RANGE ROVER « CLASSIC »- Le meilleur des deux mondes.
Dans l’Europe des années 50 et 60, si vous n’étiez pas agriculteur, exploitant ou garde forestier ou encore gendarme ou pompier en zone rurale, la seule occasion où vous aviez la possibilité de monter et, plus encore, de prendre le volant d’un tout-terrain était durant votre service militaire. A cette époque, ceux-ci constituaient un marché fort marginal où les constructeurs qui le composaient se comptaient quasiment sur les doigts des deux mains, tous (ou presque).
Tous (ou presque) se contentaient d’ailleurs de reprendre le concept de la célèbre Jeep-Willys militaire de la Seconde Guerre mondiale, tant sur le plan technique qu’esthétique, qu’il s’agisse de la DKW Munga en Allemagne, de la Fiat Campagnola en Italie ainsi que du Land Rover au Royaume-Uni, autant dire des engins à la silhouette à peine plus élégants que celle d’un char d’assaut (le terme « esthétique » étant d’ailleurs quasiment absent du cahier des charges), une présentation intérieure dépourvue de toute ergonomie comme du confort le plus élémentaire et à l’équipement réduit au « minimum vital », dont l’ambiance de l’habitacle n’était guère éloignée de celle des camions ainsi que des tanks de l’Armée (Française ou autre).
Sous le capot, ce n’était guère mieux, avec un quatre cylindres souffreteux, qui, non content de présenter une fiche technique presque aussi rustique que les automobiles construites avant la guerre de 1914, affichait des performances à peine supérieures à celle d’un tracteur agricole. Avec pour résultat que même sur terrain plat et sur route asphaltée, un grand nombre d’entre-eux avançaient et s’époumonaient comme des tortues rhumatisantes. Sans même parler, pour compléter (ou « couronner ») le tout, des suspensions composées d’antiques ressorts à lames (le terme « antique » n’est guère exagéré, ceux-ci ayant, en effet, été conçus bien avant l’invention de l’automobile) dont l’un des effets les plus connus étaient de retransmettre fidèlement, jusqu’à la dernière vertèbre de la colonne vertébrale, l’ensemble des vibrations de la route ou du terrain au moindre gravillon heurté du bout du pneu à une vitesse dépassant les 20 ou 30 km/h.
Ce à quoi, il faut aussi ajouter, en guise de toit, une capote dont l’étanchéité, au froid comme à la pluie, n’était jamais garantie. Autant dire qu’un grand nombre de bidasses et autres soldats, aux quatre coins de l’Hexagone, les ont sans doute rendus responsables, non seulement, de tous les rhumes, grippes ainsi que des hernies discales qu’ils ont contractées durant la période où ils ont servi sous les drapeaux. L’on ne s’étonnera donc pas que beaucoup d’entre-eux, une fois libérés de leurs obligations militaires, se soient jurés de ne jamais remonter à bord d’un de ces engins.
En ces temps où Mai 68, la révolution des moeurs, la légalisation de l’avortement et l’abolition de la peine de mort n’étaient pas encore venus secouer puis mettre à bas « l’ordre moral » de la France post-Vichy, imaginer un véhicule tout-terrain aussi robuste que la Jeep ou le Land Rover mais en alliant également l’élégance, l’équipement et le confort d’une berline de luxe relevaient alors véritablement de la science-fiction (presque tout autant qu’une voiture volante ou qui se conduirait toute seule). Rêver et, surtout, souhaiter de pouvoir rouler, un jour, au quotidien dans un tel engin risquait alors fortement de vous attirer les quolibets et les moqueries de tous vos anciens copains de régiment comme de vos collègues de bureau, ceux-ci vous riant alors au nez en se demandant si vous n’aviez pas bu un u deux verres en trop au bistrot le vendredi soir pour vous soulager d’une dure semaine de boulot. Des rires ainsi que des commentaires plus ou moins graveleux qui ne feront que s’accentuer si, en plus de cela, vous leur affirmiez qu’un tel engin pourrait être créé et produit par nos voisins d’outre-Manche.
Ce dont on ne peut toutefois pas trop les blâmer, étant donné les clichés, aussi nombreux que tenaces, qui circulent sur les sujets du Royaume-Uni (aujourd’hui encore). Aux yeux de vous autres Gaulois, dans les années 60, l’archétype du citoyen britannique est symbolisé par l’acteur Patrick Macnee, alias John Steed dans la série Chapeau Melon et Bottes de Cuir. Si cela n’est pas entièrement faux et au-delà du statut culte (mérité) de la série, celle-ci illustre aussi, bien qu’en jouant (assez habilement), sur les idées reçues de toutes sortes sur les Anglais) que ceux-ci ont souvent élevé le conservatisme (dans de nombreux domaines) au rang de vertu cardinale. Pour nous autres, dans notre esprit de Français « bien-pensants », en dehors du fait qu’eux aussi utilisent la voiture et l’avion, qu’ils écoutent la radio et que la télévision commence à se généraliser progressivement dans les foyers britanniques, les habitants de la « perfide Albion » vivent toujours exactement comme au temps de la Reine Victoria.
Autant dire qu’imaginer qu’un constructeur d’outre-Manche, quel qu’il soit, puisse ainsi proposé un véhicule qui se montre aussi à son aise sur les chemins boueux et caillouteux des forêts des Midlands ou des landes écossaises que sur les routes nationales et les parkings des casinos ou des grands hôtels paraissait aussi inconcevable (tout au moins, à l’époque) que de voir les Parisiens des beaux quartiers s’habiller en kilts et en vestes de tweed ou encore de voir les Alsaciens et les Bordelais se mettre à produire du whisky à côté du vin (même si, dans ce dernier cas, cela a finit par arriver, comme quoi il ne faut plus s’étonner de rien et admettre qu’aujourd’hui tout devient possible).
Plus loin de chez nous, de l’autre côté de l’Atlantique plus précisément, chez les cow-boys Yankees, de nombreux foyers américains aux quatre coins du pays de l’Oncle Sam (que ce soit dans les beaux quartiers de New York ou de Los Angeles que dans les fermes du Middle West ou les recoins les plus reculés des Montagnes Rocheuses) se montrent de plus en plus séduits par la formule de ceux que l’on n’appelait pas encore les SUV mais les RV (pour Recreative Vehicles, ce qui traduit bien que, même s’ils avaient hérité de la robustesse ainsi que des aptitudes de franchissement de ses ancêtres militaires, leurs constructeurs les promouvaient avant-tout comme étant des engins de loisirs et s’était d’ailleurs ainsi qu’ils étaient vus par la grande majorité de la clientèle, même si de nombreuses familles n’hésitaient pas à s’en servir, forts de leur polyvalence d’utilisation, pour aller tous les jours au travail, faire les courses ou aller déposer et rechercher les enfants à l’école.
Le pionnier en la matière (n’en déplaise à nos voisins anglais ainsi qu’aux autres thuriféraires du Range) fut la Jeep Wagoneer, laquelle, ne se contente pas seulement de lancer un nouveau genre de véhicules mais (en plus de permettre à son constructeur de devenir l’une des références dans ce domaine) remit également Jeep sur les rails après de longues années à vivoter, financièrement et commercialement (depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale et la baisse des commandes militaires qui s’en étaient suivies).
Devant l’importance du succès remporté par celui qui fut véritablement un précurseur, il va sans dire que la grande majorité de ses concurrents s’empressèrent de s’engouffrer à leur tour dans la brèche que Jeep venait de créer. Un nouveau marché qui ne manquera pas de se diversifier et de s’étendre aussi rapidement qu’il avait éclot, avec l’apparition, en l’espace de quelques années seulement, du Chevrolet Blazer et de sa variante plus cossue, le GMC Jimny, ainsi que de leur version rallongée, le Suburban ; du Ford Bronco ainsi que du Scout produit par la firme International Harvester (surtout connue pour ses poids lourds et ses machines agricoles) ; Chrysler, de son côté, y viendra à son tour, quelque temps plus tard, avec le Dodge Ramcharger.
La plupart d’entre-eux restèrent toutefois peu connus, voire inconnus d’une grande partie du public français car n’ayant souvent jamais été importés officiellement dans l’Hexagone, où ils n’auraient sans doute connu, en tout état de cause, qu’une carrière assez marginale, leur gabarit « XXL » ainsi que leur consommation ne les rendant guère adaptés à la plupart des villes ainsi que des routes de France, sans compter un prix de vente le mettant hors de portée de la plupart des utilisateurs européens de 4×4 classiques.
Si l’émergence de ce nouveau type de tout-terrains au pays de l’Oncle Sam a certainement convaincu le constructeur britannique Land-Rover de s’engager dans cette voie et même s’il ne s’agissait pas encore tout à fait, lors de la genèse de sa conception, de créer « la Rolls-Royce des 4×4 », l’idée de créer une version à la fois plus puissante et plus cossue du Land-Rover ne date toutefois pas d’hier.
Dès 1950, en effet, alors que celui-ci (qui, à l’époque, n’avait pas encore reçu l’appellation Defender) n’existait que depuis deux ans seulement, le bureau d’études ainsi que les dirigeants du constructeur Rover (à l’origine de la création de Land-Rover, laquelle restait alors, à l’époque, rattachée à la firme au drakkar et n’était donc pas encore véritablement considérée comme un constructeur à part entière mais plutôt comme une « sous-marque ») ayant, en effet, sans doute rapidement prit conscience que malgré sa vocation essentiellement (voire uniquement) utilitaire et militaire, la rusticité du Land-Rover, que ce dernier avait quasiment érigé au rang de vertu cardinale, risquait de rebuter une part non négligeable de la clientèle visée. D’où l’idée de créer une version « civilisée », plus spacieuse et confortable que le modèle originel.
Baptisé Road Rover, le premier prototype qui en sera réalisé, dès l’année suivante (1951 donc) conservait encore, toutefois, un air de famille très marqué avec son aîné. (L’une des rares différences notables avec ce dernier étant les phares placés dans les ailes et non plus dans la calandre, comme ce fut le cas sur la première génération du Land-Rover (il est d’ailleurs probable que les stylistes du bureau d’études de Rover s’en soient, plus ou moins, inspirés pour la génération suivante de leur légendaire tout-terrain).
La plus grande différence avec ce dernier concernant le Road Rover se situant toutefois au niveau de la transmission, laquelle se contentait ici de seulement deux roues motrices à l’arrière. Si l’on était alors encore assez loin (sur le plan de l’esthétique ainsi que de l’équipement et du confort) de ce que sera le futur Range Rover de série et que l’on a donc encore beaucoup de mal à imaginer le Road Rover, tel qu’il se présente sous sa forme initiale, devant l’entrée des palaces ou des clubs londoniens, le choix d’en revenir à une architecture à transmission classique ainsi que son appellation reflète toutefois assez bien que sa vocation première n’est pas vraiment de jouer les baroudeurs. Se présentant sous la forme d’un station-wagon à deux portes reprenant le châssis du Land-Rover dans sa version de deux mètres d’empattement, cette première version du prototype Road Rover ne sera construite qu’à quelques exemplaires avant d’être abandonnée.
Jugeant (ou étant sans doute conscients) que celui restait encore, à la fois, trop rustique et trop proche aussi, par sa silhouette, du Land Rover, la direction de la firme au drakkar demande à ses stylistes de revoir leur copie. Ceux-ci travaillant alors, au même moment, à la conception des lignes de la future berline de la marque, la P5, ils décident alors de s’en inspirer pour le nouveau prototype du Road Rover. Celui-ci reçoit donc un pare-brise incurvé, des entourages chromés pour le pare-brise, les vitres latérales ainsi que la lunette arrière ; une large calandre, chromée elle aussi, traversée en son milieu par une barre médiane et dont le dessin s’inspire étroitement de celui des berlines de la marque (non seulement de la P5 mais aussi de la devancière de cette dernière, la P4) ainsi que les clignotants placés au-dessus des phares ainsi que d’autres éléments d’accastillage empruntés ou inspirés des modèles de tourisme de la firme au drakkar.
Bien que ce nouveau prototype soit parvenu, comme le souhaitaient ses concepteurs, à s’éloigner le plus fortement possible de la silhouette et donc de la parenté avec le Land-Rover et même si elle n’était pas spécialement vilaine (n’étant d’ailleurs pas sans évoquer certains des premiers SUV, ou RV, alors en vente outre-Atlantique), la ligne de ce Road Rover « number two » n’est toutefois pas vraiment ce que l’on pourrait appeler un premier prix de concours d’élégance. En tout cas, il ne convainque ni les responsables du bureau d’études ni la direction de Rover, laquelle demande donc à Spen King, en charge de l’étude des nouveaux projets à Solihull ainsi qu’à son équipe de revoir leur copie. Ce dernier (qui ne manque sans doute pas de regarder ce qui se passe sur le marché automobile du pays de l’oncle Sam) reste toutefois fermement convaincu qu’il existe également en Europe un marché non négligeable pour un engin alliant les capacités de franchissement du Land-Rover avec l’équipement, le confort ainsi que l’élégance de la berline P5.
A l’image des constructeurs spécialisés dans les roadsters (Austin-Healey, MG, Triumph et autres) ainsi que les marques de prestige (comme Aston Martin, Bentley, Jaguar, Rolls-Royce ainsi que quelques autres), Rover a bien compris que l’Amérique représentait un véritable Eldorado sur le plan commercial, la clientèle américaine (surtout celle des classes aisées) raffolant de ces modèles européens qui leur apportent un parfum d’exotisme (ce qui est d’ailleurs aussi le cas des belles américaines chez nous). La marque au drakkar décide donc, assez naturellement, de partir à la conquête du marché américain, d’autant que même si les lignes de la P4 ainsi que de la P5 s’inspirent, assez clairement, des modèles produits alors par les constructeurs de Detroit, leurs atours « so british » (avec leurs intérieurs entièrement recouverts de cuir et de bois évoquant tout le charme d’un vieux manoir anglais) ne devraient pas manquer de séduire les habitants des villes ainsi que des bourgades huppées des côtes Est et Ouest des Etats-Unis. Sans compter que la vocation de baroudeur infatigable du Land-Rover aurait, lui aussi, de quoi séduire les habitants de l’Amérique rurale, surtout face aux tout-terrains américains qui, bien que conservant toujours d’excellentes aptitudes hors des sentiers battus, « s’embourgeoisent » un peu trop au goût de certains, au point d’en oublier trop souvent leur vocation première.
La visite d’une délégation de cadres du constructeur britannique aux USA durant l’hiver 1965 – 66, afin de se rendre compte sur place de la situation de la marque au sein du marché américain et de convenir avec les distributeurs locaux des stratégies à mettre en place pour le développement des ventes outre-Atlantique. Les membres de cette délégation ne manquant évidemment pas d’être intrigués par le grand nombre de Jeep Wagoneer et d’International Scout en circulation, ceci, aussi bien dans les rues des grandes villes que les compagnes du Middle West, en particulier Graham Bannock. Etant au courant du projet de créer un véhicule tout-terrain de haut de gamme basé (en partie) sur le Land-Rover, semble quelque peu au point mort, il rédige alors un rapport détaillé sur l’émergence ainsi que le succès de cette nouvelle catégorie de véhicules auprès des acheteurs américains, ce qui convainque d’autant plus Spen King de militer auprès des dirigeants de Rover de la pertinence du projet Road Rover.
La « tournée américaine » des commerciaux de la firme au drakkar va s’avérer d’autant plus utile et même déterminante pour l’avenir du futur Land-Rover de haut de gamme alors à l’étude que ceux-ci, après avoir eu la possibilité d’observer longuement ces nouveaux véhicules tout-terrains produits par Jeep et International Harvester (qui sont encore les deux seuls acteurs présents sur ce marché naissant, le Ford Bronco n’étant dévoilé que quelques mois à peine après le retour au pays des représentants du constructeur britannique et le Chevrolet Blazer trois ans plus tard) et sans doute même aussi, pour plusieurs des membres de la délégation, de prendre le volant de certains d’entre-eux. De cette série d’essais (tant organisés ou improvisés), aussi bien sur le bitume que la terre, les graviers ou dans la boue, les hommes de Rover sont revenus en Angleterre avec une certitude : celle qu’il faut conserver la transmission intégrale permanente du Land-Rover sur la nouvelle mouture de celui qui est destiné à devenir la version de série du Road Rover.
Depuis le lancement du projet, au tout début des années 50, l’un des principaux problèmes auxquels se sont retrouvés confrontés les ingénieurs de Rover est l’absence de mécanique adéquate. Bien que les berlines de la marque se soient toujours vues équipées de six cylindres dans leurs versions haut de gamme, leur conception est déjà ancienne (remontant, en effet, à l’avant-guerre), leur architecture à longue course ne se prête guère aux régimes élevés et, de toute manière, en cette première moitié des années 60, leur mise à la retraite est déjà programmée.
En 1966, de retour de leur tournée au pays de l’oncle Sam, les cadres de Rover ramène également dans leurs bagages une acquisition faite durant leur séjour aux Etats-Unis qui va s’avérer un atout précieux (et même vital) pour l’aboutissement du projet Road Rover : la licence de fabrication du moteur X100, un V8 de « small block » de 3,5 l (ce qui correspond alors aux USA à une motorisation de taille compacte, les plus gros moteurs produits à l’époque par les constructeurs de Detroit atteignant alors les 7 litres de cylindrée) fort coupleux, de taille compacte et aussi très léger car réalisé entièrement en aluminium.
Conçu à l’origine par General Motors pour équiper ses modèles de la catégorie medium-size (notamment au sein de la marque Buick), sa production avait été abandonné epeu de temps auparavant au profit d’un nouveau six cylindres jugé moins coûteux à produire. Aux yeux des cadres et des dirigeants de Rover, en particulier du directeur général William Martin-Hurst, ce V8 constitue la motorisation idéale pour la version haut de gamme de sa nouvelle berline haut de gamme, la P6 (même si c’est la devancière de celle-ci, la P5, alors toujours en production, qui l’inaugurera au sein de la gamme Rover). Bien que sa puissance de 135 chevaux ne soit guère phénoménale eu égard à sa cylindrée de 3,5 litres (même selon les critères de l’époque), ainsi qu’en étaient convaincus Martin-Hurst et ses proches collaborateurs, ce nouveau V8 va véritablement transfiguré le tempérament ainsi que les performances de la P5 ainsi que la P6, au point de pouvoir faire de ces dernières (sur certains points, tout au moins) l’égal d’une Jaguar. Le résultat est à ce point convaincant que ces derniers sont convaincus qu’ils tiennent également là la motorisation destinée au futur Road Rover.
Peu de temps après ce voyage en Amérique des cadres de Rover et l’acquisition de la licence de production du V8 X100, la firme au drakkar est incorporée au groupe British Leyland (bientôt, comme cela sera aussi le cas de la grande majorité des autres fidèles de celui-ci, pour son plus grand malheur). Heureusement pour la direction de Rover, le nouveau dirigeant du groupe BL, Donald Stokes, se montre fort intéressé et même enthousiasme en découvrant le prototype de ce nouveau tout-terrain destiné à rivaliser avec les SUV américains et autorise donc la poursuite de son développement. Celles-ci sont même accélérées (autant grâce au feu vert du patron du groupe que grâce à la mise en production du nouveau V8 Rover, puisque c’est sous son nouveau nom d’adoption qu’il sera désormais connu, le constructeur britannique, même s’il ne cachera jamais vraiment ses origines américaines, ne les mettra jamais vraiment en avant non plus).
Le nouveau prototype de celui qui porte encore le nom de Road Rover effectue ses premiers tours de roue (sur le bitume comme hors des sentiers battus) au cours de l’été de cette même année 67. Afin de pouvoir effectuer les essais sur le terrain sans craindre de trop attirer l’attention des journalistes de la presse automobile, outre la réalisation d’une « carrosserie-camouflage », les hommes du bureau d’études ont aussi l’idée de créer une fausse marque baptisée Velar (abréviation pour Vee-Eight Land-Rover) sous le nom duquel le prototype sera même immatriculé.
Bien que la carrosserie de celui-ci ne soit pas encore destinée (tout au moins à l’origine) à être commercialisée et produite telle quelle en série, elle n’en possède déjà pas moins tous les traits esthétiques essentiels que l’on retrouvera sur le modèle de série, elle n’en possède déjà pas moins tous les traits esthétiques essentiels que l’on retrouvera sur le modèle de série. A l’image du capot aux côtés rehaussés par rapport à la partie centrale (afin de pouvoir ainsi aménager une importante prise d’air au pied du pare-brise), des grandes surfaces vitrées pour les vitres latérales comme pour le pare-brise et la lunette arrière (lesquelles, outre qu’elles confèrent une grande luminosité dans l’habitacle, permettra également, grâce à la faible épaisseur des montants du pare-brise à l’avant ainsi que de ceux séparant la portière des vitres arrière, même si ceux encadrant la vitre du hayon restent, quant à eux, d’une taille assez conséquente, de faciliter grandement les manoeuvres pour le conducteur), la ceinture de caisse quasi entièrement rectiligne (depuis l’extrémité du capot jusqu’aux feux arrière) ainsi que le hayon arrière en deux parties (la partie supérieure se relevant vers le haut et la partie inférieure vers le bas, permettant ainsi de faciliter le chargement ainsi que le déchargement des bagages ou de tout autre type de marchandises).
Si cette carrosserie n’était pas du tout destinée, à l’origine, à être celle de la version de série du Road Rover (David Bache, le styliste du bureau de style de Rover à qui a été confié la mission d’en concevoir les lignes avait, en effet, imaginé pour celui une carrosserie aux lignes plus sophistiquées. Toutefois, le dessin du prototype d’essai plut tellement aux dirigeants de Rover que ceux-ci décidèrent finalement de l’adopter sur le modèle de série). Seule la calandre, les feux ainsi (évidemment) que les monogrammes avec le nom du modèle seront modifiés avant d’aboutir au modèle de série.
Si le style de celui qui entend donc bien se présenter, véritablement, comme une sorte de « Super Land-Rover » et, par là même, se poser en rival direct et désigné des tout-terrains américains en tous genres (qu’il s’agisse du Cherokee, du Blazer et du Bronco ou autres) est rapidement figé, les dirigeants de Rover ainsi que les concepteurs de ce nouveau « 4×4 britannique des temps modernes »), maintenant qu’ils sont arrivés dans la dernière ligne droite avant qu’il ne soit dévoilé aux représentants de la presse automobile (lesquels en auront ainsi la primeur avant le grand public, le constructeur étant convaincu ou ayant sans doute conscience qu’étant donné le caractère inédit de ce nouveau Land-Rover de haut de gamme (non seulement au sein du marché européen mais aussi britannique en particulier), il était d’une importance cruciale de pouvoir se mettre les journalistes « dans la poche » afin que les articles qui lui seront consacrés soient les plus élogieux possible).
Si la direction de Rover ainsi que celle du groupe British Leyland se montrent assez confiantes, cela n’empêche toutefois pas les membres des deux états-majors d’éprouver une pointe d’anxiété, bien conscients qu’avec ce projet, le constructeur a fait un pari qui n’est pas sans risques et que celui-ci joue donc assez gros. Autant de raisons pour lesquelles l’un et l’autre préfèrent ne pas trop se précipiter et prendre encore un peu de temps avant le lancement officiel. Les essais sur le terrain se poursuivent donc, non seulement en Angleterre et dans le reste du Royaume-Uni mais aussi sur des terrains plus lointains et aussi plus « hostiles » comme dans le désert d’Algérie (où les véhicules utilisés portent toujours le nom de la pseudo-marque Velar). Au même moment (au mois de novembre 1969, les vingt-sept premiers exemplaires (toutes des voitures de pré-série, destinées essentiellement à assurer la promotion auprès de la presse (britannique mais aussi étrangère) sortent de l’usine de Solihull.
C’est finalement en juin 1970 que celui qui a finalement reçu le nom de Range Rover est officiellement dévoilé à la presse lors d’un événement organisé au coeur du paysage typiquement britannique mais aussi très sauvage des Cornouailles, dans le sud-ouest de l’Angleterre. Un terrain de jeu idéal qui n’a sans doute pas été choisi au hasard, car, ainsi que pourront le constater les représentants des revues automobiles les plus connues et les plus lues de l’époque (principalement en Angleterre), ils trouveront là-bas un terrain de jeu idéal pour mettre à l’épreuve et se rendre ainsi compte des extraordinaires capacités du Range hors des sentiers battus et également que ceux-ci n’avaient rien à envier à celles de son glorieux aîné. Ainsi que de réaliser, tout aussi rapidement et de manière très concrète, que même sur les terrains les plus difficiles (et à la différence du Land-Rover), il ne sacrifiait en rien le confort de ses occupants, lequel restait donc tout aussi grand que sur route.
S’il n’affiche qu’une vitesse de pointe d’un peu plus de 150 km/h (sur terrain plat et sur route bitumée s’entend), il est évident qu’aussi réussie que soit sa silhouette, comme l’on peut aisément s’en douter en contemplant celle-ci, elle n’en affiche pas moins une aérodynamique digne de celle d’une armoire normande et, en tout état de cause, les performances « pures » n’ont jamais fait partie des critères essentiels sur un tout-terrain, aussi luxueux soit-il (en tout cas, à l’époque). Ce qui n’empêchera, toutefois, d’ailleurs pas que les journalistes qui en prendront le volant lors de l’événement organisé pour la présentation du Range, de s’en montrer très satisfaits. Tout comme ils se montreront assez élogieux concernant le style de sa carrosserie.
Le styliste David Bache ayant, en effet, réussi à trouver, avec celle-ci, le parfait équilibre ou compromis entre allure « martiale » et « classe distinguée », « le meilleur des deux mondes », en somme. Un équilibre qui n’était pourtant pas si évident à trouver que ça, la preuve étant que de nombreux designers s’y sont essayés et que beaucoup (y compris parmi les meilleurs et que ce soit dans la conception des lignes d’un tout-terrain ou de tout autre genre de véhicules) et s’y sont, en quelque sorte, « cassés les crayons ».
De son aîné, le Range a conservé le caractère simple et fonctionnel (aussi bien en ce qui concerne sa silhouette que le design ainsi que l’aménagement de son habitacle), tout en y ajoutant une allure assez imposante (qui est, toutefois et d’une certaine façon, assez trompeuse, ses dimensions restant, en effet, assez contenues : 4,47 mètres de long ; 1,78 m de large et 1,80 m de haut, ce qui situe donc le Range un sérieux cran en dessous de ses homologues américains mais, a contrario, lui permet de se montrer ainsi parfaitement adapte aux villes ainsi qu’au réseau routier européen).
Une autre caractéristique essentielle de l’esthétique du Range, qui, en plus d’avoir fait sa réussite, lui a aussi sans doute permis de rester en production durant pas moins d’un quart de siècle, est (justement) un style dépourvu de tout élément décoratif superflu. Il en est ainsi de la grille de calandre (intégrant également les phares ainsi que les clignotants latéraux) dont le dessin tout ce qu’il y a de plus simple pourrait avoir été inspiré par celui d’un appareil de chauffage ou d’une grille d’aération (cette comparaison n’a rien de péjoratif mais qui, au contraire, souligne bien que cette simplicité avec laquelle a été pensée et conçue les différents éléments composant la ligne du Range Rover, tout comme celle-ci dans son ensemble, contribuent au caractère intemporel de celui qui fut le premier SUV européen.
Si son style tout en lignes droites et en arêtes vives trahi évidemment assez bien qu’il a été conçu à l’aube des seventies, à une époque où ce que l’on appellera communément le « style cunéiforme », il a pourtant beaucoup mieux vieilli et donc pris beaucoup moins de rides que bien d’autres véhicules (qu’ils soient eux aussi des 4×4 ou des berlines et autres voitures citadines tout ce qu’il y a de plus ordinaires) apparus sur le marché à la même époque. Si, pendant plus de vingt-cinq ans, aucun styliste (tout du moins, parmi ceux travaillant alors au sein du bureau de style de Land-Rover) n’a jamais osé retoucher ses traits, sinon dans de menus détails, c’est autant parce que tous (aussi bien au sein du public que de la presse automobile et de l’état-major du constructeur) avaient bien conscience de son caractère de pionnier de sa catégorie qui lui avait conférer un statut d’engin culte quasiment dès sa sortie.
Or, en automobile comme dans n’importe quel autre domaine, en hésite souvent fortement à toucher, ne serait-ce que du bout des doigts, à une icône, au risque de se voir les plus intégristes de ses disciples criés au sacrilège. Il est vrai que l’une des caractéristiques essentielles qui sont le propre des icônes est que le temps n’a pas (ou, en tout cas, très peu) de prise sur elles. Aussi réussies que soient leurs lignes et aussi profonde que soit leur empreinte dans l’histoire du design automobile, les véhicules dont le style (même si celui-ci n’a alors plus cours au sein des autres constructeurs lorsque l’icône en question est finalement contrainte de quitter la scène) est à ce point hors du temps.
Un autre exemple lui aussi très illustratif, mais situé, cette fois, à l’autre extrémité de l’éventail, est certainement la Fiat Panda (la première du nom, celle conçue par Giorgetto Giugiaro). Comme du Range Rover « Classic » (ainsi qu’il sera baptisé a posteriori, à la fois pour le différencier des générations qui lui ont succédé mais aussi et peut-être surtout pour mieux rappeler son statut d’icône), la petite italienne a elle aussi eu le privilège d’accéder au panthéon de l’automobile.
A l’image de la face avant, l’ensemble de la carrosserie reflète cette même recherche de simplicité ainsi que ce bannissement de toute forme de fioriture inutile. Qu’il s’agisse de l’orifice de remplissage du réservoir d’essence simplement placé dans un renfoncement aménagé dans l’aile arrière gauche (côté passager), près du feu et qui n’a pas été dissimulé par une quelconque trappe ou autre grille factice, des deux palettes en plastique placées dans le « creusement » de l’aile courant depuis les clignotants à l’avant jusqu’aux feux arrière et occupant un tiers de la hauteur de celle-ci jusqu’aux vitres, ainsi que des charnières tout aussi apparentes et que David Bache, le créateur des lignes du Range Rover n’a, là non plus, même pas chercher à dissimuler d’une façon ou d’une autre ou encore ses pare-chocs couleur gris clair mat (quelle que soit la teinte de la carrosserie) qui (par sa couleur comme par ses formes minimalistes au possible qui ne sont pas sans évoquer des gouttières.
Si, en ce qui concerne son habit extérieur, le Range Classic (comme on l’appelle communément, aujourd’hui encore) restera donc immuable jusqu’à la fin, il n’en sera, par contre, pas du tout de même pour l’intérieur. Entre la version originelle présentée en 1970 et les ultimes Range Classic en version Vogue à châssis long commercialisés au début des années 90, il y a, véritablement, un monde de différences. Lorsque l’on évoque la première génération du Range Rover, beaucoup (surtout parmi les « jeunes » générations) ont immédiatement ces derniers en tête, tant le Range « premier du nom » fut rapidement surnommé (à juste titre d’ailleurs) « la Rolls des 4×4 ».
C’est toutefois oublier un peu (trop) vite que si, grâce à sa distinction comme à sa polyvalence d’usage, il se montrait autant à son aise sur les Champs-Elysées et les autoroutes que la boue, les graviers et les rochers des chemins de campagne et de forêt les plus escarpés et difficiles d’accès, c’est d’abord et avant tout pour ces derniers que le Range a été conçu.
Si cela transparaît clairement à son volant, dès que le Range sort des sentiers battus, c’est aussi le cas lorsque l’on pénètre à l’intérieur de l’habitacle, où ses concepteurs ont voulu montrer que le « vrai luxe » était, avant-tout et surtout l’esprit pratique et ne constituait pas nécessairement ou uniquement dans un intérieur entièrement recouvert de cuir et de bois précieux ainsi qu’un plancher entièrement recouvert d’une épaisse moquette en velours. Là aussi, autant pour bien mettre en évidence sa vocation première comme pour marquer une différence très nette avec les berlines de la marque, ses concepteurs ont fait le choix d’un intérieur moderne dans ce que cela signifiait dans le domaine du designer intérieur en ce début des années 70 ainsi que dans le sens esthétique et pratique du terme.
Un sens pratique qui se remarque déjà dans le design du tableau de bord, aussi simple (dans le bon sens du mot) dans ses lignes que fonctionnel, équipe des commandes nécessaires et utiles sur une voiture comme sur un tout-terrain à portée de main du conducteur. S’il peut sembler, certes, austère (dans son style comme en ce qui concerne son équipement) si on le compare aux dernières évolutions du Range Classic et (surtout) des générations ultérieures de celui-ci, il apparaît pourtant très accueillant, classieux et cossu si on le compare avec celui des Land-Rover ou des autres 4×4 alors proposés sur le marché européen. En plus de tout cela, un autre des avantages de cette planche de bord est qu’elle est parfaitement symétrique et qu’il suffit donc aux ouvriers travaillant sur les chaînes d’assemblage de l’usine de Solihull de modifier l’emplacement des compteurs, du volant ainsi que de la boîte à gants sur les exemplaires destinés à l’exportation. Une idée finalement simple et pourtant géniale tout à la fois que David Bache reprendra également d’ailleurs six ans plus tard lors de la conception et de la présentation de la Rover SD1.
L’ensemble du reste de l’habitacle a lui aussi été imaginé dans le même esprit, avec deux sièges à l’avant ainsi qu’une banquette à l’arrière qui représente le parfait compromis, tant dans leur design que dans leur revêtement entre classe et esprit pratique, dans une sobriété moderne qui prend soin de ne jamais tomber, pour autant, dans l’austérité. Les concepteurs du Range ayant même pousser cette recherche du plus grand esprit pratique possible jusqu’à imaginer d’équiper l’habitacle de sièges et d’une banquette revêtues de plastique ainsi que le plancher d’un tapis de sol en caoutchouc, permettant ainsi, en cas de nécessité, de les laver, tout simplement, à l’aide d’un tuyau d’arrosage. Un concept, là aussi, simple et ingénieux mais qui sera, toutefois, très vite abandonné au profit d’un habillage intérieur à la fois plus classique et, surtout, plus cossu, ceci, afin de répondre à la demande d’une grande partie de la clientèle à laquelle s’adressait le Range Rover (le plus souvent et surtout à l’origine une clientèle assez aisée), qui finira par demander une présentation ainsi qu’un équipement plus cossu.
S’il est vrai que durant ses dix premières années d’existence, le Range fut quasiment le seul représentant du genre sur le marché européen (ses rivaux américains n’ayant, pour la plupart d’entre-eux, jamais été importés en France par leurs constructeurs ou, pour certains d’entre-eux, au compte-gouttes par des importateurs indépendants. Quant aux premiers tout-terrains japonais pouvant prétendre à un certain « standing », à l’image du Toyota Land Cruiser Station Wagon (à ne pas confondre avec le HJ40, plus connu dans sa version Diesel, le BJ40), du Nissan Patrol et du Mitsubishi Pajero, ils ne feront leur apparition dans l’Hexagone qu’au début de la décennie suivante. Le premier véritable concurrent du Range sur le Vieux Continent, le Mercedes Classe G, ne fera son apparition qu’en 1979, soit près de dix ans après son homologue britannique.
Durant les dix premières années de la carrière du Range, la principale préoccupation de la direction de Rover ainsi que celle de British Leyland sera de faire tourner à plein régime les chaînes de production de l’usine de Solihull afin de parvenir à satisfaire la demande. Dans ces conditions, il n’est guère étonnant que les différentes évolutions (plus ou moins importantes, suivant les cas) que celui-ci connaîtra durant les années 70 se compteront quasiment sur les doigts d’une main.
En ce qui concerne la présentation intérieure et extérieure ainsi que les équipements de sécurité mise en place en France ainsi que dans les pays voisins). Trois ans plus tard, à l’automne 1976, le Range bénéficie d’un nouveau système d’échappement double remplaçant le système simple (tuyauterie unique) monté jusqu’à présent. A la fin de l’année 78, le pare-brise ainsi que la lunette arrière reçoivent désormais des essuie-glaces traités en noir mat, la transmission bénéficiant, de son côté, de l’overdrive en option.
C’est finalement en septembre 1979 (soit pas moins de neuf ans après son lancement) que le Range Rover reçoit sa première grande série de modifications. A l’extérieur, celui-ci est équipé de nouveaux pare-chocs plus épais et maintenant peints en noir, le nom du constructeur étant désormais apposé sur le capot et le hayon arrière par un système de transfert (et non plus avec un lettrage en plastique moulé comme précédemment), les monogrammes latéraux apposés auparavant sur les ailes avant (sous la forme d’une plaque métallique avec l’inscription « Range Rover » placée au pied du pare-brise) sont également supprimés. Concernant l’aspect mécanique et sécuritaire, la direction assistée, les phares à iodes ainsi que les feux antibrouillard sont maintenant montés en série, tout comme les vitres teintées, les ceintures à enrouleur, les appuis-tête sur les sièges avant ainsi que la sellerie en tissu. Autre changement dans l’habitacle, le volant à trois branches en forme de « T » monté sur le Range depuis ses débuts est remplacé par un nouveau modèle à quatre branches.
D’un point de vue technique (concernant notamment la motorisation ainsi que la transmission), si les changements et autres évolutions que connaîtra le Range Classic durant sa longue carrière seront plus nombreux que l’on pourrait le penser, là aussi, la plupart d’entre-eux (surtout pour les plus importants) ne verront le jour qu’à compter du début des années 80. Durant sa première décennie de carrière, il ne sera ainsi proposé qu’une seule motorisation, le V8 Rover de 3,5 litres (que l’on retrouve également, à la même époque, sous le capot des berlines P6 et ensuite SD1), assez gourmande en carburant, il est vrai (sans doute faut-il voir là un héritage de ses origines américaines), ce qui ne facilitera évidemment pas sa carrière en Europe après l’éclatement des deux crises pétrolières (en 1973 ainsi qu’en 1979) mais n’aura toutefois guère d’impact sur les chiffres de sa production. (L’exportation vers les pays situés hors de l’Union Soviétique, en particulier dans les pays producteurs de pétrole, depuis le Maghreb jusqu’au Moyen-Orient et même en Amérique du Sud suffisant largement à compenser la baisse, assez relative d’ailleurs, de ses ventes sur le Vieux Continent).
Jusqu’en 1979, les seuls changements notables seront une légère baisse de la puissance du V8 à partir de 1971 (de 135 à 130 ch) mais, en revanche, avec une augmentation (sensible) du régime maximal (celui-ci passant alors de 4 750 à 5 000 tr/mn), avant de remonter (très) légèrement à 132 chevaux en 1977. Après avoir connu ses premières vraies évolutions esthétiques en 1979, c’est au début de la décennie suivante que le Range connaîtra ses premiers changements majeurs concernant sa fiche technique en 1982, en étant à présent disponible avec une transmission automatique optionnelle (une boîte à trois rapports d’origine Chrysler, laquelle sera remplacée, à l’automne 1985, par une ZF à quatre rapports), la transmission manuelle « standard » bénéficiera, de son côté, d’une cinquième vitesse supplémentaire à partir de 1983.
Outre les observateurs de la presse automobile, une partie de la clientèle émettra, assez rapidement, la volonté que le Range soit également proposé avec une motorisation Diesel. Déjà bien présente dans les pays occidentaux où l’essence mais aussi les voitures et autres véhicules de grosse cylindrée sont lourdement taxés (à l’image de la France mais aussi de l’Italie), surtout depuis l’éclatement du premier choc pétrolier (fin 1973), celle-ci ne fera que grandir après la seconde crise du pétrole (consécutive à la Révolution iranienne en 1979). Une demande à laquelle les responsables de Rover ainsi que la direction de British Leyland (lequel, en tant qu’entreprise nationalisée, se trouve désormais placée sous la tutelle et la surveillance de la nouvelle locataire du 10 Downing Street, la célèbre Margareth Tatcher, surnommée, à juste titre, la Dame de Fer) ne semblent toutefois pas vraiment pressés de répondre.
Il est vrai qu’en ce début des années 80, dans un Royaume-Uni plongé en plein marasme économique et social et où le nouveau gouvernement conservateur s’est donné pour mission de parvenir à redresser ce groupe tentaculaire (qui était autrefois l’un des piliers de l’industrie et de l’économie britannique durant l’époque des Trente Glorieuses mais qui fait aujourd’hui figure de Titanic de l’industrie automobile, non seulement en Europe mais aussi à l’échelle mondiale), quitte, pour parvenir à atteindre cet objectif, à procéder à un grand « nettoyage par le vide » et donc à faire disparaître des constructeurs qui étaient pourtant encore, moins de dix ans auparavant, des acteurs incontournables du paysage automobile outre-Manche (à l’image de Morris en 1983 et de Triumph l’année suivante). Dans ces conditions, les budgets alloués aux divisions « survivantes » du groupe BL se trouve réduits à la portion congrue, que ce soit pour l’étude d’un nouveau modèle (ou même, simplement, d’une nouvelle motorisation pour l’un d’entre-eux) comme pour la construction d’une nouvelle usine.
Au vu des chiffres de vente du Range Rover, qui demeurent toujours au beau fixe (et qui est alors, en outre, l’un des rares modèles du groupe qui soit véritablement rentable) mais aussi compte tenu du fait que le Range entendait, dès son lancement, une nouvelle idée du tout-terrain, avec une vision beaucoup plus haut de gamme que ses prédécesseurs, le fait de le voir équipé d’une mécanique fonctionnant au gazole apparaissait alors véritablement contre nature, aux yeux d’un grand nombre de ses nouveaux amateurs comme de son constructeur.
Il est vrai que beaucoup, parmi les premiers, bien qu’ayant su apprécier dès le début et à leur juste valeur les capacités du Range en franchissement sur les terrains les plus difficiles, la plupart de ses propriétaires le considéraient à présent et avant tout comme une limousine « haut perchée » à quatre roues motrices dont la garde au sol, la haute taille ainsi que les vastes surfaces vitrées permettaient de diminuer aisément le reste de la circulation ambiante (sur autoroutes comme dans le trafic urbain des grandes villes plus que comme un pur baroudeur destiné à se rendre dans les montagnes des Alpes ou des Pyrénées, sauf, évidemment, lorsqu’il s’agissait de partir en vacances aux sports d’hiver ou de traverser, d’une traite et de part en part, les forêts des Vosges ou du Massif Central). Malgré sa silhouette qui conservait une allure très « martiale » (voire, même, de char d’assaut) et qui inspirait à ceux qui se trouvaient à son bord un sentiment de sécurité et de confiance dans sa robustesse, ces derniers s’en servaient, en grande partie ou quasi exclusivement, en ville et n’avaient donc plus vraiment envie de jouer les « Indiana Jones du dimanche » durant le week-end ou leurs vacances estivales.
Un changement d’abord progressif mais qui ne fera, assez rapidement, que s’accentuer au fil des années et dont le constructeur a sans doute, lui aussi, rapidement pris conscience. A compter des années 80, on verra ainsi désormais plus souvent le Range sur le bitume que sur des chemins de terre, ce qui décidera, non seulement, la firme Land-Rover a accompagné cette tendance, voire même à la devancer en proposant, bientôt, une présentation toujours plus luxueuse ainsi que des équipements de confort toujours plus nombreux, justifiant et méritant ainsi, de ce point de vue et plus encore même qu’à ses débuts, le surnom de « Rolls-Royce des tout-terrains ».
Si la grande majorité de ceux qui se portaient acquéreur d’un Range Rover appartenait à ce que l’on appelait autrefois la « grande bourgeoisie », il n’en reste pas moins une part non négligeable de clients potentiels qui apprécient autant les lignes et le confort que les capacités de franchissement du Range mais que la consommation moyenne du V8 Rover (qui oscille souvent entre 10 et 15 litres aux 100 km) a de quoi rebuter (pour ne pas dire faire dresser les cheveux sur la tête).
C’est pourquoi, pour répondre à leurs attentes (en ayant probablement fini par réaliser qu’il ne pouvait pas continuer plus longtemps à ignorer leurs doléances s’il voulait conserver une place sur les marchés concernés sans risquer de se voir supplanter par la concurrence. Laquelle se développe, à présent, en Europe, qu’il s’agisse des marques européennes comme Mercedes avec le Classe G ou de ceux venus du pays du Soleil Levant. Celle-ci ayant également eu l’intelligence de miser une grande partie (voire, pour certains, la totalité) de leurs jetons sur le Diesel. C’est pourquoi le constructeur britannique se décide enfin, à l’automne 1985 (pour l’année-modèle 86 donc), soit pas moins de quinze ans après le lancement du Range Rover (illustrant ainsi assez bien le vieux dicton bien connut : « Mieux vaut tard que jamais »), à inclure une version équipée d’une motorisation fonctionnant au gazole à son catalogue.
Si cette nouvelle version présentera le grand avantage d’apporter au tout-terrain anglais la sobriété et donc une certaine économie d’utilisation, Land Rover n’a, toutefois, probablement pas misé sur le meilleur cheval en portant le choix sur le quatre cylindres turbo-Diesel conçu et produit par le motoriste italien VM. Si les motorisations de ce dernier se retrouvent alors sur un assez grand nombre de modèles de la production automobile européenne (aussi bien en dehors qu’en Italie), elles sont toutefois plus réputées pour leur sonorité digne de celle d’une machine agricole ainsi que leur fiabilité souvent assez aléatoire, ce qu’une assez bonne sobriété en carburant ne parvient pas entièrement à compenser.
Délivrant (péniblement) 112 chevaux (qui s’apparentent plutôt à de vieux canassons assez fatigués qu’à des pur-sangs de course), ceux-ci auront souvent fort à faire pour parvenir à mouvoir dignement un 4×4 qui affiche quand même près de 1 800 kg à vide. S’il est vrai que le Range V8, dans sa version de base à carburateurs (deux carburateurs d’origine Stromberg ou SU suivant les années) est à peine plus puissant (125 ch), celle-ci grimpe à 165 chevaux avec l’injection (qui fait son apparition au catalogue au même moment, laquelle est toutefois alors réservée à la nouvelle finition haut de gamme Vogue).
Pour en revenir à la version Diesel, certains propriétaires de Range, sérieusement refroidis par le prix du plein d’essence à la pompe comme celui de la vignette (dont on peut aisément imaginer le montant avec une puissance fiscale atteignant les 20 CV), sans doute lassés d’attendre, de la part du constructeur, une version fonctionnant au gazole qui tardait à faire son apparition au catalogue, décideront, tout simplement, de procéder eux-mêmes (ou avec l’aide de « spécialistes », ou se présentant comme tels et donc plus ou moins compétents suivant les cas) à la greffe d’une mécanique Diesel. (A charge pour eux de la faire ensuite enregistrer, à titre isolé, par le Service des Mines).
Ce genre de transformations « amateurs » en ayant vu de toutes les couleurs, comme souvent dans ce genre de cas, le meilleur et le « classique » côtoyant souvent « l’original » et le pire, allant de l’anémique 4 cylindres Indenor (que l’on retrouvait alors sur les berlines et breaks Peugeot) jusqu’au V8 Oldsmobile (le Diesel ayant, en effet, connu son heure de gloire sur le marché américain à la fin des années 70 et au début des années 80, au point même de se retrouver sur des berlines de prestige comme la Cadillac Seville).
Si, concernant les tout-terrains, la technique du turbo était encore réservée, en grande majorité, aux motorisations Diesel, à l’étranger, certains préparateurs (spécialisés ou non dans les tout-terrains), sans doute convaincus que les moteurs turbo à essence n’étaient pas réservés aux berlines à hautes performances, aux GTI ou autres « maxi-bombes », mais pouvaient, tout aussi bien, se retrouver sous le capot d’un 4×4 en lui conférant ainsi un surcroît de puissance souvent bienvenu, tout en maintenant la consommation (ainsi que la puissance fiscale à un niveau assez raisonnable).
Parmi ces transformations mécaniques réalisées sur le Range en dehors de l’Hexagone, l’une des plus réussies est sans doute celle conçue par le préparateur helvétique Novaswiss, lequel réussira à sortir jusqu’à 205 chevaux du V8 Rover, ce qui permettra à celui-ci d’afficher des chronos assez impressionnants, à l’époque, pour un véhicule de ce poids et de ce gabarit, avec, notamment, le 0 à 100 km/h départ arrêté atteint en 11,5 secondes à peine. Sur sa terre natale aussi, le Range Classic bénéficiera de différentes modifications et améliorations afin de « gonfler » la puissance du V8 ou en installant dans son compartiment moteur des mécaniques de plus grosse cylindrée, à l’exemple du préparateur Overfinch, qui lui greffera un 8 cylindres de 5,7 litres, lequel pourra recevoir plusieurs niveaux de préparation.
Afin de répondre aux souhaits de certains acheteurs qui souhaitaient se servir de leur Range uniquement comme d’un utilitaire ainsi (ou surtout ?) de répondre (voire, plutôt, de « contourner ») la législation assez restrictive sur certains marchés, le constructeur proposa ainsi en France une version à vocation exclusivement utilitaire et qui, pour cette raison, est dépourvue de banquette à l’arrière et n’est donc équipée que de deux sièges à l’avant, lui permettant de bénéficier, sur de nombreux points, des mêmes taxes réduites que sur un utilitaire classique. Parmi tous les pays d’Europe où le Range fut exporté, le marché français ne fut, toutefois, pas le plus mal loti, car, sur d’autres, comme au Danemark, pour qu’il puisse être considéré comme un « véritable » utilitaire (avec le régime fiscal ainsi que les réductions qui allaient avec), le Rang Rover devait, en plus de cela, être dépourvu de vitres latérales.
Etant, tout à la fois, plus moderne et aussi plus efficace au niveau des performances (sans compter qu’elle paraissait beaucoup plus en phase avec l’image d’un véhicule de haut de gamme) que l’ancien système à carburateurs, l’alimentation à injection (de type L-Jetronic) supplante, assez rapidement, ces derniers, lesquels disparaissent finalement du programme de production du Range en 1986. Un autre avantage important de l’injection est qu’elle apporte un supplément de puissance assez bienvenu sur le Range Rover, aussi bien sur le bitume qu’en dehors des sentiers battus, même s’il est vrai que celle-ci est aussi à mettre au crédit de l’augmentation de la cylindrée du V8. Celui-ci passant ainsi à 4 litres (3 947 cc, très exactement) et 179 ch en 1988, pour aboutir à 4,2 litres (4 278 cc, pour être exact), en atteignant ainsi la barre (aussi symbolique qu’importante, tant pour maintenir, voire renforcer) le prestige du Range Classic que sur le plan des performances) des 200 chevaux (« tout rond ») en 1992.
Autres signes qu’il était à présent considéré clairement et définitivement comme un véhicule de grand luxe et que sa place se trouvait donc clairement sur le bitume et les trottoirs des beaux quartiers de la capitale comme celle des parkings des hôtels et du Casino de la Principauté de Monaco que sur les routes et les chemins défoncés des villages et des forêts de la France la plus profonde, la version V8 n’est plus disponible, à partir de 1986, qu’avec la carrosserie à quatre portes, ainsi, sur le marché américain, qu’avec la transmission automatique et la seule finition Vogue.
Apparue pour la première fois au catalogue en février 1981, initialement sous la forme d’une série limitée dotée d’une finition exclusive et vendue uniquement sur le marché britannique (à l’origine, pour être tout à fait précis, sous l’appellation « in Vogue »), elle intégrera ensuite la gamme de manière permanente à partir de l’été 1984. En ce qui concerne les carrosseries, à compter de 1986, le Range V8 n’est plus disponible qu’avec celle à quatre portes, seule la motorisation turbo-Diesel « d’entrée de gamme » étant encore proposée avec la carrosserie originelle à deux portes.
Au sujet de la première citée, il faut d’ailleurs mentionner (et même souligner) que sa création ainsi que son introduction au sein de la gamme du Range Rover n’est pas due à l’initiative du constructeur lui-même mais à celle de carrossiers ou de constructeurs indépendants (même si certaines de ces versions 4 portes hors-série seront réalisées, non seulement, avec l’accord mais aussi, même, avec le soutien de Rover, celui-ci allant parfois même jusqu’à diffuser certaines d’entre-elles par l’intermédiaire de son réseau (même si cela sera surtout le cas s’agissant de réalisations étrangères). Le premier d’entre-eux étant sans doute Panelcraft en 1974, l’année-même où le projet d’une version quatre portes, étudiée par le bureau d’études de Solihull, simultanément avec la version à deux portes, sera (provisoirement) abandonnée par le constructeur britannique, même s’il ne s’agit peut-être là que d’une simple coïncidence).
Le plus connu dans ce domaine et aussi le plus prolifique restant sans doute toutefois le Suisse Monteverdi (surtout connu pour ses luxueuses GT équipées de moteurs V8 Chrysler, mais que l’éclatement de la crise pétrolière a obligé à se diversifier en s’attaquant au marché du tout-terrain de luxe avec le Safari, réalisé sur la base de l’International Scout. Ce dernier en réalisera environ 129 exemplaires entre 1978 et 82 (après quoi, les effets conjugués des crises pétrolières ainsi que de la récession économique en Europe, entraînant un resserrement du marché de la voiture de prestige, obligeront ensuite Peter Monteverdi à cesser, tout au moins en grande partie, ses activités de constructeur).
Les versions à quatre portes réalisées avant le lancement de la version « usine » ne seront toutefois pas les seules réalisations hors-série sur la base du Range Rover, lequel, comme un grand nombre de voitures et de véhicules de haut de gamme d’origine britannique, aura très vite droit à des versions personnalisées, avec des modifications de toutes sortes, plus ou moins profondes suivant les cas et pour des usages multiples. Figurant, notamment grâce à ses performances, sa robustesse ainsi que ses capacités d’utilisation sur les terrains les plus extrêmes, parmi les engins les plus polyvalents au monde, il était donc assez logique et « prévisible » que de nombreuses institutions et entreprises de toutes sortes, aussi bien publiques que privées, voient en lui l’outil de travail idéal capable de remplir efficacement les tâches les plus diverses.
Il fut ainsi incorporé au sein des flottes de véhicules des forces de Police, de pompiers et/ou de l’Armée, non seulement au Royaume-Uni ainsi que dans de nombreux autres pays d’Europe mais aussi aux quatre coins du monde (avec tous les équipements utiles et indispensables à ce genre d’usage bien particulier). Certains des Range utilisés par les services de Police, notamment lors des visites de chefs d’Etats et autres personnalités ou dans le cadre du transfert de prisonniers dangereux, recevant ainsi une carrosserie entièrement blindée). Outre la reine Elizabeth II d’Angleterre, un grand nombre de têtes couronnées, présidents et autres « grands » de ce monde adopteront eux aussi le Range Rover, pour leurs déplacements officiels comme privés, disputant ou volant ainsi souvent la vedette aux Mercedes et autres Rolls-Royce, tout en assurant, par là-même, une belle publicité gratuite au constructeur.
Si certains de ces Range « royaux » ou « présidentielles » se « contentent » simplement d’aménagements intérieurs spéciaux (lesquels n’ont, toutefois, souvent rien à envier à ceux des limousines « classiques », pour le caractère pléthorique des équipements en question comme la qualité des matériaux employés pour la réalisation de ces intérieurs), d’autres, en revanche, se verront habillés de carrosseries qui, en dehors de la partie avant ainsi que des feux arrière, ne reprendront aucun élément du modèle de série.
L’une de ces transformations les plus célèbres mais aussi les plus « radicales » est sans doute celle que l’on a, très vite et familièrement surnommée la « papamobile », réalisée en deux exemplaires dans les années 80 à l’attention du pape Jean-Paul II et que ce dernier utilisera aussi bien pour ses différents déplacements officiels dans Rome qu’à l’étranger (outre les différents aménagements et autres équipements spéciaux installés spécialement à l’attention du souverain pontife, entre autres afin que ce dernier puisse être mieux vu de la foule, ces deux exemplaires recevront également un blindage sur les vitrages de la partie arrière de l’habitacle, là où se trouve placé le chef de l’Eglise catholique, une mesure de sécurité prise à la suite de la tentative d’attentat dont fut victime Jean-Paul II en 1981).
De nombreuses autres personnalités (sans doute, pour une partie d’entre-eux, en tout cas, inspirées par l’exemple du souverain pontife) se feront, elles aussi, réaliser des Range équipés de toits découvrables et de vitres arrière escamotables (ou, plus simplement, d’une capote dans le style « torpédo militaire ») ainsi que, sur certains d’entre-eux, de sièges surélevés afin, lors de ses déplacements, de « s’offrir aux hommages de la foule ». La reine d’Angleterre elle-même en utilisera plusieurs d’entre-eux lors des défilés militaires et d’autres événements du même genre).
Dans de nombreux pays, les forces armées en feront également l’un de leurs véhicules de prédilection, où le Range ne manquera souvent pas de côtoyer son glorieux aîné, le Land-Rover, venant, non seulement, « épauler » ce dernier mais, parfois même aussi, à terme, le remplacer, que ce soit comme véhicule de liaison mais aussi, dans certains cas, pour des missions plus inattendues et aussi plus « extrêmes » (entendez par là : « dangereuses ») telles que le transport de troupes et de munitions sur les différents fronts de guerre aux quatre coins du monde.
Dans le registre des transformations destinées à un usage plus « pacifique » (voire même équipées d’une troisième paire de roues, souvent motrices elles aussi, à l’arrière, avec, donc, le montage d’un arbre de transmission rallongé, doté d’un différentiel supplémentaire). Le genre de véhicules très prisés par les chefs d’Etats ainsi que par les riches touristes occidentaux pour leurs vacances et (surtout) leurs parties de chasse au gros gibier en Afrique. La plupart de ces Range Rover à six roues ayant cependant été réalisés par des carrossiers et préparateurs anglais comme Wood & Pickett, Rapport, Safire et Scottorn.
D’autres (toujours au Royaume-Uni), feront également du Range l’une de leurs bases de travail les plus courantes mais pour le transformer, cette fois, en ambulances (telles que Wadham, Stringer ou Lomas) ou en véhicules de pompiers (comme Carmichael ou Gloster Saro). Il faudrait probablement un livre entier (aussi épais que le dictionnaire Larousse pour parvenir à en faire la liste (à peu près) complète.
Pour en revenir au Range Rover de série, il bénéficie, en novembre 1986, de nouvelles retouches esthétiques avec une calandre à barres horizontales (et non plus verticales comme auparavant) ; d’un capot-moteur dont les charnières ne sont, à présent, plus apparentes ; d’un bouchon de réservoir se trouvant, désormais, sous un clapet (alors que, sur les versions précédentes et depuis son lancement en 1970, celui-ci était toujours resté apparent) ainsi que, dans l’habitacle, un volant au dessin revu qui ne comporte maintenant plus que deux branches et, sur la version à quatre portes, d’une banquette arrière repliable en « 2/3 – 1/3 » et équipée également d’appuie-tête pour chacun des occupants à l’arrière du Range. En mars 1988, celui-ci se fait encore plus luxueux avec la nouvelle finition Vogue SE, laquelle comprend, entre-autres, parmi les nombreux équipements de confort dont il bénéficie et pour la première fois dans l’histoire du Range Rover, d’un toit ouvrant (qui plus est, à ouverture et fermeture électrique).
Même si celui-ci n’est encore, simplement, qu’une option (étant donné son surnom de « Rolls des 4×4 » qui lui a, très vite, été attribué et même si, dans les années 70, tout au moins, cet équipement était encore réservé aux véhicules affichant un certain « standing », il peut toutefois apparaître plutôt étonnant que le Range ait dû attendre pas moins de dix-huit ans après son lancement avant de pouvoir en être équipé. A l’automne de la même année, un nouveau monogramme « Land-Rover » est apposé sur la calandre et, en ce qui concerne l’aspect technique, il se verra équipé d’une nouvelle boîte de transfert équipé d’un visco-coupleur, en lieu et place de la commande manuelle montée jusqu’à présent. Un an plus tard, à l’automne 89, le système de freinage se voit, lui aussi, optimisé avec des disques ventilés sur les roues avant ainsi que l’ABS proposé en option (de série avec la finition Vogue SE).
Si certains de ses changements, qu’ils soient techniques ou esthétiques, ne portent que sur des aspects assez secondaires et qui ne modifient, fondamentalement, ni l’aspect (intérieur comme extérieur) du Range ni son comportement (sur routes comme en dehors des sentiers battus), ils lui permettent, en tout cas, à l’image d’un grand vin, de se bonifier au fil du temps. Lui permettant ainsi de continuer à se maintenir dans le peloton de tête ainsi qu’à soutenir la comparaison face à une concurrence qui, il est vrai, ne cesse alors, à partir de la seconde moitié des années 80, de se renforcer.
Si les tout-terrains américains n’occupent toujours qu’une place assez marginale (en France ainsi que dans la plupart des pays européens), outre la Mercedes Classe G (qui, à l’image de son rival anglais, ne cesse de s’embourgeoiser au fil des ans), le Range doit désormais compter avec l’arrivée en Europe de nouveaux rivaux venus d’Extrême-Orient : Toyota Land Cruiser SW, Mitsubishi Pajero ainsi que les Nissan Patrol et Terrano, ainsi que, par après, l’Opel Frontera et le Ford Maverick (même si les deux derniers d’entre-eux ne feront leur apparition qu’au début des années 90, alors que le Range était, à présent, arrivé au crépuscule de sa carrière et que les nouveaux 4×4 « made in Germany » ne représenteront donc jamais véritablement une menace pour celui qui, alors même qu’il pourra bientôt faire valoir ses droits à la retraite, après plus de vingt ans de bons et loyaux services, demeure pourtant toujours une référence incontournable dans le segment des tout-terrains de haut de gamme.
S’il est vrai que tenter de reconnaître un Range Rover du début des années 90 d’un autre Range datant, lui, du début de la décennie précédente, s’apparente un peu à jouer au jeu des sept erreurs, la preuve est ainsi faite que c’était bel et bien dans la simplicité de ses lignes que résidait la réussite de son dessin. Ce qui constituera toutefois une difficulté non négligeable et même un obstacle de taille pour le bureau d’études du constructeur lorsque l’heure de mettre en chantier l’étude de son remplaçant.
Au même moment et en dépit du fait qu’il vient de souffler ses vingt bougies (et qu’à l’exception notable du Mercedes Classe G, tous les autres 4×4 appartenant au même segment des SUV avaient alors, depuis longtemps même, pour certains d’entre-eux, quitté la scène, ou, tout au moins, avaient cédé leur place à de nouvelles générations du même modèle), « Papy Range » continue à faire de la résistance et ne semble donc pas encore décidé à déposer les armes.
Continuant donc d’évoluer, certes, par petites touches mais régulièrement, le Range reçoit ainsi, en décembre 1990, des suspensions équipées à présent de barres antiroulis sur les finitions haut de gamme Vogue et Vogue SE, le toit ouvrant, bien que toujours optionnel, étant désormais disponible sur l’ensemble des modèles de la gamme. Bien que restant, eux aussi, cantonnés, pour le moment, au registre des options, c’est aussi à cette date que font leur apparition au catalogue des équipements qui deviendront rapidement indispensable, aussi bien sur le Range Rover que sur ses rivaux. A savoir la sellerie en cuir, les sièges à mémoire.
Toujours dans le but de le rendre encore plus imposant, spacieux et luxueux, le constructeur présente, à l’automne 1992, le nouveau Vogue LSE, réalisé sur un châssis à l’empattement rallongé de 18 cm (faisant ainsi passer la longueur totale du Range Rover de 4,47 m à 4,6( mètres), ce qui profite évidemment à l’habitabilité intérieure, en particulier celle des passagers à l’arrière. Comme mentionné précédemment, cette version, qui sera la plus luxueuse jamais proposée sur la première génération du Range aura également le privilège de recevoir sous son capot la déclinaison la plus importante du V8 Rover en termes de cylindrée, celle-ci atteignant 4,2 litres (accouplé uniquement à la transmission automatique à 4 rapports) dont les 200 chevaux en font aussi, non seulement, le plus puissant mais aussi le plus rapide de celui qui recevra bientôt l’appellation de Range Classic, avec une vitesse de pointe atteignant ainsi les 177 km/h, ceci, malgré un poids à vide qui dépasse allègrement la barre des deux tonnes (2 150 kg, pour être précis).
Si ce nouveau « vaisseau amiral » tire désormais quelque peu la couverture à lui au sein des campagnes publicitaires du constructeur, les autres versions du Range ne sont pas pour autant oubliées et négligées pour autant. Tout comme le LSE, les versions Vogue et Vogue SE profiteront, elles aussi, du nouveau système électronique de traction (ETC) ainsi que de suspension (ECAS), laquelle abandonne le dispositif classique à ressorts au profit d’un nouveau système pneumatique bien plus moderne et efficace.
A l’autre extrémité de la gamme, toujours à l’automne 1992, le moteur italien VM (lequel était passé, en 1989, de 2,4 l et 112 ch à 2,5 litres et 119 chevaux) cède (enfin) la place (avec un certain ravissement et donc sans trop de regrets pour un certain nombre de ses utilisateurs) à un autre turbo-Diesel, d’origine Rover à présent, de cylindrée quasiment identique ; un peu moins puissant, certes (111 chevaux) mais aussi beaucoup plus fiable et bénéficiant également d’une alimentation à injection directe, nettement plus efficace que celui à injection indirecte qui équipait les versions VM ainsi (bien qu’uniquement en option) de l’ABS.
Baptisée TDI 200, celle-ci sera la dernière version du Range à être proposée avec la carrosserie originelle à deux portes (qui avait été la seule proposée sur le Range à son lancement en 1970 et durant la première décennie de sa carrière), celle-ci disparaissant de la gamme en janvier 1994 et ne sera pas reconduite sur les générations ultérieures (les SUV de haut de gamme privilégiant désormais, dans leur grande majorité, en dehors des versions cabriolets, les carrosseries à quatre portes). L’année 1994 sera marquée (au mois de mars) par l’ultime évolution des Range Rover Diesel, avec une nouvelle et dernière version, laquelle, en dépit de son appellation TDI 300, la motorisation conserve une cylindrée identique et se montre à peine plus puissante (113 chevaux) mais est désormais disponible, pour la première fois sur un Range roulant au gazole, avec la transmission automatique ainsi qu’en option, avec la suspension pneumatique à commande électronique et la finition Vogue SE.
Au même moment, l’ensemble des modèles se voit équipé, à l’intérieur de l’habitacle, d’une nouvelle planche de bord dotée d’airbags pour le conducteur ainsi que pour le passager à l’avant (ceux-ci faisant aujourd’hui partie des équipements de sécurité de base de la grande majorité des voitures mais étaient encore réservées, au début des années 90, aux véhicules haut de gamme), ainsi que de nouvelles commandes de chauffage rotatives. La sécurité passive se voit, elle aussi, renforcée avec le montage de renforts dans les portières afin d’assurer une protection optimale aux occupants en cas de chocs latéraux.
Ce seront toutefois les derniers changements qui seront apportés à celui qui porte désormais, officiellement, l’appellation de Range Classic. Ceci, depuis la présentation, en septembre 1994, de la nouvelle génération du Range Rover (lequel recevra, en interne, la dénomination P38). Le lancement de celui-ci ne met toutefois pas, dans l’immédiat, un terme à la carrière de l’ancienne génération, laquelle se continuera ainsi durant encore près de deux ans (tout au moins au Royaume-Uni ainsi que sur d’autres marchés à l’exportation). La version turbo-Diesel étant la première à quitter la scène en 1995 ainsi, simultanément, que le V8 3,9 l, l’ultime version survivante du Range Classic, le Vogue LSE équipé du V8 4,2 litres ne lui survivra toutefois qu’un an à peine, avant de disparaître à son tour en 1996.
Désormais, pour le Range Rover nouvelle génération ainsi que pour la marque Land-Rover, une nouvelle ère commence, sous l’égide de BMW et ensuite sous celle de Ford.
Maxime DUBREUIL
Photos Wikimedia et Wheelsage
Le Range Rover dans un superbe livre https://www.retropassionautomobiles.fr/2023/01/a-life-in-range-rover-une-vie-en-range-rover/
En vidéo https://www.youtube.com/watch?v=CRIOtLqDvBc&ab_channel=PetitesObservationsAutomobiles