CITROËN GS BIROTOR - Rendez-vous manqué avec le destin.

CITROËN GS BIROTOR- Rendez-vous manqué avec le destin

L’image du moteur rotatif est sans doute indissociable de celle de son créateur, Félix Wankel que l’on doit, si pas l’invention en elle-même, en tout cas la véritable mise en application dans la production en grande série. Ceci, à travers la firme allemande NSU, dont Félix Wankel est parvenu à convaincre les dirigeants du potentiel du moteur rotatif et, surtout, sur bien des points, de sa supériorité face aux mécaniques « classiques ». Le constructeur décidant, dans le courant des années 50, de profiter du « Miracle économique allemand » et de la prospérité retrouvée après la dévastation subie au sortir de la Seconde guerre mondiale pour diversifier ses activités dans la production automobile. Plusieurs autres constructeurs étrangers vont alors également commencer à s’intéresser aux avantages et au potentiel de cette mécanique avant-gardiste. Notamment Citroën.

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Si l’image de la firme aux chevrons est associé, depuis la présentation de la Traction Avant, en 1934, et surtout de la DS, en 1955, à l’avant-gardisme technique, là où le bas blessait un peu, concernant cette dernière, était son moteur. L’étude et la mise au point de cette dernière, notamment celle de la révolutionnaire suspension hydraulique, ayant déjà coûté suffisamment chère aux yeux de l’état-major du Quai de Javel, le bureau d’études devra alors se résoudre à remiser dans les cartons le projet du tout aussi « révolutionnaire » six cylindres à plat imaginé par Maurice Sainturat, le concepteur du moteur de la Traction et se résoudre à recycler celui-ci sur la DS. C’est pourquoi la « soucoupe volante » de Citroën, bien qu’elle révolutionnera, sur bien des points, l’automobile française, pâtira toutefois, dans sa version originelle, de performances assez « moyennes ». Même si les versions DS 21 et 23 ultérieures, permettront au vaisseau amiral de la marque d’offrir à ses conducteurs des performances dignes de ce nom et ainsi d’en faire les nouvelles « Reines de la route » – en référence au titre qu’avait reçu la Traction 15 Six à moteur six cylindres – certains esprits critiques, au sein de la presse automobile comme du public, ne se priveront d’ailleurs pas de souligner le « manque de noblesse » technique de sa mécanique.

En découvrant le moteur rotatif imaginé par Félix Wankel, au-delà de la simple originalité technique, Pierre Bercot, le PDG de Citroën, était donc en droit d’être convaincu que celui-ci permettrait ainsi au constructeur de combler cette carence au matière d’avant-gardisme technique. Permettant ainsi à celui-ci, non seulement, de parfaire mais aussi de consolider son image de marque en la matière. Même s’il faut mentionner que, déjà dans les années 1930, l’ingénieur Dimitri Sensaud de Lavaud avait travaillé pour la firme aux chevrons sur une mécanique à piston rotatif. Dès 1964, alors que le Spider NSU vient à peine d’être commercialisé, la firme de Javel établit ainsi un accord de coopération avec NSU, avec la création de la société Comobil, basée à Genève, visant à permettre l’étude en commun de mécaniques rotatives qui équiperont alors les futures modèles des deux constructeurs. L’étape suivante est franchie trois ans plus tard, en 1967, avec la mise en place d’une nouvelle filiale commune entre les deux constructeurs, la société Comotor, dont l’objectif principal sera d’assurer la production d’un moteur rotatif « 100 % français », puisqu’en 1969 est posée la première pierre de l’usine où ceux-ci doivent être produits, dans la Sarre (en Allemagne).

Le rachat, la même année, de NSU par Volkswagen, va toutefois, dès lors, priver Citroën, non seulement, de son partenaire mais aussi de celui qui l’avait convaincu de s’embarquer dans l’aventure du moteur rotatif mais aussi qui possédait le plus d’expérience et de savoir-faire en la matière. Les ingénieurs du Quai de Javel, de leur côté, restant fort novices en la matière. Le constructeur de Wolfsburg faisant d’ailleurs très vite comprendre à Citroën qu’il ne se sent pas tenu de respecter et donc de maintenir les accords de coopération conclus entre ce dernier et NSU. Ainsi que le développement du moteur rotatif – que ce soit pour la berline Ro80 comme pour un autre, éventuel, futur modèle – n’est pas du tout une priorité. Une manière indirecte, mais néanmoins assez claire, de faire comprendre à la marque aux chevrons que, si elle souhaite persévérer dans cette voie, elle devra désormais, quasiment, faire cavalier seul.

Bien que fort désappointés, Pierre Bercot et les hommes du bureau d’études de Citroën ne se décourage pas pour autant, au contraire. Retroussant leurs manches, ils décident alors de prouver de prouver à leur ancien partenaire Allemand qu’ils peuvent se débrouiller sans eux pour parvenir à mettre au point et à produire en série une voiture à moteur rotatif. Comme NSU l’avait fait précédemment avec le Spider, le constructeur de Javel et va jouer, d’une certaine façon, sur sa réputation d’utiliser ses clients comme essayeurs « gratuits » – et aussi parfois involontaires – lors du lancement de chaque nouveau modèle – ce qui sera vrai, en tout cas, lors de la commercialisation de la Traction et ensuite celle de la DS. Celui-ci va lui aussi concevoir un « modèle-test » destiné à éprouver, en conditions réelles d’utilisation au quotidien, les avantages – ainsi que les défauts – du moteur Wankel.

Le « modèle-test » en question prenant la forme d’une version coupé de l’Ami8 baptisé M35. Sous le capot de celui-ci, on retrouve, comme sur la NSU Spider, un moteur monorotor de 995 cc développant près de 50 chevaux. Afin de bien montrer à ses clients ainsi qu’au reste du public sa foi dans le potentiel du moteur rotatif et que celui-ci constituait bien, à ses yeux, la « voie de l’avenir », Citroën va mener une vaste campagne médiatique. Celle-ci annonçant que les 500 clients qui seront sélectionnés pour « jouer » le rôle « d’essayeurs » bénéficieront d’une garantie de deux ans pour la mécanique ainsi que d’un an pour les autres parties de la voiture, sans limitation de kilométrage, ainsi qu’une garantie d’assistance quasiment 24 heures sur vingt-quatre. Il fallait sans doute bien cela afin de les convaincre de signer un chèque d’un montant de 14 000 francs (de l’époque), – c’est-à-dire plus cher que le prix d’une DS ! – pour un coupé dont la base, celle de l’Ami8, – il faut le rappeler – était dérivée de celle de la 2 CV !

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Bien qu’étant, à l’origine, destiné à être produit à 500 exemplaires, le manque de succès public de l’opération lancée par Citroën se révélera assez vite flagrante. C’est pourquoi la direction du constructeur demandera – discrètement – au bureau d’études de « sauter » un « certain nombre » de chiffres de la numérotation des exemplaires qui sortiront des ateliers du carrossier Heuliez. Avec pour résultat que cette numérotation se révèle mensongère puisque, si le dernier exemplaire construit porta bien le numéro 500 sur les ailes avant, il n’y eut, en réalité, qu’un peu plus de la moitié de la production initialement prévue – 267 au total, très exactement – qui furent réalisés.

Si cette sorte de « coup d’épée dans l’eau » ne découragea pas pour autant les dirigeants ainsi que le bureau d’études de Citroën de poursuivre plus avant dans la voie du moteur Wankel. Suivant ainsi, tout simplement, l’exemple de NSU avec la Ro80, les uns comme les autres sont bientôt convaincus que cette mécanique aussi révolutionnaire qu’atypique n’était pas faite pour être mise sur une compacte destinée – comme la plupart des modèles de sa catégorie, surtout à l’époque – à une utilisation essentiellement citadine. Mais, au contraire, qu’elle ne pourra véritablement dévoiler tout son potentiel que sous le capot d’une berline grande routière destinée, avant tout, à parcourir des kilomètres entiers sur les nouvelles autoroutes qui relient désormais entre elle les grandes villes de l’hexagone.

La raison pour laquelle Citroën décidera d’en équiper d’abord la GS est que, malgré des atouts évidents, le quatre cylindres à plat qui équipait cette dernière fut critiqué, dès le départ, pour son manque de puissance, qui limitait donc ses performances. Or, comme le moteur rotatif Wankel présentait, entre autres, l’avantage d’offrir un très bon potentiel de développement et donc de permettre d’offrir à la GS, si pas un certain caractère « sportif », en tout cas ce surcroît de puissance et de performances qui lui manquait jusqu’ici et que le « flat-four » maison ne pouvait lui donner.

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L’un des inconvénients majeurs d’une mécanique aussi atypique était – ce qui n’est guère surprenant – un coût de production nettement supérieur à celui d’un moteur classique, ce qui, évidemment, ne va pas manquer de se répercuter sur le prix de vente. Alors que, à l’époque, la plus puissante et la mieux équipée des GS de la gamme « courante », la version 1220, est affichée à 15 400 Fr, la nouvelle Birotor, au moment de sa présentation au grand public, nécessite de signer un chèque dont le montant avoisine les 25 000 Francs, soit presque autant qu’une DS 23 Pallas, le haut de gamme de la marque aux chevrons au début des années 70 (dont le prix s’établissait, lui, à 27 000 Francs) ! Au vu d’un tarif aussi salé, même au sein des clients les plus fidèles ou des plus fanatiques de Citroën, habitués à devoir payer « sensiblement » plus cher que pour les modèles similaires de la concurrence afin de mieux afficher ainsi leur singularité, tout comme leur foi et leur admiration dans l’innovation et l’avant-gardisme automobile, il y avait, néanmoins, de quoi en faire réfléchir et hésiter plus d’un.

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En plus de cela, le constructeur va aussi jouer de malchance. Personne – en tout cas au sein de l’industrie automobile, en France comme ailleurs en Europe – ne pouvait, probablement, se douter de la crise pétrolière et la flambée des prix de l’essence qui surviendrait à l’automne 1973. Malgré tout, lorsque celle-ci survint, la direction de Citroën, tout comme les hommes du bureau d’études ainsi que du service commerciale, n’ont sans doute pas manquer de faire la grimace. Car ils présagèrent assez vite – et à juste titre, comme la suite des événements leur donneront rapidement raison – que ceux-ci risquaient fortement de compromettre la carrière de celle qui devait pourtant être le premier modèle Citroën de série équipée du moteur rotatif Wankel. La GS Birotor fut, en effet, dévoilée au public lors du Salon de Francfort en septembre 1973 et le premier choc pétrolier qu’ait connu l’Europe – depuis celui de la crise du Canal de Suez, en 1956 – ayant éclaté à peine un mois plus tard – en plein Salon de Paris, alors que le public français découvrait à peine ce nouveau modèle qui se voulait encore plus révolutionnaire que les précédents.

Les essayeurs de l’époque ne manqueront toutefois pas de souligner la consommation assez rédhibitoire du moteur rotatif. De plus, étant classé dans la catégorie fiscale des voitures de 11 CV, la Birotor se retrouvait également pénalisée par des taxes de roulage, comme de mise en circulation, nettement supérieures à celle des autres modèles de la gamme GS. Dans ce contexte, les très bonnes performances que celles-ci revendiquait, avec une vitesse de pointe de 175 km/h, selon les données fournies par le constructeur, ne constituait plus vraiment un argument déterminant et devinrent même très vite secondaires aux yeux des acheteurs éventuels comme des vendeurs de la marque.

Pressentant aussi que – même sans l’éclatement de la crise pétrolière – elle ne connaîtrait sans doute jamais un succès aussi grand que celui des versions « courantes », le constructeur informa, dès le départ, les concessionnaires que la Birotor ne bénéficierait pas d’une assistance ainsi que d’une garantie aussi grande que celles qui avaient été mises en place pour la M35. Celles-ci restant donc identiques à celles proposées sur les autres versions de la GS. Une raison supplémentaire qui explique pourquoi, dès les débuts de sa commercialisation, les acheteurs n’ont pas vraiment fait la file – euphémisme ! – devant les portes des concessionnaires Citroën pour en passer commande.

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La situation dans laquelle se trouvait le constructeur lui-même n’étant d’ailleurs pas vraiment de nature à les y encourager ou à les rassurer. La marque aux chevrons se trouvant alors, en effet, dans une situation financière assez préoccupante. Le lancement trop tardif de la GS – à cause de l’échec et de l’abandon subit du Projet F qui l’a précédé -, le prolongement sans doute lui aussi tardif de la carrière de la DS, le rachat inconsidéré de Maserati dans l’objectif – voire, peut-être même, le seul but – d’offrir une motorisation « noble » à la SM, la mévente de cette dernière – entre autres, là aussi, suite aux conséquences de la crise pétrolière -, ainsi que le gouffre financier que va rapidement devenir l’aventure du moteur rotatif vont très vite faire plonger les finances du constructeur dans le rouge.

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Michelin, propriétaire de Citroën depuis 1934 – après la faillite de son fondateur, André Citroën, ruiné par la mise en chantier de la révolutionnaire Traction Avant – à céder la propriété de la marque aux chevrons qu’en 1974, celle-ci avoue un déficit d’un milliard de francs ! Face au montant assez colossal de cette dette – et vu le contexte économique qui, tout comme la grande majorité des constructeurs automobiles, affecte aussi, par ricochet, les fabricants de pneumatiques – la firme au bibendum préfère, tout simplement, fermer les robinets ! Ce dernier poussant alors Citroën dans les bras de Peugeot.Il faut toutefois souligner qu’au départ, la marque au lion n’était pas très enthousiaste face à cette proposition de racheter un constructeur qui, sur bien des points, était son antithèse. C’est finalement après avoir reçu un « appel du pied » du gouvernement français que la marque au lion se portera acquéreur de Citroën.

La première tâche – et pas des moindres, donc – à laquelle allait devoir s’atteler Peugeot serait donc, pour parvenir à sauver l’arbre Citroën, de couper et de débarrasser celui-ci de toutes ses branches malades. C’est-à-dire de toutes ses filiales insuffisamment rentables ou, tout simplement, déficitaires. Ainsi que de mettre fin à la carrière des modèles et à tous les projets trop ambitieux ou « irréalistes » dans le nouveau contexte de l’augmentation spectaculaire des prix des produits pétroliers ainsi que de crise économique. La carrière du superbe coupé SM – dont les ventes s’étaient d’ailleurs déjà effondrées depuis deux ans et l’éclatement de la crise – prend ainsi fin en 1975. Maserati étant alors revendu à l’industriel italo-argentin Alejandro De Tomaso. L’autre branche la plus importante de l’arbre qui va également être coupé, sans guère d’états d’âme, au même moment est celle du moteur rotatif.

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En ce qui concerne la GS Birotor, la direction et les stratèges de Peugeot n’eurent sans doute d’ailleurs qu’à observer ses chiffres de vente pour se convaincre que ce modèle (sans doute beaucoup trop) atypique n’avait désormais plus d’avenir. Surtout dans une France où le Diesel amorçait véritablement son expansion et où l’essence était désormais distribuée, quasiment, au « compte-goutte » dans les stations-services. Les chiffres en question parlent, en effet, d’eux-mêmes : 847 exemplaires, en tout et pour tout ! Et encore, sur ces 847 Birotor sorties des chaînes d’assemblage de l’usine de Rennes-la Janais, en plus du fait que la presque totalité d’entre-eux furent produits durant l’année 1974 – 811 très exactement, 32 autres en 1973 ainsi que trois ultimes exemplaires en 1975 -, environ un tiers seulement d’entre-eux parvinrent à trouver des acheteurs. Les deux autres tiers des voitures produites, quant à elles, passèrent plusieurs semaines, voire des mois entiers, à prendre la pluie et la poussière sur le parking de l’usine de Rennes, en attendant, presque désespérément, d’hypothétiques acheteurs !

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Le constructeur décida alors d’offrir à ses concessionnaires les plus méritants – c’est-à-dire les plus importants au sein du réseau ou ayant réalisés les meilleurs chiffres au cours de l’année-modèle précédente – durant le millésime 1973 donc – une GS Birotor. Une opération de promotion qui visait notamment à éviter de laisser éternellement les voitures invendues à « l’abandon » et donc se dégrader à l’extérieur sur le parking de l’usine rennoise. Les concessionnaires intéressés devaient toutefois signer une « déclaration » auprès du constructeur dans laquelle ils faisaient la promesse que la voiture qui leur était offerte ne servirait que pour leur seul usage personnel et ne serait jamais revendue. A l’origine, cette opération promotionnelle visait, à la fois, à donner le change face à la presse ainsi qu’à apporter un regain de motivation auprès d’un réseau qui, pour une grande partie, n’en faisait déjà pas vraiment montre lors du lancement de cette GS atypique. Comme on peut s’en douter, au vu de la dégradation de la situation économique – en France comme pour Citroën -, celui-ci ne manqua pas de diminuer et de se réduire bientôt à peau de chagrin.

La situation ainsi que objectif de cette opération changea toutefois assez fortement une fois que Peugeot entra au capital de Citroën. La marque au lion ayant décidé, dès le départ, de tourner la page de l’aventure du moteur rotatif. Non seulement en décidant de faire arrêter la production de la Birotor mais aussi en mettant fin à la garantie décennale qui obligeait, à l’époque, un constructeur à alimenter ainsi qu’à conserver un stock de pièces détachées pour chaque modèle produit durant une période de dix ans après l’arrêt de sa production. Etant donné le prix de revient d’un moteur rotatif, il va sans dire qu’il n’était absolument pas rentable de continuer à produire des pièces de rechange – pour la mécanique comme pour le reste des éléments spécifiques à la Birotor – pour une voiture vendue à seulement quelques centaines d’exemplaires. En plus de cela, l’autre intention de Peugeot était d’effacer, autant que possible de la mémoire collective, notamment celle du public, le souvenir de cette expérience qui, en tout cas sur le plan commercial, laissera un souvenir peu glorieux et même un  goût plutôt amer.

En 1977, la direction du nouveau groupe PSA – formé après la finalisation du rachat de Citroën par Peugeot – proposera ainsi, par l’entremise du réseau – aux propriétaires de GS Birotor la reprise de leurs voitures en échange de conditions privilégiées sur l’achat d’une CX. Une fois rapatriées à l’usine de Vélizy, les plaques constructeur apposées sur chacune d’elles – notamment dans le compartiment moteur – étant alors enlevées et le moteur entièrement démontée. Les voitures étant alors, après cela, déclarées comme détruites.

Malgré la décision, ferme et sans appel, des dirigeants du groupe PSA d’effacer quasiment toutes traces de l’aventure du moteur rotatif et notamment de la GS Birotor, comme si celle-ci n’avait jamais existé, un certain nombre d’exemplaires ont cependant échappé à ce programme organisé de « destruction massive ». La plupart de ses survivantes étant, justement, des voitures offertes aux concessionnaires les plus méritants du réseau Citroën, qui, s’étant sans doute rapidement attaché à ce modèle si atypique qui, malgré les directives et les pressions de Peugeot pour récupérer et détruire toutes les voitures produites, n’ont jamais pu se résoudre à les rendre.  Outre ces concessionnaires « méritants » – à double titre – plusieurs particuliers, parmi les clients les plus « chevronnés » de la marque, conscients du caractère singulier de cette GS, surtout après la fin brutale qui a été mise à l’aventure du moteur Wankel, eux aussi, ont jalousement gardé leurs voitures. Si un peu moins de 200 exemplaires de la GS Birotor échappèrent ainsi, à l’époque, à la destruction, selon les sources les plus fiables, il n’en resterait toutefois aujourd’hui qu’une cinquantaine ou une soixantaine de survivantes aujourd’hui. En tout cas en ce qui concerne les voitures intactes ou en état de rouler.

Il faut néanmoins signaler que, même si la production de celle-ci s’arrêtera donc en 1975, celle-ci ne signera toutefois pas la fin – en tout cas immédiate – de l’aventure du moteur rotatif chez Citroën. Malgré la fin brutale de la carrière de la GS Birotor, il semble que le bureau d’études n’ait alors pas pour autant complètement abandonné l’idée de commercialiser un nouveau modèle équipé d’un moteur Wankel, ainsi, même, qu’une nouvelle version de la GS.

En plus d’un nouveau birotor, les ingénieurs testèrent même, pour la CX, rien moins qu’un moteur trirotor ! Ce dernier semble être resté à l’état de plans, où, en tout cas, n’avoir jamais quitté les ateliers du bureau d’études et n’avoir donc été testé qu’au banc d’essai. Le nouveau birotor Citroën, lui, a toutefois bien connu les essais sur route, sa puissance, sur la CX, avait été poussée à 170 chevaux. Une autre différence par rapport à la GS Birotor étant le système d’alimentation dont le carburateur Solex monté sur celle-ci se trouvait, ici, remplacé par une injection à basse pression. Il est d’autant plus regrettable que ce nouveau moteur rotatif n’ait connu aucune suite en série, car la plus grande partie des problèmes rencontrés sur la GS avaient finalement pu être résolus. Même si ce fut au prix d’essais aussi nombreux que délicats en matière de matériaux ainsi que de la nécessité de remplacer les carburateurs par un système d’injection.

En dépit des pressions exercées par le directoire de Peugeot et de PSA pour que celui soit entièrement et définitivement abandonné, les hommes du bureau d’études avaient continué à travailler et à développer le moteur Wankel. Convaincus que celui-ci avait encore un avenir – chez Citroën comme ailleurs – et aussi que le contexte de la flambée des prix de l’essence et de politique « autophobe » ne durerait pas et que la situation finirait – tôt ou tard – par redevenir comme avant. Malheureusement pour eux, en 1979, alors que les nouveaux prototypes de la GS et de la CX Birotor venaient à peine de terminer leurs premiers essais, la haute direction de PSA met définitivement un terme à toute recherche et développement du moteur rotatif. La marque aux chevrons se voyant alors obligée de tourner pour de bon la page de l’aventure du Wankel.

Après la disparition de la NSU Ro80 en 1977, Mazda sera le seul constructeur à persévérer dans l’aventure du moteur rotatif, avec les coupés Cosmo, RX7 et RX8. Une opiniâtreté qui finira par s’avérer payante, car c’est avec la 787B que celui-ci remportera la victoire en catégorie sport-prototypes aux 24 Heures du Mans en 1991. Si cette aventure a toutefois – momentanément ? – pris fin avec la disparition de la RX8 en 2012, le bureau d’études du constructeur japonais continue toutefois de travailler sur plusieurs prototypes, aussi bien pour un coupé sportif que pour un SUV et il n’est pas interdit de penser qu’un jour prochain, celui-ci fera son retour au sein du catalogue Mazda, sous une forme ou sous une autre.

En tout état de cause, lorsque l’on regarde ce qu’a représenté l’aventure du moteur rotatif Wankel, pour Citroën comme pour tous les autres constructeurs qui l’ont étudié – même si ce dernier et Mazda furent, au final, les seuls qui l’aient produit en série, on ne peut s’empêcher de se dire que celui-ci a représenté, à bien des égards une sorte de « rendez-vous manqué avec le destin » !

Philippe Roche

Crédits photos:

  • -Roland Crouzet
  • -Citroën GS Birotor (1 à 4): Wikimedia (Vauxford).
  • -Citroën GS Birotor (5): WheelsAge.
  • -Citroën GS Birotor intérieur: Wikimedia (dave_7).
  • -Citroën GS Birotor logo: Wikimedia (Klaus Nahr).
  • -Citroën M35 et GS Birotor: Wikimedia (Klaus Nahr).

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