CHRYSLER 1957 – L’apothéose du style Exner (partie II).
La nouveauté de ce millésime dans ce domaine étant l’apparition de la nouvelle série Saratoga, laquelle vient s’intercaler entre la série Windsor d’entrée de gamme et la New Yorker. Cette dernière est alors proposée avec cinq types de carrosseries différentes, toutes à 6 places : sedan (berline) « classique » (avec montants), coupé et berline hardtops (caractérisées par l’absence de montant central entre les portières sur la berline ou entre la portière et la vitre arrière sur le coupé), convertible coupe (cabriolet donc) ainsi que le station-wagon (break), lequel reçoit l’appellation Town and Country (« ville et campagne », désignant à l’origine des modèles haut de gamme dont une partie des éléments de carrosserie étaient réalisés en bois), laquelle perdurera durant plusieurs décennies au sein de la gamme Chrysler, en achevant sa longue carrière sur une version « élitiste » du monospace Voyager).
La gamme des prix pour cette série allant de 4 175 dollars pour la sedan « classique » (qui sera la version la plus produite, avec un peu plus de 12 300 exemplaires) jusqu’à 4 746 dollars pour le station-wagon (dont un peu plus de 1 300 unités seulement sont sorties d’usine, la « palme de la rareté » revenant toutefois au cabriolet avec une production limitée à un peu plus de 1 000 exemplaires seulement). En comparaison, le modèle le moins cher de la gamme Chrysler du millésime 57, la sedan de la série Windsor est vendue au prix de 3 088 dollars, alors qu’il ne faut débourser qu’un peu plus de 2 000 dollars (2 030, précisément) pour repartir au volant d’une modeste Plymouth Plaza à six cylindres) laquelle demeurait l’un des modèles les meilleurs marchés de la production américaine de l’époque. A l’autre extrémité de l’éventail et de la gamme des modèles du groupe Chrysler, les imposantes berlines ainsi que les limousines qui en sont dérivées sont affichées, pour un grand nombre d’entre-elles, à plus de 5 300 dollars.
Par rapport aux séries Windsor et Saratoga, les modèles New Yorker se reconnaissent, extérieurement, à leur décoration latérale spécifique, laquelle se présente sous la forme d’une longue et double baguette latérale (dont la surface entre celle-ci peut être peinte, en option, de la couleur du toit) ainsi que par l’inscription « New Yorker » en lettres calligraphiées placée au bas des ailes avant, entre le passage de roue et la portière. Comme souvent (pour ne pas dire systématiquement) sur les américaines de cette époque, la liste des options disponibles au catalogue est pléthorique, à tel point que, sur les 34 620 exemplaires (très exactement) de la série New Yorker qui sont sortis des chaînes des usines du groupe Chrysler (sur un total d’un peu plus de 118 700 unités, tous modèles et séries confondues) durant l’année-modèle 1957, il n’y avait sans doute pas (ou, tout au moins, rarement) deux qui étaient totalement identiques. Une liste d’autant plus exhaustive qu’à l’exception des Imperail, les Chrysler se situaient en haut de l’échelle de la hiérarchie du groupe du même nom.
Comme mentionné précédemment, au sein de la marque (en dehors de la 300 C faisant partie de la lignée des sportives « Letter Series », inaugurée en 1955), les New Yorker bénéficiaient d’une présentation (intérieure et extérieure) ainsi que d’équipements de série nettement plus riche que sur la série Windsor d’entrée de gamme. Ainsi, les feux de recul, la direction assistée, les enjoliveurs de roues en taille et réalisés en acier inoxydable chromé, le filtre à huile ainsi que le témoin de frein à main, qui ne sont proposés qu’en option sur les modèles de la série Windsor équipent de série ceux de la série New Yorker.
Lors de la présentation des Chrysler 1957, la seule option commune sur l’ensemble des modèles de la gamme sera la paire de doubles phares. Au moment où les modèles en question sont dévoilés à la presse et au public, au début de l’automne 1956, tous sont, en effet, encore équipés d’une seule paire de phares, les voitures équipées de quatre phares étant même encore illégales à l’époque dans certains Etats américains. Si, dès cette même année, deux des principales fédérations de l’industrie automobile américaine, l’Automobile Manufacturer’s Association ainsi que l’American Association of Motor Vehicle Administrators employèrent leur influence afin de démontrer, tests à l’appui, l’efficacité et même la supériorité du dispositif à quatre phares. L’interdiction ou l’autorisation de ce système relevant encore à l’époque de la compétence des Etats, cette « légalisation » de l’éclairage à quatre phares (avec feux de croisement séparés, ne se faisant que de manière progressive et, donc, au « cas par cas », celle-ci ne s’étendant à l’ensemble des Etats américains qu’au début du mois de janvier 1958).
Si les modèles des gammes Chrysler, Plymouth et DeSoto disposèrent bien (en option) de quatre « vrais phares », ou chaque paire d’optiques était placée dans le même logement, en ce qui concerne ceux de la gamme Dodge, par contre, les phares placés du côté « interne » de la face avant de la voiture étaient assimilés à des feux de position. En dehors de quelques exceptions notables, notamment parmi les modèles les plus populaires proposés à l’époque sur le marché américain (à l’image de la Studebaker Lark) qui demeurent fidèles à la simple paire de phares « classiques », la grande majorité de la production de Detroit se convertira, assez rapidement, aux quatre phares.
Réalisant, à la fois assez rapidement après la présentation des nouveaux modèles « Forward Look » créés par Exner, mais aussi un peu tardivement par rapport au groupe au pentastar que cette nouvelle face avant à doubles optiques indiquait la voie à suivre, d’autres constructeurs tenteront, à leur tour, de « prendre le train en marche » en adaptant, en cours de millésime, la face avant de leurs modèles déjà existants (qui, pourtant, n’avaient, souvent, pas du tout été conçus à cet effet) à la nouvelle mode des quatre phares. Avec (sans grande surprise) des résultats souvent assez maladroits, comme sur les Mercury du même millésime. Si les versions à quatre phares représenteront, néanmoins, quasiment un tiers des ventes de la marque (Mercury occupant, pour rappel, la place de division de gamme « intermédiaire » du groupe Ford), il est probable que ces bons chiffres de vente sont aussi (ou avant tout) à mettre au crédit de l’effet nouveauté.
Même s’il est vrai (pour être tout à fait objectif) qu’en matière de style « tarabiscoté », certaines des créations d’Exner qui seront commercialisées au sein des gammes du groupe Chrysler à la toute fin des années 50 n’auront rien à envier et surpasseront même, sur de nombreux points, celles de Ford et General Motors. Parmi les autres constructeurs à suivre le mouvement figurent aussi Nash. (A la différence des autres marques, dont les modèles conservaient les phares horizontaux, les ultimes Nash de leur côté, recevront des phares verticaux). (1957 sera toutefois le dernier millésime de production pour cette marque, laquelle avait fusionné avec Hudson trois ans plus tôt pour former le groupe American Motors. Le nom des deux marques disparaissant alors au profit de celui de Rambler). Au sein de la production de la GM, la première à avoir inauguré les doubles phares sera la très élitiste Cadillac Eldorado Brougham (laquelle, avec son prix de vente atteignant la barre des 13 000 dollars, ravira à la Continental Mark II le titre de voiture la plus chère de la production américaine), l’ensemble de la gamme en bénéficiera également dès le millésime suivant.
Pour en revenir à la mécanique, son imposante cylindrée de 64 litres en fait sans doute le plus gros moteur monté à l’époque sur une voiture de série (même si les constructeurs de Detroit feront encore « mieux » par la suite). Les V8 Chrysler de l’époque se caractérisent par leur culasse à chambres de combustion hémisphériques, que l’on retrouve sur tous les moteurs 8 cylindres en V depuis le premier d’entre-eux, le Firepower apparu lors de la présentation des modèles du millésime 1951*. Celui-ci remplaçant avantageusement l’ancien huit cylindres en ligne à soupapes latérales, faisant ainsi de la Chrysler Corporation le deuxième des grands groupes automobiles de Detroit à adopter la technique de la distribution à soupapes en tête, offrant un rendement nettement meilleur en terme de puissance et de couple. Ford, pour sa part, ne s’y convertira toutefois qu’en 1954. (Seuls les constructeurs indépendants comme Hudson et Packard demeurant alors encore fidèles au principe des soupapes latérales, devenu pourtant anachronique, faute de moyens suffisants pour développer et produire en série des motorisations entièrement nouvelles).
Si les chambres de combustion hémisphériques du haut moteur (la culasse donc) constituaient bien un progrès très net par rapport aux anciens moteurs à culasses plates qui étaient auparavant montés sur les modèles du groupe, contrairement à ce qui avait été souvent vanté par Chrysler dans ses campagnes publicitaires, celles-ci ne représentaient toutefois pas la solution idéale pour assurer un rendement optimal, ce dont les ingénieurs de Chrysler ont sans doute fini par se rendre compte et qui constitue l’une des principales raisons pour lesquelles le constructeur décidera d’en arrêter la production à la fin du millésime 1958. (Même si une nouvelle et seconde génération verra le jour en 1964, laquelle sera produite jusqu’en 1971, équipant notamment les versions les plus puissantes des muscle cars du groupe (à l’image des Dodge Charger et Challenger ainsi que des Plymouth Barracuda et Road Runner).
Au sein de la gamme Chrysler de l’année-modèle 1957, les Chrysler New Yorker en bénéficient en exclusivité, confirmant par là-même son statut de « motorisation de haut niveau » et donc de haut de gamme, les modèles de la marque Imperail étant d’ailleurs les seuls autres au sein du groupe à en bénéficier. S’ils développent 325 ch sur les New Yorker, celui atteint toutefois entre 375 et 390 chevaux (suivant les versions) sur la 300 C, grâce au montage d’un arbre à cames spécial, de poussoirs mécaniques, d’une ligne d’échappement ainsi qu’un rapport volumétrique augmenté (passant ainsi de 9,25 à 1 sur les New Yorker à 10 à 1 sur les 300 C). Etant donné sa vocation sportive (d’autant que cette version à hautes performances est aussi destinée à courir en compétition, au sein du championnat NASCAR), la boîte de vitesses qui l’équipe n’est pas la Torque Flite mais une boîte mécanique à trois rapports. Autre différence notable, sur le plan technique, par rapport à la série New Yorker, la 300-C est dépourvue d’assistance de direction et le pont arrière bénéficiait, quant à lui, d’un différentiel autobloquant.
Pour en revenir aux équipements disponibles sur la New Yorker, en plus de ceux montés en série, la liste des options (comme l’on est en droit de l’attendre sur une américaine), a fortiori de haut de gamme, de l’époque) est résolument pléthorique : air conditionné (dont le système mis au point par Chrysler reçoit l’appellation « Air-Temp », assistance de frein, lève-vitres électriques, pneus à flanc blanc, banquette avant à réglage électrique, support de plaque minéralogique chromé à l’arrière, différents modèles d’autoradio (à touches ou équipées de manettes rotatives, permettant, à la fois, de capter les ondes longues et moyennes), dont certaines dotés d’un lecteur de disques 33 tours ; hauts parleurs installés à l’arrière (ces dernières restant toutefois, curieusement, manuelles), plusieurs systèmes de chauffages (proposés en complément ou en remplacement de la climatisation, dont certains conçus spécialement pour les Etats du nord des Etats-Unis ainsi que le Canada, où les hivers sont souvent rudes. Le système de climatisation Air-Temp, de son côté, ayant été conçu afin de permettre aux occupants de supporter les chaleurs, souvent très fortes, là aussi dans les Etats du Sud, dégivrage de la lunette arrière, carrosserie peinte en deux tons, vitres teintées, différentiel à glissement limité ainsi que les rétroviseurs extérieurs, soit uniquement du côté conducteur ou également du côté passager.
(Si cela ne manque sans doute pas d’étonner aujourd’hui et si, de nos jours, plus aucun constructeur n’aurait sans doute l’idée, complètement incongrue, d’inclure les rétroviseurs dans la liste des options, dans les années 50, cela restait encore toutefois assez courant, aussi bien au sein de la production américaine qu’européenne. Sur les deux continents, aussi bien dans les centre-villes et les grands axes de circulation que sur les routes de campagne, la circulation était alors à cent lieues de ce qu’elle est aujourd’hui. Ce qui explique aisément que s’ils font désormais partie des équipements de sécurité indispensable et obligatoires sur n’importe quelle voiture, en cette seconde moitié des fifties, ils n’apparaissent pas comme indispensables à certains acheteurs).
Les versions Town and Country (Station-Wagon donc) des séries Windsor et New Yorker étaient l’option des pneumatiques Captive-Air développés spécialement pour Chrysler par la firme Goodyear. Ceux-ci se distinguent des pneus classiques montés sur les voitures de l’époque par les deux chambres à air superposées (chacune de diamètre différent). Le choix de cette option par le client entraînant toutefois (assez logiquement) la suppression de la roue de secours et du cric.
Si, sur le plan commercial, le nouveau « Forward Look » développé par Virgil Exner se révélera un pari largement gagnant, avec un peu plus de 118 700 exemplaires vendus durant l’année 1957 (année civile), tous modèles et séries confondues (même si cela reste en deçà des 176 000 unités produites en 1955, lors de la première année de production de la première génération des Chrysler créées par Exner, le fameux « The Million Dollar Look »*, qui restera également la meilleure année de production de la marque Chrysler durant cette décennie), il n’en sera, en revanche, pas vraiment de même sur le plan social.
Les ouvriers travaillant sur les chaînes d’assemblage affectées aux modèles de la gamme Chrysler se retrouveront bientôt, en quelque sorte, victimes de ce succès. Les travailleurs se voyant alors obligés, non seulement, d’augmenter leurs cadences de travail mais, parfois même, aussi de faire des heures supplémentaires (qui n’ont, probablement, pas toujours été complètement payées). Avec pour conséquence que dès le mois de février 1957, la grogne s’installe et gagne rapidement la grande majorité des usines du groupe (à Detroit comme ailleurs), avec plusieurs grèves annoncées à l’avance (et donc couvertes par les syndicats, notamment l’United Automobile Workers (qui est alors l’un des plus importants syndicats de travailleurs), de nombreux cas de grèves sauvages se produiront sur les différents sites de production de Chrysler, non seulement en 1957 mais également durant une grande partie de l’année suivante.
Ceci, sans compter la récession économique qui survient en août 1957 et qui affectera fortement l’industrie automobile dans son ensemble, notamment en ce qui concerne la production des modèles full-size, laquelle, dans l’ensemble, chutera d’environ 30 % au sein de l’ensemble des constructeurs (à une ou deux exceptions notables). Pour le groupe Chrysler, la chute sera dure et concernera l’ensemble de ses divisions : Dodge voyant ainsi ses ventes passées d’environ 293 000 exemplaires (en arrondissant les chiffres) à 114 000 seulement l’année suivante, DeSoto de 117 000 à 36 700 (ce qui en fera le score le plus bas obtenu cette année-là par les différentes marques produites par Chrysler). Même la division la plus populaire du groupe, Plymouth, qui occupait, en 1957, la troisième place des constructeurs américains derrière Chevrolet et Ford, avec un total de 655 000 voitures produites cette année-là, n’y échappera pas non plus, en voyant ainsi ses ventes chuter de près de moitié en 1958, n’atteignant alors plus que 366 000 exemplaires, toutes séries et modèles confondus.
Pour la marque Chrysler, la chute sera à peine moins douloureuse que pour DeSoto, avec une production passant d’un peu plus de 118 700 unités en 1957 à seulement 49 500 un an plus tard. Contrairement à cette dernière, la « division-mère » et éponyme du troisième grand groupe de Detroit (sans doute parce que, quelque soit la faiblesse du niveau de ses ventes, il était quasiment impensable, pour des raisons assez évidentes de préservation de l’image du groupe, d’envisager de supprimer la marque Chrysler) survivra toutefois au passage dans les années 60.
Contrairement aux autres divisions du groupe, DeSoto ne se remettra, en effet, pas de la récession qui secouera l’Amérique à la fin des années 50 et à retrouver les faveurs du public, lequel même (voire surtout) en ces temps devenus plus difficiles, se montre souvent assez versatile et délaisse ainsi une marque pour une autre au gré de ses envies. La direction du groupe Chrysler prenant finalement la décision de cesser la production des derniers modèles à porter le nom de la marque DeSoto en novembre 1960, celle-ci disparaissant alors définitivement du paysage automobile américain.
Si cette récession peut sans doute bien être considérée comme la principale cause de la chute des ventes de Chrysler, un autre facteur à mettre en cause est sans doute aussi les problèmes de qualité, souvent aussi importants que nombreux, qui affecteront la production de la grande majorité de ses modèles durant les années-modèles 1957 et 58. Des problèmes ayant, évidemment, pour origines principales, l’augmentation importante des cadences de production ainsi que le mécontentement et les grèves que celle-ci engendrera au sein des usines du groupe. Les postes des ouvriers chargés du contrôle de qualité aux différents stades de la production ainsi que ceux en charge du contrôle final en fin de chaîne d’assemblage étant, en effet, parmi les premiers affectés par ces mouvements de grève (qu’ils soient annoncés ou spontanés).
Sans compter que les dirigeants du groupe, eux-mêmes, sans doute, en quelque sorte) « grisés » par le succès commercial remporté par les deux générations successives des modèles créés par Exnr, décidera, dans sa « quête » du bénéfice maximal de rogner sur la qualité des matériaux employés pour la production des modèles des différentes divisions de celui-ci (c’est-à-dire l’acier, les tissus, les peintures, etc). Avec pour conséquence que, dans un grand nombre de cas, la corrosion commencera à faire son apparition, à différents endroits de la carrosserie sur les voitures quelques mois seulement après leur sortie d’usine. Le bas du pare-brise ainsi que de la lunette arrière se révélant parmi les endroits les plus vulnérables à la rouille, à tel point que celle-ci finissait assez rapidement par ronger complètement les tôles, lesquelles tombaient, alors, littéralement, en miettes sur le plancher de l’habitacle, aux pieds du conducteur et des passagers assis à ses côtés, à l’avant et, à l’arrière, sur celui du coffre. Ce qui obligera alors le constructeur à faire étudier et à commercialiser, quasiment en catastrophe, une série de kits permettant d’évacuer l’eau issue des intempéries par les passages de roues.
Les fausses et mauvaises économies ne concernant d’ailleurs pas que les parties carrosserie et habitacle mais aussi celles du compartiment moteur et du châssis, avec, là aussi, comme conséquences assez prévisibles et sans doute inévitables (même si ce n’était, dans certains cas, qu’à moyen ou long terme) des problèmes sur le bon fonctionnement des organes mécaniques ainsi que du comportement routier. Un exemple assez illustratif étant celui des caches-poussière placés aux extrémités des barres de torsion, qui, après avoir été supprimés sur les modèles du millésime 1957, durent finalement être montés à nouveau alors de la sortie des Chrysler de l’année-modèle 58. Le constructeur ayant, en effet, réalisé, bien qu’un peu tard, que leur absence entraînait la corrosion (très) rapide des barres, lesquelles, après seulement quelques milliers de kilomètres, finissaient, purement et simplement par se rompre. (Avec les résultats que l’on peut, sans mal, deviner, surtout si la rupture des barres se produit lorsque la voiture roule à haute vitesse).
Si la clientèle « populaire » qui devait se contenter d’une modeste Plymouth n’était guère en mesure (au vu de ses moyens financiers assez limités et même si elle représentait une grande partie de la clientèle du groupe) de (trop) se plaindre auprès des concessionnaires et, encore moins, directement, auprès du constructeur lui-même, de la qualité de fabrication assez médiocre des voitures qui leur avaient été vendues, il n’en était, par contre, pas vraiment de même en ce qui concerne celle de la marque Chrysler. Au vu des prix de vente, nettement supérieurs, des modèles proposés par cette dernière, le poids que pesait la clientèle dans la balance était sans doute bien supérieur et ce dont celle-ci avait probablement bien conscience, car une grande partie d’entre-elle ne se priva pas de taper du point sur la table et de faire savoir leur mécontentement profond aux représentants de Chrysler.
Si, dans le courant de l’année-modèle 1959, le groupe était, en quelque sorte et sur ce plan « sorti de l’ornière », avec une qualité des matériaux employés comme de l’assemblage ainsi que des contrôles de qualité qui étaient finalement revenus à la normale, la Chrysler Corporation n’en sortit, évidemment, pas indemne et mettra ainsi encore plusieurs années pour parvenir à faire publier au public ces « années noires » que furent, dans ce domaine, les années-modèles 1957 et 58.
A l’aube de cette nouvelle décennie, (celle des années 60), de grands bouleversements s’annoncent, pour Chrysler comme pour l’Amérique ainsi que l’industrie automobile à Detroit. Lassé ou dérouté par le style toujours plus extravagant, voir « tarabiscoté » des voitures produites à la fin des années 50, le public réclame désormais un retour vers plus de sobriété mais Exner, qui reste attaché aux ailerons et aux lignes baroques issues des modèles du Forward Look, refuse de l’entendre ainsi. Les conséquences de ce refus d’une évolution pourtant nécessaire se faisant assez rapidement sentir au niveau des ventes, ce dernier est alors progressivement poussé vers la sortie, perdant ainsi sa place de responsable du design au sein du groupe Chrysler au profit d’Elwood Engel (qui travaillait auparavant au bureau d’études de Ford et à qui l’on doit, entre autres, la nouvelle génération de la Lincoln Continental présentée en 1961 et rendue tristement célèbre par l’assassinat de Kennedy).
Même si Exner conservera un poste de consultant auprès de Chrysler jusqu’en 1964, le troisième constructeur automobile américain a clairement décidé de tourner la page de « l’ère Exner ». Ce dernier décide alors de se mettre à son compte et travaillera alors (entre autres nombreux projets, y compris en dehors du domaine de l’automobile) sur une série de tentatives de résurrection de grandes marques américaines disparues (comme Duesenberg) mais dont seule celle consacrée à Stutz connaîtra une suite en série, jusqu’à son décès à la fin de l’année 1973 (trois jours à peine avant Noël).
Maxime DUBREUIL
Photos Wikimedia et RM SOTHEBYS
En vidéo https://www.youtube.com/watch?v=PsvU-8Hzu5I&t=1s&ab_channel=LouCostabile
L’épisode 1 https://www.retropassionautomobiles.fr/2023/08/chrysler-1957-lapotheose-du-style-exner/