FSO POLONEZ- Fausse polonaise, vraie italienne.
Au milieu des années 70, cela fait près de dix ans maintenant que le constructeur italien Fiat a fait son retour en Pologne. Celui-ci était, en effet, déjà présent dans le pays dès le début des années 1930, les modèles produits là-bas sous le nom de Polski-Fiat (même s’ils n’étaient, sur bien des points, que de pures et simples copies des Fiat produites à Turin) y rencontrent un certain succès. De tous les constructeurs étrangers qui s’implantent avant-guerre, sur le marché polonais et y feront édifier des usines d’assemblage afin d’y produire leurs modèles sur place. Fiat sera d’ailleurs celui qui rencontrera la plus grande réussite commerciale.
L’invasion de la Pologne par l’armée allemande, à l’automne 1939, mettra toutefois fin à cette production, l’usine d’où sortiront auparavant les Polski-Fiat étant entièrement détruite durant le conflit. Une fois celui-ci terminé, le nouveau gouvernement polonais entreprend alors des pourparlers avec le constructeur de Turin en vue de pouvoir reprendre, dans un futur proche, la production sous licence des modèles contemporains de la gamme Fiat et qu’une nouvelle usine d’assemblage est même construite, dans cette intention, dans les environs de Varsovie. Le nouveau contexte international, avec les tensions entre les Occidentaux et l’Union Soviétique, va malheureusement venir mettre un terme (en tout cas provisoire) à ce projet, les représentants de l’URSS, sous la « tutelle » duquel se trouve désormais placée la Pologne (ainsi que la plupart des autres pays d’Europe de l’Est) ayant clairement fait savoir leur « désapprobation » à tout projet de collaboration avec « l’ennemi capitaliste ».
A la place des Fiat initialement prévue, ce sera alors une version locale de la GAZ Pobieda soviétique, commercialisée sous le nom de Warszawa qui y sera produite à partir du début des années 50 et jusqu’au début des années 70. S’il s’agit, officiellement, d’un modèle de gamme « intermédiaire », elle reste toutefois inaccessible à la grande majorité des citoyens. Si le lancement de la Syrena (laquelle est, tant sur le plan des dimensions que de l’architecture mécanique, l’équivalent en Pologne de ce que sera la Wartburg en Allemagne de l’Est), au milieu des années cinquante (nom donné en référence à la sirène qui est le symbole de la ville de Varsovie) permet d’élargir sensiblement l’offre concernant la production automobile locale, il faudra néanmoins encore plusieurs années pour que sa production atteigne son rythme de croisière. En tout état de cause, même cette dernière reste encore inaccessible aux classes les plus modestes, son prix de vente représentant, en effet, plusieurs années de salaire d’un ouvrier ou d’un fonctionnaire.
La politique de « détente » qui s’amorce entre l’Est et l’Ouest (après la crise des missiles de Cuba en 1962) va alors permettre au gouvernement polonais de remettre sur la table son projet de collaboration avec Fiat. D’autant que (même si elle date d’il y a plus de vingt ans) le souvenir des Polski-Fiat* d’avant-guerre restent néanmoins vivace dans le souvenir de la population polonaise. Un contrat de collaboration est donc signé avec le constructeur italien en février 1966 et les premiers exemplaires des Polski-Fiat de l’après-guerre sortent d’usine à l’automne 1967. Basées sur la nouvelle Fiat 125, si l’une comme l’autre restent très classiques, que ce soit d’un point de vue technique ou esthétique, elles apportent néanmoins un coup de jeune fort bienvenu au parc automobile polonais. Le succès est très vite au rendez-vous, que ce soit sur le marché local (grâce à un pouvoir d’achat qui est plus élevé qu’auparavant, même s’il reste néanmoins inférieur à celui de la plupart des pays occidentaux) qu’à l’exportation (les Polski-Fiat, comme les autres voitures de l’Est vendues en Occident, étant vendues à des tarifs nettement inférieurs à ceux de leurs riverains de l’Ouest).
Dans le courant de la décennie suivante, le constructeur FSO (dont les initiales signifient, tout simplement, en Polonais : Usine de Voitures Particulières, créé en 1947 et qui produisait déjà la Warszawa, ainsi que les premières versions de la Syrena) souhaite toutefois s’affranchir quelque peu des productions de Turin, en tout cas en ce qui concerne l’esthétique de ses nouveaux modèles. La direction de FSO ainsi que le gouvernement polonais (dans les pays communistes, les constructeurs automobiles font alors partie des entreprises d’Etat) ayant, en effet, pour objectif de créer une voiture qui (sur ce point, tout au moins) ne soit pas, comme la 125, une pure et simple copie des Fiat et qui présente un style plus moderne, surtout en comparaison avec les nouveaux modèles occidentaux.
Comme pour mieux affirmer l’identité de cette nouvelle voiture, dévoilée aux représentants de la presse automobile internationale, en mai 1978, reçoit le nom de baptême de Polonez. Si elle affiche, en effet, une carrosserie aux lignes inédites, en rupture radicale avec celle de l’ancienne 125 (qu’elle n’a d’ailleurs pas pour vocation de remplacer, puisque cette dernière restera en production jusqu’au début des années 90) et n’en reprend d’ailleurs aucun des éléments de carrosserie, la FSO Polonez n’est toutefois qu’en apparences. Puisque, sous cette carrosserie à cinq portes (un type de carrosserie assez rare au sein de la production automobile de l’Est, la clientèle préférant nettement les berlines traditionnelles à malle classique) aux lignes très anguleuses et aux porte-à-faux avant et arrière forts prononcés, créée par le bureau de style de Fiat avec la collaboration du studio Ital Design (fondé par Giorgetto Giugiaro), ce « nouveau » modèle n’est, en réalité, sur bien des points, rien d’autre qu’une évolution de la Polski-Fiat 125, dont elle reprend donc la plupart des organes mécaniques.
Un premier rang desquels figurent évidemment les motorisations (un quatre cylindres en ligne de 1,3 l de 65 ch, monté uniquement sur les voitures vendues sur le marché polonais et une version de 1,5 litre de cylindrée pour une puissance de 82 chevaux qui est donc le seul moteur vendu à l’exportation). Si l’un comme l’autre ont bénéficié, sur la Polonez, de quelques améliorations bienvenues (comme un système de lubrification plus efficace, une courroie crantée qui remplace la chaîne dans la commande de la distribution, ainsi que la modification des pistons, des segments ainsi que de la chambre de combustion qui permettent de diminuer, à la fois, le niveau de consommation ainsi que de pollution du moteur, il n’en reste pas moins que celui-ci est tout sauf un chef d’oeuvre d’avant-gardisme technique. Celui-ci restant accouplé à une boîte à quatre vitesses tout ce qu’il y a de plus classique. Quant aux suspensions, elles demeurent, elles aussi, dans l’orthodoxie technique la plus « pure », constituées de ressorts à lames et d’un essieu arrière rigide. Les ingénieurs de FSO ont toutefois eu la bonne idée de moderniser fortement le système de freinage en le dotant ainsi de disques sur les quatre roues ainsi que d’une assistance assurée par un servo à dépression.
Comme cela est souvent le cas dans les pays de l’Est, y compris en cette fin des années 70, les nouveaux modèles sont d’abord et avant tout réservés aux cadres les plus « méritants » (ou situés aux échelons les plus élevés de l’appareil étatique) du régime. Il est vrai aussi que, au regard du salaire moyen en vigueur à l’époque en Pologne, la FSO Polonez ne représente pas véritablement ce que l’on appelle une voiture « bon marché », puisqu’un ouvrier de FSO qui en assure justement l’assemblage sur les chaînes de montage de l’usine de Varsovie, doit parvenir à économiser durant trois ans l’intégralité de son salaire afin d’en acquérir une.
Etant donné que, à l’instar des autres pays communistes, la production des véhicules utilitaires a la priorité sur celles des voitures particulières et, qui plus est, qu’une part importante de la production est destinée (comme dans le cas de la 125P) à l’exportation, il n’est, dès lors, guère étonnant que, dans son pays natal, la Pologne réclame un délai d’attente long de deux ans et demi pour en prendre possession. A moins d’avoir sa carte du PCP (le Parti Communiste Polonais) est de pouvoir revendiquer un certain nombre d’années d’ancienneté et/ou un poste un tant soit peu élevé au sein de celui-ci, le seul autre moyen d’obtenir une durée de livraison pus raisonnable pour sa livraison est d’en payer le prix de vente en dollars. Comme la plupart des autres pays de l’Est, la Pologne se trouve alors confrontée à un manque cruel de devises. Une situation économique de plus en plus précaire qui, au cours de la décennie suivante, aura des répercussions sur l’ensemble des industries ainsi que de l’économie du pays et sur la vie quotidienne des Polonais.
Un exemple assez illustratif est la vodka, dont l’essentiel de la production se trouve vendu dans les magasins réservés aux touristes et diplomates étrangers et où les marchandises étaient payables uniquement en devises. Les citoyens polonais « moyens » se voyant, quant à eux, imposer un quota d’achat qui, aux moments où les restrictions étaient les plus dures, ne pouvaient excéder une demi-bouteille par mois.
Pour en revenir au cas de la FSO Polonez, le public français comme européen la découvrepour la première fois à l’automne 1978, quelques mois seulement après sa présentation où elle est importée en France par André Chardonnet, qui a d’ailleurs, déjà en charge la diffusion des modèles du constructeur polonais puisqu’il assure déjà, depuis 1970, l’importation en France de la 125P. L’importation n’est donc pas un novice concernant les voitures des pays de l’Est, d’autant qu’il s’occupe aussi de la vente des modèles du constructeur yougoslave Zastava ainsi que des tout-terrains roumains de la marque ARO. Si Chardonnet avait, au départ, le projet de la commercialisation sur le marché français sous le nom de Baltic, il abandonnera toutefois finalement cette idée et, lorsque le public la découvrira pour la première fois en détails au Salon d’octobre 78, elle recevra, plus simplement, l’appellation Polski 1500.
Bien qu’elle soit affichée à un tarif nettement plus cher que celui de sa devancière 527 300 francs, contre un peu moins de 19 000 F pour la 125P), la FSO Polonez (ou Polski 1500, puisque c’est sous ce nom qu’elle est vendue dans l’Hexagone) reste néanmoins l’un des modèles les moins chers de sa catégorie, puisqu’elle est vendue quasiment au même prix qu’une Renault 14*. En plus des deux motorisations déjà mentionnées, un certain nombre (assez limité toutefois) d’exemplaires auront le privilège de bénéficier d’un 2 litres à double arbre à cames en tête de 112 chevaux (lui aussi d’origine Fiat). Ces voitures resteront toutefois réservées à la Police ainsi qu’aux Services de renseignements polonais.
Outre la version originelle à cinq portes, un coupé (laquelle n’est, toutefois, simplement, qu’une version trois portes de la berline, dotée d’ailes et de vitres arrière spécifiques) sera présenté à la Foire internationale de Poznan* du printemps 1980. Vendue uniquement sur le marché polonais, il ne connnaîtra cependant qu’une carrière aussi courte que confidentielle, puisqu’il n’en sera produit qu’environ 300 exemplaires à peine avant qu’il ne disparaisse du catalogue en 1983. Plus étonnante (voire inattendu), une poignée de limousines à six portes sur châssis rallongé destinées, essentiellement, au transport des touristes en visite dans les principales villes polonaises, comme Varsovie ou Cracovie. (Une petite série de cabriolets ou torpédos semblables avaient déjà été précédemment réalisés pour assurer ce rôle sur la base de la 125P).
Si les automobilistes polonais (ou même occidentaux) « lambdas » n’auront, malheureusement, jamais droit au moteur deux litres double arbre à cames, on retrouvera toutefois cette mécanique sous le capot des voitures qui seront engagées en compétition, avec, parfois même, l’adjonction d’un trubo (d’autres se contenteront,plus simplement, du 1,6 litre de série, plus ou moins modifié suivant les cas). Encore plus inattendues ainsi que performantes et ambitieuses seront les voitures qui recevront rien moins que le six cylindres de 2,4 litres des Fiat Dino et Lancia Stratos, qui se voient, ici, placé en position centrale et dont la puissance atteint entre 230 et 285 chevaux. Apparues en compétition à la fin de l’année 1978, elles n’y feront toutefois que quelques apparitions seulement, sans doute, à cause d’une mise au point ainsi que d’une maintenance que l’on devine aussi longue et complexe que coûteuse. Ce seront alors, avant tout et surtout, les versions à moteur 1,6 l et 2 litres, moins spectaculaires mais plus fiables aussi, qui défendront les couleurs de la marque en course.
A la fin des années 70, au sein de la production automobile occidentale, les boîtes à cinq vitesses tendent à se généraliser sur les berlines dites « familiales ». Quant à la banquette arrière rabattable, elle est alors devenue un équipement pratique incontournable sur ce genre de voitures. Le fait qu’à son lancement, la Polonez ne possède ni l’un ni l’autre est donc un fort handicap (en tout cas, en regard des critères occidentaux), cela, l’importateur français Chardonnet en a bien conscience. A-t-il eu l’occasion d’en faire part aux représentants du constructeur ? En tout état de cause, celui-ci aussi semble en avoir conscience, puisque le modèle bénéficiera de l’une comme de l’autre à partir de mai 81. Les voitures produites à partir de cette date se reconnaissent également à leurs nouveaux éléments aérodynamiques (spoiler sous le pare-chocs avant ainsi qu’un becquet placé au-dessus des feux sur le hayon à l’arrière).
Si ceux-ci, à en croire la publicité qui en est faite par André Chardonnet, ont été conçus afin d’améliorer l’aérodynamique et donc de diminuer la consommation de la voiture, d’aucuns (tant au sein de la presse automobile du public) auront quelques raisons d’en douter. S’il est vrai que la grande majorité des voitures de l’époque (surtout les modèles populaires), aux lignes « carrées », tracées à la règle et à l’équerre, n’ont souvent rien de très aérodynamiques, force est cependant de reconnaître qu’en la matière, la Polonez figure sans doute parmi les plus mal loties et ce n’est donc pas vraiment le montage de ces nouveaux attributs qui pourra véritablement l’améliorer.
Un autre inconvénient majeur pour lequel la Polonez est souvent pointée du doigt par les essayeurs de la presse auto est sa consommation jugée trop importante, surtout à haute vitesse, pour un modèle de cette catégorie. Alors que, depuis les deux crises pétrolières des années 70, le Diesel a le vent en poupe, surtout dans l’Hexagone, la berline FSO n’est pourtant proposée qu’avec des moteurs essence. Sans doute consciente, là aussi, du handicap que cela représente sur les marchés d’exportation, la direction du constructeur polonais étudie alors le projet d’en commercialiser une version avec une mécanique fonctionnant au gazole. Une centaine d’exemplaires recevront ainsi, en 1983, un moteur turbo-diesel d’origine VM (italien, là encore), destinés sans doute a en testé la fiabilité en conditions d’utilisation réelles entre les mains de clients ayant accepté de « jouer » les essayeurs pour le compte de l’usine dans ce projet ne débouchera finalement sur aucune suite en série. Ce n’est finalement que près de dix ans plus tard, au début des années 90, après la chute du Rideau de Fer et la fin du régime communiste (qui sera marquée par l’accession au pouvoir du leader syndicaliste Lech Walesa, figure de proue de la lutte contre la dictature) que la FSO Polonez pourra enfin être disponible avec une motorisation Diesel*.
Concernant la partie esthétique, l’évolution la plus significative que connaîtra le modèle durant les années 80 sera, en 1986, le remplacement de la moulure en plastique noir sur le montant derrière la portière arrière qui, en plus d’alléger le profil de la voiture, augmente également la luminosité dans l’habitacle, en même temps qu’elle améliore assez nettement la visibilité pour le conducteur lors des manoeuvres. L’épaisseur du montant arrière sur les premiers modèles engendrant, en effet, un angle mort assez important. Etrangement, la présentation de cette nouvelle version à six glaces ne met pas pour autant fin à la production de la version originelle, laquelle subsistera au catalogue durant encore deux ans.
Sans doute est-ce pour tenter de mieux plaire à la clientèle française et lui conférer un soupçon de « couleur locale » qu’André Charonnet décide de baptiser la nouvelle berline à six glaces « Alizé »*. (A noter que sur plusieurs autres marchés étrangers, elle recevra l’appellation Prima). Proposé sur le marché français en deux niveaux de finition, S et L, celles-ci sont vendues aux prix respectifs de 45 560 et 44 500 francs (soit 400 F de plus que pour la version originelle à quatre glaces). Au printemps 1987, la gamme de motorisations s’élargie sensiblement avec la présentation (là aussi à l’occasion de la foire de Poznan) d’une nouvelle motorisation « haut de gamme » de 1,6 litre. Il ne s’agit toutefois pas véritablement d’une motorisation inédite mais, plus simplement, d’un dérivé de l’ancien bloc de 1,5 litre, dont la cylindrée a été portée à 1,6 l par augmentation de la course. Affichant donc 1 598 cc pour une puissance de 85 chevaux (soit, il est vrai, à peine 3 ch de plus que sur la version 1500, même si cette augmentation de cylindrée profite d’avantage au couple qu’à la puissance elle-même), il permet ainsi à la Polonez d’augmenter aussi (sensiblement) sa vitesse de pointe, celle-ci passant de 160 à 176 km/h. Au moment où Chardonnet l’ajoute à son catalogue, en 1988, ce dernier procède alors à un changement d’appellation : celle d’Alizé s’appliquant désormais à la version 1500 « d’entrée de gamme », la nouvelle 1600 recevant, pour sa part, celle de Mistral.
L’édition de la Foire de Poznan qui se déroule l’année suivante (en 1988 donc) est l’occasion pour FSO de dévoiler une nouvelle évolution de la Polonez qui touche cette fois à la partie esthétique mais qui est aussi d’ordre pratique. La voiture bénéficie, en effet, d’une partie arrière redessinée avec de nouveaux feux et, surtout, un nouvel hayon qui descend à présent jusqu’au niveau du pare-brise, facilitant ainsi grandement le chargement et le déchargement de marchandises lourdes et encombrantes. En ce qui concerne la partie avant, si les modifications sont beaucoup plus légères, les Polonez produites se reconnaissent à la suppression des barrettes chromées de chaque côté du logo central sur la calandre ainsi que les clignotants latéraux qui, à présent, ne se trouvent plus placés près des pahres mais à l’extrémité des ailes avant. Les deux motorisations 1500 et 1600 ne cohabiteront toutefois pas longtemps au sein du catalogue, puisque lorsque cette version à « grand hayon » fait son entrée sur le marché hexagonal, seule la version « haut de gamme » 1600 est désormais disponible. (Il faut aussi mentionner qu’en France, comme expliqué précédemment, le modèle était auparavant commercialisé en France sous la simple appellation de FSO 1500 ou 1600 et que ce n’est qu’à partir de cette date qu’elle y sera vendue sous son vrai nom).
Les bouleversements politiques qui secouent la Pologne (ainsi que les autres pays du bloc de l’Est à l’automne 1989) ne vont, évidemment, pas manquer d’avoir des répercussions sur la diffusion des modèles du constructeur FSO en France. La dissolution , dans le courant de l’année suivante, de l’organisme étatique PolMot (qui assurait, jusqu’alors, la distribution des voitures produites en Pologne sur les marchés étrangers, en particulier vers les pays d’Europe de l’Ouest) coïncidant avec celle du réseau et donc la fin des activités d’André Chardonnet. Ce n’est d’ailleurs pas simplement l’importation des Polonez qui s’arrête en France à l’automne 1990 mais aussi dans l’ensemble des pays occidentaux où elle était diffusée jusqu’ici.
Une interruption qui, concernant le marché français, durera plus d’un an. Lorsque les voitures polonaises font finalement leur retour en France, début 1992, le modèle a, non seulement, changé (en partie) d’apparrence mais aussi d’appellation. Rebaptisée Caro, celui-ci se voit offrir une face avant entièrement redessinée dans un style plus moderne, qui se caractérise essentiellement par ses grands phares rectangulaires prolongés sur les ailes avant par les clignotants, un capot lui aussi redessiné et plus incliné ainsi que des pare-chocs plus enveloppants à l’avant comme à l’arrière. Un lifting partiel ainsi qu’une nouvelle appellation qui ne peuvent toutefois véritablement masquer l’a^ge réel de la voiture, dont la silhouette, surtout vue de profil, avec des porte-à-faux très (ou trop) prononcés qui font paraître l’empattement d’autant plus court, en ce début des années 90, apparaît, à présent, quelque peu désuète. C’est à l’occasion de ce restylage que l’ancienne Polonez se voit enfin équipée, plus de treize ans après la présentation de sa version originelle, d’une motorisation Diesel. En l’espèce, un quatre cylindres de 1,9 litre et 71 chevaux, bien connu des propriétaires de Citroën AX et Peugeot 205 puisqu’il provient de la banque d’organes du groupe PSA. Si cette provenance (clairement mentionnée sur les affiches et brochures publicitaires diffusées à l’époque) est un gage certain de robustesse et de fiabilité, elle ne permettra pas pour autant aux ventes de connaître véritablement une hausse significative.
Concernant les autres motorisations proposées aux catalogues, la version 1300 (qui, pour rappel, n’a jamais été vendue sur les marchés occidentaux) disparaît de la gamme, seules les versions 1500 et 1600 restent disponibles pour les moteurs à essence. Les nouvelles réglementations européennes en matière d’émission de pollution, encore plus strictes qu’auparavant, qui entrent en vigueur à l’époque, vont toutefois obliger ceux-ci à se convertir à l’alimentation par injection ainsi qu’au montage d’un pot catalytique. A l’origine simplement optionnel, ce montage réalisé par la société TNO, basée aux Pays-Bas, deviendra rapidement systématique sur toutes les voitures vendues dans l’Hexagone ainsi, d’ailleurs que dans la plupart des pays voisins. Celui-ci, outre de leur permettre de répondre aux nouvelles directives formulées par l’Europe, ont aussi pour effet de faire diminuer, de manière assez sensible, la consommation en carburant, notamment sur les moteurs à essence. Concernant ces derniers, un bloc de 1,4 litre d’origine Rover, équipé d’une culasse à 16 soupapes ainsi que d’une injection électronique multipoints fait aussi son apparition au sein de la gamme en 1993. La Caro bénéficie aussi, à cette date, d’un nouveau tableau de bord cadrans circulaires, d’un nouveau système de ventilation et de désembuage amélioré et de phares réglables en hauteur, entre autres améliorations apportées à l’habitacle ainsi, sur le plan technique, que de voies avant et arrière élargies.
Pour les voitures venues des pays de l’ancien bloc de l’Est (en dehors de quelques exceptions notables, comme le 4×4 Lada Niva, dont la robustesse et la simplicité sont toujours appréciées des amateurs de « vrais » tout-terrains et de Skoda, racheté par Volkswagen et qui profitera rapidement d’une modernisation profonde de sa gamme), « l’âge d’or » que ceux-ci avaient connu dans les années 70 et 80 appartient, bel et bien, au passé. Si les modèles de chez FSO* peuvent toujours se prévaloir d’un prix plancher et si les publicités mettent systématiquement cet argument en avant, c’est bien parce qu’en dehors de celui-ci, il n’y a guère plus de raisons pour l’automobiliste français lambda de préférer une FSO et une Lada à une Peugeot ou une Renault. Contrairement à un cliché fort tenace, aujourd’hui encore largement répandu, les voitures de l’Est sont plus fiables qu’on ne le dit (le problème venant surtout des organes périphériques et non pas de la mécanique elle-même).
Toutefois, outre cette image peu valorisante (voire assez dégradante), ce déclin fort rapide des voitures de l’Est en Europe occidentale est aussi dû, entre autres, à un changement assez profond des goûts et des attentes de la clientèle. Celle-ci préférant désormais payer (sensiblement) plus cher pour une voiture plus moderne (tant sur le plan technique qu’en ce qui concerne l’esthétique), mieux équipée et aussi dotée d’une image plus valorisante. La chute des régimes communistes en Europe de l’Est et la fin de l’illusion de « l’avenir radieux du socialisme » et du « paradis des travailleurs » entretenues jusqu’ici par l’Union Soviétique, ayant aussi eu, parmi ses multiples effets collatéraux, un effet (indirect, mais pourtant bien concret) sur l’image des voitures des pays de l’Est au sein de la clientèle occidentale. La mondialisation de plus en plus importante du marché automobile, ainsi que l’arrivée en Euorpe de nouveaux acteurs, à savoir les constructeurs coréens (Daewoo, Kia, Hyundai et Ssangyong), sans compter le reste des constructeurs japonais (Suzuki, Isuzu, Daihatsu et Subaru, profitant de la fin progressive du système des quotas en place depuis la fin des années 70), dans le courant des années 90, ajoutant et enfonçant des clous supplémentaires dans le cercueil de FSO et des autres marques des pays voisins.
Dans le cas des voitures polonaises, il est vrai aussi que leur importation en France deviendra aussi problématique qu’intermittente. Les sociétés qui reprendront le flambeau d’André Chardonnet n’ayant ni la notoriété, ni l’envergure ni, non plus, la solidité financière qu’avait ce dernier. Plusieurs d’entre-elles mettant ainsi la clé sous la porte après seulement deux ou trois ans d’existence. La FSO Caro cessant ainsi d’être vendue sur le marché français à la fin de l’année 92 (quelques mois seulement après son retour) pour y revenir à nouveau l’année suivante et (après une nouvelle interruption de son importation) une troisième fois en 1995, avec, à chaque fois ou presque, un nouvel importateur. Ce qui, bien évidemment, ne facilite pas la tâche des FSO sur un marché hexagonal où elles ne peuvent plus guère prétendues, au mieux, qu’à un rôle de figuration. La « valse » des importateurs qui tenteront encore de parvenir à la vendre chez nous achevant de dégrader et d’enterrer le peu d’images qu’il leur restait encore en France.
Si les moteurs essence restent encore disponibles sur certains marchés (notamment en Pologne ainsi que dans les autres anciens pays socialistes, où la version à moteur Rover bénéficie même d’une puissance portée à 125 chevaux), en France, durant des dernières années d’importation dans l’Hexagone, elle n’est maintenant plus disponible qu’avec la motorisation Diesel.
C’est en 1994 que le constructeur se décide finalement, seize ans après le lancement de la version originelle, a élargir la gamme de carrosseries de la Polonez avec une berline tricorps ainsi qu’un pick-up à double cabine. La première, baptisé Atu, sera toutefois renommée Atou sur le marché française sous la pression de la compagnie d’assurances ATU, qui craignait manifestement que le nom originel de cette version ne prête à confusion avec elle. La seconde, de son côté recevant l’appellation Truck Plus, reprend toute la partie avant de la berline, ainsi que de l’habitacle, y compris les quatre portières. S’l ne connaîtra, à l’image de l’Atou, qu’une carrière assez confidentielle en France, il sera, en revanche, fort apprécié dans la plupart des pays de l’Est, notamment sur le marché local polonais.
C’est également en 94 que le groupe coréen Daewoo* devient le nouvel actionnaire majoritaire de FSO, en se portant acquéreur de près des trois quarts du constructeur polonais. Si les investissements accordés par ce nouvel actionnaire permettent de moderniser ainsi que d’augmenter fortement les capacités de production l’arrivée de celui-ci signifie aussi, à terme, la fin de la production de la Polonez et de ses dérivés. Le constructeur coréen entendant bien mettre à profit les nouvelles chaînes de montage qu’il a fait installer pour y produire ses propres modèles. Trois ans plus tard, en 1997, l’importation des Caro et Atou en France prend définitivement, celles-ci se retirant du marché français (mais est-il vraiment besoin de le préciser?) dans l’anonymat le plus complet et dans l’indifférence générale.
Est-ce une conséquence (directe ou indirecte) de l’arrêt de l’exportation de ces modèles vers la France ? Probablement. Toujours est-il qu’à l’été de cette année-là, la version Diesel à moteur PSA disparaît du catalogue (en tout cas, en ce qui concerne les berlines*), lesquelles ne sont, dès lors, plus proposées qu’avec des moteurs essence (toujours les versions 1400 et 1600). Si une version break (baptisée Kombi), présenté sous forme de prototype en même temps que la berline trois volumes et le pick-up (en 94 donc) sera finalement mise en production en mai 1999, il semble toutefois qu’il n’ait guère rencontré de succès, car sa production est arrêtée à peine sept mois plus tard, en décembre de la même année.
Le passage de FSO sous contrôle coréen ayant aussi pour effet qu’à partir de 2000, le nom de celui-ci laisse progressivement la place à celui des Daewoo sur les dernières versions de la Polonez (même si la plupart des brochures ainsi que des publicités d’époque mentionnent le nom des deux constructeurs, sous l’appellation Daewoo-FSO). Les ultimes exemplaires de cette lignée étant finalement produits en 2002, mettant ainsi fin à un chapitre long de près d’un quart de siècle, non seulement de l’histoire du constructeur FSO mais aussi celle de l’industrie automobile polonaise.
Si le rachat de la branche automobile de Daewoo par General Motors, l’année suivante, a pour effet de rendre son indépendance à FSO (les Américains ne s’étant, semble-t-il, guère montrés intéressés par la reprise du constructeur polonais, possédant déjà ses propres usines et filiales en Europe de l’Est), celui-ci poursuivra néanmoins, sous son propre nom, la production des modèles du groupe coréen. Le départ de celui-ci du capital de FSO se trouvant compenser, en quelque sorte, par l’arrivée dans celui-ci, à l’automne 2004, du constructeur ukrainien ZAZ. Si, dans les années suivantes, le constructeur élargit également sa production avec les nouveaux modèles d’entrée de gamme de la marque Chevrolet (sous le nom duquel les anciennes poursuivront leur carrière après le rachat de celui-ci par GM), une série de péripéties financières amèneront finalement à la mise en liquidation de l’entreprise en 2011.
Maxime DUBREUIL
Photos Wheelsage
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