TRABANT P50, P60 et 601- Icône de l’automobile de l’Est.
Si, dans la France du milieu et de la fin des années 50, malgré une démocratisation toujours plus grande (grâce aussi bien à la généralisation, désormais bien établie, de la production en grande série qu’à l’augmentation du niveau de vie ainsi, donc, que du pouvoir d’achat dont bénéficient la grande majorité des citoyens), l’acquisition d’une automobile neuve, même la plus modeste, n’est pas encore vraiment à la portée de tous.
Alors, que dire de la situation de l’autre côté de ce que le premier ministre britannique baptisera lui-même le « rideau de fer » ? Indépendamment du fait qu’au sein de la plupart des régimes communistes des pays d’Europe de l’Est (lesquels, à l’instar du « grand frère Soviétique », viennent à peine une politique de « déstanilisation »), la possession d’une voiture particulière est parfois vue comme une « inclination vers le capitalisme décadent », le pouvoir d’achat des « masses prolétariennes » y était à cent voire même à mille lieues de celui de la France de la Quatrième République.
A moins de figurer parmi les « apparatchiks » au sein de l’appareil d’Etat de ces républiques qui n’avaient souvent de populaires ou de démocratique (ainsi qu’il était souvent mentionné dans l’intitulé officiel des pays concernés) que le nom, il vous fallait ainsi parvenir à mettre de côté suffisamment d’économies pendant, au moins, une petite dizaine (et parfois même jusqu’à une quinzaine d’années avant de pouvoir déposer une demande auprès d’un des bureaux du Comecon* pour avoir enfin le « privilège » (le terme n’est pas vraiment galvaudé) de devenir l’heureux propriétaire d’une (pourtant, souvent, bien modeste) Moskvich ou Zaporojet soviétiques, Syrena polonaise, Skoda tchécoslovaque, Zastava yougoslave, AWZ ou Wartburg est-allemandes.
Si la plupart des modèles en question semblaient avoir, entièrement et définitivement, banni des termes comme « élégance » ou « luxe » de leur vocabulaire et que leurs concurrents comme la presse automobile ainsi même dans certains cas, que les dirigeants politiques des pays « capitalistes » eurent beau jeu de pointer également du doigt leur piètre qualité de fabrication qui n’avait d’égale que leur fiche technique assez (voire très) archaïque et même si ces reproches étaient parfois amplement justifiées, il n’en reste pas moins que l’image des productions de l’industrie automobile de l’ancien bloc de l’Est est aussi constituée, en grande partie, d’une avalanche de clichés (lesquels, aujourd’hui encore, plus de trente ans après la chute du Rideau de Fer, ont, malheureusement peut-être, toujours la vie dure).
Des clichés qu’il est pourtant, si l’on veut regarder les choses d’un point de vue le plus objectif possible, de combattre, ou, à tout le moins de nuancer. Ainsi, pour donner un exemple assez illustratif, l’archaïque technique (ou ce qui était présenté et considéré comme tel) était, avant tout, dû au fait, non seulement, que là-bas, les voitures étaient souvent appelées à connaître une durée de vie bien plus longue que dans les pays d’Europe de l’Ouest mais aussi qu’étant donné la rareté des garages (surtout dans les zones rurales), l’absence de véritables réseaux de concessionnaires tels qu’en possèdent ici quasiment tous les constructeurs tout comme les moyens financiers assez limités de la grande majorité des citoyens de l’Est, ces derniers étaient souvent obligés d’assurer eux-mêmes l’entretien de leur voiture.
D’où le choix des constructeurs de faire appel (et de rester fidèles) à des solutions techniques simples et éprouvées, mettant ainsi l’entretien (en tout cas courant) de ces modèles à la portée du plus grand nombre. Si, surtout dans la première décennie qui suit la fin du Second Conflit mondial, le développement de l’industrie automobile est (comme on peut s’en douter) loin de figurer parmi les priorités, en URSS comme au sein des « pays satellites » de celle-ci, l’idée de développer un modèle qui pourrait véritablement incarner la « voiture du peuple » commence cependant à faire son chemin au sein de la plupart des Républiques populaires. Même s’il est vrai que, bien souvent, l’argument déterminant qui a décidé celles-ci à franchir le pas n’était pas véritablement la volonté à ce que chaque citoyen puisse disposer, un jour, de sa propre voiture, mais bien, avant tout et surtout, une question d’image et de « prestige », une volonté de ne pas perdre la face vis-à-vis des pays capitalistes.
Au sein de la DDR (Deutsch Demokratic Republik, autrement dit : la République Démocratique Allemande, plus communément appelée l’Allemagne de l’Est), les bases de l’industrie automobile nationale reposent sur les « décombres » de celle de l’ancien Reich allemand. Une fois celui-ci vaincu, les anciennes usines automobiles (comme l’ensemble des sites industriels se trouvant au sein de la Zone d’occupation soviétique, seront mises sous séquestre et ensuite, assez rapidement, nationalisées). Outre l’ancienne usine BMW située à Eisenach (laquelle reprendra, quelques mois seulement après la fin des hostilités, la production des anciens modèles du constructeur bavarois, d’abord sous le nom de ce dernier et ensuite, à partir de 1951, sous celui d’EMW, avant de se reconvertir, en 1956, dans la production d’une nouvelle voiture plus populaire, la Wartburg), l’autre site principal de production de voitures de tourisme sera l’ancienne usine Auto-Union de Zwickau, en Saxe.
Après avoir repris, à partir de 1948, la production des anciennes DKW (la marque la plus populaire du groupe avant la guerre) sous le nom d’IFA et avoir démarré, en 1955, celle d’une nouvelle petite voiture populaire aux lignes plus modernes, l’AWZ P70 Zwickau, laquelle inaugurera la production en série de carrosseries réalisées dans un nouveau matériau synthétique inédit au sein de la production automobile : le Duroplast, réalisé à partir de toiles de coton enrobées de résine. Si elle représente une étape importante dans la mise au point et la production d’une « véritable » voiture populaire est-allemande qui puisse, sans difficulté, se mesurer à ses concurrentes occidentales, la P70 Zwickau n’était toutefois destinée, dès le départ, qu’à être un modèle de transition, en attendant l’achèvement de la conception d’un autre modèle dont l’étude a démarré à la même époque que celle de la P70, au début de l’année 1954.
Article sur l’AWZ P70 https://www.retropassionautomobiles.fr/2022/08/awz/
Baptisée de la dénomination P50, celle-ci, selon le cahier des charges définit par le Conseil des Ministres de la DDR, (étant des entreprises d’Etat, les constructeurs automobiles sont obligés d’appliquer les décisions du gouvernement concernant la mise en production de nouveaux modèles ou de soumettre tous leurs projets d’étude pour leur commercialisation à l’approbation de celui-ci). Les points principaux de celui-ci étant que la nouvelle « Voiture du peuple » soit d’un gabarit sensiblement plus réduit mais aussi, financièrement, plus accessibles que les anciennes IFA, comportant quatre places (deux pour des adultes à l’avant et deux autres pour des enfants à l’arrière) pesant au maximum 600 kg à vide et pouvoir atteindre une vitesse maximale d’au moins 80 km/h en ne dépassant pas une consommation moyenne de 5,5 litres aux 100 km.
Si le premier prototype de la future P50 est achevé dès la fin de l’année 1954, il est toutefois rapidement jugé encore trop imparfait par les représentants du gouvernement, lesquels pointent notamment une habitabilité jugée insuffisante. Les hommes du bureau d’études de Zwickau sont donc priés de revoir leur copie. Qui plus est, du fait que la P50 sera, sur bien des points, un modèle entièrement nouveau et que ces derniers devront donc, quasiment, repartir d’une feuille blanche, il apparaît rapidement évident, aux yeux de la direction de l’usine AWZ* comme du gouvernement de Berlin-Est qu’elle ne pourra sans doute être mise en production avant plusieurs années. Le lancement de celle de la P70, à la fin de l’été 1955, permet aux ingénieurs travaillant sur le projet d’avoir les coudées plus franches et de pouvoir ainsi se consacrer pleinement à l’achèvement de leurs travaux sur la future P50. Le public est-allemand aura déjà l’opportunité d’avoir un aperçu, assez précis, de ce que sera cette future « Voiture du peuple » grâce à un article publié dans le magazine automobile Kraftfahrzeug Technik, illustré de plusieurs croquis et photos des différentes maquettes du modèle. Un article qui est d’ailleurs signé par l’ingénieur Wilhelm Orth, qui, depuis le mois de février de cette même année, a été chargé par la direction d’IFA de superviser la conception de la voiture.
D’emblée, la nouvelle P50 se présente comme un modèle nettement plus moderne que sa devancière, la P70, laquelle, malgré sa silhouette assez moderne restait, toutefois, très proche des anciennes SKW d’avant-guerre, avec un châssis séparé ainsi qu’une carrosserie reposant sur une structure en vois. Sur celle qui est destinée à la remplacer, l’un et l’autre sont désormais remplacés par une plateforme ainsi qu’une structure qui sont réalisées entièrement en acier. Même si elle conserve néanmoins plusieurs points fondamentaux de la conception de ces dernières, notamment la traction avant ainsi que sous son capot, un moteur bicylindre à deux temps (comme sur les anciennes IFA F8*), qui, sur la nouvelle p50, n’affiche toutefois qu’une cylindrée assez modeste de 499 cc (contre 690 sur la F8) pour une puissance de 18 ch.
L’une des différences notables avec l’ancienne IFA consiste dans l’implantation de la mécanique, qui se trouve placée sur un support amovible sur lequel est également fixé l’ensemble du train avant (une solution choisie, évidemment, afin de faciliter au mieux les réparations et l’entretien. Le moteur étant également positionné en porte-à-faux à l’avant (alors que la F8 conservait, de son côté, une architecture des plus classiques, avec une motorisation placée en position longitudinale derrière l’essieu avant). Concernant le système de refroidissement du moteur, les ingénieurs de Zwickau ont fait ici le choix du refroidissement par air, plutôt qu’à eau comme cela avait été le cas sur les anciennes IFA F8 et F9 ainsi que sur la P70. Ceci, toujours, afin de rendre ainsi plus facile l’entretien ainsi que les réparations et aussi de diminuer les coûts de production. Côté transmission, le moteur de la P50 se trouve, ici, accouplé à une boîte à quatre vitesses, commandée via un levier placé sur la planche de bord (une disposition reprise de ses devancières), celle-ci se trouvant complétée (comme c’est alors encore souvent le cas à l’époque) par un système de roue libre*. En ce qui concerne la suspension, celle-ci s’avère assez moderne à l’époque pour une voiture d’Europe de l’Est, puisqu’elle fait appel à quatre roues indépendantes, complétée par des ressorts à lames transversaux et des amortisseurs télescopiques. La direction se montrant, elle aussi, plus moderne que la plupart de ses concurrentes (y compris occidentales) de l’époque, puisque celles-ci font encore souvent appel à un système archaïque à vis globique, alors que la nouvelle P50, de son côté, reçoit déjà un dispositif bien plus moderne à crémaillère. Le freinage ayant, lui aussi, droit aux bénéfices de la modernité, puisqu’il est hydraulique sur les quatre roues.
Si les ingénieurs d’AWZ (Automobilwerk Zwickau, qui fait partie des nombreuses filiales d’IFA, un vaste conglomérat rassemblant pas moins d’une quarantaine d’entreprises nationales actives non seulement dans l’automobile mais aussi, plus généralement, dans le domaine des transports) ont veillé à mettre l’accent sur la modernité, c’est, là aussi, afin de montrer à leurs confrères ainsi qu’au public des pays « à la solde du capitalisme et l’impérialisme » que, dans les Républiques Populaires du « socialisme triomphant », l’industrie automobile avait, elle aussi, le savoir-faire ainsi que les moyens de produire une vraie voiture populaire tout aussi moderne, voire même (sur certains points, en tout cas) plus encore que les plus populaires des autres voitures citadines de l’époque comme la Renault 4 CV en France, la Lloyd 400 en Allemagne ou la Fiat 600 en Italie*. Qu’il s’agisse de l’esthétique, des conditions de sécurité, des performances ainsi que du confort, s’il est vrai que la P50 ne les surclasse pas vraiment (ou de peu) sur ces différents points, elle n’a toutefois pas grand-chose à leur envier.
Avec ce nouveau modèle, les directions d’AWZ et d’IFA ainsi que le gouvernement de la RDA peuvent désormais affirmer clairement et sans (trop) de mensonges que les citoyens (est-)allemandes pourront à présent bénéficier d’une voiture accessible à tous. (Comme l’on peut, évidemment, s’en douter s’agissant d’un régime communiste, il n’en sera pas vraiment ainsi dans la réalité. Déjà parce que, même s’il est vrai qu’elle se montre, financièrement, plus accessible que les anciennes IFA F9 et P70 et, surtout, que les Wartburg 311, il n’en reste pas moins que l’attente avant de pouvoir en prendre livraison sera longue. Non seulement parce que son prix de vente représente souvent plusieurs années du salaire d’un ouvrier mais aussi parce qu’une part non négligeable de la production est réservée à l’exportation vers les « pays frères » (en particulier ceux qui comme mentionnés précédemment, sont dépourvus de constructeurs nationaux). Sans compter qu’en Allemagne de l’Est comme dans l’ensemble des pays communistes, l’industrie automobile (comme l’ensemble des industries nationales doit se plier à un système d’économie planifiée. Avec, notamment, des quotas pour la production minimum (et également maximum) qu’une usine doit fournir chaque mois ou chaque année (quel que soit son secteur d’activité).
Afin de pouvoir assurer la production à une échelle nettement plus grande que celle de sa devancière il est décidé de la produire non seulement au sein de l’ancienne usine Audi mais également d’un autre site de production situé, lui aussi, à Zwickau et, comme celui-ci, appartenait également, avant-guerre, au groupe Auto-Union : l’ancienne usine Horch. Celle-ci était, avant le conflit, la division de prestige du groupe. Après la confiscation et la nationalisation du site par les autorités d’occupation soviétiques, celui-ci se consacra essentiellement à la production des poids lourds, avant de se présenter, en 1956, un nouveau modèle de prestige destiné à la nouvelle élite du régime de la République Démocratique Allemande : la Sachsenring*. En mai 1958 (à la suite d’une décision prise par le gouvernement est-allemand en novembre de l’année précédente, les anciennes usines Audi et Horch de Zwickau sont fusionnées au sein d’une seule et nouvelle entité*, baptisée Sachsenrig Automobilwerke Zwickau*. Les deux usines n’étant pas de trop pour pouvoir atteindre les objectifs de production fixés par le gouvernement est-allemand, qui est d’atteindre les 50 000 voitures par an.
Si la dénomination P50 qu’avait reçue la voiture au lancement de sa conception sera conservée sur le modèle de série, c’est toutefois sous une autre appellation, qu’elle recevra à la toute fin de l’année 1957, qu’elle sera connue du grand public : celle de Trabant. Un nom signifiant « satellite » en allemand et dont le choix, faisant suite à un appel à proposition au sein du personnel, trouve sans doute son origine dans l’un des événements majeurs de l’actualité de l’époque : le lancement, en octobre 1957, du premier satellite de l’histoire, lancé par l’Union Soviétique : le célèbre Spoutnik. Si, à ce moment-là (dans le mois de décembre 1957 donc) une cinquantaine d’exemplaires de pré-série de la nouvelle Trabant P50 parcourent alors déjà les routes pour des essais intensifs, le public est-allemand devra toutefois encore attendre encore près d’un an jusqu’à l’automne 1958, à l’occasion de l’ouverture de la faire de Liepzig, pour avoir l’opportunité de découvrir celle qui sera la première Trabant.
Sa devancière, la P70 Zwickau occupant encore la plus grande partie des chaînes d’assemblage, la production en série de la P50, ne démarre que de manière assez lente et progressive. Un peu plus de 1 700 exemplaires seulement sortiront ainsi des usines d’AWZ durant l’année 1958. Ce n’est qu’au début de l’année suivante que la Trabant commencera véritablement à être produite à grande échelle, l’ancienne P70 quittant la scène en juin 1959 et libérant ainsi entièrement la place pour sa remplaçante. Au même moment, le choix de teintes de carrosseries disponibles au catalogue s’élargit et la voiture est également disponible dans une version plus « cossue », reconnaissable, extérieurement, à sa livrée bicolore.
L’offre en matière de carrosserie se limite, au lancement de la P50, au seul coach deux portes et quatre places s’élargit au début du printemps 1960, avec un break à trois portes baptisé Kombi dont seront dérivés une version fourgonnette (dépourvue de banquette à l’arrière et se reconnaissant à ses panneaux tôlés qui remplacent les vitres à l’arrière) ainsi qu’une variante plus luxueuse du Kombi, recevant l’appellation Camping, qui s’en différencie, à l’extérieur, par sa carrosserie deux tons ainsi que son toit ouvrant. Celle-ci, en dépit de son caractère fort pratique, de sa compacité et de son économie d’usage qui auraient pu séduire les artisans et les petits commerçants, ne connaîtra pourtant qu’une carrière absolument confidentielle : il n’en sera, en effet, produit, en tout et pour tout, que 85 exemplaires entre 1963 et 65. Ces versions ne représenteront, toutefois, toujours qu’une faible partie de la production du modèle : un peu plus de 11 600 exemplaires seulement, soit à peine 1/10ème de la totalité des P50 qui sortiront d’usine.
Si la vocation première de la Trabant est, avant tout, celle d’être une voiture citadine, il n’en reste pas moins qu’aux yeux d’un grand nombre d’utilisateurs, les 18 ch que développaient à l’origine son moteur deux-cylindres à deux temps finissent par apparaître insuffisants pour garantir des performances correctes. Bien que celle-ci, à partir de mai 1960, atteignent désormais la barre des 20 chevaux, il faudra toutefois attendre le mois d’octobre 1962, lorsque la voiture bénéficiera d’une nouvelle motorisation dont la cylindrée se voit portée à 594 cc et la puissance à 23 chevaux qu’elle pourra désormais atteindre la barre, aussi importante que symbolique, des 100 km/h.
A cette occasion, les Trabant reçoivent la nouvelle dénomination de P60. En dehors de ce changement de moteur, il s’agit, cependant, toujours de la même voiture que précédemment. Cette nouvelle version se reconnaissant seulement au nouveau partage des teintes sur les voitures équipées de la livrée bicolore (avec pour conséquence qu’il est donc quasiment impossible de reconnaître une P60 de la précédente P50 sur les voitures habillées d’une carrosserie monochrome).
A signaler aussi, pour rester dans le chapitre des évolutions techniques, qu’à partir d’avril 1962, les Trabant bénéficient d’un nouveau châssis plus léger ainsi (surtout) que d’une nouvelle boîte de vitesses entièrement synchronisée qui remplace avantageusement l’ancienne boîte de crabotage. En dehors du montage d’un nouveau volant ainsi que d’un système de freinage amélioré, cette première génération de la Trabant ne connaîtra alors plus d’autres changements jusqu’à la fin de sa production, le coach disparaissant le premier des chaînes de montage à la fin du printemps 1964 et le Kombi un an plus tard. Au total, près de 238 500 exemplaires, toutes séries et carrosseries confondues, en auront été produits (presque 131 500 pour la P50 et près de 107 000 pour la P60).
La courte durée d’existence de la Trabant P60 (trois ans à peine) s’explique par le fait qu’elle n’était destinée, dès le départ, qu’à être un modèle de transition. Le bureau d’études d’AWZ travaillant déjà depuis l’été 1961 (soit plus d’un an avant le lancement de la P60) sur le projet d’une nouvelle génération de la Trabant. Présentée en mars 1964, celle qui allait, par la suite, passer à la postérité comme étant, aux yeux du public occidental, « LA seule vraie et unique » Trabant, au moment de sa commercialisation, ne provoque toutefois pas de grands émois au sein de la population de l’Allemagne de l’Est (ainsi que dans ceux des autres pays frères au sein desquels elle sera bientôt diffusée). Il est vrai que cette seconde génération de la Trabant n’a rien de révolutionnaire, tant sur le plan technique qu’esthétique (même selon les critères alors en vigueur au sein des pays du bloc de l’Est), puisque la « nouvelle » 601 n’est, sur bien des points, qu’une simple évolution, légèrement modernisée, de sa devancière.
Extérieurement, la 601 se différencie de l’ancienne P60 par sa carrosserie aux lignes moins arrondies et plus anguleuses, avec des ailes avant et arrière plus pointues, ces dernières se terminant par des sortes de « mini-ailerons » dans lesquels viennent se loger les feux. Celle-ci profite aussi de surfaces vitrées agrandies (permettant ainsi d’augmenter de manière très nette la visibilité), d’un habitacle plus spacieux ainsi que d’un coffre à bagages au volume sensiblement agrandi. Sur le plan pratique aussi, l’on peut noter plusieurs améliorations bienvenues, comme les portières équipées désormais de glaces descendantes (et non plus simplement coulissantes, comme cela avait été le cas sur les anciennes P50 et P60). D’un point de vue mécanique, toutefois, elle reste quasiment identique à celle qui l’a précédé sur les chaînes d’assemblage des usines de Zwickau.
Si la commercialisation effective de la Trabant 601 débute en juillet 1964, comme ce fut le cas pour la première génération, elle n’est d’abord disponible qu’en version coach (ou berline à deux portes), la version break (ou Kombi), de son côté, ne faisant son apparition au catalogue qu’à la fin de l’été 1965. Un an plus tard, à l’automne une version très spéciale sera également créée : le « Kübelwagen »*, une appellation sans doute choisie en référence à la version homonyme réalisée sur base de la Coccinelle et utilisée par l’Armée allemande durant la Seconde Guerre mondiale. Comme cette dernière, cette variante inédite de la Trabant était donc destinée, au départ, à un usage strictement militaire. Outre l’Armée est-allemande, elle deviendra aussi bien connu des citoyens de la RDA ainsi que des habitants et des touristes se rendant dans l’enclave de Berlin-Ouest, car elle sera aussi utilisée par les gardes-frontières chargées de la Surveillance de la ligne de démarcation entre les deux Allemagnes (c’est-à-dire le Rideau de fer) ainsi que le Mur de Berlin).
Vouloir en créer sur base de celle-ci un modèle à usage civil apparaissait donc, a priori et au vu de la mentalité alors en vigueur ai sein des régimes comme des constructeurs de l’Allemagne de l’Est, assez inattendue (pour ne pas dire incongrue). Ce qui sera pourtant bien le cas à partir de 1978, avec la Tramp. Celle-ci se différenciant de la version militaire par ses flancs échancrés, dépourvus de portières, permettant aux occupants à l’arrière de pouvoir descendre ou monter sans avoir à basculer les sièges avant (comme c’est le cas sur le coach ainsi que le Kombi), sa face arrière spécifique dépourvue des ailes avec les ailerons. Si l’origine ainsi que les sources d’inspiration de celle-ci sont sans doute à chercher du côté de certaines voitures de loisirs emblématiques produits par les constructeurs de l’Ouest comme la Mini Moke ou la Méhari, étant donné que ce genre de véhicules n’est guère ancré dans la mentalité et les moeurs des pays de l’Est à l’époque, la Tramp, comme l’on peut, assez aisément, le deviner, ne connaîtra toutefois qu’une diffusion assez limitée*, même si, comme les autres versions de la Trabant, elle sera, elle aussi, exportée sur certains marchés des pays de l’Ouest.
Si, comme ce fut le cas sur les Trabant P50 et P60 qui l’ont précédé, la 601 fut, elle aussi, proposée en une version utilitaire*, une fourgonnette dérivée du break, comme dans le cas de cette dernière, elle ne connaîtra qu’une diffusion assez limitée : environ 1 300 exemplaires seulement, produits entre 1967 et 73 et principalement destinées à l’exportation. De tous les modèles produits par l’industrie automobile des pays du bloc de l’Est durant la période de la Guerre Froide, la Trabant 601 est certainement l’un de ceux qui peuvent revendiquer le record de longévité : pas moins de 26 ans de carrière au total. Une longévité qui, il faut le reconnaître, contribuera, elle aussi, (pour la Trabant comme pour d’autres voitures produites au sein des Républiques Socialistes qui, à l’image de cette dernière, auront vu leur carrière sans cesse prolongée, pour finir par s’éterniser d’une manière qui paraissait presque sans fin), à l’image surannée ainsi que de l’obsolescence aussi bien technique qu’esthétique qui colle à la peau de la petite voiture est-allemande ainsi que de presque toutes ses semblables.
Ce qui est d’autant plus compréhensible que durant le quart de siècle qu’aura duré sa production, la Trabant 601 conservera une carrosserie identique et donc la même silhouette qu’à ses débuts. Avec pour conséquence que, pour qui ne connaît pas (au moins dans ses grandes lignes), l’histoire de la Trabant, il est presque impossible (ou, en tout cas, fort compliqué), de différencier les derniers modèles sortis à l’été 1990 (moins d’un an après la chute du Mur de Berlin et quelques mois seulement avant la réunification de l’Allemagne) des premières séries sorties au milieu des années 60. Même pour l’amateur ou le connaisseur, l’exercice s’apparente parfois au jeu des sept erreurs. Si, contrairement aux apparences, le modèle connaîtra, en effet, un nombre assez important d’évolutions et d’améliorations en tous genres, certaines d’entre-elles sont uniquement techniques et donc impossible à distinguer lorsque l’on observe le modèle concerné de l’extérieur.
Les modifications opérées montrant également que les ingénieurs ainsi que la direction d’AWZ avait (très tôt) pris conscience de la nécessité de ne pas « s’endormir sur ses lauriers »* et de remettre régulièrement leur travail et donc la plus populaire des voitures est-allemandes sur le métier afin de pouvoir ainsi la garder (autant que possible) « à la page ». S’il est vrai qu’il est souvent mauvais (et même dangereux, à terme) pour un constructeur automobile (surtout dans les pays occidentaux*) de vivre sur ses acquis, à l’époque, au sein de l’industrie automobile des pays de l’Est, il s’agissait, souvent et tout simplement, d’une nécessité (pour les raisons évoquées en détail précédemment).
Au sein de l’Union Soviétique, le développement de l’industrie automobile ne figurait pas vraiment parmi les priorités, les plus grandes des régimes communistes (celle-ci allant plus vers l’industrie de l’armement, les programmes spatiaux ou scientifiques ainsi que les transports en commun). A l’image de leurs confrères polonais, tchécoslovaques ou russes, les ingénieurs ainsi que les stylistes du bureau d’études d’AWZ ne restèrent pas inactifs, loin s’en faut. Dès la seconde moitié des années soixante et jusqu’à la fin des années 80, ils étudièrent même différents prototypes destinés, non seulement à prendre la succession de la Trabant 601 mais également d’autres projets dans l’intention d’élargir la gamme et ainsi de diversifier la production d’AWZ (notamment avec des modèles similaires aux Lada et Volga produites en Union Soviétique).
Malheureusement sans doute pour le constructeur de Zwickau (ainsi que pour les automobilistes d’Allemagne de l’Est), les représentants du régime jugèrent, à chaque fois, les projets en question peu convaincants, inutiles au vu des besoins de l’industrie et des citoyens de la RDA ou, tout simplement, comme étant trop coûteux à produire en grande série. Il est d’autant plus dommage qu’aucun d’entre-eux n’ait jamais reçu le feu vert de la part du pouvoir en place pour sa commercialisation que la conséquence principale fut que la vénérable 601 a ainsi dû voir sa carrière prolongée plus que de raison et au-delà du raisonnable. Si l’un des nombreux projets sur lesquels avaient travaillé les ingénieurs et les stylistes du constructeur de Zwickau avait finalement reçu l’aval des responsables politiques concernés était venu ainsi prendre la succession de la vieillissante 601 sur les chaînes d’assemblage d’AWZ, cela aurait sans doute permis, de cette façon, aux conducteurs d’Allemagne de l’Est (ainsi, accessoirement, que de ceux des « pays frères » voisins, étant donné que la Trabant y fut aussi largement exportée, de bénéficier d’une voiture plus moderne à tous points de vue et qui aurait sans doute pu soutenir, sans trip de mal, la comparaison avec ses concurrentes occidentales.
A partir de la fin des années 70 ou au début des années 80, la Trabant commence, en effet, fortement à faire figure de véritable antiquité, y compris au sein de l’industrie automobile des pays de l’Est. Souvent conscients que leurs propres modèles de conception « 100 % locale » étaient, sur bien des points, véritablement anachroniques et ne pouvaient soutenir la comparaison avec les voitures occidentales (même les plus modestes) de nombreux constructeurs ont alors profité de la politique de « détente » entamée avec l’Occident dans le courant des années 1960 pour nouer des partenaires avec des constructeurs étrangers. L’un des exemples les plus illustratifs étant sans doute celui de Fiat, lequel participera à la création de Lada en URSS mais aussi des Polski-Fiat produites par FSO en Pologne ainsi qu’à la création de l’industrie automobile yougoslave avec le constructeur Zastava. Mais l’on peut aussi citer ceux de Renault et Citroën en Roumanie. Autant de cas de figure qui illustrent que malgré la Guerre Froide entre les pays de l’OTAN d’un côté et l’Union Soviétique et ses Etats vassaux de l’autre, ainsi que le Rideau de Fer qui sépare l’Europe en deux, le bloc de l’Est ne vit pas (en tout cas dans tous les domaines ni dans sa totalité) entièrement coupé du reste du monde.
Au sein de la RDA, en revanche, cela semble, toutefois, manifestement le cas. Si une Polski-Fiat 125 ou une Dacia 1300 (cette dernière n’étant autre que la version roumaine de la R12), si elles apparaissent comme étant tout ce qu’il y a de plus consensuelles et classiques aux yeux des automobilistes de l’Ouest et en regard des critères en vigueur chez la plupart des constructeurs occidentaux font pourtant faire des pas de géants à l’industrie automobile des pays concernés. Avec pour résultat qu’elles font d’autant plus apparaître les Trabant comme faisant figure de véritables dinosaures, non seulement en ce qui concerne l’aspect technique mais aussi sur le plan technique. En effet si, à l’époque de sa présentation, le moteur deux-temps était encore utilisé en Europe occidentale par plusieurs grands constructeurs, tels que Saab et Auto-Union, au milieu des années 60, il était alors déjà sur le déclin et ces derniers finiront d’ailleurs par l’abandonner à la fin de cette décennie.
Si, jusqu’ici, cette technique pouvait se prévaloir d’une grande simplicité de fabrication ainsi que d’entretien (en dépit de certaines contraintes d’utilisation, notamment le fastidieux et, surtout, salissant mélange huile et essence auquel était astreint les utilisateurs, en tout cas lorsque les voitures concernées n’étaient pas équipées d’un système de mélange automatique), les progrès importants accomplis par les moteurs à quatre temps « classiques » finirent par rendre ceux utilisant encore le principe du cycle à deux temps anachroniques. L’autre raison principale de l’abandon de cette architecture étant que ceux-ci se montraient dépassés tant sur le plan de la consommation (souvent trop excessive par rapport au quatre-temps) que de celui des émissions de pollution.
En dehors des Trabant et Wartburg, la seule autre voiture produite en grande série à lui rester fidèle au sein de l’industrie automobile européenne est la Syrena en Pologne. Lorsque cette dernière quitte finalement la scène, en 1983, les constructeurs est-allemands restent alors les derniers (non seulement en Europe mais aussi, probablement, dans le reste du monde) à persister dans cette voie, laquelle semble pourtant, désormais et à terme, sans issue. Comme il a été expliqué par avant, les ingénieurs ainsi que les dirigeants d’AWZ avaient bien conscience de l’obsolescence de cette technique, mais cela ne semble, manifestement, pas avoir été le cas des responsables politiques, ces derniers s’obstinent ainsi, pendant longtemps, à refuser au constructeur de Zwickau les crédits nécessaires à l’industrialisation d’un modèle entièrement nouveau.
Malgré les efforts déployés par AWZ afin de trouver une solution qui puisse faire entrer celui-ci dans l’ère de la modernité, tout en étant la moins onéreuse possible pour le constructeur (notamment un partenariat avec un autre constructeur d’un des pays du bloc de l’Est, comme dans le cas présent, Skoda en Tchécoslovaquie) pour la fourniture de moteurs. Une solution qui se heurtera pourtant, là aussi, au veto du gouvernement de Berlin-Est. Cependant, malgré cette obstination longtemps inébranlable de la part du pouvoir communiste de refuser d’accorder une véritable succession à la Trabant, celui-ci finit (enfin) par prendre conscience de la nécessité de plus en plus impérieuse, à défaut de mettre en production une voiture entièrement nouvelle, en tout cas d’offrir une vraie cure de modernisation à la vénérable 601.
A l’automne 1984, le pouvoir en place donne finalement son feu vert à la poursuite des pourparlers entamés depuis le milieu de l’année précédente, non seulement, par la direction d’AWZ mais aussi par celle d’AWE (Automobilwerk Eisenach, le constructeur de la Wartburg) afin d’obtenir de la part du plus important constructeur automobile d’Allemane de l’Ouest, Volkswagen, la licence de fabrication de plusieurs des moteurs conçus et produits par celui-ci. Dans le cas de la Trabant, la direction et les ingénieurs d’AWZ ont porté leur choix sur le quatre cylindres de 1 litre (1 046 cc exactement) qui équipe les versions d’entrée de gamme de la Polo.
Si cette nouvelle motorisation apporte un sursaut de modernité qui est d’autant plus bienvenu que la vénérable Trabant 601 en avait véritablement bien besoin, les hommes du bureau d’études de Zwickau finissent par se rendre compte, assez rapidement, mais aussi, d’une certaine façon, un peu tard (étant donné que l’accord de coopération avec le constructeur de Wolfsburg est déjà signé) que, aussi moderne qu’il soit, il ne pourra toutefois pas être greffé « tel quel » dans le compartiment moteur de la Trabant. L’opération nécessitant, au contraire, un nombre assez important de modifications, en particulier en ce qui concerne la suspension à l’avant, laquelle est désormais équipée de ressorts hélicoïdaux, lesquels viennent (avantageusement, là aussi) remplacés les (antiques) ressorts à lames (encore un point sur lequel la petite voiture est-allemande avouait clairement son retard, pour ne pas dire son obsolescence technique).
Autant de contraintes et d’imprévus (auxquels se retrouveront d’ailleurs, eux aussi, confrontés les ingénieurs d’AWE, lesquels avaient aussi opté pour les moteurs Volkswagen des Polo et Golf afin d’offrir un « coup de jeune » à la Wartburg 353 (qui était à peine plus jeune puisque sa carrière avait débutée en 1966, deux ans à peine après la Trabant 601) qui auront, bien évidemment et immanquablement, pour effets de retarder la commercialisation de cette nouvelle version modernisée de la Trabant. Les premières voitures d’avant-série (150 au total) ne quittant finalement l’usine de Zwickau qu’à la fin de l’année 1988 et il faudra encore attendre près d’un an et demi, jusqu’à la fin du printemps 1990 pour que la Trabant 1,1 entre enfin et réellement en production.
Sans doute celle-ci aurait-elle démarré plus tôt si les célèbres événements qui surviendront à l’automne 1989 (avec la chute du Mur de Berlin, laquelle, outre l’existence même de l’Allemagne de l’Est, bouleversa aussi, rapidement et profondément, « l’ordre établi » entre l’Est et l’Ouest et redessinera alors la carte de l’Europe) n’avaient pas eu lieu. Ceux-ci ayant aussi (entre autres de ces nombreuses conséquences) de reporter à une date alors encore indéterminée le lancement de la production de cette nouvelle Trabant. Il va sans dire qu’entretemps et en quelques mois seulement le contexte ‘aussi bien politique qu’économique et social) a beaucoup changé. Le processus de la réunification de l’Allemagne, initié, d’un côté, par le chancelier du gouvernement fédéral ouest-allemand Helmut Koll et, de l’autre, par la nouvelle classe politique est-allemande (laquelle a immédiatement profité de la suppression du système du parti unique pour occuper à présent le devant de la scène) condamnant, en effet, à court ou moyen termes, la carrière de la Trabant.
Non seulement en raison du fait qu’en dépit de sa nouvelle motorisation, bien plus moderne que l’antique deux-temps et qui lui offre (sans surprise) des performances, nettement supérieures, celle-ci ne parvient pas à masquer ou, encore moins, à effacer l’âge et donc l’obsolescence réelle de celle qui fut, pourtant et pendant longtemps, la plus populaire des voitures d’Allemagne de l’Est. Mais aussi parce qu’elle symbolisait (plus encore sans doute que la Wartburg, laquelle était pourtant connue en RDA pour avoir été utilisée en grand nombre par la STASSI, la police politique du régime communiste) une époque ainsi qu’un système à présent honni et que la grande majorité des Allemands préféraient à présent oublier et laisser loin derrière eux.
C’est pourquoi ces derniers s’empressent alors d’envoyer leurs Trabant à la casse ou les abandonnant, purement et simplement, au bord des routes ou dans le premier terrain vague venu, dans tous les cas sans guère d’états d’âme. La désaffection, aussi profonde que subite, de la part des citoyens de l’ex-République Démocratique Allemande pour celle qui était pourtant et auparavant, lors de son lancement et aux grandes heures du régime communiste, présente comme une « fierté nationale » s’est d’ailleurs fait jour dans les premiers mois, voire même dans les premières semaines qui ont suivi la chute du Mur de Berlin, la Trabant eut donc de plus en plus de mal à trouver preneurs.
Face aux stocks de voitures invendues qui commencent sérieusement à s’accumuler et à prendre la poussière sur les parkings de l’usine de Zwickau, la nouvelle direction de l’ex-AWZ, bientôt rachetée par Volkswagen, décide alors d’écouler la plus grande partie de celle-ci (les deux tiers des Trabant produites) sur les marchés étrangers. Notamment vers les autres pays de l’ancien bloc de l’Est comme la Hongrie et la Pologne mais aussi vers des pays dits « émergents » un peu plus lointains, parmi lesquels la Turquie. Contrairement aux espérances du constructeur, en dépit du fait qu’elle était proposée à un prix presque « sacrifié », les automobilistes turcs ne se montrèrent guère plus intéressés que ceux de la défunte (et peur regrettée) RDA. Tant et si bien qu’un certain nombre d’exemplaires commencèrent rapidement, là aussi, à prendre la poussière sur les parkings et les hangars de stockage à Istanbul et Ankara.
En 1994, une société allemande, du nom de Sachsenrig Automobiltechnik GmbH, prit alors l’initiative de rapatriée les presque 450 exemplaires, tous en version Kombi, restés encore invendus à cette date pour les faire revenir sur leur terre natale. Celle-ci ayant eu l’idée (assez intelligente, à la base) de profiter des débuts de la vague de nostalgie, qui commençait alors à se faire jour, pour les voitures considérées comme les plus cultes de la période de la Guerre Froide (la Trabant figurant, bien évidemment, en tête de celle-ci. Si, malheureusement pour la société concernée, l’opération sera un échec commercial cuisant, c’est tout simplement en raison du prix irréaliste auquel étaient affichées les voitures : près de 19 500 marks. Un tarif évidemment bien trop élevé pour un modèle d’occasion et qui, au moment de sa production, était encore construit selon les standards des pays de l’Est. Vendue au départ comme une « série limitée commémorative », baptisée « 444 » (en référence au nombre d’exemplaires revenus de Turquie, seuls 93 exemplaires, en tout et pour tout, parviendront à trouver preneurs.
Maxime DUBREUIL
Photos Wheelsage
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En vidéo https://youtu.be/Ab85x0Avknc