DODGE SUPER BEE – guêpe et le bélier.

DODGE SUPER BEE - La guêpe et le bélier.
DODGE SUPER BEE 1968

En 1968, l’ère des muscle cars est à son apogée et le groupe Chrysler, avec ses divisions les plus populaires, Dodge et Plymouth, est rapidement devenu l’un des acteurs majeurs de ce nouveau marché, à à peine quelques années plus tôt et qui est alors en pleine expansion.

Le troisième des grands groupes automobiles américains s’est sans doute lancé avec une ardeur particulière sur ce nouveau champ de bataille qu’il avait le sentiment d’avoir une revanche à prendre, après s’être vu filer, en effet, entre les doigts le titre de pionnière du nouveau segment des pony cars par celle auquel elle donnera son nom : la mythique Mustang. La nouvelle Plymouth Barracuda, dévoilée quelques semaines à peine avant sa rivale de chez Ford aurait pu prétendre à se voir décerner le titre en question… si elle ne s’était, toutefois, pas contentée de n’être que la version en coupé fastback de la compacte Valiant.

DODGE SUPER BEE - La guêpe et le bélier.
DODGE SUPER BEE 1968

Les deux principales erreurs qu’ont fait les hommes du bureau d’études ainsi que les dirigeants de Chrysler étant d’avoir conservé, telle quelle, la face avant de la Valiant (dont on peut dire qu’elle manquait, pourtant, singulièrement, d’agressivité et même, tout simplement, de personnalité, surtout en comparaison avec la Mustang), alors que le dessin de la partie arrière, de son côté, avec sa lunette arrière, panoramique, était, en revanche, assez réussi. Ainsi que d’avoir aussi repris de la Valiant les très (voire, trop) placides six cylindres en ligne, alors que la Mustang disposait, elle, (dans ses versions haut de gamme) de V8 à la puissance bien plus généreuse (même si ces derniers feront figure de « petits poucets » en comparaison avec les big blocks qui équiperont les évolutions de la Mustang dans les années qui suivront).

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DODGE SUPER BEE 1969 (

Bien que, par la suite, Chrysler ne ménagera pas ses efforts pour offrir à la Barracuda un plumage ainsi qu’un ramage digne de ce nom et qui soit à la hauteur de ceux de sa principale rivale. Malheureusement pour Chrysler, ces efforts ne seront jamais (véritablement ou pleinement) récompensés, la Barracuda devant, en effet, toujours se contenter, sur le plan commercial, de jouer les seconds couteaux. Le constructeur en conservera toujours une certaine amertume (assez compréhensible) et qui explique sans doute, en partie, que le groupe n’hésitera alors pas à « sortir l’artillerie lourde » lors de la connaissance du nouveau segment des muscle cars.

L’expérience plutôt malheureuse avec la première génération de la Plymouth Barracuda ayant sans doute démontré que pour « se tailler la part du lion » sur un nouveau marché, il ne fallait pas se contenter d’expédients ou de demi-mesures et donc ne pas lésiner sur les moyens. L’état-major du groupe acceptant alors d’ouvrir en grand les cordons de la bourse, ce qui va ainsi permettre aux ingénieurs ainsi qu’aux stylistes de Chrysler de créer une large et fantastique palette de muscle cars haute en couleur.

DODGE SUPER BEE - La guêpe et le bélier.
DODGE SUPER BEE 1970

Comme souvent dans l’histoire de l’automobile (au sein des muscle cars comme dans n’importe quelle autre catégorie), il y a toujours d’un côté, les références incontournables et « intemporelles » et, de l’autre, les modèles qui, pour des raisons souvent très diverses (et parfois même quelque peu irrationnelles ou imméritées) se voient condamnées, très vite ou, quasiment, dès leur lancement, à être cantonnés à ne jouer que les seconds couteaux et à se résigner à vivre, durant la totalité de leur carrière, dans l’ombre de leurs illustres « cousines » (s’agissant des modèles appartenant à la même marque ou au même groupe) ou rivales.

En outre, même s’agissant des modèles ayant joui d’une grande notoriété et qui ont connu un très beau succès commercial à leur époque, tous ne peuvent, cependant, aujourd’hui, se prévaloir de la même « aura » au sein de l’univers des collectionneurs et autres amateurs de muscle cars. Certains d’entre-eux étant ainsi, en partie, tombé dans l’oubli ou ne sont connus, auprès de ces derniers, que des connaisseurs. L’une des principales raisons étant sans doute qu’ils ne furent jamais vendus neufs sur le marché européen à l’époque. A la fin des années 60 ainsi qu’au début des années 70 comme aujourd’hui, les modèles américains qui sont proposés à la vente sur le Vieux Continent (tout du moins, qui sont importés officiellement et distribués par les filiales européennes des constructeurs concernés) ne se comptent guère que sur les doigts des deux mains (voire même d’une seule).

DODGE SUPER BEE - La guêpe et le bélier.
DODGE SUPER BEE 1970

Parmi tous les nouveaux arrivants qui feront leur entrée en scène en cette fin des sixties (à tel point que la scène en question va se retrouver encombrée et que beaucoup des acteurs présents sur celle-ci vont en arriver, volontairement ou non, à se marcher sur les pieds les uns des autres), l’année-modèle 1968 sera, de son côté, marquée par celle de la Plymouth Road Runner et de la Dodge Super Bee.

La première citée a, depuis longtemps déjà, fait son entrée au panthéon des muscle cars et que tout amateur s’y connaissant un tant soit peu dans ce domaine (comme, plus généralement, en voitures américaines). Lorsque vous citez le nom de la Road Runner, sait tout de suite de quoi il est question lorsque vous citez le nom de la Road Runner, sait tout de suite de quoi il est question. Toutefois, lorsque vous citez celui de la Super Bee, à moins de connaître son sujet sur le bout des doigts, il y a de fortes chances que le visage de votre interlocuteur affiche un air assez interrogatif. Et l’on ne pourra sans doute pas vraiment lui en vouloir, car il est vrai que même au pays de l’oncle Sam, à son époque et aujourd’hui encore, elle n’a jamais véritablement figuré parmi les muscle cars préférées des Américains. Ceci, en dépit de qualités pourtant aussi grandes qu’indéniables (en particulier sur le plan des performances).

DODGE SUPER BEE - La guêpe et le bélier.
DODGE SUPER BEE 1970

Si les raisons de l’échec commercial, ou, en tout cas, du manque de succès de certains modèles sont parfois assez difficiles à cerner (tout du moins, s’agissant de la totalité des raisons en question, essentielles ou « secondaires »), dans le cas de la Dodge Super Bee, outre le fait que sa « cousine », la Plymouth Road Runner s’adressait à un public plus large et aussi plus populaire, est, justement, que la Dodge Super Bee, du fait de son positionnement sensiblement plus élevé au sein de la hiérarchie du groupe Chrysler (avec des tarifs qui le sont donc également).

Bien qu’elle soit réalisée sur la même base que la Road Runner (celle des Plymouth Satellite et Dodge Coronet, les deux muscle cars concernés s’inscrivant, comme ces dernières, dans la catégorie des modèles « medium-size », autrement dit « intermédiaire »), la Super Bee bénéficie toutefois d’un empattement sensiblement rallongé (une dizaine de centimètres en tout). Un allongement du châssis dû à la volonté, de la part de la direction du groupe, de respecter la hiérarchie établie entre ses différentes divisions. Si Plymouth, qui était (jusqu’à sa suppression en 2001) la division la plus populaire du groupe (en ce qui concerne les tarifs de ses modèles et souvent aussi s’agissant des chiffres de production de ces derniers) avait pour rôle de concurrencer les Chevrolet et Ford, Dodge, quant à elle, avait en ligne de mire les Oldsmobile, Pontiac ainsi que les Mercury.

Etant donné qu’elle était affichée à un prix sensiblement plus élevé et s’adresse à une clientèle plus bourgeoise ainsi que, souvent, plus âgée. (Le sport automobile étant toutefois un plaisir qui n’est pas véritablement réservé à une tranche d’âge en particulier. L’on peut ainsi adorer faire des runs au feu rouge le samedi soir en ayant, pourtant, déjà les cheveux grisonnants), il était donc assez logique, d’une certaine manière, que la Dodge Super Bee se voie dotée d’un gabarit un peu plus « imposant » que la Plymouth Road Runner.

Si, comme il était alors d’usage chez Chrysler (tout comme chez ses concurrents, General Motors et Ford), quasiment tous les modèles (qu’il s’agisse des muscle cars comme des modèles de tourisme « classiques ») au sein de la division la plus populaire d’un groupe automobile ait son équivalent au sein de la (ou des) marques occupant le segment de gamme « intermédiaire », dans le cas de la Super Bee, il faudra toutefois que Robert McCurry, alors directeur de la division Dodge, intervienne et en fasse expressément la demande auprès de la direction du groupe pour que celle-ci voie le jour.

C’est à l’un des stylistes du bureau d’études de Chrysler, Harvey Winn, que l’on doit le nom de Super Bee, celui-ci faisant, à la fois, référence à la guêpe (« bee » en anglais) et au caractère de la voiture, aussi rapide que piquant de l’insecte du même nom, mais aussi à la plateforme sur laquelle sont réalisés les Dodge Coronet et ainsi que les Plymouth Satellite et Road Runner, dont la dénomination est B-body. Sous le capot de la Super Bee, tout aussi imposant que sur la Road Runner figure, comme motorisation de base, un V8 de 6,27 litres (lequel entre pourtant déjà dans la catégorie des big blocks) dont la puissance se voit portée, ici, à 335 chevaux. Un moteur très apprécié à l’époque par les fans de sport et de vitesse par sa puissance ainsi que sa robustesse et que l’on retrouvera d’ailleurs sur la plupart des muscle cars des marques Dodge et Plymouth.

L’autre mécanique proposée sur la Super Bee n’étant autre que le célèbre et surpuissant V8 de 7 litres atteignant pas moins de 425 chevaux et dont la cavalerie impressionnante n’est évidemment pas pour rien dans le comportement fougueux (pour ne pas dire véritablement sauvage) de l’engin. Inutile sans doute de préciser que le prix auquel celle-ci est affichée est à la mesure des performances qu’elle promet : à un niveau véritablement stratosphérique. Ce qui explique sans doute que sa production restera des plus confidentielles : à peine 125 exemplaires, en tout et pour tout, contre 7 717 avec le V8 « d’entrée de gamme ».

Ces derniers chiffres prouvant toutefois le caractère assez « marginal » que conservera toujours la Super Bee, sur le plan commercial, au sein de la gamme Dodge ainsi qu’au sein des muscle cars du groupe Chrysler. En comparaison, Plymouth vendra, durant ce même millésime, environ 45 000 exemplaires de la Road Runner.

A l’occasion de l’année-modèle 1969, l’offre en matière de motorisations s’élargit (quelque peu) avec la possibilité d’équiper la Super Bee d’un autre des big blocks les plus légendaires du groupe Chrysler : le v8 de 7,21 litres, doté du célèbre système Six-Pack*, délivrant une puissance « confortable » de 390 chevaux.

Les puissances des différentes versions décrites ici n’étant, toutefois, que les chiffres « officiels » mentionnés par Chrysler dans ses brochures. Face aux compagnies d’assurances qui commencent (déjà) à montrer les dents (le nombre d’accidents graves, voire mortels, impliquant ce genre de voitures augmentant, parallèlement à l’augmentation de la puissance des moteurs que l’on retrouve sur celles-ci). Les calculs réalisés, à la même époque, par des ingénieurs et autres techniciens indépendants ayant, en effet, établi que les puissances réelles développées par les moteurs étaient d’environ 10 % supérieures aux chiffres mentionnés. (Ce qui donnerait ainsi, pour la version de base avec le V8 de 6,27 l, près de 370 ch ; pour celle recevant le monumental V8 Hemi de 7 l, un peu plus de 465 ch et pour le big block de 7,2 litres à quelque 430 chevaux).

Au vu de telles cavaleries, l’on comprend assez aisément que les constructeurs (Chrysler n’étant, toutefois, pas le seul à incriminer, Ford et GM faisant, eux aussi, de même) aient fortement été tentés de tricher sur les performances de leurs muscle cars. Ceci, dans l’objectif évident de tenter de sauver un marché qui représentait pour eux une véritable « poule aux oeufs d’or ». Si ce stratagème réussira au départ (comme c’était sans doute prévisible), celui-ci ne tiendra, malheureusement pour les constructeurs concernés qu’à peine un an ou deux, avant que les instances fédérales ne finissent par comprendre et découvrir le pot aux roses.

Conséquence logique (et sans doute inévitable) : après avoir connu une sorte « d’apogée » sur le plan commercial durant le millésime 1969, avec un total d’environ 27 800 exemplaires (la motorisation d’entrée de gamme de 6,27 l restant, une fois encore, la plus vendue et de loin, les versions Six-Pack et Hemi restant des plus confidentielles, surtout s’agissant de cette dernière : un peu plus de 1 900 unités pour la première et… 166 seulement pour la seconde), la « super-guêpe » de Dodge subira une dégringolade avec 15 500 exemplaires environ écoulés au cours de l’année-modèle 1970. (La flambée des prix des assurances frappant les modèles équipés des moteurs les plus puissants ayant découragé plus d’un amateur ainsi que fait s’évanouir leur envie de jouer les fous du volant à tous les coins de rue).

La Super Bee du millésime 1970 se reconnaissant à sa nouvelle face avant divisée en deux parties rectangulaires (aux angles arrondis et à la partie supérieure inclinée évoquant des « sourcils froncés » et renforçant ainsi l’agressivité du regard de cette nouvelle version), dans lesquelles sont intégrés les deux demi-calandres ainsi que la double paire de phares circulaires. S’il confère ainsi à la Dodge Super Bee un supplément de personnalité qui (il faut le reconnaître) lui manquait jusqu’ici et de ne plus être donc qu’un simple « clone » (en plus cossu) de la Plymouth Road Runner.

Si c’est bien le nouveau contexte, où le sport et la vitesse se voyaient désormais frappés d’anathème et où les nuages s’accumulaient donc de plus en plus dans le ciel pour les muscle cars, qui mettra ainsi fin, d’une manière aussi abrupte que prématurée, à la carrière de la Super Bee (qui quittera alors la scène à la fin du millésime 1970), le nouveau visage de cette dernière, qui n’avait jamais vraiment fait l’unanimité auprès du public (et qui avait même suscité des critiques assez vives de la part de certains) a probablement participé, lui aussi, à la baisse importante des ventes.

Si le nom Super Bee subsistera encore, durant l’année-modèle 1971, sur une version d’entrée de gamme de la Charger, il disparaîtra ensuite, entièrement, du catalogue à la fin de celle-ci. Il faudra ensuite attendre pas moins de 36 ans pour revoir celui-ci au sein de la gamme Dodge. En l’espèce, sur une des versions de la Charger SRT-8 de 2007.

Maxime DUBREUIL

Photos WIKIMEDIA

En vidéo https://www.youtube.com/watch?v=-mITcLXdcXY&ab_channel=MuscleCarOfTheWeek

Une autre Dodge https://www.retropassionautomobiles.fr/2023/03/dodge-challenger-la-derniere-des-grandes-mopar/

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