MEGA CLUB / RANCH – L’héritière de la Méhari.
A l’origine de la marque Mega se trouve un autre constructeur bien connu, puisqu’il s’agit de celui qui, en plus d’avoir été l’un des pionniers de la voiture sans permis en France, est rapidement devenu (sans doute, en grande partie, grâce à cela) l’un des principaux leaders de ce marché : le constructeur Aixam. Après avoir créée cette dernière dans les années 1980, suite au rachat, en 1983, de l’ancienne firme Arola, déjà spécialisée dans la production de ce genre de voiturettes), son président et fondateur, Georges Blain, n’entend toutefois pas s’arrêter là.
Le succès que connaissent assez rapidement ses petits « pots de yaourt sur quatre roues » l’emmenant, en effet, bientôt à nourrir de nouvelles ambitions et à s’intéresser à un segment qui avait pourtant, à cette époque, quasiment disparu du marché français : celui des véhicules de loisirs populaires, autrement appelés « voitures vertes » (rien à voir, toutefois, avec les voitures hybrides ou électriques d’aujourd’hui), dont les deux plus célèbres représentants furent sans doute la Matra Rancho et la Citroën Méhari.
Après la disparition de la première au début de l’année 1984 (les chaînes de l’usine Matra de Romorantin allaient bientôt, en effet, se retrouver entièrement accaparées par la production du nouveau monospace Espace pour le compte de Renault) ainsi que celle de la seconde trois ans plus tard, ce segment en question resta toutefois quasiment vierge, en tout cas en ce qui concerne les grands constructeurs (même si, avant le début de la production de l’Espace, Matra gardait encore une dimension de constructeur « semi-artisanal »).
Renault ayant, lui aussi, jeté l’éponge au même moment en abandonnant la commercialisation de la R5 Rodéo, construite en partenariat avec la firme Teilholn (provoquant ainsi l’arrêt des activités de celle-ci). Seuls quelques « artisans » comme Car Système avec la JP4 créée sur la base de la Renault 4, ou d’autres continueront de tenter l’aventure. Ne disposant toutefois pas, pour la plupart d’entre-eux, du soutien d’un grand constructeur, ne disposant que de moyens assez limités et ne pouvant donc profiter du réseau de ventes de celui-ci pour faire connaître et écouler leurs créations, celles-ci se voyaient donc souvent condamnées, dès le départ et avant même leur mise en production, à une diffusion assez restreinte.
Si ses moyens et l’étendue de son réseau de concessionnaires est, évidemment, loin d’avoir les proportions de ceux de Citroën, Peugeot et Renault, ceux de Georges Blain sont néanmoins nettement supérieurs à ceux de la plupart des autres artisans ou « apprenti-constructeurs » qui envisagent alors de se lancer sur ce terrain, laissé en friche par le retrait, en l’espace de seulement quelques années, de Matra, Renault et Citroën. Le fait que ces derniers se soient complètement et sans doute définitivement retirés de ce segment (ou, tout au moins pour longtemps, comme la suite le montrera) constitue, aux yeux du fondateur d’Aixam, une raison supplémentaire de s’y attaquer, sachant qu’il n’aura pas à craindre la concurrence des « géants » de l’industrie automobile française et donc que ceux-ci ne cherchent, d’une façon ou d’une autre, à lui mettre des bâtons dans les roues.
Pour autant, produire des petites voitures sans permis ne dépassant guère les 80 km/h dont la vocation reste donc strictement urbaine est une chose. Produire des voitures de plage qui, même si elles sont, avant tout, destinées à permettre aux occupants de profiter de balades cheveux au vent sur les routes longeant les plages françaises, depuis la Côte d’Opale jusqu’à la Côte d’Azur et offrant des performances, ainsi qu’une habitabilité et un confort comparable à celle d’une voiture ordinaire en est toutefois une autre. Blain réalisant alors assez vite, comme ne manquent d’ailleurs pas de le lui faire remarquer les hommes composant l’équipe qu’il a réunie autour de lui, il y a une grande différence.
Ce qui va donc poser un certain nombre de problèmes, parfois assez importants, à résoudre, notamment en ce qui concerne les composants mécaniques (moteurs, boîtes de vitesses et autres) qui devront équiper la future voiture de plage voulue par ce dernier. Lequel s’adresse alors à PSA, qui acceptera, sans trop de difficultés, de vendre au petit constructeur d’Aix-Les-Bains, non seulement, les moteurs et tableau de bord de la Citroën AX mais aussi le châssis de la petite compacte de la marque aux chevrons, permettant ainsi d’offrir à la nouvelle petite voiture de loisir imaginée par Blain la base technique nécessaire à la réalisation de celle-ci. Le recours à des éléments disponibles dans la (vaste) banque d’organes du groupe PSA garantissant de pouvoir ainsi disposer d’un approvisionnement rapide et facile et à des prix très compétitifs. Tout comme un gage de robustesse et de fiabilité, comme cela sera d’ailleurs clairement mis en avant lors du lancement de cette nouvelle « Méhari des années 1990 ».
Bien que construite par Aixam sur le même site d’Aix-les-Bains où sont produits les célèbres voiturettes sans permis, elle ne sera toutefois pas commercialisée sous ce nom mais sous celui d’une nouvelle marque, créée spécialement pour la commercialisation de ce nouveau véhicule : Mega (à cette occasion, l’entreprise changera d’ailleurs d’appellation en étant renommée Aixam-Mega).
Celle qui se présente donc (de manière indirecte, mais néanmoins très claire) comme l’héritière de la « baignoire en plastique » créée par Citroën est dévoilée au public en 1992. Si tous ne se montreront pas véritablement séduits, en tout cas de prime abord, par les lignes de la nouvelle Mega Club/Ranch, force est toutefois de reconnaître que le bureau d’études d’Aixam, s’il entendait reprendre, le plus possible, le concept de la Méhari a toutefois eu l’intelligence de ne pas chercher à en copier la silhouette, le style de la Mega entendant s’incrire clairement de son époque. L’idée qui a sans doute prévalu dans l’esprit du (ou des) styliste(s) qui en ont tracé les lignes étant, cependant, certainement de s’imaginer comment les designers de Citroën auraient dessiné la Méhari si elle avait été créée en ce début des années 90.
En tout cas, les Mega peuvent revendiquer, sur le plan esthétique, une identité bien à elle, sans rien de commun avec d’autres voitures ou véhicules de la production française contemporaine (ce qui, il est vrai, n’est pas très difficile, dans la mesure où elle est la seule représentante de sa catégorie dans l’hexagone). Son style étant, sur certains points ou vus sous certains angles, à mi-chemin entre une voiture de plage et un tout-terrain, avec le « berceau » formé par les passages de roues et l’épais bas de caisse, lequel supporte le reste de la carrosserie (c’est-à-dire la cellule de l’habitacle ainsi que le capot-moteur), laquelle est placée très en retrait par rapport au berceau, avec, donc, pour résultat, une échancrure à la largeur assez prononcée. La face avant de la voiture, placée très bas et intégrée, elle aussi, au « berceau » parcourant ainsi, extérieurement, tout le périmètre de la voiture, avec des quatre phares ronds ainsi que, sur certaines versions, les jantes à à cinq branches, apportant une touche sportive et agressive à la Mega.
En comptant les différentes carrosseries (bâchées, tôlées ou cabriolet, à 2 ou 4 places) ainsi que les transmissions (aux roues avant ou quatre roues motrices, cette dernière version reprenant le système de transmission de l’AX 4X4), le client se voit ainsi offrir le choix entre pas moins de dix versions différentes en tout, celles-ci étant vendues à des tarifs allant de 73 000 à 86 000 francs.
Afin de promouvoir, à la fois, sa nouvelle voiture de loisir ainsi que, plus globalement, la nouvelle marque Mega, Aixam décide d’engager la Club/Ranch en compétition. Si, sur le coup, l’idée peut apparaître aussi audacieuse que risquée, étant donné les coûts que cela implique ainsi que la concurrence nombreuse et donc fort rude qui existe dans ce domaine, Georges Blain saura cependant, dans son ambition, faire preuve de pragmatisme en évitant de placer la barre trop haute.
Ayant sans doute observé et, surtout, retenu la leçon de l’expérience aussi courte qu’amère et malchanceuse que venait de faire Venturi en tentant l’aventure de la F1 et ne nourrit pas non plus l’ambition de tenter celle des 24 Heures du Mans (où, là aussi, les risques d’un échec sont aussi grands que les conséquences de celui-ci pourraient être grave pour le constructeur, non seulement en termes d’image mais aussi et surtout sur le plan financier). Ceci, malgré la conception et la présentation successive de deux supercars fort suggestives et prometteuses : la Track et la Monte-Carlo.
Il existe, en revanche, un domaine où la direction d’Aixam est convaincue que la Club/Ranch pourrait tout à fait avoir ses chances : celui de la course sur glace, un style de compétition qui est alors fort à la mode dans les années 90 (même s’il ne parviendra jamais à atteindre une envergure internationale et ne connaîtra donc pas un succès populaire d’une ampleur comparable à celle des épreuves « classiques » sur routes ou sur circuits). Au sein de celle-ci, une épreuve en particulier a alors le vent en poupe : le Trophée Andros.
Créé en 1990 par Max Mamers sur le modèle des compétitions se déroulant dans les pays scandinaves et au Canada et se disputant sur des lacs gelés. Se déroulant (assez logiquement, pour des raisons climatiques évidentes) dans des régions et des localités situées en altitude, à Serre, Chevalier, Chamonix, Lans en Vercors et Chamrousse. Une formule qui remportera rapidement un large succès, tant auprès du public que des constructeurs, français mais aussi étrangers, lesquels, après y avoir fait courir, dans les premières années, leurs anciens bolides du Groupe B, y aligneront toutefois rapidement des engins spécialement conçus pour les courses sur neige et sur glace. Alignées pour la première fois lors de la saison 1992 / 93, dans une version spécialement préparée pour cette épreuve (se distinguant notamment des versions de série par leurs ailes élargies donnant à la Club/Racnh de course une allure bodybuildée) les petites Mega y démontrent rapidement un véritable potentiel, finissant même par remporter la compétition en 1994.
Malheureusement pour Mega, cette participation en compétition ainsi que les trophées que la marque y remportera, pourtant mis en avant par celle-ci ainsi que largement relayée par la presse automobile, n’aura que peu d’impact sur les ventes. Si l’année 1995 sera sans doute la meilleure de la carrière de la Club/Ranch, grâce aux retombées médiatiques de la victoire au Trophée Andros, la production de celle qui se voulait la version moderne de la Citroën Méhari ne sera jamais vraiment à la hauteur des espérances de ses concepteurs.
Bien que le nombre exact d’exemplaires qui en ont été produits reste, aujourd’hui encore, inconnu, en tout état de cause, il semble que celle-ci n’ait pas dépassé le millier d’exemplaires (certaines sources affirmant même que seules 800 voitures environ, toutes versions confondues sont sorties d’usine) avant l’arrêt de la production en 1998 (même si, selon certaines autres sources, celle-ci s’est poursuivie jusqu’en 2000, à moins qu’il ne s’agisse des ultimes exemplaires, restés invendus jusqu’ici).
Malgré cette déconvenue plutôt amère, Georges Blain reste toujours persuadé que la voiture de loisir, sous la forme d’une réinterprétation plus moderne de la Méhari, a toujours ses chances et est capable de séduire le public français. Mega présente donc alors, au Salon de Paris d’octobre 1998, la nouvelle génération de sa voiture de loisir, baptisée Mega Concept. La conception et la présentation de celle-ci n’ayant, semble-t-il, n’ayant pas simplement été motivé par l’échec commercial de la Club/Ranch mais aussi par l’arrêt, cette même année 1998, de la production de la Citroën AX.
La nouvelle Mega Concept étant donc basée (logiquement) sur la (ou plutôt les) remplaçante(e) de celle-ci, les Citroën Saxo et Peugeot 106. Comme pour sa devancière, la motorisation (en l’occurrence, ici, un quatre cylindres de 1,4 l) ainsi le reste des organes mécaniques (les trains roulants, le système de freinage, la direction mais aussi le réservoir de carburant et le dispositif de chauffage) ainsi que certains éléments de carrosserie comme le pare-brise proviennent des Saxo et 106 ainsi que de la banque d’organes du Groupe PSA.
Outre un style « actualisé » et censé être plus au goût de l’époque, la voiture présente également une allure plus imposante, ce qui n’est pas qu’une impression due à ses nouvelles lignes, puisqu’elle est construite sur un châssis dont l’empattement a été rallongé d’une dizaine de centimètres. Un allongement qui permet d’offrir une meilleure habitabilité aux places arrière. Elle se distingue aussi de l’ancienne Mega Club par un équipement plus cossu (vitres avant électriques, verrouillage centralisé avec télécommande à distance, système antidémarrage électronique). Bien qu’elle puisse donc se prévaloir d’être mieux insonorisée et plus confortable que sa devancière, la nouvelle Mega Concept s’éloigne toutefois, par là-même, de manière assez nette du concept qui avait présidé à la création de la première génération des voitures de loisir de la marque au début des années 90.
Sur bien des points, elle se rapproche, en effet, plus d’une « simple » voiture citadine ou compacte en version découvrable que d’une « Méhari des temps modernes ». Sans compter que, bien que plus moderne, certains commentateurs de la presse automobile juge que son style s’est banalisé, ou « affadi » par rapport à celui de sa devancière. Bien que s’étant donc éloigné de son concept originel, cette nouvelle Mega Concept présentait toutefois, elle aussi, un double avantage identique (ou, en tout cas, similaire) d’allier la simplicité de conception, la robustesse ainsi que la fiabilité et la sobriété d’une citadine moderne à une modularité encore supérieure (grâce au caractère transformable de sa carrosserie) ainsi qu’au côté fun qui faisait souvent défaut, à l’époque, aux citadines et compactes des constructeurs français (d’autant que PSA n’aura jamais la bonne idée de proposer une version décapotable de la Saxo ou de la 106).
Malgré toutes ces caractéristiques qui faisaient la singularité de la Mega concept au sein de la production automobile française de la fin des années 90 et du début des années 2000, elle ne connaître pourtant guère un meilleur succès que sa devancière. Du côté des supercars, le bilan n’est guère plus positif. S’il est vrai qu’elle avait, avant tout, été conçue pour servir de vitrine publicitaire à la marque et au savoir-faire des ingénieurs d’Aixam-Mega, il n’en reste pas moins que le développement de la Track à transmission intégrale, sans compter celui de la Monte-Carlo, qui, en plus de s’éterniser, grève fortement les finances du constructeur d’Aix-les-Bains. En 1999, celui-ci décide finalement d’arrêter les frais et abandonne alors, définitivement, toute idée de se lancer sur ce marché fort (voire trop) élitiste et où, de toute manière, la concurrence était certainement bien trop nombreuse et rude.
Sur le plan de la compétition, Mega tentera, en 2000, une nouvelle aventure, celle, encore plus ambitieuse, du Paris-Dakar, espérant sans doute, parvenir à réaliser sur les sables du désert africain un coup d’éclat similaire à celui du Trophée Andros sur les rallyes neige et glace. Malheureusement pour Mega, celle-ci ne parviendra pas à renouveler l’exploit.
Après l’arrêt de la production de la Concept, Aixam décide alors de se recentrer sur son activité première et principale, à savoir la production des voitures sans permis. Le nom de Mega ne servant alors plus qu’à désigner des versions plus cossues des voiturettes Aixam ainsi qu’une gamme de petits utilitaires urbains basés sur celles-ci. Si certains (notamment parmi ceux qui s’étaient laissés tenter par l’aventure de la « nouvelle Méhari » qu’entendait incarner les Club/Ranch dans les années 90 et s’en étaient portés acquéreurs à l’époque espèrent qu’un jour Aixam lui donnera une descendance, à l’heure actuelle, malheureusement, rien n’est moins sûr.
Maxime DUBREUIL
Photos Wikimedia
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En vidéo https://youtu.be/d43iPFKFecQ