir évoluer se déplacer dans un gué d’une profondeur de 30 cm sans caler. Mais il est toutefois à se demander si (en dehors peut-être des ingénieurs de la marque) il y eut jamais un client de la marque qui ait pris le risque de tenter l’expérience.
Chacun des modèles conçus à l’usine de Filton a été conçu par un groupe d’ingénieurs formés dans le secteur de l’aviation et, comme beaucoup le savent, le degré d’exigence, à tous les stades de la conception et de la production, est placé à un très haut niveau. Conséquence, les délais de réalisation pour chaque voiture produite sont trois à quatre fois supérieurs à celui de la plupart des autres constructeurs de prestige comme Jaguar ou Mercedes. La patience requise de la part l’acheteur qui passe commande d’une Bristol se doit donc d’être à la mesure de la taille de son compte en banque. Mais la patience est aussi l’une des nombreuses vertus que se doit de posséder tout bon Anglais « old school » et la grande majorité des clients de la marque sont habitués depuis longtemps aux us et coutumes en vigueur chez ce constructeur résolument à part et ces délais de fabrication qui paraîtraient interminables, voire inadmissible, même au sein de la clientèle de Jaguar, sont tout simplement le résultat des exigences de qualité et du perfectionnisme voulus par Tony Crook. Si les prix affichés au catalogue sont certes très élevés, ils n’atteignent pas pour autant un niveau aussi stratosphériques que l’on pourrait le croire. Ils sont tous simplement alignés sur les coûts de production. Sur ce plan-là aussi, les dirigeants de Bristol ont toujours faits preuve d’une philosophie dans leur façon de diriger l’entreprise qui s’apparente beaucoup plus à celles de certains artisans ou des artistes d’antan. C’est à dire cherchant (et convaincus) avant tout à créer, avec la réalisation de chaque voiture, presque une sorte d’oeuvre d’art. En ce sens, pour eux, le plaisir de créer et la satisfaction du commanditaire (De l’acquéreur) étant, à la limite, plus importante que de réaliser la plus grande marge de bénéfices possibles. Si on ne peut, bien sûr, pas parler ici de pure et simple philanthropie, force est, néanmoins, de reconnaître que l’on est très loin de la mentalité en vigueur chez la grande majorité des autres constructeurs automobiles, même au sein de ceux qui peuvent s’enorgueillir d’un blason mondialement renommé.
BRISTOL BLENHEIM SERIE 3
C’est en cela aussi que l’on peut dire que Bristol est bien un constructeur « 100% britannique », c’est à dire empreint, dans sa manière de fonctionner, de concevoir et de construire des voitures, d’une mentalité que beaucoup, chez les autres constructeurs, jugeraient sans doute anachronique et guère en phase avec ce que d’aucuns appellent, pompeusement, « l’esprit d’entreprise moderne ». Une philosophie qui n’en est pas moins empreinte d’une certaine noblesse et que Anthony Crook a toujours affirmé de façon claire et sans complexe. Si cette stratégie aussi singulière qu’élitiste à rapidement condamner le constructeur de Filton à une certaine « marginalisation » et à vivre, en quelque sorte, « en dehors du système » et à l’écart de la grande majorité des acteurs du monde automobile, elle lui aussi permis de tracer et de suivre son propre chemin, sans avoir vraiment à se préoccuper des bouleversements, parfois profonds, qui secouait celui-ci ainsi que l’industrie automobile britannique et l’économie du Royaume-Uni (Comme les deux crises pétrolières et la récession économique que celles-ci engendrèrent ou la déliquescence du groupe British Leyland qui entraîna la disparition de marques autrefois renommées comme Austin, Morris, Triumph, Wolseley,…).
Sûr de la voie qu’elle s’était tracé et pouvant compter sur une clientèle fidèle, Tony Crook et les autres cadres de Bristol n’ont jamais craints de rester fidèle à une tradition que beaucoup d’observateurs assimileraient sans doute à un certain archaïsme. Exemple typique : Au début des années 2000, sur la Blenheim III (Issue de la Bristol 603, introduit en 1976 et dont les dérivés, la Brigand et les trois versions successives de la Blenheim, font partie de la lignée que l’on désigne chez les fidèles de la marque comme la génération Britannia), l’équipement électronique se limitait, en tout et pour tout, aux fonctions de base du système d’injection du moteur. Ni l’ABS ni l’ESP ne figuraient au programme, et l’on ne trouvait pas d’avantage d’airbags dissimulés dans le moyeu du volant ou dans un compartiment au-dessus de la boîte à gants. Dans le catalogue consacré à la Blenheim II (L’un des rares catalogues édités par la marque sur ses modèles), datant de 1999, le texte décrivant la voiture et son constructeur défendait farouchement l’indépendance de la marque et justifiait son conservatisme par le refus de céder aux modes éphémères. Un discours qui ne craignait pas, sur certains points, de frôler le surréalisme. Notamment lorsqu’il défendait la fidélité à des solutions techniques qui apparaissaient pourtant comme dépassées telles que le châssis séparé auquel (toujours selon le texte du catalogue) « de nombreux propriétaires de Bristol devaient la vie » ! En Grande-Bretagne, bien plus encore qu’avec une Jaguar ou une Aston Martin, pour beaucoup d’automobilistes Anglais (y compris ceux dont les moyens ne leur permettent guère de pouvoir s’offrir l’un des modèles de la marque), les Bristol sont véritablement ce que l’on appelle des « voitures de connaisseurs ». Et, aux yeux de ces conducteurs « privilégiés », rouler dans une voiture dépourvue d’ABS alors qu’elle est vendue (en 2005) plus de 200 000 euros (pour le moins cher des modèles proposés au catalogue) représentait certainement, en matière d’automobile, le comble du snobisme !
Dans ses rapports vis-à-vis de sa clientèle aussi, Bristol faisait preuve d’une singularité assumée : La seule et unique concession de la marque est située sur Kensington High Street à Londres. Il n’existait, en effet, aucun réseau de distribution, les ventes se faisant exclusivement dans les bureaux de Kensington Street, sans aucun intermédiaire. Ce qui permettait aussi à la firme de tisser des liens particuliers avec les propriétaires de chaque voiture. Les bâtiments qui abritaient les départements consacrés à l’entretien et à l’après-vente se trouvant, quant à eux, sur Great West Road. L’usine étant, elle, interdite à tout visiteur. Autre singularité : Les chiffres de production délivrés par le constructeur (ce dernier ne les délivraient d’ailleurs pas forcément chaque année) incluaient aussi, en plus des voitures neuves, les restaurations et les « remises à niveau » des anciens modèles de la marque, cette dernière étant alors l’un des rares constructeurs à gérer elle-même ce genre de chantiers, afin, selon les responsables de la firme, de préserver le p »atrimoine génétique » des Bristol. Le constructeur garantissait d’ailleurs la fourniture de 97 % des pièces commandées (que ce soit pour un modèle actuel ou ancien) en moins de 48 heures. Beaucoup de marques, aussi prestigieuses soient-elles, auraient sans douteeu du mal à faire mieux !
BRISTOL BLENHEIM SERIE 3S (II)
Paradoxalement, ce « décalage » et cet anachronisme affiché des Bristol eurent un effet inattendu sur les ventes de la marque. A la fin des années 1990, rouler en Bristol devint en effet une nouvelle mode fort tendance au sein des membres de la jet-set britannique. Si leur aspect totalement « désuet » et « hors du temps » a toujours fait partie de l’identité des modèles de la marque et a toujours été clairement revendiquée par les dirigeants de la firme, dans les dernières années du XXème siècle, cette singularité eut un attrait qui s’étendit au-delà du cercle habituel des fidèles de la marque. Un effet de mode qui fit « bondir » la production de l’usine de Filton jusqu’à 150 exemplaires en 2000. La clientèle des vieux aristocrates britanniques, qui composait jusque-là la plus grande partie des clients de la marque, fut alors progressivement remplacée par celle des stars du show-biz ainsi que des riches hommes d’affaires (à l’image de Richard Branson, le très médiatique patron du groupe Virgin).
A cette époque, pourtant, pour les touristes qui passaient leurs vacances à Londres et qui passaient, par hasard (Car, à moins d’êtres de fins connaisseurs en matière d’automobiles, la grande majorité d’entre-eux n’avaient sans-doute jamais entendu parler de la marque), devant le seul et unique concessionnaire de la marque aurait probablement eu du mal à croire que ce show-room, à l’allure tout ce qu’il y a de plus anonyme, et qui aurait pu passer pour un banal vendeur de voitures anciennes spécialisé dans les « vieilles » anglaises, était celui d’une marque parmi les plus élitistes de la production britannique et dont les modèles prétendaient pouvoir surpasser les Jaguar et, plus encore, rivaliser avec les Aston Martin et les Bentley. Lorsque le visiteur et futur acheteur potentiel poussait la porte du show-room, les chaises sur lesquelles lui et le représentant de la marque s’installaient, comme la table qui se trouvaient entre eux, n’auraient pas dépareiller au sein des restos du coeur des faubourgs les plus populaires de la capitale anglaise ! On était donc là à cent voire à mille lieux du luxe clinquant des concessionnaires de chez Aston Martin, Rolls-Royce ou même de constructeurs plus « populaires » comme Jaguar ou Mercedes.
Etait-ce une autre manifestation de la « singularité » de la marque, de son refus de toute « ostentation » et de son culte de la discrétion ? Que sa réputation dans le monde de l’automobile de prestige, en Angleterre, était parfaitement, et depuis longtemps, établie et qu’elle n’avait donc absolument pas besoin de déployer les strasses et le tapis rouge pour attirer de nouveaux clients ou convaincre ceux qui possèdent déjà une Bristol de passer commande pour le nouveau modèle ? Ou bien, plus prosaïquement, le signe que, malgré cet intérêt inattendu de la part d’une nouvelle clientèle qui jusqu’ici, ne s’était jamais vraiment intéressé à cette marque si atypique, et les gains financiers que cela pouvait engendrer, l’âge d’or de Bristol était sans doute derrière lui ? Et aussi que, en dépit de cela, les bénéfices récoltés par le constructeur étaient à ce point réduits que celui-ci n’avait pas les moyens d’offrir une rénovation, même partielle, aux locaux qui abritaient le seul et unique point de vente de la marque ?… Probablement tout cela à la fois.
En février 1997, Crook, commençant sans doute à ressentir les atteintes de l’âge (Il était alors âgé de 77 ans) et désirant prendre une sorte de « semi-retraite », décide de vendre la moitié des parts de Bristol Cars à l’ingénieur et hommes d’affaires Toby Silverton, qui a fait fortune dans la fabrication de composants pour l’aéronautique. Une manière pour Crook à la fois d’apporter du sang neuf à la marque et aussi d’assurer la relève, le contrat pour la cession des parts incluant une option pour le rachat des parts restantes de l’entreprise dans les quatre ans. Après Silverton, les dirigeants du groupe Tavistock et plusieurs autres investisseurs intégrèrent également le conseil de direction de la marque. Bien qu’en 2002, Bristol deviennent entièrement la propriété de Silverton et du groupe Tavistock, Crook fut maintenu comme directeur général de la marque. Dernière figure historique de la marque, ce dernier quittera finalement Bristol en août 2007, prenant alors définitivement sa retraite de la marque à laquelle il avait consacré presque toute sa vie. Il décédera en février 2014 à l’âge de 93 ans.
Maxime Dubreuil
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