ALPINE GTA Mille Miles, Europa Cup et LeMans -GTA très spéciales.
C’est en 1989, alors que l’Alpine GTA souffle déjà sa quatrième bougie qu’est présentée celle qui sera la première série spéciale basée sur cette dernière. (En tout cas concernant les versions destinées uniquement à la route).
Cette année 1989 étant aussi marquée par le 35ème anniversaire de la marque Alpine, la série spéciale Mille Miles est présentée, à cette occasion, au mois de juin. Réalisée uniquement sur base de la V6 Turbo et produite à 100 exemplaires numérotés (même si seuls 99 seront vendus, le dernier étant conservé par le constructeur), celle-ci se distingue des autres GTA par sa teinte de carrosserie rouge écarlate nacré spécifique, le motif en forme de goutte d’eau avec l’inscription « Mille Miles » apposée sur l’angle avant gauche du capot et ses jantes turbine polies. Elle bénéficie aussi de l’ABS en série et, dans l’habitacle, d’une chaîne hi-fi 4 x 20 W, d’une sellerie entièrement recouverte d’un cuir spécifique (recouvrant la sellerie, la planche de bord ainsi que la console centrale) ainsi qu’une plaque numérotée sur la planche de bord. A noter aussi que la climatisation fut aussi proposée (contre supplément), à la fin de cette série limitée, sur les 20 derniers exemplaires produits.
Etant donné la suite des événements, on ne peut, malheureusement, pas dire que cette série limitée ait eu une grande influence sur les ventes de la GTA, d’autant qu’elle vendue à un tarif nettement plus élevé que la version sur la base de laquelle elle avait été réalisée : 305 000 Francs pour la Mille Miles, contre 270 000 F seulement pour une V6 Turbo « standard ».
– GTA Le Mans
Même si le Berex, le bureau d’études de l’usine de Dieppe, travaille activement à sa conception, la nouvelle GT destinée à remplacer la GTA n’est pas encore finalisée et il faut donc trouver à celui-ci une sorte « d’expédiant » dont la mission sera aussi d’attirer à nouveau les projecteurs sur la marque en montrant, aux yeux des hommes d’Alpine que, quoi qu’en pensent Raymond Levy et son état-major, la GTA était loin d’être « en bout de course » et n’avait pas encore tiré ses dernières cartouches. Quel que soit son bilan sur le plan commercial, les cadres de l’usine de Dieppe n’entendent pas voir la GTA finir sa carrière comme un malade se mourant lentement après avoir été oublié dans sa chambre d’hôpital ou tel un navire à la dérive abandonné en mer avant de faire naufrage. Au contraire, toute condamnée qu’elle soit déjà par les dirigeants de Renault, ils sont néanmoins bien décidés à ce qu’elle puisse, si pas finir sa carrière en beauté, du moins partir « la tête haute ».
L’idée des hommes du Berex étant d’appliquer sur la GTA une recette similaire à celle qui avait été élaborée avec la version « Pack GT » sur les dernières Alpine A310. A savoir habiller la GTA d’un kit carrosserie permettant d’en modifier assez radicalement la ligne afin de lui conférer une ligne plus agressive. Un choix qui aura aussi le mérite de faire taire ceux qui, au sein du public comme dans la presse auto, s’était toujours plaints que cette agressivité en question, que beaucoup estiment en droit d’attendre de toute vraie GT, lui avait toujours fait défaut jusqu’ici. C’est ainsi que celle qui sera l’ultime évolution de l’Alpine GTA, la série Le Mans, fait son apparition au catalogue au printemps 1990 (la GTA V6 Turbo « classique » étant supprimée en juillet suivant, laissant donc la version Le Mans seule en lice pour représenter la marque Alpine).
Celle-ci se différenciant, au premier regard, d’une GTA « standard » par ses extensions d’ailes ; ses pare-chocs AV et AR plus « massifs » que sur cette dernière ainsi que sa nouvelle face avant spécifique ; caractérisée par ses vitres de phares rectangulaires qui ne débordent, maintenant, plus sur l’extrémité des ailes. (Les clignotants ne se trouvant plus intégrés aux phares mais placés en dessous des blocs optiques, lesquels intègrent également des antibrouillards). Le tout complété par d’imposantes jantes en « nid d’abeilles » au large déport (de marque ACT et démontables en trois parties) chaussées de larges pneus Michelin MXX en 16 pouces à l’avant et 17 pouces à l’arrière.
Un kit carrosserie et pneus inspirés de celui réalisé par le préparateur allemand Heinz-Christian Kleinemeir, spécialiste du tuning sur les Alpine et, accessoirement, concessionnaire Renault outre-Rhin en 1987 sur deux exemplaires de la GTA. Ce sera Jacques Martin, alors directeur de l’usine de Dieppe, qui, enthousiaste en découvrant cette Alpine allemande, convaincra Patrick Le Quément (directeur du bureau de style de Renault) de racheter le dessin de cette nouvelle version à Kleinemeir. Si les designers de Renault retravailleront alors légèrement celui-ci afin de pouvoir l’adapter facilement (et à moindres frais) sur la chaîne de production de la GTA, les différences avec les deux exemplaires originaux seront toutefois assez minimes (notamment l’emplacement des clignotants, placés à côté des antibrouillards sur ces derniers).
Plus d’un, en découvrant la nouvelle GTA Le Mans, n’ayant, toutefois, sans doute pas manqué de regretter que ce « relooking made in Deutschland » ne s’est pas (ou, en tout cas, trop peu) étendu à l’intérieur, et en particulier à la planche de bord. Les seules différences à l’intérieur de l’habitacle qui distingue une Le Mans d’une « simple » GTA étant, outre un équipement sensiblement enrichi, des surtapis ainsi qu’un soufflet de levier de vitesses de la même couleur que la console centrale. L’acheteur pouvant également opter pour un revêtement en cuir de la planche de bord qui a l’avantage d’apporter une touche un peu plus chic à un tableau de bord qui, en dépit des progrès apportés par rapport à celui des premières GTA sorties en 1985, ne peut toutefois masquer entièrement ses origines Renault (de nombreux éléments étant d’ailleurs empruntés aux modèles contemporains produits par la marque au losange).
Une autre déception, qui apparaît d’autant plus difficile à comprendre (et donc à pardonner) sur la version Le Mans est que celle-ci conserve le V6 catalysé de la GTA contemporaine, lequel (comme mentionné plus haut) a vu sa puissance abaissée à seulement 185 ch sur l’autel de la réduction des émissions de pollution. Il est donc à se demander la raison pour laquelle Renault n’a pas jugé utile (voire nécessaire) d’accorder un supplément de cavalerie afin que le ramage soit, non seulement, à la hauteur du plumage mais aussi de l’appellation, car un grand nom, cela se mérite ! « Cerise sur le gâteau », alors que l’Alpine perd une quinzaine de chevaux dans cette opération, le vaisseau amiral de la marque au losange, la Renault 25, bien qu’elle y soit soumise, elle aussi, profitera d’aménagements mécaniques qui lui permettront de faire passer sa puissance initiale de 182 à 205 chevaux !
L’on comprend, dès lors, que les critiques de la presse à son encontre aient été assez virulentes et en grande partie méritées. Sans doute conscients, dès le départ, des réactions qui seraient celles des clients potentiels comme de la presse spécialisée en découvrant les performances sur la fiche technique de la Le Mans, les responsables d’Alpine et de Renault prirent soin de préciser qu’un kit mécanique, élaboré par le préparateur nivernais Danielson (déjà connu pour avoir travaillé, entres autres, sur les moteurs des Citroën AX et BX Sport) était disponible, moyennant un supplément de 16 000 francs. Grâce à une modification des systèmes d’injection et d’allumage, du régulateur de la pression d’essence ainsi qu’une augmentation de la pression du turbo (laquelle passe ainsi de 0,7 à 1 bar), le bon vieux PRV (il a, en effet, déjà dépassé les quinze ans d’âge en 1990, mais officiera encore pendant quelques années, aussi bien sur l’Alpine A310 ainsi que les Venturi que sous le capot des Citroën XM, Peugeot 605 et Renault Safrane) atteint la barre des 210 chevaux, avec une vitesse de pointe approchant ainsi les 250 km/h, permettant ainsi à la GTA Le Mans de sauver l’honneur.
Même si cela est, il est vrai, plus secondaire, certains acheteurs ont cependant dû regretter que le nuancier proposé sur la Le Mans ne se montre pas un peu plus varié. Celui-ci se limitant, en effet, en tout et pour tout, à trois teintes : Bleu Alpine, Rouge Imperial (le toit étant alors, ici, peint en noir) et Vert Scarabée (ces deux derniers étant d’ailleurs spécifiques à cette série). Prévue initialement pour être produite à 300 exemplaires exactement, il en sera toutefois produit, au final, 325, dont 26 avec le volant à droite pour le marché britannique (la grande majorité en 1990 : 291 et seulement 34 au début de l’année 1991).
A noter que le « prototype », ou « modèle d’avant-série », de la GTA Le Mans, exposé au Mondial de L’Automobile de Paris en 1990 était équipée d’une suspension pilotée, initialement envisagée pour cette série mais qui ne sera finalement pas retenue pour celle-ci ainsi que les jantes « nid d’abeille » peintes de la même couleur jaune que la carrosserie (laquelle ne sera donc pas intégrée au nuancier sur cette série). Si cet exemplaire unique bénéficia lui aussi (bien qu’il n’en ait jamais été fait mention à l’époque lors de sa présentation au Salon de Paris), du kit Danielson, celui-ci délivrerait, selon certaines sources, une puissance encore supérieure à ceux montés sur les exemplaires de série.
– GTA Europa Cup
Celle-ci fut conçue afin de raviver l’intérêt des amateurs de compétition automobile pour la marque Alpine, domaine dans lequel la firme fondée par Jean Rédélé avait bâti presque toute son image de marque. L’idée du département compétition de Renault étant de faire courir la GTA dans un challenge monotype (où tous les concurrents courront donc sur le même modèle de voiture) qui se tiendrait en prélude des Grands Prix de Formule 1, baptisé Europa Cup Renault Elf.
Un concept que Renault avait d’ailleurs déjà utilisé auparavant avec la R5 Turbo, auquel la GTA Europa Cup doit donc succéder. Bien qu’ayant, bien évidemment, été profondément revues et adaptées pour un usage en compétition, tant afin de limiter les coûts que pour des raisons d’image au sein du public, elles restaient toutefois assez proches des modèles de série. Extérieurement, les seules différences par rapport aux versions routières se résument d’ailleurs aux jantes Gotti en trois parties (dont le dessin s’inspire des ailettes du turbocompresseur dont elle est, elle aussi, équipée, puisqu’elle se base sur la version Turbo de la GTA), le pare-chocs avant doté de deux ouïes d’aération supplémentaires afin d’offrir un refroidissement optimal des freins ainsi que les inscriptions « Europa Cup » apposées sur les vitres de custode à l’arrière. En réalité, ce seront surtout les couleurs et logos des différents sponsors apposés sur les voitures lors des épreuves dans lesquelles elles courront qui permettront au public de les identifier comme des voitures de compétition.
L’habitacle restant, quant à lui, quasiment identique à celui d’une GTA V6 Turbo de série, simplement dépourvue des options de confort proposées sur la version civile. C’était, tout du moins, ainsi qu’elles étaient livrées aux différents préparateurs, ces derniers se chargeant alors d’en dépouiller l’intérieur et d’installer tous les équipements spécifiques (sièges baquets, arceau de sécurité, etc.) nécessaires aux courses sur circuits.
Si elle était vendue à peine plus cher qu’une V6 Turbo de route (233 000 Francs, soit 23 000 F de plus que cette dernière), c’était toutefois sans compter le budget nécessaire (pas moins de 500 000 Francs) à chaque pilote ou écurire afin de pouvoir disputer la saison complète (même si ceux-ci recevaient, de la part du constructeur, une prime de 25 000 F pour chacune des voitures qui disputerait les séances de qualification de l’Europa Cup).
Pouvant aller jusqu’à 280 chevaux dans sa version la plus aboutie (lors de la saison 1988, qui sera d’ailleurs sa dernière saison), sans que les ingénieurs d’Alpine aient d’ailleurs eu besoin, pour cela, de ne changer aucune des pièces principales du moteur (ni de la boîte de vitesses non plus). Le châssis, de son côté, ayant toutefois été sérieusement renforcé, tout comme le berceau supportant la mécanique, le tout complété par une suspension rabaissée comportant des ressorts raccourcis et à la dureté renforcée et des amortisseurs réglables. Le freinage n’ayant pas été oublié, bénéficiant, notamment, d’un répartiteur pouvant être réglé depuis l’habitacle.
Si la GTA Europa Cup pouvait, théoriquement être immatriculée et donc utilisées sur route (ce qui sera le cas de certaines d’entre-elles), étant donné le caractère fort pointu de leur mécanique ainsi que de leur tenue de route beaucoup plus sèche, pouvant rendre ainsi sa conduite assez éprouvante pour qui n’est pas pilote si non dans les faits, au moins dans l’âme. La GTA Europa Cup quittant la scène des circuits au terme de la saison 88, où elle sera remplacée, dès l’année suivante, par la Renault 21 Turbo.
– GTA USA
Dès le lancement de la GTA, Renault avait pour ambition de la diffuser également sur le marché américain, où la marque au losange était présente depuis la fin des années 50 et où elle avait franchi un pas important en rachetant le groupe American Motors en 1979 (alors propriétaire de la marque Jeep). L’objectif de la marque au losange avec ce rachat étant, avant tout et surtout, de profiter des capacités de production ainsi que du réseau de concessionnaires d’AMC pour étendre la diffusion de ses propres modèles au pays de l’Oncle Sam, bien plus que de développer les ventes de ceux d’American Motors. Ce qui se vérifiera d’ailleurs assez vite, puisqu’il ne restera bientôt plus au catalogue de celui-ci, dès 1983, que l’Eagle (qui fut, un an à peine avant l’Audi Quattro, la première voiture de série équipée de quatre roues motrices).
Les Renault Alliance et Encore (versions américaines de R9 et R11) connaissant alors un certain succès outre-Atlantique, le constructeur décide bientôt d’y élargir sa gamme avec la Médaillon (R21) ainsi que le coupé Fuego, la Premier (basée sur la R25 mais redessinée par Giugiaro et abandonnant le hayon pour une malle de coffre classique) devant également y être commercialisée prochainement, ainsi que le monospace Espace et, au sommet du catalogue (comme en France, d’ailleurs) l’Alpine GTA. La version US se reconnaissant immédiatement de celle vendue en Europe par des pare-chocs plus épais, des répétiteurs de clignotants aux extrémités des ailes avant et arrière, d’un troisième feu stop placé sous l’aileron ainsi que des phares escamotables (les phares sous verre n’étant, en effet, pas autorisés par la législation américaine, un problème auquel avaient également dû faire face les Citroën DS et SM).
Sur le plan technique, le V6 PRV a , lui aussi, été forcé de s’adapter aux normes en vigueur aux USA (encore plus draconiennes qu’en Europe concernant les émissions de pollution, surtout dans certains Etats fort peuplés comme la Californie). Réalisé sur base de la version Turbo, le V6, toujours d’une cylindrée de 2,5 litres, se voit déjà équipé d’un catalyseur (trois ans avant les versions françaises), avec une puissance ramenée à 180 chevaux. Sans compter que les renforts destinés à garantir la sécurité des occupants en cas d’accident engendrant un supplément de poids de 200 kg sur la balance.
Malheureusement pour l’Alpine GTA, sa carrière américaine, qui semblait pourtant s’annoncer sous de bons auspices, va se voir tuer dans l’oeuf par les bouleversements que connaît Renault au milieu des années 80. Après qu’elles y aient connu leur heure de gloire, le public se détourne des Renault américaines, lesquelles présentent encore une finition encore trop perfectible (bien qu’elles soient pourtant plus cossues que leurs homologues françaises) ainsi qu’une fiabilité insuffisante face à leurs concurrentes japonaises (qui, tout comme en Europe, séduisent grandement les classes populaires aux USA). Victime de pertes sévères et de ventes sans cesse décroissantes, Renault se décide finalement, en 1987, à revendre AMC à Chrysler, signant par là son retrait du marché américain.
Sur les 21 exemplaires de pré-série qui furent réalisés, au total, pour assurer la promotion du modèle lors de son lancement prévu aux Etats-Unis, un seul franchit l’Atlantique (en tout cas, à l’époque). Ceci, alors que pas moins de 180 millions de francs avaient été consacrés pour l’étude de cette version américaine et que Renault escomptait pouvoir en vendre environ 2 500 exemplaires par an.
En plus de la désaffection de la clientèle américaine, il est vrai que la situation financière de Renault, en France comme, plus généralement, sur le marché européen est assez alarmante. Après la disparition de Georges Besse (qui avait toujours cru dans les chances de Renault de se faire une place sur ce qui était alors le premier marché automobile du monde), par le groupe terroriste Action Directe, en 1986, et son remplacement par Raymond Lévy, l’Etat français (toujours propriétaire de Renault) accepte de mettre la main au portefeuille afin de renflouer les caisses du constructeur, à condition qu’une politique drastique d’assainissement des finances soit mise en place. L’un des prix à payer pour remettre la marque au losange sur les rails étant l’abandon de l’aventure américaine.
Sur les vingt-et-une GTA US qui furent réalisées, douze seront vendues à des particuliers, les neuf autres restant la propriété de Renault, dont certaines serviront, par la suite, aux équipes du bureau d’études du constructeur pour la conception de la future Alpine A610, qui entrera en scène en 1991.
Maxime DUBREUIL
Photos Wheelsage
L’histoire de l’Alpine GTA https://www.retropassionautomobiles.fr/2022/10/alpine-gta-v6-gt-et-turbo/
En vidéo https://www.youtube.com/watch?v=OyzfTxug_n0&ab_channel=WilliamCommercial
