LA BUIRE - Le troisième lyonnais.
LA BUIRE phaeton 1908

LA BUIRE – Le troisième lyonnais.

Bien que moins connue ainsi que sensiblement moins riche dans ce domaine que la région parisienne, la ville et la région de Lyon n’en ont pas moins été, elles aussi, l’un des berceaux du patrimoine automobile français. Si les noms de Berliet et de Rochet-Schneider viennent immédiatement à l’esprit de la plupart des connaisseurs lorsque l’on évoque l’industrie automobile lyonnaise, un autre constructeur a connu son heure de gloire et a, lui aussi, contribué à sa renommée : la marque La Buire.

L’entreprise lyonnaise n’avait pourtant, au départ, aucun lien direct avec l’industrie automobile, alors naissante dans la France de la fin du XIXe siècle. Fondées aux environs de 1850* au sein de l’éphémère Deuxième république – que son président, Louis-Napoléon Bonaparte, remplacera rapidement par le Second Empire en s’autoproclamant empereur des Français -, les Chantiers de La Buire, son activité première et originelle était la construction de chaudières destinées aux locomotives. L’entreprise profitant du développement rapide que connaît, en France comme dans la plupart des pays d’Europe à l’époque le chemin de fer ainsi que dans le domaine de la navigation fluviale sur le Rhône. Deux activités qui ne cessent de se développer et de prendre dans l’ampleur durant les décennies suivantes et qui permettent à l’entreprise La Buire de devenir l’une des plus importantes dans ces domaines, non seulement dans la région lyonnaise mais aussi en France.

Lorsque, au cours des années 1880, les premières « voitures sans chevaux » commencent à effectuer leurs premiers tours de roue, la réputation ainsi que le savoir-faire reconnu de l’entreprise convainquent rapidement les premiers pionniers de l’automobile de s’adresser à elle. Il faut, en effet, rappeler qu’aux premiers âges de l’automobile, si les voitures à pétrole – on ne parlait pas encore d’essence à l’époque – avaient déjà fait leur apparition –, un autre mode de propulsion avait alors aussi la faveur d’un certain nombre de constructeurs : la vapeur.

Parmi ces derniers, l’un des plus connus est certainement Léon Serpollet, qui, en 1889, vient de terminer la mise au point d’un nouveau tricycle équipé d’un moteur. Accompagnés de son principal investisseur, Ernest Archdeacon, les deux hommes entreprennent alors, aux commandes de la voiture à trois roues conçues par Serpollet, un voyage dont la destination n’est autre que les Chantiers de La Buire, situés – justement – sur la place du même nom au sein de la ville de Lyon. Un voyage qui servira, non seulement, à rencontrer Augustin Seguin, le directeur de l’entreprise lyonnaise, mais aussi – accessoirement – de démontrer ainsi la fiabilité ainsi que la robustesse du tricycle Serpollet sur une aussi longue distance. L’objectif de Léon Serpollet étant de parvenir à conclure, avec l’entreprise La Buire, un contrat de sous-traitance afin de faire produire en petite série.

En plus de la firme fondée par Léon Serpollet et portant son nom, un certain nombre d’autres constructeurs vont aussi bientôt s’adresser à l’entreprise lyonnaise afin qu’elle leur fournisse les pièces nécessaires à la production de leurs véhicules automobiles. Des chaudières à vapeur ainsi que d’autres éléments mécaniques fabriqués selon les plans établis par les constructeurs en question. L’automobile reste alors un moyen de transport qui n’en est qu’à ses balbutiements, qui reste réservée à une élite non seulement fortunée mais aussi avant-gardiste et que, faute de routes asphaltées adaptées à la circulation automobile sur longues distances.

Même si les carrosses, calèches et autres voitures à cheval restent encore fort présentes dans les rues des grandes villes françaises de la « Belle Epoque », les automobiles commencent à faire partie du paysage urbain et même à se faire de plus en plus présentes au sein de la circulation quotidienne. C’est pourquoi les dirigeants de la société La Buire comprennent rapidement l’importance de ce nouveau marché et sont bien décidés à prendre, eux aussi, leur part de ce fabuleux gâteau. C’est ainsi qu’en 1903, la marque La Buire fait, à son tour, son entrée dans l’univers des constructeurs automobiles français.

LA BUIRE - Le troisième lyonnais.
LA BUIRE 1905 50 HP 1911

C’est l’année suivante qu’apparaissent les premiers modèles produits par la marque La Buire font leur apparition sur le marché. Celles-ci entendent, d’emblée, séduire une clientèle d’élite, puisqu’elles se présentent sous la forme sous la forme d’imposantes quatre cylindres – pour rappel, à l’époque, les voitures de taille et de cylindrée les plus modestes étaient animées par des moteurs monocylindres – dont les mécaniques atteignent des gabarits « confortables » : respectivement 5 litres ; 7,5 litres et même plus de 13 litres pour le modèle haut de gamme !

LA BUIRE - Le troisième lyonnais.
LA BUIRE 1905

Outre leur terre natale, l’autre région française où les automobiles La Buire connaissent le plus de succès est celle des Alpes, leur robustesse, ainsi que leur direction à al fois douce et précise ainsi que leur freinage aussi puissant que fiables leur permettant d’affronter et de parcourir sans craintes les routes de montagne qui parcourent celles-ci. Les voitures produites par la marque présentent ainsi la particularité d’être équipées de deux pédales de frein : l’une agissant sur les roues arrière et l’autre sur le mécanisme de freinage. Si elles reçoivent aussi un levier de frein à main classique, la présence des deux pédales permet ainsi au conducteur de freiner tout en gardant les deux mains sur le volant, ce qui est un avantage majeur sur route sinueuse tout comme lorsque la voiture roule à haute vitesse.

La compétition automobile gagnant elle aussi en importance et en popularité, avec des courses de tous genres faisant souvent leur apparition aux quatre coins de la France, les La Buire figureront bientôt elle aussi parmi les voitures au départ des plus grandes épreuves. La première d’entre-elles pour la marque sera la Coupe de la Commission Sportive organisée dans le cadre du Grand Prix de l’Automobile Club de France. La particularité de cette Coupe étant que les voitures qui y concourent n’avaient droit chacune qu’à une quantité de quinze litres d’essence tous les cent kilomètres – pour une course dont le parcours total était de 500 km. Les trois voitures engagées terminèrent toutes trois l’épreuve, en se classant, respectivement, aux 2e, 4e et 5e places. Un résultat très brillant, surtout pour un constructeur qui avait fait son entrée sur le marché automobile à peine trois ou quatre ans  plus tôt. Outre les pilotes professionnels, certains clients, qui sont eux-mêmes pilotes amateurs, n’hésitent pas, eux non plus, à engager leurs voitures dans les compétitions locales et régionales telles que les courses de côtes et les rallyes de régularité, notamment lors de la course du Mont Ventoux en 1905, où une La Buire 30 HP remportera une victoire de classe.

Si les modèles de la marque lyonnaise se sont rapidement forgé une réputation fort enviable, la production reste néanmoins assez marginale du fait de leur prix assez exorbitant et ne sont quasiment construites que sur commande. Sur un marché où la concurrence est déjà fort nombreuse et rude – bien qu’il soit à cent lieues d’être aussi important que celui d’aujourd’hui – la direction du constructeur comprend assez rapidement qu’il lui faut diversifier sa gamme vers le bas avec des modèles de cylindrées plus modestes. C’est ainsi qu’apparaissent des modèles de 2,1 l et 2,7 litres. Ces nouveaux modèles faisant presque figure de voiturettes comparées aux premières voitures sorties des usines lyonnaises. Elles servent d’ailleurs le plus souvent de taxis, de véhicules de livraison ou autres véhicules utilitaires. La Buire cesse donc alors de se cantonner exclusivement aux voitures de très haut de gamme pour devenir ce que l’on appelle aujourd’hui un constructeur « généraliste ».

LA BUIRE - Le troisième lyonnais.
LA BUIRE phaeton 1908

La firme n’oublie pas pour autant la clientèle d’élite, avec un nouveau modèle qui reçoit, sous son capot, un imposant six cylindres en ligne bi-blocs – deux blocs comportant trois cylindres chacun – équipés de soupapes bilatérales. En plus de sa cylindrée imposante, cette imposante 24-30 HP se distingue – comme la plupart des voitures de prestige – par leur souplesse et leur silence d’utilisation. Tout comme ses devancières, elle sera fort appréciée dans les régions montagneuses difficiles d’accès, où elle se révèle d’une facilité d’utilisation supérieure à ces concurrentes de l’époque. A la veille de l’éclatement de la Grande Guerre, le catalogue La Buire se divise en deux gammes distinctes : celle des modèles populaires, dont la cylindrée va de 1,7 l et 2,3 litres – et celle des modèles de haut de gamme composée de six cylindres dont la taille des moteurs va de 4,9 l à 5,3 litres – ces dernières n’étant évidemment produites qu’en très petite série.

L’éclatement des hostilités, à l’été 1914, permet à La Buire de développer fortement ses activités, avec la production de camions de différents tonnages – de deux à quatre tonnes. Si la production, au début de la guerre, reste encore assez limitée, avec seulement une douzaine de camions sortis des usines lyonnaises en septembre – le temps, sans-doute, pour les représentants de l’état-major de l’armée d’évaluer leur solidité et leur endurance à l’épreuve du front -, à compter du mois de décembre – manifestement convaincus que les camions du constructeur lyonnais avaient les qualités nécessaires et étaient donc « bons pour le service ». A partir de la fin de l’année 1914, 25 camions de gros tonnage sortiront tous les mois des usines de Lyon, sans compter les remorques servant à amener les pièces d’artillerie sur le front, ainsi, à partir de 1917, de nouvelles remorques servant au transport des chars d’assaut ainsi que des projecteurs.

LA BUIRE - Le troisième lyonnais.
LA BUIRE 1911

Comme la grande majorité des constructeurs français, une fois la paix revenue, en 1918, présente une gamme d’après-guerre dont les modèles sont identiques, ou, à tout le moins, similaires à ceux produits avant le conflit. Si le constructeur préfère désormais se concentrer sur les modèles populaires ou de gamme « intermédiaire », ces derniers commencent toutefois à souffrir de la concurrence de nouveaux venus sur le marché automobile qui adopte un nouveau mode de fabrication, initié par Henry Ford aux Etats-Unis : la production à la chaîne.

Face aux Citroën 10 HP et ensuite B2, B10 et B14 qui lui succèderont – ainsi que les nouvelles Peugeot et Renault qui vont, elles aussi, rapidement suivre cette voie -, les constructeurs « traditionnels » comme La Buire, qui ont fait l’erreur de continuer à recourir à des méthodes artisanales qui, en dépit d’une excellente qualité de construction, s’avèrent bien trop coûteuses. Leurs nouvelles rivales proposant des prestations équivalentes, tout en étant proposées à des tarifs bien plus compétitifs. En 1923, le modèle emblématique et le plus vendu de la gamme La Buire, le Type 10 A de 11 CV fiscaux est vendu, en châssis, au prix de 22 000 francs, soit deux fois le prix du châssis d’une Citroën B2. Même si la balance penche en faveur de la La Buire sur le plan des performances, cet écart fort important montre bien que le « fait main » à un prix, que la clientèle – celle de la « classe moyenne », à laquelle s’adresse ces modèles – n’est plus vraiment prête à mettre.

Malgré plusieurs évolutions et perfectionnements significatifs, à l’image des freins sur les quatre roues à partir de 1922, ainsi qu’un moteur doté d’une distribution à soupapes en tête sur la nouvelle 10 HP de 1,8 l – ce qui est une véritable innovation, alors que la plupart des voitures, surtout les modèles populaires, restent encore largement fidèles aux soupapes latérales – ainsi que sur la 2,2 litres qui suivra peu de temps après. Alors que le châssis de la La Buire Type 10 A2 est déjà affichée au prix de 30 000 francs en châssis nu en 1927 – alors que celui de la Citroën B14, de cylindrée – et donc de catégorie – comparable, ne coûte, lui, que 25 000 F, les coûts de production obligeront son constructeur à porter son prix de vente à environ 40 000 francs – alors qu’une B14 avec une carrosserie d’usine en conduite intérieure est vendue à 33 000 F. Or, le prix de vente est, évidemment, l’un des critères que regardent en premier les acheteurs potentiels et il n’est donc guère en faveur des modèles de l’entreprise lyonnaise.

Laquelle choisit finalement de liquider sa filiale automobile en 1930, Rochet-Schneider abandonnant la production de ses voitures à la même époque. Seul Berliet continuera la production de ses automobiles de tourisme jusqu’au déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, avant de se recentrer sur la production des poids lourds, mettant ainsi fin à l’histoire de l’industrie automobile lyonnaise.

Photos Wheelsage et Wikimedia

Maxime DUBREUIL

D’autres constructeurs https://www.retropassionautomobiles.fr/2023/04/leon-paulet-la-marseillaise-oubliee/

Vidéo https://www.youtube.com/watch?v=4-4aw5BP0Kg&ab_channel=raymondquillet

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