LINCOLN CONTINENTAL MARK SERIES – AMERICA WILL ALWAYS BE GREAT.
« L’Amérique restera toujours grande ! ». Ce slogan, « paraphrasant » celui de la campagne électorale du démagogue et populiste ex-président des Etats-Unis Donald Trump aurait pu avoir été celui des responsables du service commercial de la marque Lincoln durant les années 70. Quatrième représentante de la lignée des Continental mark Series, le coupé Mark IV fit son apparition sur le marché en 1972, à une époque charnière et décisive pour l’industrie automobile américaine. Celle où la domination sans partage des américaines full-size et surtout des muscles cars touchait à sa fin, victimes, pour les seconds, de la hausse, aussi brutale qu’importante, des primes d’assurances et également des nouvelles normes en matière de sécurité.
Pour les premières, la « torpille » qui, si elle ne coulera pas immédiatement le navire, provoquera bien, à terme, son naufrage sera la première crise pétrolière, à l’automne 1973. Pourtant, passé le premier moment de surprise ou de stupeur, les constructeurs américains ne s’alarment pas outre mesure et persistent et signent, en continuant à proposer aux Américains des coupés, berlines et breaks taille « XXL » avec accastillage chromé « du sol au plafond ». Ce qui passera au début, comme une marque de confiance en l’avenir et que cette crise ne durera pas et que tout redeviendra très vite comme avant, apparaîtra, au final et rétrospectivement, à certains égards, comme une « politique de l’autruche ». Et, à la fin de cette décennie (et après qu’ une seconde crise pétrolière soit venue faire trembler l’ industrie automobile américaine sur ses bases, la direction de Lincoln, comme tous ses concurrents, deviendra bien admettre que l’ Amérique a changée et qu’ elle ne sera probablement plus jamais la même !
Le nom Continental est apparu pour la première fois au sein du catalogue Lincoln en 1939 pour désigner le nom modèle haut de gamme de la marque. La dénomination Continental Mark Series, elle, ne fit sa première apparition qu’ au milieu des années 50, pour désigner un coupé haut de gamme dénommé Continental Mark II (Sans aucun emblème ou inscription faisant référence à la marque Lincoln, la division Continental étant alors présentée par Ford comme une marque à part entière). Après ce modèle à la production éphémère (1956 et 57), la génération suivante de la Continental, désormais intégrée, à nouveau, au sein de la marque Lincoln, fut présentée sous l’appellation Continental Mark III. Celle-ci désignant aussi bien les versions à quatre qu’à deux portes (Il y eut aussi les appellations Continental Mk IV et Mk V, désignant des versions spéciales de la gamme).
Mais le véritable commencement de la lignée se déroula en 1969, avec le lancement du coupé Continental Mark III. Basée sur le châssis de la cinquième génération de la Ford Thunderbird (produite entre 1967 et 1971), celle-ci se voulait une variante plus luxueuse du coupé. L’idée de ce modèle revenant à Lee Iacocca, président de Ford America à l’époque (et créateur de la Mustang ou de la GT40, entre autres), tout comme la calandre dont la ligne très baroque n’ était pas sans évoquer celle des Rolls-Royce. Après moins de trois ans de carrière seulement apparue sa remplaçante, la Continental Mark IV. En fait de nouveau modèle, il ne s’ agissait en réalité que d’ une simple évolution du modèle précédent, ce qui se voit d’ ailleurs bien dès le premier coup, tant la Mk IV reprend étroitement les lignes et les motifs de style de sa devancière, notamment le capot en trois parties avec la partie centrale surélevée, la calandre « style Rolls-Royce », les phares masqués, la protubérance style « protection de roue de secours » sur le coffre ainsi que les longues ailes en forme de lames de rasoir (Un trait de style caractéristique des Lincoln depuis le lancement de la quatrième génération de la Continental en 1961). La Continental Mk IV était donc avant tout une copie de la Mk III, mais en version agrandie.
En effet, comme tous les modèles haut de gamme (dits « full-size ») de la production américaine de l’époque, le coupé Continental se devait de suivre la mode qui voulait que le nouveau soit non seulement plus grand mais aussi plus puissant que le précédent. Par rapport à sa devancière, la Continental Mk IV gagnait ainsi pas moins de 30 cm en longueur, passant de 5,49 mètres à 5,79 m (L’empattement ne gagnant, lui, que 8 cm à peine, cet allongement de la longueur portant surtout sur les porte-à-faux, à l’avant comme à l’arrière). Bien que fortement inspirée de celle qui l’avait précédée, la ligne de la Mark IV présentait plusieurs traits de style permettant de la différencier de sa devancière. Notamment l’extrémité des ailes arrière plus inclinée et le décrochement de la carrosserie les passages était moins marqué au niveau des passages de roues et des bas de caisse. Si, pour le premier millésime de production de la Mark IV, en 1972, le pare-choc avant, par rapport à celui de la Mk III, se trouvait échancré dans sa partie centrale, afin de pouvoir accueillir une calandre plus haute, ce trait de style fut supprimé dès l’année suivante à cause des nouvelles réglementations imposant des pare-chocs pouvant encaisser des chocs jusqu’ à 5 miles (8 km) à l’ heure sans subir de dégâts apparents. Tout comme le pare-choc arrière épousant du pseudo-couvercle de roue de secours et qui intégrait également les feux arrière, remplacé, deux ans plus-tard, par un pare-choc plus épais, équipé de butoirs, ainsi que de feux arrière ordinaires. Ce fut avec la Mark IV que la vitre de custode « style Opera », de forme ovale, fit son apparition sur les coupés Continental. D’abord simple option lors du lancement du modèle, elle devint un équipement standard dès l’année suivante.
En ce qui concerne la motorisation, la Mark IV recevait le V8 7,5 litres, directement repris de sa devancière, délivrant ici 365 ch. Dès l’année suivante, le taux de compression fut toutefois considérablement réduit en raison des nouvelles normes fédérales sur les émissions de pollution. de plus, Ford adopta la nouvelle norme de mesure de puissance SAE (qui mesurait désormais la puissance délivrée par le moteur d’ une voiture en situation réelle et non plus simplement au banc d’ essai). ce qui explique pourquoi l’ écart de puissance affiché par le modèle 1973 fut si important: seulement 212 ch.
A signaler que plusieurs séries spéciales fut présentée à l’occasion de la présentation des modèles du millésime 1976, baptisée Designer Series, dont l’habitacle et le choix de la couleur de la carrosserie étaient dus à de célèbres créateurs de mode. Toutes portaient la signature du créateur en question sur les fenêtres de custode, ainsi qu’une plaque en or de 22 carats sur le tableau de bord, gravée avec le nom du propriétaire initial de la voiture. Quatre séries spéciales furent proposées sur la Continental Mark IV :
-La Bill Blass Edition, de couleur bleu foncé avec des accents de crème. La finition extérieure était en bleu sombre métallisé et le toit en vinyle de couleur crème « Normande grains » assorti de motifs de couleurs crème et or et des moulures latérales de couleur crème ou bleu sombre. L’habitacle, quant à lui, recevait une sellerie en tissu ou en cuir de couleur bleu avec des ceintures de sécurité de couleur crème.
-La Cartier Edition, elle, avait une carrosserie de couleur gris « tourterelle », pour le toit en vinyle comme pour la carrosserie, avec des motifs rouges et blancs ainsi que des moulures latérales de couleur grise. L’intérieur, lui, était soit en cuir ou en tissu, tous deux de couleur gris « colombe ».
-La Givenchy Edition recevait une carrosserie de teinte bleu turquoise (La dénomination exacte étaient « Blue Diamond Fire ») avec un toit en vinyle blanc « Normande grains », des motifs noir et blanc et des moulures latérales en or blanc ou couleur bleu turquoise. L’intérieur, quant à lui, était garni de velours ou de cuir bleu turquoise et était aussi équipée d’ un tableau de bord garni de plaquages spéciaux en imitation bois.
-La Pucci Edition, de son côté, possédait une carrosserie de couleurs argent et rouge. La carrosserie recevant une teinte rouge foncé « Moondust Terminer » et le toit en vinyle, lui, une teinte argent « Normande grains », avec des motifs et des moulures latérales en argent et rouge carmin. La couleur de la sellerie, elle, était rouge foncé « Majestic ». Après quatre ans de carrière, le coupé Continental Mark IV quitta la scène, cédant la place à sa remplaçante, la Continental Mark V.
Si, esthétiquement, la Lincoln Continental Mark V ne se différenciait guère de sa devancière, présentant même, de prime abord, des lignes identiques à celles de sa devancière, le « nouveau » coupé de la division de prestige du groupe Ford subit, comme toutes ses consœurs, les effets de la crise pétrolière et de la récession économique qu’ elle engendra. Celle-ci poussa la direction de Ford, comme au sein de General Motors et de Chrysler, à un programme de réduction des coûts. Celui-ci eut pour effet, dans le cas du nouveau coupé Continental, de devoir réemployer le châssis de la Mark IV (qui servit également pour la précédente génération de la Ford Thunderbird, produite entre 1972 et 76).
Bien que reprenant les canons esthétiques en vigueur sur les Lincoln depuis le début des années 70, les lignes de la Mark V reprenaient, en réalité, une étude de style qui avait déjà été conçue par les designers de la marque pour la Mark IV, mais qui n’avait finalement pas été retenue à l’époque. Parmi les caractéristiques reprises de celle-ci, les phares escamotables, les fenêtres ovales « style opéra » aménagées dans le pavillon de toit, la calandre (dont le style n’était pas sans évoquer celle des Rolls-Royce) ainsi que le bossage du coffre évoquant l’emplacement d’une roue de secours. Parmi les traits esthétiques permettant de différencier la Mark V de sa devancière, figuraient les persiennes aménagées dans les ailes avant et destinées à assurer un meilleur refroidissement du moteur.
Dans un signe des changements à venir dans l’industrie automobile, les responsables de la marque ont pris, pour la Mark V comme pour leurs autres modèles, des mesures visant à améliorer l’ économie de carburant des voitures de luxe. Bien que physiquement plus grande que la génération précédente, la Mark V était pourtant plus légère que sa devancière. Pour améliorer encore l’économie de carburant, le V8 de 7,5 litres (208 ch), qui était la seule motorisation proposée sur la Mark IV, fut remplacée, comme moteur standard, par un V8 de 6,6 l (166 ch), qui équipait également la Ford Thunderbirds ainsi que les modèles full-sise de Ford et Mercury. Le 7,5 l restant toutefois disponible en option, saut dans l’Etat de Californie, où ce dernier n’était pas disponible, à cause de la législation locale très stricte en matière d’émission de pollution. Comme ses devancières, les Mark III et IV, la Mark V était équipée, avec ses deux motorisations, d’une boîte automatique à 3 rapports. Ce sera le dernier coupé Continental à utiliser ce type de transmission.
Bien qu’elle soit, théoriquement, une option, la plupart des Continental Mark V furent équipées d’ un pavillon de toit recouvert de vinyle. Celui-ci pouvait être supprimé et remplacé par un toit ordinaire assorti à la couleur de la carrosserie. La grande majorité des acheteurs choisirent cependant de conserver le toit recouvert de vinyle. De série, toutes les Mark V étaient équipées de freins à disque sur les quatre roues (Un système antiblocage de freins, repris de la Mark IV, était proposé en option). Parmi les équipements optionnels figurait, à partir de 1978, une jauge numérique, placée à droite du volant, à la place de la jauge ordinaire. Celle-ci pouvant indiquer, outre la quantité de carburant restant dans le réservoir, la distance que la voiture pouvait parcourir avant que celui-ci ne soit à sec. Ce système a été un précurseur de l’ensemble de l’instrumentation électronique numérique qui sera disponible, à partir de 1980, sur la Continental Mark VI. Ce système représentant d’ailleurs également une première pour un constructeur américain.
Etant donné la carrière très courte que connue la Continental Mark V, les changements qu’elle connue furent peu nombreux. En 1978, elle reçue un radiateur de plus grande taille et le V8 6,6 l fut modifié pour obtenir, à nouveau, de meilleurs économies de carburant ; L’acquéreur pouvait aussi opter pour un toit démontable au-dessus des sièges, qui permettait ainsi de bénéficier, par beau temps, d’une voiture « semi-décapotable ». Pour sa dernière année de production, tous les exemplaires de la Mark V construits en 1979 furent équipés d’un toit un vinyle, celui-ci ne pouvant plus être retiré à la demande du client comme c’était le cas auparavant. Le V8 7,5 litres fut abandonné (pour la mark V comme pour le reste des Lincoln) et la double sortie d’ échappement sur le V8 6,6 l supprimée.
Au cours de sa production, la Continental Mark V fut toutefois offerte avec quatre séries spéciales, conçues les créateurs de mode Bill Blass, Cartier, Givenchy et Pucci, tout comme pour sa devancière, la Mark IV. Chacune d’elles offrait des teintes de carrosserie, ainsi qu’ un traitement du toit en vinyle et des garnitures intérieures spécifiques. Celles-ci variant toutefois suivant les années. En plus des quatre premières citées, Lincoln proposa également deux autres séries spéciales. La première, baptisée Diamond Jubilee Edition, fut présentée en 1978 à l’occasion du 75ème anniversaire de la marque Ford. Pour commémorer cet évènement, Ford lança d’ailleurs deux séries spéciales.
L’une sur la Continental, l’autre sur la Ford Thunderbird. La Diamond Jubilee était disponible en deux couleurs de carrosserie : Blue Diamond et Gold. La teinte choisie pour l’extérieur se retrouvant également à l’intérieur de la voiture. Les moulures latérales, quant à elle, bénéficiaient d’insertions spéciales en vinyle. La calandre, les orifices latérales de ventilation, les pare-chocs, les baguettes de protection et les jantes étaient en aluminium argenté. Le toit, de son côté, était équipé d’une couverture en vinyle plus rembourrée assorti à la teinte de la carrosserie. L’habitacle, lui, était équipé de sièges baquets à l’avant avec une console centrale rembourrée, avec des espaces de rangement supplémentaires et recevait également un parapluie intégré dans la partie inférieur de l’accoudoir cartonné. Les sièges, tout comme la banquette arrière, étaient aussi recouverts de tissu de luxe avec un style de couture unique. En plus de cela, l’habitacle bénéficiait également de cuir matelassé sur les zones à forte usure ainsi que des inserts en ébène sur le tableau de bord, l’intérieure des portières le dos ds sièges avant et la console centrale. Même les clés fournies avec la voiture bénéficient d’inserts en ébène. Les fenêtres de custode aménagées dans le pavillon, elles, relevait une découpe spécifique, ainsi que l’inscription Diamond Jubilee Edition et un diamant factice incrustés dans la vitre. Quant à l’ornement de capot, il recevait des inserts en cristal. Après la livraison, le client pouvait aussi, sur demande, recevoir ses initiales gravées sur les portes. Pour le reste, la Diamond Jubilee recevait les mêmes équipements que la Continental Mark V, y compris la jauge numérique. Les rares options proposées étaient le V8 7,5 litres, l’échappement double, le toit ouvrant électrique et la radio CB à 40 canaux. Cette série spéciale fut présentée par la marque comme la voiture américaine la plus chère proposée sur le marché en 1978. Seuls 5 159 exemplaires en ont été produits.
L’autre série spéciale était la Série Collector, présentée en 1979. Celle-ci possédait essentiellement les mêmes équipements que la Diamond Jubilee. Elle fut, à l’origine, proposée en deux couleurs, Midnight Blue Moondust et blanc. Deux autres couleurs supplémentaires, Light Silver Moondust et Blue Diamond Moondust furent rajoutées au catalogue en cours d’année. Les sièges baquets et la console centrale étaient, de série, en tissu de couleur Midnight blue, mais pouvaient également recevoir des garnitures en cuir bleu ou blanc. Les voitures équipées du cuir étaient d’ailleurs vendues moins cher, car elles n’étaient pas équipées de la console ni de l’accoudoir central arrière rabattable. La carrosserie, quant à elle, relevait des rayures spécifiques sur les flancs et le capot, ainsi que l’inscription Série Collector sur les montants arrière du pavillon de toit. La calandre recevait, elle aussi, un traitement spécial avec des barres de couleur or. Contrairement aux autres Mark V, les exemplaires de cette série n’étaient toutefois pas équipés des fenêtres de custode ovales. Cet ensemble d’équipements spéciaux fut également proposé sur la berline Continental. L’acteur Tom Selleck fut utilisé par faire la promotion de cette série spéciale dans la presse et à la télévision. Tout comme pour la Diamond Jubilee, cette série figuraient parmi les modèles les plus chers du catalogue Lincoln, son prix avoisinant, comme pour la première, les 22 000 dollars, soit trois fois le prix d’une berline Ford ordinaire.
L’année-modèle 1980 verra l’ apparition d’ une sixième génération des coupés Continental. Si, de prime abord, celle-ci apparaît étroitement dérivée de sa devancière (ce qui est en partie le cas) et même identique, ou presque, sur le plan esthétique, sa fiche technique reflète toutefois le changement des mœurs et des mentalités qui s’est opéré au sein de la clientèle et, par là même, chez les constructeurs. Si son style « baroque » semble plaire toujours à la grande majorité des clients de la marque, l’ ère des big blocks qui équipaient auparavant ses devancières est bel et bien révolu. Sous le capot du coupé Continental « sixième du nom », on ne retrouve plus, désormais, que des V8 « small blocks » 4,9 l ou 5,8 litres (toujours accouplés à une transmission automatique, comme il se doit sur une américaine de prestige). Les dimensions de cette nouvelle mouture reflètent elles aussi cette cure d’amaigrissement que Lincoln, à l’instar de tous ses concurrents, a dû opérer : 5,49 m en longueur et un poids qui passe désormais sous la barre des deux tonnes (1 914 kg contre 2 250 pour sa devancière). Symbole quelque peu suranné et figurant parmi les derniers témoins d’une époque à présent, en grande partie, révolue, elle cèdera finalement la place à une septième génération plus « européanisée » et qui, en tout cas, montrera bien qu’une page était maintenant tournée et qu’une nouvelle ère venait de commencer.
Maxime DUBREUIL
Photos DR
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