RENAULT ALLIANCE et ENCORE – « L’Amérique ! L’Amérique ! Je veux l’avoir et je l’aurai ! ».
Le refrain de cette célèbre chanson de Joe Dassin pourrait parfaitement résumer les ambitions de la marque au losange et il est d’ailleurs probable qu’à une certaine époque, lorsque Renault avait le vent en poupe au pays de l’Oncle Sam, certains des cadres du constructeur n’ont certainement pas manqué de la fredonner eux-mêmes… Malheureusement pour ces derniers et, surtout, pour Renault, le soufflé finira assez vite par retomber.
A la fin des années 70, cela fait maintenant près de vingt-cinq ans déjà que Renault est présent aux Etats-Unis. Une aventure américaine qui trouve son origine au milieu des années 1950 et de la volonté du PDG de la Régie Nationale des Usines Renault, Pierre Dreyfus de suivre (comme un certain nombre d’autres constructeurs européens au même moment) l’exemple de Volkswagen la modeste et besogneuse mais sympathique Coccinelle commençait à connaître un succès grandissant au pays de l’Oncle Sam (en particulier chez les ménages à faibles revenus, les jeunes ainsi que la clientèle féminine).
Convaincu que la brave petite Dauphine, dotée, elle aussi, d’une bouille sympathique et reprenant d’ailleurs la même architecture mécanique (celle du tout à l’arrière) pourrait fort bien croquer à son tour et sans trop de mal une part du fabuleux gâteau que représente le marché automobile américain, celle-ci est alors lance, en mai 1957, à la conquête de l’Amérique.
Malheureusement pour la marque au losange, ses dirigeants, tout comme les responsables de la filiale américaine, Renault Incorporated, vont rapidement déchanter. Qualité de production jugée trop médiocre, fiabilité jugée tout aussi insuffisante en regard des critères en vigueur aux USA et finition très moyenne, tels sont les défauts reprochés, tant par la presse automobile américaine que par la clientèle. Tant et si bien que les stocks d’exemplaires invendus finissent rapidement par s’entasser sur les docks du port de New York, là où débarquent les voitures provenant directement des usines françaises et belges (outre la toute récente usine de Flins, celle de Haren-Vilvorde fut, elle aussi, mise à contribution). Avec pour conséquence qu’un grand nombre d’entre-elles furent finalement rapatriées en France et en Belgique et reconditionnées avant d’être revendues sur place.
En dépit de cette déconvenue, Dreyfus ainsi que la plupart des autres membres de l’état-major de Renault sont toujours convaincus dans les chances des nouveaux modèles de la Régie de parvenir à susciter l’intérêt des automobilistes américains. A l’image de leurs concurrents européens, le constructeur va jouer, d’une certaine façon, la carte de la différence. De nombreuses familles possédant déjà à l’époque une seconde voiture et les études de marché ayant déjà démontré, depuis longtemps, que les femmes comme les jeunes préfèrent les petites voitures aux grandes (y compris aux Etats-Unis), Renault, ainsi que Volkswagen et les autres vont alors s’empresser d’investir. (Les Japonais, pour leur part, sont encore quasiment absents du sol américain et ne commenceront véritablement leur débarquement et leur conquête de celui-ci qu’à la fin des années 60 et, surtout, dans le courant des années 70).
Marchant avec une persévérance et une obstination, il faut le reconnaître, assez méritoire (car la concurrence est déjà rude là-bas, avant même que les Nippons ne pointent le bout de leur nez), lentement mais sûrement, Renault propose ainsi aux Américains de la classe moyenne une gamme, en grande partie, similaire à celle que connaît le public français. La berline R16 ainsi que les berline et break R12 comme les coupés R15 et R17 vendus aux USA se distinguant, extérieurement, dans leurs homologues diffusés sur les marchés français et européen par les pare-chocs renforcés (avec une lame supplémentaire rajotée au-dessus de celui-ci à l’avant à l’époque du « tout chrome », avant que les embouts de protection et autres renforts en plastique et caoutchouc noir ne fassent progressivement leur apparition à partir de la fin des sixties et du début des seventies), leurs répétiteurs de clignotants aux extrémités des ailes avant et arrière ainsi que, sur certains modèles, leurs optiques rectangulaires remplacées par des phares circulaires (toujours afin de se conformer à la législation américaine).
Si, au fil du temps, la firme au losange est parvenue, tant bien que mal, à se faire une place sur le marché d’outre-Atlantique, il n’en reste pas moins que, parmi tous les constructeurs européens présents aux USA, elle n’y occupe toutefois qu’une place assez marginale. La direction de la Régie continue toutefois, encore et toujours, à croire en l’importance de maintenir et même d’élargir, d’une façon ou d’une autre, sa présence sur le territoire des Etats-Unis, tant pour des raisons commerciales que pour pouvoir affirmer ainsi son image de constructeur mondial. Même si les responsables placés à la tête de la filiale américaine (rebaptisée Renault USA) ont, toutefois, bien compris que (tout au moins dans le courant des années 1970), l’Amérique n’est pas non plus la priorité numéro un de la maison-mère. Outre sa terre natale ainsi que le marché des autres pays européens, c’est aussi vers le bloc de l’Est (avec les accords conclus ainsi avec les régimes communistes en Bulgarie, Roumanie, Tchécoslovaquie et Yougoslavie) mais aussi vers des pays dits « émergents » (comme la Turquie et l’Argentine) que Renault concentre alors la plus grande partie de ses efforts.
Conscients que l’une des clés lui permettant de renforcer de ses positions aux USA passe par une alliance avec un partenaire local, les responsables du losange entreprennent alors des pourparlers avec les dirigeants d’American Motors Corporation. Figurant en queue du peloton des constructeurs américains en terme d’importance, celui-ci est issu de la fusion, en 1954, de deux des derniers constructeurs américains indépendants, Nash et Hudson. Parallèlement à une gamme traditionnelle claquée sur celle des grands groupes (General Motors, Ford et Chrysler), American Motors tente toutefois aussi, en parallèle, de se différencier de ses concurrents avec des voitures plus originales, s’inscrivant dans des marchés de niche. A l’image de la Gremlin (lancée en 1970), laquelle a inauguré un nouveau segment au sein du marché américain, celui des subcompacts ainsi que de la Pacer (présentée en 1975), qui connue un certain succès en France grâce au dynamisme de Jean Charles Automobiles, l’importateur AMC en France ainsi qu’aux vedettes du show-business de l’époque comme Brigitte Bardot et Coluche.
Un choix qui apparaît d’autant plus naturelle aux yeux de Bernard Vernier-Palliez, le nouveau président de la marque au losange (qui a succédé à Pierre Dreyfus à la tête de la Régie en 1975) que celle-ci avait conclu un précédent partenariat avec celui-ci au début des années soixante, pour la production sous licence, du modèle intermédiaire de la gamme AMC de l’époque, la berline Rambler, laquelle sera ainsi assemblée au sein de l’usine belge de Haren entre 1962 et 66. Bien que celle-ci n’a cependant connue, dans l’ensemble, qu’une carrière assez anecdotique sur le marché européen en général et en France en particulier.
Lorsqu’à la fin de la décennie suivante, le constructeur français se met donc à la recherche d’un partenaire lui permettant de lutter à armes égales (ou, à tout le moins, de manière plus efficace) contre les autres marques européennes présentes elles aussi outre-Atlantique (parmi lesquelles figurent notamment son compatriote Peugeot), inutile à ses yeux de chercher plus loin le « partenaire idéal » est tout trouvé. En fait de « partenariat », il s’agit bien, plutôt, d’un rachat car American Motors se trouve alors en proie à de graves difficultés financières et ne se trouve donc guère en mesure de refuser l’offre émanant du constructeur français.
Celui-ci devenant d’abord actionnaire près d’un quart des actions d’AMC en 1979, avant d’en devenir le premier propriétaire en portant celle-ci à près de 50 % dès l’année suivante. Les actionnaires ayant bien compris qu’il s’agissait sans doute de la seule véritable planche de salut qui se présentait à celui qui, malgré des efforts tangibles, n’est jamais parvenu à se débarrasser de son statut de « Petit Poucet » de l’industrie automobile américaine.
Un rachat qui sera toutefois d’un oeil quelque peu suspicieux par le gouvernement fédéral américain, non seulement parce que le nouveau propriétaire d’AMC était une entreprise étrangère mais aussi (et surtout ,) parce que celle-ci était la propriété de l’Etat Français. Ce qui explique que Washington imposera comme condition « sine qua non » à l’approbation de ce rachat la vente de la filiale AM General, laquelle, en plus des autobus et autres véhicules utilitaires, produisait alors le célèbre Humvee (lequel sera aussi, plus tard, connu du grand public sous le nom de sa version civile, le Hummer, même si celui-ci n’avait pas encore fait son apparition. Ce célèbre tout-terrain étant alors uniquement destiné à un usage militaire, l’Armée américaine en étant alors, évidemment, le plus gros client). Une vente que certains cadres, tant au sein de Renault que d’AMC, n’ont, toutefois, probablement pas dû accepter de gaieté de cœur, celle-ci étant, en effet, à l’époque, l’une des rares branches vraiment rentables d’AMC.
Comme la suite le montera assez rapidement, l’objectif principal de Renault avec ce rachat était de profiter des usines d’assemblage ainsi que du réseau de vente d’AMC pour augmenter nettement la diffusion de ses propres modèles et donc ses parts de marché aux Etats-Unis.
Jusqu’à présent, toutes les Renault vendues en Amérique du Nord (non seulement, donc, aux Etats-Unis mais aussi au Canada voisin) sortaient des mêmes usines et chaînes d’assemblage en France que les versions vendues sur le marché français. Les nouvelles Renault Alliance et Encore, versions américaines des Renault 9 et 11, seront, elles, en revanche, produites directement aux Etats-Unis, dans l’usine AMC de Kenosha, dans le Wisconsin, le fief historique de la marque (autre singularité supplémentaire d’American Motors, qui le différencie de ses concurrents, celui-ci est le seul constructeur américain à ne pas avoir son siège à Detroit). Si le losange de Renault figure toujours bien en évidence au centre de la calandre, on trouve, toutefois, celui d’AMC sur le couvercle de la malle de coffre ainsi que sur la lunette arrière, afin de souligner à l’attention des acheteurs que, bien que d’origine française, la voiture est bien « produite en Amérique par des Américains » (pour reprendre un slogan qui sera couramment employé par les constructeurs japonais dans leurs campagnes publicitaires afin de mieux vendre leurs voitures aux automobilistes américains au patriotisme le plus exacerbé).
Aux côtés de la berline que connaît déjà le public français, la gamme américaine sera également complétée par un coupé (ou coach, pour reprendre la dénomination figurant au catalogue) tricorps qui ne sera jamais intégré à la gamme française.
Outre un changement d’appellation, ces R9 et R11 américaines se différencient, extérieurement, de leurs homologues français ou européens par leurs pare-chocs plus imposants (à l’avant comme à l’arrière), aux parties supérieures et inférieures peintes de la couleur de la carrosserie et intégrant des répétiteurs de clignotants (toujours, comme dans le cas des précédents modèles diffusés par la marque aux USA, à cause de la législation en matière de sécurité).
L’habitacle profitant, quant à lui, d’une présentation bien plus cossue ainsi que d’un niveau d’équipement nettement supérieur à ceux des modèles vendus sur le Vieux Continent. Avec des selleries en velours ou skaï de couleur blanc crème, « café au lait », « chocolat », « vin rouge » ou encore bleu grisâtre (qui n’était pas sans évoquer, dans ce dernier cas, celle d’une carpette de salle de bain!). Ainsi que des équipements de confort comme les vitres électriques, la climatisation qui sont, soit, purement et simplement indisponibles sur les R9 et R11 produites en France ou, dans le meilleur des cas, ne sont proposées qu’en options et uniquement avec les moteurs les plus puissants et les finitions les élevées. Encore considérés comme un véritable luxe sur des modèles de ce genre dans la France des années 80, ceux-ci sont toutefois considérés comme étant une sorte de « minimum syndical » dans l’Amérique contemporaine.
Sur le plan mécanique, il n’y a, toutefois, guère de différences majeures, les motorisations en question étant identiques sur les unes comme sur les autres. En l’occurrence, le célèbre quatre cylindres « Cléon fonte » à l’architecture tout ce qu’il y a de plus classique et éprouvée (une grande famille de moteurs que l’on retrouvera sous le capot de presque toutes les Renault depuis la R8 des années soixante jusqu’aux premières Twingo au début des années 90). Avec des cylindrées allant de 1,4 l à 1,7 litre et des puissances allant, elles, entre 55 et 78 chevaux, pour l’automobiliste lambda, qu’il soit français ou américain, il n’y a là pas du tout de quoi grimper aux arbres. D’un côté ou de l’autre de l’Atlantique, la clientèle à laquelle s’adresse ce genre de voitures n’attache, de toute façon, guère (pour ne pas dire aucune importance) à la puissance et donc aux performances. Celle-ci ne cherchant, tout simplement, qu’un moyen de transport individuel (ou familial) simple et bon marché pouvant servir au quotidien avec des taxes et une consommation les plus basses possible.
Même si l’Amérique a été (relativement) plus épargnée que l’Europe, il n’en reste pas moins que là-bas aussi les deux crises pétrolières qui ont secoué les années 70 et la récession économique que celles-ci ont engendrées ont laissé des traces, lesquelles sont encore assez profondes en ce début des eighties. Ce qui explique le succès important que connaissent aux USA les modèles des constructeurs japonais à partir de cette époque, ceux-ci ne se contentant d’ailleurs bientôt plus d’importer leurs voitures depuis le Japon jusqu’en Amérique mais en les produisant, bientôt, directement sur place. C’est pourquoi il semble, dès lors, logique aux yeux des dirigeants de Renault d’en faire de même.
Outre le fait que le contexte économique ainsi qu’une partie assez importante du public semblent à présent plus ouverts à l’idée d’abandonner les berlines, coupés et breaks full-size d’antan au bénéfice d’une voiture plus compacte et économique, Renault peut aussi compter sur le fait qu’un certain nombre de revues américaines de référence prennent position en leur faveur dans leurs articles. La Renault Alliance étant ainsi élue rien moins que « Car of the Year » en 1983 par le magazine Motor Trend.
Renault ne manquera d’ailleurs de profiter de ce titre avec une série spéciale baptisée « Alliance Motor Trend » ou « MT » (rien de moins et en toute « modestie »). Proposée aussi bien sur les versions quatre et deux portes (produites, respectivement, sur cette série, à 6 000 et 3 000 exemplaires), l’Alliance MT se distinguait d’une Alliance « standard » par sa teinte de carrosserie gris anthracite, ses jantes en aluminium peintes en noir, un porte-bagages noir sur la malle de coffre, ces strippings de couleurs dorés sur la carrosserie ainsi que la plaque commémorative avec les inscriptions « Motor Trend » et « Car of the Year » avec, en dessous de cette dernière, l’année 1983 ainsi que le numéro de production de l’exemplaire en question au sein de la série.
L’un des « points d’orgue » de la carrière des Renault Alliance et Encore sera la présentation, en septembre 1984, d’une version cabriolet exclusivement produite pour le marché nord-américain et à laquelle les (« pauvres ») automobilistes franchouillards n’ont donc, malheureusement, jamais eu droit. Etant présenté comme la version haut de gamme de l’Alliance, celui-ci, bien qu’étant affiché à un tarif qui soit 40 % plus cher que la berline, reste pourtant le cabriolet le moins cher vendu sur le marché américain à l’époque. Assez élégant (aussi bien avec la capote mise en place que découverte) et s’il aurait sans doute pu trouver sans trop de mal son public sur le marché français (il sera d’ailleurs présenté au Salon de Paris, en octobre 84), d’autant que Citroën et Peugeot ne proposait alors pas de modèles décapotables dans cette catégorie), le cabriolet Alliance ne sera toutefois jamais vendu en Europe. Ceci, à la fois, à cause de problèmes liés à l’homologation ainsi qu’un dollar trop fort par rapport au franc à l’époque, qui ne rendait guère rentable une importation de ce modèle depuis les Etats-Unis.
Après celle réalisée pour commémorer le titre de Voiture de l’Année décernée par Motor Trend, en 1983, une nouvelle série spéciale est dévoilée cette année-là : la Spring. Laquelle sera aussi disponible sur la version américaine de la Renault 11, l’Encore, qui rejoint la gamme américaine de Renault en 1984. La série spéciale Spring se distinguait des modèles ordinaires, sur l’Alliance, par sa carrosserie peinte en deux tons (couleur « Amande » claire sur la partie supérieure de celle-ci et foncée sur les pare-chocs et les bas de caisse), sa calandre noire ainsi que ses strippings spécifiques (ces deux dernières caractéristiques se retrouvant également sur la version de la même série proposée sur l’Encore), son porte-bagages installé sur le coffre, son intérieur de couleur Amande agrémenté de liserés noirs ainsi qu’un équipement plus cossu que sur les versions courantes. Sur l’Encore, celle-ci fut proposée non pas avec une mais dans deux teintes différentes : rouge Sebring ou bleu Regatta, avec le même traitement clair/foncé que sur l’Alliance. Dans les deux cas et contrairement à l’Alliance, les pare-chocs ne sont toutefois de couleur caisse mais traités en noir, à l’image des enjoliveurs de roues. L’habitacle se voyant habillé, quant à lui, (quel que soit la teinte choisie pour la carrosserie) d’un intérieur noir décoré de liserés rouges. Les chiffres de production de cette série restent, toutefois, inconnus.
Malheureusement pour la marque au losange, cette « période de gloire » ne va pas durer et va, même, rapidement cesser. Au milieu des années 80, les effets du second choc pétrolier finissent, en effet, par s’estomper, le prix de l’essence et des carburants en général par redescendre et (conséquences évidentes de ce nouveau contexte), la grande majorité du public américain, en particulier au sein de la classe moyenne, se détourne des voitures françaises.
Après avoir connu leur zénith en 1983 (la récompense attribuée par Motor Trend y étant sans doute pour beaucoup), avec un peu plus de 156 000 voitures produites durant cette année-là, les ventes connaîtront, dès 1985, une chute brutale, puisqu’elle seront divisées de plus de moitié, seules 78 000 Alliance (dont à peine 7 300 exemplaires du tout nouveau cabriolet) sortant d’usine cette année-là. Si les Renault américaines, en dépit de leur apparence (intérieure comme extérieure) « endimanchée » afin de séduire les Yankees des classes moyennes et populaires sont restées, malgré tout, très proches de leurs « cousines » françaises, cela est aussi (et surtout) vrai en ce qui concerne les défauts de ces dernières.
Ceux-ci touchant, notamment, au manque de fiabilité des principaux organes mécaniques (qu’il s’agisse du moteur, de la boîte de vitesses mais aussi de l’embrayage, du système de refroidissement, de la suspension ou encore de l’échappement). Mais aussi la finition, laquelle (en dépit de la présentation plutôt flatteuse de l’habitacle) s’avère insuffisante selon les critères en vigueur outre-Atlantique (ceci, alors qu’à la même époque, certaines sportives américaines comme une Camaro, une Corvette ou une Mustang ne s’avèrent pourtant guère meilleures sur ce plan). Sans compter la qualité du service après)vente qui, elle aussi, est souvent montrée du doigt et même jugée, dans certains cas, tout simplement déplorable.
La présentation des modèles du millésime 1986 est l’occasion pour Renault d’offrir un remaniement assez important à la gamme des Alliance et Encore ainsi qu’un léger remodelage esthétique à celles-ci. La première (s’agissant de la berline) étant désormais proposée en trois niveaux de finition (« standard », L et DL) et la seconde avec quatre niveaux d’équipements : S, LS, GS et Electronic.
Cette dernière étant l’équivalent de la Renault 11 du même nom proposée au catalogue français de la marque. Proposée uniquement avec la carrosserie trois portes, elle se distingue des autres versions par son tableau de bord équipé d’une instrumentation digitale avec un affichage à cristaux liquides. L’avantage de ce nouveau tableau de bord (qui, à l’époque, n’était sans doute pas évoqué celui de la Pontiac Trans Am de la série K 2000) étant que le conducteur a désormais accès, grâce à celui-ci, à des informations auxquelles il n’avait pas accès avec l’instrumentation à aiguilles classique. A savoir le niveau d’essence restant dans le réservoir, la distance à parcourir avant de devoir refaire le plein de carburant, la consommation moyenne, la température ambiante à l’extérieure de la voiture ainsi que la distance parcourue sur le dernier trajet ou celui en cours. Des informations que l’on trouve aujourd’hui sur les tableaux de bord de toutes les voitures actuelles mais qui, il y a trente ou quarante ans, n’étaient dispensées, sur les voitures européennes, que par ceux des modèles de prestige. Bien qu’elle reçoit cet équipement de série, l’Encore Electronic ne sera toutefois pas la seule version à en être équipée, puisqu’il sera aussi disponible, en option et dans le courant de l’année-modèle, sur les finitions LS et GS.
Concernant le reste de la gamme, la face avant se trouve sensiblement remaniée, avec des phares de taille légèrement réduite, un jonc chromé ou noir (suivant le niveau de finition) est désormais apposé sur la partie supérieure de la calandre sur les berlines DL ainsi que le cabriolet, un troisième feu-stop fait son apparition à l’arrière et le porte-bagages qui équipait jusqu’ici le cabriolet n’est maintenant plus disponible qu’en option. A l’intérieur, si le tableau de bord ainsi que la console centrale voient leur dessin remanié, le volant gainé de cuir qui équipait jusqu’ici les deux modèles se trouve, toutefois, remplacé par un nouveau modèle plus simple en plastique.
Bien que les bureau d’études de Renault et d’AMC, ainsi que les responsables de la filiale américaine de la marque au losange ne le savaient sans doute pas encore au moment de la conception ainsi que de la présentation de la gamme Alliance de l’année-modèle 1987, mais celle-ci serait la dernière, non seulement, pour ces deux modèles mais aussi, tout simplement, de la présence de Renault sur le marché américain. Est-ce parce qu’au sein des cadres d’AMC – Renault, certains se doutaient cependant de la tournure de plus en plus défavorable que prenaient les événements pour le constructeur français, des deux côtés de l’Atlantique ? En tout cas, la gamme ne connut que peu de changements par rapport aux années précédentes. L’ensemble des modèles reçoivent désormais l’appellation Alliance, les carrosseries de l’Encore (berlines trois et cinq portes) se voyant désormais rebaptisées Alliance Hatchback.
Ces ultimes Alliance se reconnaissent toutefois à leur face avant spécifique, abandonnant ses quatre phares carrés pour une seule paire de phares mais de plus grande taille, intégrant un masque avant au dessin lui aussi remanié, avec des clignotants placés, à présent, entre les phares et la calandre (et non plus sur le pare-chocs avant, comme auparavant).
La nouveauté majeure de ce dernier millésime de production pour l’Alliance reste toutefois la présentation de la nouvelle version sportive GTA, laquelle fera sa première apparition publique à l’occasion du Salon automobile de Chicago en février 1987, où seront également dévoilées les nouvelles Renault Medaillon et Premier. Elle reçoit, sous son capot, le moteur F de 1 965 cc développant une puissance de 95 chevaux. Elle se différencie également par sa transmission et ses suspensions modifiées*. Il faut souligner que bien qu’elle soit qu’une Alliance équipée donc d’une motorisation plus puissante ainsi que d’un habillage extérieur au caractère plus sportif, elle est pourtant présentée par Renault comme un modèle à part entière, ce qui explique qu’elle soit baptisée, dans les brochures et clips publicitaires « Renault GTA » et que le nom d’Alliance ne soit donc mentionné nulle part dans ceux-ci.
Conformémement à sa vocation de voiture sportive et comme la plupart des modèles de sa catégorie, elle n’est proposée qu’en carrosseries deux (ou trois) portes : coach (ou coupé) et cabriolet et n’est disponible (comme sur les R9 et R11 sportives vendus sur le marché européen) qu’avec une boîte de vitesses manuelle (ici, à 5 rapports). Cette nouvelle GTA étant l’équivalent, tant sur le plan des performances que de l’esthétique, de la Renault 11 Zender qui figure alors au sein de la gamme française. Bien que pouvant se prévaloir d’un prix de vente fort compétitif sur le marché américain (environ 9 000 dollars, contre 11 325 dollars pour une Volkswagen Golf GTI), il n’en sera toutefois produit qu’un peu plus de 3 500 exemplaires au total. Il est vrai que la carrière de la GTA prendra fin à la fin de l’année-modèle 1987, quelques mois seulement après le rachat d’AMC par Chrysler et que celle-ci n’aura donc duré que le temps d’un seul millésime.
Les nouvelles Medaillon et Premier, mentionnées plus haut, étant, de leur côté, les versions américaines des nouvelles Renault 21 et 25, conçues pour répondre à la nouvelle demande pour des véhicules de plus grand gabarit. Si la première, malgré une ligne légèrement redessinée, conservait un lien de parenté évident avec la E21, la seconde, de son côté, verra ses parties avant et arrière entièrement redessinées par le styliste italien Giugiaro, en se voyant également transformée en une berline tricorps à malle classique, au lieu de la berline « deux volumes et demi » à hayon qu’était, à l’origine, la R25 (le public américain ne prisant guère, en effet, ce qui est considéré, en Europe, comme une « cinquième porte », surtout à ce niveau de gamme).
La nouvelle gamme américaine de Renault devant aussi être couronnée par l’Alpine GTA, dans une version spécialement revue afin de correspondre aux exigences de l’homologation aux USA (la version US se différenciant ainsi de la GTA européenne par ses pare-chocs plus épais et, surtout, ses phares escamotables). La direction ainsi que le bureau d’études étudiant même le projet de commercialiser le monospace Espace outre-Atlantique (celui-ci ayant d’ailleurs, pour rappel, été conçu par Matra en s’inspirant des vans américains).
Malheureusement peut-être, tant pour l’Alpine que pour l’Espace, ceux-ci verront leur carrière tuée dans l’oeuf par la décision prise par Renault au printemps 1987* de revendre AMC à Chrysler et en annonçant, de ce fait, son retrait du marché américain. Une revente dont les causes se trouvent aussi bien en Amérique qu’en Europe et qui a pour origine la situation financière fort préoccuppante dans laquelle se trouve plongée la marque au losange à ce moment de son histoire. En ce milieu des années 80, les comptes de Renault plongent, en effet, de plus en plus dans le rouge. En janvier 1985 déjà, le PDG de Renault, Bernard Hanon, (nommé à la tête de la Régie en 1981, peu de temps après l’arrivée au pouvoir de François Mitterand et de la gauche et qui avait pourtant vu son mandat renouvelé en juillet 84), avait été brutalement limogé après l’annonce d’un déficit record de 12,5 milliards de francs. Si son successeur, Georges Besse, est, lui aussi, un fervent partisan du maintien de Renault sur le marché américain, l’assassinat de ce dernier par le groupe terroriste Action Directe, en novembre 1986, va toutefois contribuer à venir changer la donne.
L’un des points clés du programme mis en place par ce dernier dès son entrée en fonction pour redresser les finances du constructeur étant de se débarrasser des filiales qui sont insuffisamment rentables. Un programme approuvé et même encouragé par le nouveau gouvernement de droite conduit par Jacques Chirac (qui vient d’arriver au pouvoir l’année précédente) qui en a fait l’une des conditions incontournables pour que celui-ci accepte de renflouer les caisses du constructeur et ainsi d’effacer une part importante des dettes de celui-ci. Une politique d’assainissement drastique qui finira par porter ses fruits, même si la firme au losange ne commencera à redevenir bénéficiaire qu’à partir de 1989. Ce changement de propriétaire marquant également la disparition d’AMC du paysage automobile américain, celui-ci cessant officiellement d’exister à l’été 1988.
L’aventure américaine de Renault s’arrête alors, définitivement ici. Le groupe Chrysler mettant fin à la production de l’Alliance, même si un certain nombre d’entre-elles continuera à être vendues durant l’année-modèle 88 (reconnaissable à leur calandre chromée), mais il ne s’agissait, simplement, semble-t-il, que d’exemplaires restés encore invendus à la fin du millésime précédent. Si celui-ci décidera toutefois de poursuivre la production des berlines et break Medaillon sous la nouvelle marque Eagle, leur nouvelle carrière ne sera toutefois que fort courte, puisqu’ils quitteront, à leur tour, la scène, en 1989 (non pas parce que le succès auprès du public était jugé insuffisant mais parce que Chrysler craignait, en réalité, que celle-ci ne créé un problème de concurrence interne avec les modèles de même catégorie produits par la marque du même nom ainsi que par les divisions Dodge et Plymouth).
La Premier étant, elle aussi, commercialisée au sein de la gamme Eagle (un nom sans doute choisi en référence au dernier modèle commercialisé par AMC, en 1979, dont il faut mentionner qu’il fut le premier modèle de tourisme produit en grande série à être équipé d’une transmission intégrale, un an tout juste l’Audi Quattro). Sa carrière sera toutefois à peine plus longue que celle de la Medaillon, puisqu’elle prendra au bout de quatre ans à peine, à la fin de l’année 1991. Elle sera également commercialisée dans une version plus cossue, la Dodge Monaco, laquelle connaîtra cependant une durée de vie plus éphémère encore (deux ans à peine), puisqu’elle disparaîtra du programme de production de Chrysler dès l’année suivante.
Selon les termes de l’accord conclu entre le constructeur français et le groupe au pentastar, Renault continuera à assurer la vente ainsi que l’entretien des Jeep Wrangler et Cherokee jusqu’en 1992. (C’est ainsi que l’on verra ce dernier être également proposé dans une version au gazole motorisée par la mécanique turbo-diesel de la R21, lequel se révélera toutefois plutôt à la peine pour mouvoir dignement ce tout-terrain, pourtant conçu aux dimensions européennes, hors des sentiers battus).
Le constructeur français conservera toutefois ce que l’on appelle un bureau de veille sur le sol américain avec l’espoir secret de pouvoir, éventuellement, u faire un jour son « come-back » si le contexte (tant pour le constructeur sur le plan mondial qu’au sein du marché américain) se montrait à nouveau suffisamment favorable. A la fin des années 90 ainsi qu’au début des années 2000, Renault aurait ainsi envisagé le projet de commercialiser là-bas son nouveau « coupéspace » Avantime (conçu et produit par Matra) sous le label Nissan (avec lequel la marque au losange venait de conclure une alliance commerciale, d’ailleurs toujours active aujourd’hui). Malheureusement, ce projet sera rapidement enterré par la fin prématurée de la carrière de celui-ci (au printemps 2003, au terme de seulement deux ans de présence au catalogue et d’une production d’un peu plus de 8 500 exemplaires à peine), les derniers représentants de Renault quittant définitivement les Etats-Unis en 2005.
Maxime DUBREUIL
Photos Wheelsage
D’autres Renault https://www.retropassionautomobiles.fr/2022/09/renault-spider-une-alpine-sans-le-nom/
En vidéo https://www.youtube.com/watch?v=q9067IxmdOI&ab_channel=INASoci%C3%A9t%C3%A9