PEUGEOT 504 ET 505 AUX USA – Les tribulations d’un français en Amérique
Bien que Peugeot soit présent aux Etats-Unis depuis la fin des années 1950, contrairement à d’autres constructeurs européen qui ont voulu tenter leur chance en Amérique – y compris ceux spécialisés dans les voitures populaires, comme Volkswagen, la marque au lion peine toutefois à s’y faire une place. Les ventes de la 403 ainsi que sa remplaçante, la 404, restant, en effet, assez confidentielles. Au milieu des années 1960 (plus précisément entre 1963 et 67), environ 3 000 voitures, en tout et pour tout, seront vendues au pays de l’Oncle Sam. Ce n’est qu’à la fin de la décennie, avec le lancement de la 504, que Peugeot semble enfin parvenir à y trouver sa place.
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Comme pour sa devancière, la 504 débuta sa carrière sur le sol américain peut de temps après sa présentation officielle en France en septembre 1968. C’est donc à l’automne 1969 que le public américain découvrit la remplaçante de la 404 (commercialisée là-bas en tant que modèle du millésime 1970). La version américaine se reconnaissait au premier coup d’oeil de son homologue française, vue de face, par ses quatre phares de forme circulaire, qui remplaçaient les deux optiques de forme trapézoïdale montées sur la version européenne et, sur les côtés, par ses répétiteurs de clignotants montés à l’extrémité des ailes avant. Des changements imposés pour répondre à la législation américaine. Si, tout comme celle qu’elle remplaçait, la 504 ne se distinguait pas vraiment par le brio de ses performances, de toutes les Peugeot qui furent vendues aux Etats-Unis, ce fut cependant, avec sa remplaçante, la 505, celle qui connue le plus de succès auprès du public américain. Lorsqu’elle foula pour la première fois le sol américain, Peugeot venait de fêter les vingt ans de sa présence sur le marché américain et la marque au lion avait donc largement eu le temps de s’y faire une place, d’installer son image et de se bâtir une réputation auprès du public américain.
En cette fin des années soixante, le paysage automobile au pays de l’Oncle Sam devenait de plus en plus « bigarré » et « multiculturel ». C’est à cette époque charnière que les constructeurs nippons firent véritablement leur entrée aux Etats-Unis et que les grands groupes de Detroit commenceront à parler, comme on le fera en Europe quelques années plus tard, de « péril jaune ». Voulant se différencier de leurs parents, lesquels restaient viscéralement attacher aux marques américaines, et afficher leur différence de culture et de personnalité, un grand nombre de nouveaux acheteurs, parmi la jeune génération, ne ressentait plus aucun complexe de rouler dans une voiture de marque étrangère, qu’elle soit allemande (Volkswagen,…), japonaise (Datsun, Honda, Mazda, Toyota,…) ou suédoise (Saab et Volvo). Alors, pourquoi pas dans une voiture française ?
Autre changement significatif dans les mentalités et les habitudes des acheteurs américains, alors que, jusque-là, toutes les voitures, quelques soient leurs origines, qui circulaient aux Etats-Unis roulaient quasi exclusivement à l’essence, après le premier choc pétrolier de 1973, le rationnement et la flambée des prix de l’essence engendré par celui-ci, le diesel commença alors à devenir « à la mode » et prisé par une grande partie de la clientèle américaine, désormais soucieuse de ne plus trop gaspiller ses deniers en consommation de carburant.
Sur le marché français, Peugeot avait été un pionnier dans ce domaine, en commercialisant, en octobre 1959, une version de la 403 équipée d’un moteur Indenor qui sera la première voiture française à moteur diesel produite en série. Si, en France comme en Europe, la plupart des voitures diesel commercialisé dans les années 60 affichait sans équivoque leur vocation avant tout « utilitaire », avec leur présentation austère et leur équipement réduit au strict minimum, au cours des années 70, la plupart des constructeurs cherchèrent progressivement à débarrasser leurs modèles de cette étiquette dont ils étaient affublées depuis leur apparition sur le marché. Durant la première partie de sa carrière aux USA, la 504, vendue en berline et en break, bénéficia d’une gamme assez complète, semblable à celle proposée en France, avec deux niveaux de finitions (GL ou SL) et de plusieurs motorisations qui pouvaient être équipé soit de la transmission manuelle ou de la boîte automatique. La finition « de base » GL est supprimée en 1977 et à partir de 1980 seul le break (station-wagon aux USA) reste disponible aux USA. Il y sera remplacé par son homologue de la gamme 505 en 1983. Durant la première partie de sa carrière outre-Atlantique, entre 1969 et 1976, la Peugeot 504 aura été vendue là-bas à un peu plus de 44 500 exemplaires. Aux Etats-Unis, la 504 aura, au final, connue une carrière qui se sera étalée sur pas moins de quatorze ans, soit presque aussi longtemps que pour la version française. Si, en France, à l’époque, d’autres modèles ont eux aussi connus une carrière fort longue, et pas seulement que chez Peugeot, sur le marché américain en revanche, pour une voiture étrangère et pour un modèle de cette catégorie, c’était quasiment un record. Tout comme avec les modèles qui l’avaient précédé au pays de l’Oncle Sam, les 404 et 504, il ne s’écoula pas longtemps (Un an à peine) entre la présentation de la remplaçante de cette dernière, la 505, et son arrivée sur le marché américain.
Si les lignes de la 505 était étroitement inspiré de celles de la 504, surtout en ce qui concerne l’avant de la voiture, Pininfarina, qui collaborait étroitement avec le constructeur de Sochaux pour la conception de presque tous ses modèles depuis la 403, ainsi que le bureau de style interne de la marque, dirigé par Gérard Welter, qui avait travaillé sur ce projet en collaboration avec le carrossier italien, les avaient modernisé et mises au goût du jour. Esthétiquement, la 505 américaine se reconnaissait, par rapport à celle vendue en France et dans la plupart des pays d’Europe, comme pour sa devancière, à ses quatre phares circulaires placés à la place des phares en forme de trapèze, des pare-chocs plus longs et plus épais équipés de rembourrages en caoutchouc ainsi que des clignotants de plus grande taille et des feux de position supplémentaires sur les côtés. La partie arrière avait, elle aussi, été redessinée (même si le style restait assez proche de celui de la 505 européenne) avec des feux arrière spécifique et un troisième feu stop. D’autres changements, invisibles eux mais néanmoins assez importants furent apportées au reste de la mécanique ainsi qu’à la structure de la voiture, avec le montage d’un pot catalytique ainsi que des barres de renforts dans les portières (Afin de protéger les passagers en cas de choc latéral).
Il s’écoula à peu près le même laps de temps entre le lancement du break en Europe et aux USA. Même si l’offre en matière de motorisations était plus réduite que sur le marché français, avec, simplement, deux motorisations en tout (Un 2 litres essence de 97 chevaux et un 2,3 litres diesel de 71 ch, porté à 80 chevaux en version Turbo), des mécaniques bien connues et déjà éprouvées puisqu’elles avaient déjà été utilisées sur sa devancière.
Par rapport à la 504, le principal changement sur le moteur à essence est que celui-ci bénéficiait à présent d’un système d’injection qui, s’il n’augmentait guère la puissance, profitait surtout à la consommation et réduisait aussi les émissions de pollution. Comme on le voit, dans ce domaine, Peugeot ne misait pas sur la puissance mais sur un autre atout qui avait fait sa réputation, des deux côtés de l’Atlantique, à savoir la fiabilité de ses moteurs. Un argument qui, à cette époque, devenait de plus en plus un critère déterminant auprès des acheteurs américains dans l’achat de leur nouvelle voiture et sur lequel un grand nombre de constructeurs étrangers présents aux Etats-unis axaient leurs campagnes publicitaires. Après la seconde crise pétrolière de 1979 (consécutive à la révolution iranienne), au début des années 80, le diesel avait désormais le vent en poupe. Ce qui, évidemment, ne pouvait que profiter à Peugeot, qui, sur le marché français était non seulement l’un des pionniers dans ce domaine mais était aussi rapidement devenu l’un des champions de la catégorie. C’est pourquoi, durant les premières années de la carrière de la 505 aux USA, ce fut cette motorisation qui fut mise à l’honneur par Peugeot dans ses publicités, dans les magazines ainsi qu’à la télévision.
En Europe, cela faisait longtemps déjà que les chauffeurs de taxis ne juraient que par lui et que, au vu de la montée rapide et durable du prix du litre d’essence à la pompe, le diesel commençait à devenir la norme pour la plupart des modèles populaires ainsi que pour les « gros rouleurs » (comme on désignait familièrement les automobilistes qui passaient une grande partie de leur temps sur les routes). Au pays de Ronald Reagan, en revanche, où, jusqu’à présent, l’or noir avait le monopole du marché et où l’essence était vendue encore moins chère que l’eau du robinet, l’invention de l’allemand Rudolf Diesel pouvait se targuer de l’attrait de la nouveauté. Dans un paysage automobile où le nouveau contexte, économique et politique, allait brutalement obliger une grande partie des utilisateurs a changer radicalement leurs habitudes de consommation, elle représentait désormais un argument de vente que beaucoup de constructeurs ne pouvaient plus ignorer. Avec une consommation moyenne d’à peine 9 litres au 100 kilomètres (Ce qui, pour l’époque, rendait la voiture aussi sobre qu’un chameau, surtout par rapport aux V8 « big blocks » des modèles américains, qui consommaient allégrement 15 à 20 litres aux cents si le conducteur avait le pied lourd), Peugeot pouvait certainement se vanter, sur ce plan, de proposer l’un des modèles les plus économiques du marché américain. Ce fut sans doute cet argument qui permit à la marque au lion de remporter deux appels d’offres des villes de New York et Los Angeles pour le renouvellement d’une partie importante des véhicules de leurs compagnies de taxis (1 200 véhicules au total, répartis à parts égales entre les deux villes). Un marché qui aida évidemment le constructeur à renforcer son image et le succès de la 505 auprès du public américain. La 505 séduisit même les services de Police de plusieurs Etats de la Côte Est, comme celle de Cumberland dans le Maine (Après avoir remporté un appel d’offre en 1983). Une voiture qui, comme pour les chauffeurs de taxis, devait certainement beaucoup les changer des Chevrolet Caprice et autres Ford Crown Victoria qu’ils avaient l’habitude de conduire jusqu’ici.
Durant les deux premières années de sa carrière aux USA, la 505 se vendra ainsi à plus de 29 000 exemplaires (12 390 en 1980 et 16 725 en 1981), dépassant même la barre des 20 000 exemplaires vendus en 1984, ce qui sera sa meilleure année de vente durant sa carrière outre-Atlantique. C’est aussi cette année-là que le break 505 vient compléter la gamme et va rapidement devenir, sur le marché US, un concurrent sérieux de la Volvo 740, lancée la même année. (A cette époque, le concept du monospace « compact » venait à peine de faire son apparition, avec la commercialisation des Dodge Caravan et Plymouth Voyager en 1983. Dans les années 80, le break équipé d’une troisième banquette et qui permettait ainsi d’offrir entre 6 et 9 places à bord, représentait une alternative intéressante et plus économique aux gros vans de taille « XXL » dont le gabarit ne leur permettaient toujours d’entrer dans les parkings souterrains ni dans tous les garages).
Fin 1982 (A l’occasion du lancement des modèles du millésime 1983), une série spéciale Silver Edition fut commercialisée, célébrant ainsi les 25 ans de la présence de Peugeot sur le marché américain. Les voitures de cette série était équipées d’une peinture métallisée spéciale, d’une sellerie recouverte entièrement de cuir, des sièges chauffants à réglages électriques, du régulateur de vitesses et de jantes en alliage chaussée de pneus Michelin TRX. Cette série spéciale était vendue au prix de 17 300 dollars, ce qui représentait tout de même, par rapport la version de base (équipée du moteur deux litres essence) un supplément de prix équivalent à environ deux tiers de celui de cette dernière (Affichée, elle, à 10 400 dollars. Les versions diesel valant, elles, 11 350 $ pour la version atmosphérique et 13 880 $ pour la version Turbo).
Après la disparition de la 504, la gamme de Peugeot se retrouva fortement réduite, puisque, entre 1985 et 1988, la 505 était désormais le seul modèle disponible au catalogue. Au grand désappointement des concessionnaires américains, qui réalisèrent bien (avec la direction du constructeur semble-t-il) qu’une offre réduite à un seul et unique modèle n’allait pas manquer d’avoir un impact négatif sur les ventes. Une partie d’entre-eux soumis d’ailleurs l’idée de commercialiser la 104 et la 305 sur le marché américain. D’après eux, malgré son gabarit qui, même en comparaison avec les modèles « sub-compactes » des constructeurs américains, aurait presque fait passer la citadine de la gamme Peugeot pour un « jouet » et le manque cruel de « charisme » dont souffrait la berline compacte du constructeur de Sochaux, ces modèles auraient pu avoir leur chance aux USA (à la condition indispensable qu’ils y soient disponible avec une boîte automatique), tout comme les coupé et cabriolet 504, dont les lignes spécifiques, dues, elles aussi, à Pininfarina, n’aurait sans doute pas manquer de plaire aussi aux acheteurs américains. Manifestement, ce fut pas l’avis des dirigeants de Peugeot. Ces derniers estimant sans doute que la mise aux normes américaines (que ce soit pour les éclairages et les équipements de sécurité comme pour respecter la réglementation en matière d’émissions de pollution) aurait représenter un coût trop élevé et qu’ils avaient déjà consacrer suffisamment d’investissements pour mettre la 505 (ainsi que les modèles précédents) aux normes fort contraignantes exigées par la législation américaine.
Il est vrai (et c’est sans doute l’une des raisons principales pour laquelle le constructeur ne donna pas suite à ce projet) qu’à cette époque le marque au lion se trouvait empêtrée avec les problèmes causés par la marque Talbot (ex-Simca), alors en pleine déliquescence (par la faute, d’abord, des mauvais choix stratégiques, et, ensuite, de l’inaction de Peugeot pour dynamiser et renouveler les modèles de sa filiale) et que Peugeot avait d’autres priorités. De plus, une fois ces modèles lancés sur le marché américain, pour leur donner une réelle chance de succès, il aurait également été nécessaire que Peugeot rajeunisse et dynamise son image, notamment à travers une série de campagnes publicitaires au ton plus moderne et « jeune », en s’inspirant de ce que faisaient alors les constructeurs japonais ou la plupart de ses rivaux européens comme Renault. Mais, manifestement, une telle politique demeurait étrangère à la mentalité franc-comtoise (La région où était installée le constructeur depuis sa création). Bien souvent, la direction et les cadres de Peugeot se sont toujours montrés assez réfractaires aux changements trop rapides et radicaux, tant en ce qui concerne leurs modèles que leur politique commerciale, que ce soit en France ou sur les marchés étrangers. Le pragmatisme et la prudence dont ils avaient toujours fait preuve, au fil des générations et des décennies, et qu’ils avaient fini par ériger en vertus (voir en dogmes) avaient finalement eu comme effet « pervers » de figer, en grande partie, leur mentalité et continuer à diriger la marque dans la droite ligne de ce qu’ils pratiquaient depuis la fin de la guerre, de manière quasi immuable, en avançant pas à pas et en veillant constamment et ne pas bousculer quoi que ce soit dans l’ordre qu’ils avaient eux-mêmes établis. Si, en Europe, le lancement de la 205 en 1983 et le début du programme en compétition, dont elle deviendra le fer de lance, vont enfin apporter à Peugeot le coup de fouet et le tonus qui, jusqu’ici, lui faisaient cruellement défaut et lui permettre de se débarrasser, progressivement, de son image de constructeur de « voitures de vieux », en Amérique, en revanche, cette étiquette va continuer à coller à la peau des Peugeot.
Bien que la 505 était désormais la seule représentante de la marque au lion sur le sol américain, Peugeot ne la négligeait pas pour autant. En 1985 (deux ans après sa présentation sur le marché français), la gamme s’enrichit des motorisations vit l’apparition de la version Turbo. Mis au point avec l’aide de Porsche, cette nouvelle version haut de gamme, qui était désormais la plus puissante des 505 disponibles au catalogue, recevait le bloc 2,2 litres mis au point dans les années 70 par Simca (à l’époque où celle-ci était encore une filiale du groupe américain Chrysler), réputé pour sa souplesse et sa solidité, et qui avait déjà fait ses preuves sous le capot des Talbot Tagora et de la Matra Murena. Si, sur le marché français, ce moteur, grâce à son turbo, délivrait jusqu’à 200 chevaux dans son évolution la plus puissante, grâce au kit mécanique PTS (pour « Peugeot-Talbot-Sport »), la version vendue sur le marché américain, elle, voyait malheureusement sa puissance grevée à cause des systèmes anti-pollution imposer par la réglementation fédérale, ce qui faisait redescendre sa puissance à 150 chevaux (Ce qui équivalait, certes, à celle de la première version de la Turbo).
Si, à la fin de l’année 1986, les ventes était demeurées d’un bon niveau, avec un total de 14 296 voitures vendues cette année-là (Soit un peu près autant qu’en 1980 ou 1981), elles n’en demeuraient pas moins inférieures à leur niveau de 1984, où les ventes avaient atteint un record en dépassant la barre des 20 000 exemplaires. Un score que le constructeur français n’atteindra hélas jamais plus.
Une baisse des ventes qui était à mettre non seulement sur le compte de la politique commerciale pour le moins étrange (pour ne pas dire assez incohérente) de Peugeot sur le marché américain à l’époque (avec une gamme réduite à un seul modèle) et aussi au fait que, maintenant que le spectre des deux crises pétrolières des années 70 s’était éloigné, entraînant avec la baisse et la stabilisation des prix de l’essence, l’attrait qu’avait représenté jusqu’ici les moteurs diesel (sur lesquels Peugeot avait jusqu’ici mit l’accent, aussi bien le marché européen qu’américain) s’était en grande partie estompé et la plupart des acheteurs américains en revinrent rapidement aux habitudes qu’ils avaient avant la crise et reconvertirent donc aux moteurs à essence. En parallèle, les instances fédérales américains poursuivaient leur chasse aux émissions de pollution et les moteurs diesel étaient désormais montré du doigt. (les dernières 505 vendues aux USA furent d’ailleurs toutes des versions à essence).
Bien conscient que le contexte sur le marché automobile américain était en train de changer, Peugeot décida alors, en 1987, d’introduire la nouvelle version haut de gamme de la 505, équipée du V6 PRV. Etudié au début des années 70 en collaboration avec Renault et Volvo (d’où les initiales donnée pour nom à cette motorisation) à l’intention de leurs futurs modèles haut de gamme, ce moteur devait, à l’origine, être un V8. Mais l’éclatement de la première crise pétrolière, en 1973, forcera, brutalement, les trois constructeurs à revoir leurs ambitions à la baisse et à en devoir amputer ce moteur de deux de ses cylindres. Ce qui aura toutefois pour effet de l’infliger, en tout cas dans sa première version, d’un fonctionnement plutôt « bancal » et n’en fera pas pour autant un modèle de sobriété. Aux Etats-Unis, où l’essence était redevenue bon marché, cette propension à la gloutonnerie n’était toutefois plus vraiment un défaut rédhibitoire et Peugeot était donc convaincu que, sur le marché américain comme en France, ce bloc permettrait d’offrir à la 505 un véritable statut de haut de gamme qui lui avait quelque peu manqué jusqu’ici grâce à une mécanique « plus noble ». Et aussi, accessoirement, de lui offrir une « nouvelle jeunesse » et de relancer sa carrière. (Jusqu’ici, la 505 n’avait pu en bénéficier car le V6 PRV avait été réservé, jusqu’en 1986, à celle qui était le vaisseau amiral de la marque, la 604. Peugeot n’ayant pas voulu commercialiser, jusque-là, une version de la 505 équipée de la même motorisation de crainte que cela n’engendre une sorte de « concurrence interne » au sein de la gamme). Si la 505 V6 remporta un certain succès sur le marché français, aux Etats-Unis, en revanche, il ne connut guère qu’un succès d’estime. Il est vrai que celui-ci, handicapé, tout comme la version Turbo, par les système anti-pollution, ne délivrait que 148 chevaux, soit à peu près la même puissance que cette dernière. De plus, le prix de la V6 (uniquement proposée sur la sedan) dépassait les 20 000 dollars, soit le double de la version quatre cylindres de 2 litres.
Au début des années 80 (vers 1983), devant le succès qui connaissait alors la 505 aux Etats-Unis, Peugeot envisagea également de compléter l’offre en matière de carrosserie avec des versions coupé et cabriolet. Ceux-ci auraient eu pour mission, à la fois, de conforter la position de la 505 sur le marché américain et, en France, de remplacer ses homologues de la gamme 504, dont la production venait d’être arrêté. Si, pour le marché européen, la production des carrosseries du coupé et du cabriolet 505 devait être assuré par Pininfarina, qui avait déjà assuré celle des versions similaires de la 504. Pour le marché américain, par contre, sans doute dans un soucis de rationalisation des coûts, il était prévu que la voiture soit assemblée là-bas par la société Car and Concepts, basée à Brighton dans le Michigan, avec les éléments de carrosserie fournis par Pininfarina et les composants mécaniques fournis par Peugeot. Dans les années 80, malgré les crises pétrolières et la récession qui l’avaient secoué, le marché des coupés de luxe ou de grand tourisme (Qu’on appelait alors aux Etats-Unis les personnal cars) était encore relativement prospère et des modèles comme la Lincoln Mark VII, la Ford Thunderbird ou la Cadillac Eldorado, ou encore la Mercedes SEL, la BMW Série 6 ou la Jaguar XJS (pour citer les principales références à l’époque, aussi bien chez les constructeurs américains qu’étrangers). Ce qui incita sans doute Peugeot à se dire qu’il y avait, dans ce segment, une place à prendre pour un coupé ou un cabriolet français de « grande classe ». Le constructeur était tellement convaincu du succès que remporterait ces nouvelles versions de la 505 qu’il escomptait réussir à en vendre environ 4 000 exemplaires par an. Entre le moment où la marque commanda l’étude de ces versions à deux portes et celui où les prototypes du coupé et du cabriolet furent finalisés et prêts à être présentés à l’état-major de la firme, le succès de la 505 aux Etats-Unis s’était toutefois érodé. De plus, de nouvelles études de marché montrèrent que le marché potentiel (aussi bien en Amérique qu’en Europe) pour ces versions n’était plus aussi intéressants qu’auparavant. Le coupé comme le cabriolet 505 ne connurent donc jamais de suite en série. Au grand désappointement de nouveaux amateurs du modèle comme des fidèles de la marque, aujourd’hui comme hier, qui estimèrent qu’ils auraient pu être les dignes descendants des coupé et cabriolet 504 et permettre à Peugeot de se maintenir sur un marché où, surtout en France, ces dernières avaient fini par faire figure de référence.
Fin 1986 (pour les modèles du millésime 1987 donc), la 505 reçue un lifting de sa face avant, avec notamment, de nouveaux phares carrés, jugés plus modernes. Le lancement de la version V6 ne parvint toutefois pas à enrayer la chute des ventes, qui n’atteignirent qu’un peu moins de 9 500 exemplaires en 1987, avant de s’écrouler à un peu plus de seulement 6 700 voitures l’année suivante et à peine plus de 6 000 en 1989. Et en 1990, seuls un peu plus de 4 000 voitures trouvèrent preneurs). Il est vrai qu’à la fin des années 80, la 505 avait atteint les dix ans d’âge et que, en France comme aux Etats-Unis, elle était désormais un modèle en fin de carrière. Et, plus encore de l’autre côté de l’Atlantique, « l’effet de mode », s’il peut parfois faire la réussite d’un modèle, peut aussi, par la suite, lorsque celui-ci s’estompe, provoquer son déclin et le pousser vers la porte de sortie.
Au sein de la gamme Peugeot de l’époque (celle des années 70 et 80), parmi les autres modèles qui seront, eux aussi, commercialisés sur le marché américain, ceux-ci ne connaîtront qu’une carrière en demi-teinte, pour dire le moins. Ainsi, la 304 et la 604 ne parviendront à s’y vendre, respectivement, qu’à moins de 4 300 et un peu de 300 exemplaires seulement seront parvenus à trouver preneurs aux USA. Si le lancement de la 405, en 1987, permet (après celui de la 205 en 1983) de rajeunir et de redynamiser l’image de la marque sur le marché français, ainsi que sur le marché européen, en revanche, de l’autre côté de l’Atlantique, elle n’y connaîtra guère qu’un succès d’estime. Alors que, sur le Vieux Continent, la plus grande partie des ventes sont réalisées par les versions de base ou équipées de motorisations Diesel, en revanche, sur le marché américain, ce sera la version sportive Mi16 qui représentera l’essentiel des ventes.
En cette fin des années 80, de toutes façons, le vent a manifestement tourné pour les constructeurs français. Après le retrait de Renault en 1987, suite à la vente du groupe AMC (American Motors Corporation) à Chrysler, Peugeot est désormais le seul constructeur français encore présent sur le marché américain. Ce qui ne va, toutefois, pas y faciliter sa position, bien au contraire. De toute manière, cela fait plusieurs années déjà que, pour la marque au lion, l’Amérique a cessé d’être la « terre promise » qu’elle promettait d’être à ses début et a donc cessé d’être une priorité pour la direction du groupe PSA (formé après le rachat de Citroën au milieu des années 70). Celle-ci décide alors de se recentrer sur le marché européen, ainsi que sur ceux des pays dits « émergents » comme l’Afrique ou l’Amérique Latine. A l’été 1991, Peugeot annonce ainsi, officiellement, son retrait du marché américain, qui sera effe tif au mois de décembre suivant. Durant la dernière année de sa présence au pays de l’Oncle Sam, seules un peu plus de 2 200 voitures y auront été vendus (un chiffre comprenant la 405 ainsi que les dernières 505).
Si, aujourd’hui, la marque Peugeot et le groupe PSA envisagent, depuis plusieurs années maintenant, un retour possible sur le marché américain, il semble que, maintenant que l’un et l’autre ont intégré le nouveau groupe Stellantis, nouveau mastodonte de l’industrie automobile mondiale, ce projet ne soit plus vraiment une priorité. D’autant que celui-ci entend clairement privilégié, pour le marché d’outre-Atlantique, d’autres de ses filiales, comme Alfa Romeo… En tout état de cause, le souvenir de l’aventure américaine de Peugeot aux USA a sans doute laissé, à certains égards, à ceux qui s’en souviennent ainsi qu’à ceux qui y ont participé, le souvenir d’une belle occasion perdue.
Phillipe Roche
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