PEUGEOT 604 – Une lionne dans la cour des grandes.
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Au milieu des années 70, cela fait maintenant près de quarante ans que la marque au lion n’a plus proposé à son catalogue de modèle équipé d’un moteur six cylindres (depuis la fin de la production de la 601, au début de l’année 1936). Depuis lors, le constructeur de Sochaux avait choisi d’abandonner ce secteur, où elle avait pourtant été présente quasiment sans interruption depuis le début des Années Folles (et même déjà avant la Grande Guerre) pour concentrer ses efforts sur le marché, beaucoup plus lucratif à ses yeux de l’automobile populaire. Un choix qui lui sera d’ailleurs hautement profitable puisque, dès le début des années 30, Peugeot deviendra l’un des poids lourds et des acteurs incontournables de l’industrie automobile française. A tel point que, au sein de la direction de Sochaux, le terme de haut de gamme semble même devenu tabou.
Est-ce que, bien que déjà lointain, durant la période des Trente Glorieuses, le souvenir de ces grandes Peugeot à moteur six cylindres était toujours vivace dans la mémoire de certains, tant au sein du Bureau d’Etudes que de l’état-major du constructeur. Il est aussi probable que la disparition des derniers constructeurs français de prestige, dans les années 50 et 60, qui a laissé ainsi un grande vide au sein de la production nationale ait donné à ces derniers la conviction qu’il y a avait là un marché à prendre. Sans doute aussi l’idée ainsi que l’envie de pouvoir introduire ses modèles dans les cours des ministères et, surtout, dans les garages de l’Elysée était-elle une perspective aussi tentante que prestigieuse. Permettant ainsi de briser le monopole dont jouissait Citroën depuis quasiment une vingtaine d’années.
Ce sont les accords passés avec Renault et Volvo dans l’objectif de créer un nouveau moteur destiné, tout comme dans le cas de Peugeot, à motoriser leurs futurs modèles haut de gamme. Plus exactement, le projet initial prévoyait de créer deux versions du moteur PRV : un V6 ainsi qu’un V8. L’éclatement de la première crise pétrolière, à l’automne 1973, et la flambée des prix de l’essence que celle-ci va engendrer va toutefois obligé les trois constructeurs à revoir leur projet ainsi que leurs ambitions à la baisse. Seul le V6 étant finalement mis en production, celle du V8 étant, dans un premier temps, ajournée… avant d’être définitivement enterrée, lorsque surviendra le second choc pétrolier, six ans plus tard. Malgré ce nouveau contexte socio-économique devenu subitement fort morose et qui ne semble guère propice au lancement de nouvelles berlines de grosses cylindrées, les deux constructeurs français demeurent toujours persuadés qu’il existe toujours une place pour une grande berline de prestige, tout comme leur partenaire suédois.
Au sein de la gamme Peugeot, ce n’est toutefois pas la future grande berline en question qui sera le premier modèle à en bénéficier, mais les coupé et cabriolet 504 (qui reçoivent d’ailleurs, pour l’occasion, un léger remaniement esthétique) à la fin de l’année 1974. Le nouveau vaisseau amiral de la marque au lion, quant à lui, n’étant dévoilé au public qu’en mars de l’année suivante, à l’occasion du Salon de Genève.
Le public la découvre en même temps que sa « cousine » et néanmoins rivale, la Renault 30. Un accord secret passé entre les deux constructeurs prévoyait que seule cette dernière devait faire son entrée en scène lors du Salon helvétique, mais Peugeot, tenant à profiter sans doute des retombées médiatiques de ce qui était tout de même le plus grand Salon automobile européen, afin de mieux assurer la promotion du nouveau modèle-phare de sa gamme, décida, presque au dernier moment, de la présenter elle aussi à Genève et non quelques semaines plus tard comme il était prévu initialement prévu.
Le constructeur de Sochaux étant d’autant plus convaincu des bénéfices qu’il pourrait en retirer que sa rivale au losange avait choisi, tout comme sa devancière, la R16, de rester fidèle au principe de la cinquième porte, c’est-à-dire du hayon. Or, dans le segment des berlines grandes routières où s’inscrivent ces deux françaises, celui-ci pâti d’une image encore trop « plébéienne » ou « utilitaire ». La clientèle, qui, dans sa grande majorité, demeure très conservatrice et reste donc attachée à la ligne tricorps et au coffre classique qui, en plus d’offrir un coffre souvent de plus grande capacité (grâce à un porte-à-faux plus important) présentait aussi l’avantage, à leurs yeux, d’offrir une ligne plus statutaire. Autant d’atouts que présente la nouvelle 604 et dont est dépourvue la Renault 30.
Une ligne d’autant plus statutaire avec un style tout en surfaces planes et en angles vifs, qui se veut imposant et bien dans l’air du temps, tout en demeurant assez élégant. Avec une longueur totale de 4,72 mètres, la grande Peugeot peut sans doute, en effet, revendiquer le titre de plus grande berline de la production française de l’époque. Si les essais publiés dans la presse automobile française et étrangère lors de sa commercialisation soulignent d’ailleurs l’élégance de ses lignes ainsi qu’un confort et un comportement routier digne des références de sa catégorie. En revanche, là où le bas blesse par rapport à ces dernières (c’est-à-dire les berlines allemandes comme la BMW Série 5 et la Mercedes W123) se situe au niveau de la présentation et de la finition intérieure, avec un habitacle habillé de matériaux à l’aspect comme à la qualité parfois peu flatteuse.
Sur le plan mécanique, les critiques portent aussi sur le manque de souplesse à bas régime, sans compter la consommation qui ne manque pas de grimper rapidement et même en flèche lorsque le conducteur a le pied un peu trop lourd sur l’accélérateur. Deux défauts récurrents de la première version du V6 PRV, dont seront, malheureusement affectés quasiment tous les modèles qui en seront équipés. Outre les défauts inhérents à la conception même du moteur (notamment son inclinaison à 90 degrés, ainsi que le fait que le V6 ainsi que le V8 qui avaient été conçus conjointement devaient, évidement, partagés un maximum d’éléments mécaniques en commun), le système choisi pour l’alimentation du V6 est l’autre principal talon d’Achille de la grande Peugeot. Celui-ci étant, en effet, constitué d’un premier carburateur simple corps servant pour les phases de démarrage et les faibles vitesses ainsi qu’un second carburateur double corps de plus grande taille utilisé pour les régimes élevés. Un système qui, s’il pouvait paraître intéressant sur le papier, ne donnera toutefois guère satisfaction auprès des essayeurs, auprès des essayeurs de la presse automobile comme des utilisateurs.
Si le public helvétique a pu découvrir en primeur le nouveau modèle haut de gamme de la marque au lion lors du Salon de Genève et si les premiers exemplaires de présérie effectuent leurs premiers tours de roues à partir de l’été, les acheteurs intéressés devront toutefois attendre pas moins de sept mois pour en passer commande, la commercialisation de la 604 n’intervenant, en effet, qu’au mois d’octobre de la même année, à l’occasion du Salon de Paris (les premières voitures vendues par les concessionnaires étant considérées comme faisant partie des modèles du millésime 1976).
Lors de son lancement (sans doute est-ce là un choix conscient du constructeur pour mieux accentuer son statut de modèle haut de gamme), outre la seule motorisation V6, un seul niveau de finition (SL) est proposé au catalogue. Sans doute parce que la direction de Sochaux estimait que sa grande 604 possédait déjà un équipement amplement suffisant en matière de confort (et, contrairement à ses concurrentes d’outre-Rhin, qui, elles, présentaient une liste d’options en tous genres souvent longues comme le bras), les équipements optionnels proposés sur la 604, eux, se compteront quasiment sur les doigts d’une main. Ceux-ci se résumant, en effet, à une transmission automatique, la sellerie en cuir ainsi que le toit ouvrant à commande électronique (même si la climatisation fera aussi son apparition un peu plus tard). En ce qui concerne les teintes de carrosseries, le choix n’est guère plus varié, puisque la seule couleur standard offert sur la 604 est le noir, les autres nuances (toutes métallisées) étant, quant à elles, disponibles uniquement en option.
Ce n’est qu’à l’automne 1977 (sur la gamme de l’année-modèle 78 donc) que la gamme s’élargit (sensiblement) avec l’apparition de la 604 Ti, qui (comme son appellation le laisse indiquer) abandonne ici les carburateurs au profit d’une nouvelle alimentation à injection électronique (Bosch K-Jetronic) qui, si elle se montre à peine plus puissante (144 chevaux contre 136 pour la SL) a toutefois l’avantage (non négligeable) de limiter (sensiblement mais de manière néanmoins tangible) l’appétit en carburant du V6 (aussi légendaire à l’époque que sa sonorité rappelant plus celle d’un poids lourd que d’une berline haut de gamme) ainsi que d’offrir une meilleure souplesse d’utilisation. La boîte de vitesses gagnant, de son côté, un cinquième rapport (ce qui participe aussi à la sobriété ainsi qu’à l’agrément de conduite), la boîte automatique (d’origine GM et ensuite ZF) restant toujours disponible au catalogue.
Si la SL, quant à elle, est toujours disponible, elle se voit cependant réduite au rôle de simple « modèle d’entrée de gamme ». Sur cette dernière, les lève-vitres électriques à l’arrière ne sont désormais plus proposés qu’en option, tout comme les vitres teintées et la condamnation centralisée, alors que ceux-ci sont offerts en série sur la Ti. En tout cas jusqu’en 1979. A partir de l’année-modèle 1980, l’acheteur intéressé devra passer, pour pouvoir en disposer, par un pack d’option baptisé Grand Confort (comprenant notamment les jantes équipées des célèbres (et coûteux) Michelin TRX.
L’un des effets les plus concrets et les plus importants des deux crises pétrolières qui ont secoué les années 70, en France comme dans le reste de l’Europe occidentale, sera la généralisation des voitures à moteur Diesel. Mercedes avait ouvert la voie dans ce domaine sur ses modèles (déjà avant-guerre) et montré (notamment sur les versions de la W123 équipées de ce genre de mécaniques qui étaient produites à l’époque) que ce type de motorisations était tout à fait compatibles avec une certaine idée du « standing » automobile. Malgré cela et même si la France deviendra une championne dans ce domaine, le Diesel conserve toutefois, aux yeux de la grande majorité des automobilistes (français comme étrangers) une image très (voire trop) populaire et (surtout) « utilitaire », guère compatible avec celle du prestige et du confort qui sied alors à une berline grande routière comme la 604.
Il semble assez clair, également, que si les deux crises pétrolières et la flambée des prix de l’essence que celles-ci ont engendré n’avaient jamais eu lieu, non seulement, la 604 aurait été équipée de la version V8 du moteur PRV qui avait été également été prévue à l’origine. Mais aussi (voire surtout) qu’elle n’aurait probablement jamais été commercialisée en version Diesel, tant, lors de la genèse du projet, imaginer celle qui serait le futur vaisseau amiral de la marque au lion ainsi que l’un des nouveaux fleurons du haut de gamme français, aurait sans doute paru incongrue (voire même « hérétique ») à certains.
La clientèle de ce genre de voitures s’intéressant beaucoup plus à l’économie de carburant ainsi que la robustesse et la longévité de la mécanique et peu (voire pas du tout) aux performances. Ce qui, surtout dans le cas des premières versions Diesel de la 604, est assez heureux, tant celles-ci font presque figure de « veau ». Les chiffres de leur fiche technique parlent d’ailleurs d’eux-mêmes : 80 chevaux et 145 à 155 km/h, suivant le type de transmission (boîte de vitesses manuelle à 4 ou 5 rapports ou automatique ZF) pour la nouvelle 604 D Turbo (dont la motorisation est basée sur celle, bien connue, de la 504), contre 144 chevaux et 185 km/h pour la 604 STi.
Si, en ces temps de crise énergétique, les versions Diesel des grandes berlines, tant, sur le marché français que dans le reste des pays européens, tendent à se généraliser, la nouvelle et première 604 Diesel possède une particularité qu’il n’est pas inutile et même important de souligner : celle-ci est la première voiture (ou presque) à moteur Diesel équipée d’un turbocompresseur. Un seul autre modèle avant elle, la Mercedes 300 SD, présentée un an et demi plus tôt, y eut droit. Si cette dernière aura la primeur d’inaugurer cette solution technique, qui fera rapidement école, elle était toutefois réservée… au marché américain. Cette 604 abonnée au régime gazole doit encore se contenter à son lancement, d’une simple boîte à quatre vitesses, bien qu’elle sera très vite équipée d’un cinquième rapport. En prime, elle recevra aussi, en même temps que cette nouvelle transmission, le pack d’équipements Grand Confort ainsi que, en option, la boîte automatique ZF (seules les jantes TRX restent réservées aux versions essence).
S’étant retrouvée rapidement marginalisée depuis le lancement des versions à injection, la version SL à carburateurs quittent finalement la scène à al fin de l’année-modèle 1982 (en France tout du moins, car elle reste proposée sur certains marchés à l’étranger). Un an plus tard, à al fin de l’année 83 et à l’occasion de la présentation de la gamme du millésime 84, donc celle-ci est « entièrement » remaniée. Même si ce remaniement en question concerne surtout les niveaux de finition et leur dénomination au sein du catalogue, bien que de nouvelles versions du V6 à injection et du 4 cylindres turbo-diesel font aussi leur apparition. La 604 Ti/STi se voit ainsi remplacée par la 604 GTi.
L’appellation GTi, en plus du fait qu’elle désignait avant tout et surtout des compactes sportives comme la Golf (ainsi que la 205, qui sera d’ailleurs dévoilée peu de temps après) semble d’autant plus déplacée sur une berline de ce gabarit et de cette catégorie que, même si le V6 pRV, maintenant porté à 2,8 litres et 155 chevaux, lui permet d’atteindre les 190 km/h (dans des conditions optimales), en reste quand même encore très loin des performances d’une BMW M5 (ou même d’une 525i « classique »).
En ce qui concerne les motorisations Diesel, les GRD Turbo et SRD Turbo (équipées d’un moteur identique à la D Turbo « originelle » et offrant donc des performances quasiment identiques, qui avaient succédé à cette dernière à l’occasion du millésime 81) cèdent leur place à la GTD Turbo, dont la motorisation passe à 2,5 litres et 95 chevaux, (la vitesse de pointe passant ainsi de 157 à 165 km/h). Alors que les versions équipées du V6 PRV bénéficiaient d’un bloc-moteur en alliage léger ainsi que d’un arbre à cames par banc de cylindre, les 604 Diesel (quelles que soient les versions) devront, elles, se contenter (sans doute parce que de conception plus rustique et/ou plus ancienne) d’un bloc ainsi que d’une culasse en fonte et d’un arbre à cames latéral.
Sur le plan esthétique, que ce soit en ce qui concerne l’apparence extérieure comme celle de l’habitacle, al 604 n’évolue guère au cours des dix ans que durera sa carrière. A l’intérieur, l’un des rares changements notables sera le volant qui passera d’un modèle à trois branches et garni de cuir sur les premières séries à un modèle à quatre branches « tout plastique » à partir de 1979. Le métal chromé et peint cédant, lui aussi, progressivement, la place pour le revêtement du tableau de bord comme la console centrale à des habillages plastique qui, à l’époque, paraissaient sans doute très « moderne » mais, qui, avec le recul du temps, paraissent d’un aspect assez « cafardeux ».
Parmi les autres évolutions que l’on peut retenir et qui permettent de différencier ainsi que de dater les modèles, on peut noter, sur les GTi et GTD Turbo, le remplacement des Michelin TRX par des Pirelli P6, avec des jantes en alliage léger au dessin modifié, qui donne à la 604 une ligne (sensiblement) plus agressive. En ce qui concerne le reste des équipements techniques sur ces deux versions, le pont autobloquant ainsi que le régulateur de vitesse sont désormais montés en série.
Même si, sur le plan des performances, la GTi est certainement la meilleure version de la 604, quelles que soient l’ensemble de ses qualités, cette derrière arrive, malheureusement, bien trop tard sur le marché pour pouvoir espérer avoir une chance réelle de relancer la carrière de la grande lionne. Celle-ci allant bientôt sur ses dix ans d’âge, il est maintenant clair, non seulement, pour le public ainsi que pour la presse automobile – qui, dans leur grande majorité, lui ont, semble-t-il, déjà tourné le dos depuis longtemps – mais aussi pour son constructeur lui-même, que celle qui devait symboliser, à bien des égards, le renouveau des grandes berlines de haut de gamme ainsi que de pouvoir rivaliser avec les berlines allemandes, – ses concurrentes désignées – a, clairement, manqué sa cible. Et il semble bien trop tard, à présent, pour qu’une quelconque optimisation, ou même un changement de sa mécanique ou un éventuel lifting de sa carrosserie, permettent de corriger le tir.
Si, à la fin de l’année 83, au moment du lancement de la GTi, la 604 n’était pas encore morte, il semble que beaucoup, au sien de l’état-major de Sochaux, l’avaient déjà enterré. Un crépuscule et une fin de carrière d’autant plus évident et même assez cruel pour la 604 lorsque la 505 (présentée en 1979 pour remplacer, à terme, la 504) se verra également équipée du V6 pRV, étant finalement contrainte, devant l’échec commercial de sa « grande soeur » de jouer les « hauts de gamme de substitution ». Il en sera d’ailleurs ainsi jusqu’à la présentation de la 605 en 1989. Même en version turbo-diesel, la 505, équipée d’une motorisation comparable, se montrait à la fois plus rapide, plus maniable et moins coûteux.
La commercialisation de la version V6 de la 505 ayant, évidemment, comme effet principal et rapide, la mise à la retraite de la 604, celle-ci quittant alors, progressivement, la scène à partir du mois de novembre 1985. Le modèle subsistant toutefois au catalogue presque jusqu’à la fin du millésime 1986 afin d’écouler les stocks.
La 604 avait avant tout été conçue dans l’objectif de faire revenir dans le giron de la marque au lion, ainsi que des constructeurs français en général, la clientèle « d’élite » qui s’était, parfois depuis longtemps, déjà, laissé séduire par les charmes – parfois, il est vrai, un peu surfaits – des berlines allemandes. Si elle était donc, par définition, avant tout et surtout, destinée au marché français, Peugeot espérait néanmoins qu’elle parviendrait également à se faire une place sur certains marchés étrangers – comme au Benelux, dans les pays Scandinaves, pays souvent dépourvus d’industrie automobile nationale. Toutefois, là aussi, elle n’y connaîtra guère plus qu’une carrière en demi-teinte. Notamment outre-Atlantique.
Présent aux Etats-Unis depuis les années 50 (la marque au lion sera d’ailleurs le dernier constructeur français présent sur le marché américain, jusqu’en 1991 -, Peugeot pouvait sans doute espérer, raisonnablement, écouler son haut de gamme – qui, au vu des dimensions assez imposantes qu’atteignaient les Cadillac et les Lincoln contemporaines, était considérée, au pays de l’oncle Sam, comme une berline de taille « moyenne » – en quantités assez respectables. Proposée à la clientèle américaine en version SL, équipée d’un V6 de 2,7 litres et ensuite de 2,8 litres, à carburateurs, ainsi qu’une version S turbo-diesel de 2,3 litres – les moteurs Diesel, suites aux deux chocs pétroliers des années 70, connu aussi son heure de gloire outre-Atlantique -, contrairement à ses aînées, la 504 et la 505 – qui furent sans-doute les seules modèles de la marque au lion à connaître un véritable succès commercial sur le marché américain, au point d’ailleurs d’être adoptées par un certain nombre de taximen à New York – la 604, de son côté, y connaîtra un échec cinglant. Ces versions américaines, commercialisées sous la forme de deux séries successives, se distinguent des modèles vendus en Europe par leurs doubles optiques carrées et leurs pare-chocs renforcés afin de répondre à la législation américaine en matière de sécurité passive.
Bien qu’aucune version quatre cylindres à essence n’ait jamais figuré au catalogue Peugeot, cette motorisation a pourtant bien équipée un certain nombres d’exemplaires de la 604. Ceux-ci, recevant sous le capot un moteur 2 litres, étant réservés aux fonctionnaires et autres cadres de l’Administration.
A l’autre extrémité de la hiérarchie de l’Etat, Valéry Giscard d’Estaing (élu Président de la République Française, un an à peine avant la présentation de la 604) en fit très vite sa monture favorite et si (tout comme les principaux ministres de son gouvernement), il en utilisera plusieurs pour ses déplacements personnels durant toute la durée de sa présidence. Cet honneur et cette publicité gratuite ainsi que fort prestigieuse n’auront toutefois guère d’effets sur le volume des ventes. De plus, même si elle aura droit aux honneurs de la cour ainsi que des garages de l’Elysée, la grande Peugeot ne sera toutefois jamais élevée au rang de « char de l’Etat », cet honneur restant réservé à la Citroën CX, ainsi que (dans une moindre mesure) à sa « cousine » (mais néanmoins rivale, la Renault 30).
Ceci, malgré la présentation, en 1978, d’une version limousine. Réalisée par le carrossier Heuliez – qui, bien qu’il n’était pas vraiment un novice en la matière, était, toutefois, plus connu pour ses réalisations sur les utilitaires légers et les poids lourds – qui assurait d’ailleurs l’essentiel de l’activité de l’entreprise – que pour ses versions hors-série sur des modèles de « prestige ». Diffusée à partir de l’automne 1980 par le réseau des concessionnaires de la marque, cette limousine était réalisée sur un empattement rallongé de 62 cm. Si (« noblesse oblige »), la 604 limousine était toutefois – théoriquement – disponible avec toutes les motorisations alors proposées au catalogue, y compris donc le turbo-diesel, bien que celle-ci apparaisse résolument contre-nature sur une voiture de cette catégorie, surtout à l’époque.
Comme il va souvent de soi sur un modèle de ce standing, l’habitacle de cette limousine « made in France » pouvait être réalisé, quasiment, à la carte. Dans la longue liste des options figuraient, notamment, une séparation intérieure entre le chauffeur et les passagers ainsi qu’une sellerie réalisée soit en cuir ou en velours. Dans tous les cas, quelle que soit la teinte de carrosserie choisie, ainsi que la couleur des habillages intérieures, le pavillon de toit reste couvert de vinyle noir. Contrairement aux espérances des dirigeants de Peugeot, malgré sa stature ainsi que l’écrin cossu offert par son habitacle, elle non plus, malgré son succès d’estime, ne parviendra pas à offrir un second souffle au vaisseau amiral de Sochaux. Elle rencontrera d’ailleurs plus de succès auprès des sociétés de location spécialisées dans les voitures de cérémonies qu’auprès des élus nationaux – qu’ils soient ministres ou députés.
Heuliez ne sera toutefois pas le seul carrossier à s’intéresser à la 604. On peut notamment citer Henri Chapron. Outre l’installation d’une séparation intérieure vitrée et d’autres équipements spéciaux – téléphone, mini-bar, télévision et parfois même une carrosserie blindée sur plusieurs berlines, ce dernier réalisera également plusieurs landaulets – la plupart conservant l’empattement de la berline de série, même si l’un ou l’autre bénéficièrent également d’un châssis rallongé. Moins connue mais plus inattendue, la dernière création du carrossier Pichon-Parat, avant sa fermeture en 1980 – même si celui-ci ne cessera officiellement ses activités que trois ans plus tard – sera un break – assez réussi ) réalisé spécialement pour le pilote Bernard Consten.
Philippe Roche
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