ROVER P5 - Drakkar anglo-américain.

ROVER P5 – Drakkar anglo-américain.

ROVER P5 - Drakkar anglo-américain.

Si la prospérité commerciale que connaît le constructeur britannique Rover au lendemain de la Seconde Guerre mondiale est due, en grande partie, au succès commercial fort important que connaît alors le Land Rover, la marque au drakkar est toutefois un acteur incontournable sur le segment des berlines haut de gamme de taille intermédiaire.

Si la concurrence y est alors assez rude, avec des rivales comme la Humber Super Snipe, la Princess Vanden Plas ainsi que la Jaguar 2,4 litres*, la berline Rover P4 va rapidement parvenir à s’y faire une place assez enviable. Si la silhouette de la P4 (dont Rover a décidé de faire, lors de son lancement en 1949*, le seul et unique modèle de sa gamme de tourisme, adoptant ainsi une politique commerciale quasiment inédite dans l’histoire de l’industrie automobile britannique) a apporté un vent de modernité bienvenue dans le paysage automobile britannique, avec sa ligne « ponton intégrale » ayant puisé son inspiration au sein des américaines contemporaines (en particulier de la Studebaker Champion de 1947, créée par Raymond Loewy et Virgil Exner), laquelle tranchait radicalement avec les caisses hautes et étroites à l’allure plutôt guindée conservant encore l’empreinte des modèles d’avant-guerre.

A la fin des années 1950, si celle-ci connaît toujours un succès fort appréciable auprès du public, il n’en reste pas moins qu’elle vient à présent d’atteindre les dix ans de carrière au compteur et que même selon les goûts du public ainsi que le jugement des journalistes de la presse automobile britannique, elle commence quelque peu à avouer ses rides. Cela, le bureau d’études de la firme de Solihull ainsi que le directeur général de cette dernière, Maurice Wilks, en ont bien conscience et n’ont d’ailleurs pas attendu que la carrière commerciale de la P4 commence à amorcer son déclin pour mettre en chantier l’étude d’une remplaçante, qui commence même dès 1952 (alors que, pour rappel, la P4 vient d’être présentée à peine trois ans plus tôt, ce qui, outre le fait de refléter la prévoyance, le sens de l’organisation ainsi que le pragmatisme, qui représentait autant de qualités que l’on prête, souvent à juste titre au tempérament des Britanniques, reflétait aussi, probablement, que Wilks et les membres de son état-major avaient probablement conscience ou présageaient que le style de la P4 pourrait vieillir assez vite).

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Si le projet initial était de créer un modèle destiné à succéder directement à la P4 et à être donc proposée, à l’image de cette dernière, dans une gamme assez large de motorisations ainsi que de niveaux de finitions, mais dont la carrosserie présentera des lignes plus modernes ainsi qu’une habitabilité améliorée (l’un des défauts qui fut reproché par beaucoup à la P4 étant de se montrer un peu trop mesurée en largeur). Les cadres de l’usine font toutefois rapidement remarquée à la direction qu’au vu des capacités de production assez limitée du site de Solihull, ceux-ci ne pourront sans doute atteindre un seuil de rentabilité suffisante avec une berline « populaire » destinée à un large public (tout du moins s’agissant des versions d’entrée de gamme à quatre cylindres). Il est alors décidé de tirer le projet de la remplaçante de la P4 vers le haut et de la faire donc monter d’un (gros) cran dans la hiérarchie des modèles de la production britannique.

Celle qui se verra donc baptisée (assez logiquement) de la dénomination P5 s’inscrivant désormais dans la catégorie 3 litres*, un segment où la concurrence est, toutefois, là aussi fort rude. Souhaitant conférer à la nouvelle berline Rover une allure à la fois plus moderne et agressive, Rover décide alors de faire appel à celui qui est sans doute alors (en dehors de Touring) le plus réputé des carrossiers italiens : Pininfarina (l’Italie étant considérée à l’époque comme la référence dans le domaine du design automobile en Europe). Deux châssis de la P4 sont alors livrés aux ateliers du carrossier, à Turin, lesquels seront habillés l’un en coupé et l’autre en cabriolet. C’est en partant du travail réalisé par le carrossier turinois que seront tracées les lignes de la nouvelle berline P5 de série. Une mission qui est confiée à un jeune styliste, alors âgé d’un peu plus de trente ans à peine, qui vient d’intégrer le bureau d’études de Rover : David Bache.

Si les dirigeants de la marque au drakkar accordent, évidemment, une attention toute particulière à l’esthétique de la nouvelle P5, la partie technique n’est pas, pour autant, oubliée. Bien qu’il confère une grande robustesse ainsi qu’une rigidité optimale à la Rover P4, le châssis à caissons de cette dernière présente toutefois l’inconvénient d’être également assez lourd. Gordon Bashford et Robert Boyle, les principaux ingénieurs du bureau d’études, décident d’opter pour une structure monocoque, toute aussi rigide, tout en étant bien plus légère. Si celle-ci supportera l’ensemble des éléments de la carrosserie, comme sur sa devancière, le moteur ainsi que la boîte de vitesses restent, quant à eux, fixés sur une structure indépendante (ce que l’on appelle, dans le jargon, un faux-châssis).

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Concernant la motorisation destinée à équiper la nouvelle P5, si les hommes du bureau d’études avaient d’abord songé à un nouveau moteur totalement inédit à six cylindres en V. (Une disposition alors assez avant-gardiste à une époque, où, sur les moteurs à 6 cylindres, celles-ci sont toujours disposées en ligne. Lancia est alors le seul constructeur européen à produire un V6 en série, que l’on retrouve sur les modèles de la série Flaminia, les autres équipant alors uniquement des voitures de course. L’on peut d’ailleurs émettre l’hypothèse, assez plausible, que ce soit le V6 Lancia qui ait inspiré les ingénieurs de Solihull, d’autant que la future P5 s’inscrivant sur le même segment que la Flaminia).

Malheureusement pour Rover, ce V6 inédit va rapidement s’avérer d’une fiabilité assez aléatoire, tant et si bien que les ingénieurs de Rover finissant par jeter l’éponge et doivent alors se résoudre (tout au moins, dans un premier temps) à prolonger la carrière du 6 cylindres en ligne déjà utilisé sur les versions haut de gamme de la P4 ainsi que sur la devancière de cette dernière, la P3 et dont les origines remontent à 1938. D’une architecture très classique avec sa distribution « semi-culbutée » (avec les soupapes d’admission en tête et celles d’échappement en position latérale), celui-ci, à l’occasion de son montage sous le capot de la P5, voit sa cylindrée passée de 2 638 à 2 995 cc (d’où l’appellation « 3 Litre » sous laquelle elle sera commercialisée, puisque sa nouvelle cylindrée fait, officiellement, entrer dans cette catégorie), même si cela n’en fait pas, pour autant, un foudre de guerre puisque sa puissance reste limitée à 115 chevaux.

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En ce qui concerne les suspensions, celles-ci aussi constituent un savant mélange de classicisme et de modernisme. On retrouve ainsi, à l’avant, des triangles superposés, combinés à des ressorts hélicoïdaux et une série de cinq lames placées en position longitudinale. A l’arrière, l’on reste plus encore dans la plus parfaite orthodoxie sur le plan mécanique, avec un pont tout ce qu’il y a de plus rigide ainsi que des ressorts à lames semi-elliptiques (les ingénieurs avaient bien étudié un train arrière indépendante de type McPherson mais celui-ci sera finalement abandonné, probablement pour des raisons de coûts*, même si on le retrouvera plus tard sur la P6 qui sera dévoilée en 1963).

C’est à l’occasion du Salon automobile de Londres qui ouvre ses portes en octobre 1958 que la nouvelle P5 3 Litre est présentée au public, n’étant proposée, à son lancement, que sous la forme d’une classique berline (« Saloon », pour reprendre l’appellation du catalogue Rover). Outre cette dernière, David Bache avait également imaginé une berline hard-top (sans le pilier central entre les portières donc), sans doute inspiré des modèles similaires produits par les constructeurs à l’époque. Celle-ci se différenciant également de la berline « classique » par son pavillon de toit abaissé de 5 cm et sa lunette arrière très inclinée. Si cette version (qui recevra l’appellation « Coup », bien qu’elle reste équipée de quatre portes, comme sur la « Saloon » originelle) verra finalement bien le jour, il faudra toutefois attendre encore quatre ans, jusqu’en 1962, pour que le « Coupé » P5 fasse son apparition au catalogue Rover. Si la version de série reprendra bien le concept du pavillon surbaissé et de la lunette arrière incurvée, elle conservera toutefois des portières classiques (avec montants), là encore, car les renforts qui auraient alors dû être rajoutés (si la P5 Coupé avait donc été produite sous la forme d’une berline hard-top) afin de conserver à la structure sa rigidité auraient des coûts de production trop importants.

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L’entrée en scène de la nouvelle P5 n’a, toutefois, pas pour effet immédiat le retrait de la devancière, la P4, laquelle reste, en effet, en production jusqu’en 1964. (Même si à l’arrière de la nouvelle venue entraîne, assez logiquement et inévitablement, la réduction de la gamme de la P4). En ce qui concerne l’aménagement de son habitacle, la P5 3 Litre n’a rien à envier aux versions les plus cossues de l’ancienne Rover P4 et fait, à l’image de ces dernières, largement honneur à la tradition britannique en matière de qualité de finition, n’ayant ainsi rien à envier à celui d’une Jaguar (dans ce domaine et au sein des voitures britanniques de l’époque, il n’avait guère, sans doute, que Rolls-Royce et Bentley pour faire encore mieux). On retrouve ainsi, aussi bien sur les sièges avant et la banquette arrière que sur les contre-portes, le magnifique cuir Connolly, sans compter la moquette aussi épaisse et meilleure qu’un tapis persan. Quant au nuancier (pour l’habillage intérieur comme pour la carrosserie), le client n’a que l’embarras du choix (un certain nombre d’entre-elles pouvant d’ailleurs être combinées afin d’offrir ainsi un habillage en deux tons.

S’il n’y a donc, pour l’heure, en tout cas, qu’une seule motorisation disponible, le client se voit toutefois offrir le choix entre trois types de transmissions différentes : outre la boîte manuelle montée en série (qui ne comporte, il est vrai, que trois rapports mais qui peut toutefois recevoir également un overdrive Laycock de Normanville, fournissant ainsi un quatrième rapport assez bienvenu pour soulager la mécanique à hauts régimes, la P5 peut aussi se voir équipée d’une transmission automatique d’origine Borg Warner. (Si sa devancière, la P4, avait bien été équipée, durant une brève période, d’une transmission automatique « maison » baptisée « Roverdrive », le manque de fiabilité flagrante de cette dernière aura pour conséquence qu’elle sera rapidement abandonnée. Poursuivant sa politique du modèle unique initiée avec la P4, Rover veille, évidemment, à peaufiner sa nouvelle P5 au fil des ans.

L’une des premières évolutions significatives que connaîtra la berline Rover sera le montage de freins à disques Girling sur les roues avant. A la même époque, elle peut également recevoir une direction assistée (beaucoup plus direct et précis que le système à recirculation de billes monté en série). Un autre point ayant fait l’objet d’une amélioration notable est l’insonorisation, que certains journalistes de la presse auto avaient jugé insuffisante lorsqu’ils avaient eu la possibilité de tester la voiture lors de son lancement). C’est toutefois avec l’année-modèle 1961 que la P5 reçoit sa première vraie série d’évolution (le modèle recevant, à cette occasion, l’appellation Mark I A). Sur les portières avant, de nouveaux déflecteurs orientables en verre (qui remplace les anciennes vitrines fixes en plexiglas montées sur la version originelle). A l’intérieur de l’habitacle, l’aspect esthétique de la sellerie est, lui aussi, revu et amélioré, d’autres détails concernant la présentation et l’ergonomie intérieure (à l’usage des commandes de ventilation) sont également redessinés.

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Si elle n’a donc rien à envier à ses rivales nationales (au premier rang desquelles figure la Jaguar Mark II), il y a, en revanche, un point important sur lequel la Rover P5 ne peut véritablement soutenir la comparaison : celui des performances. Sa cylindrée à beau atteindre, à présent, la barre des trois litres, ses 115 chevaux ne lui permettent guère d’atteindre que les 150 km/h en vitesses de pointe (il est vrai aussi que, sur la balance, la Rover n’est pas vraiment non plus ce que l’on pouvait appeler une ballerine). Face à des rivales comme les Jaguar, la berline au drakkar souffre donc, assez fortement, de la comparaison. Ce n’est pourtant pas faute, de la part des ingénieurs de Solihull, de tenter de lui apporter un supplément d’énergie, notamment avec le montage d’un nouveau collecteur d’admission ainsi que plusieurs carburateurs, mais avec des résultats qui restent toutefois peu convaincants.

La direction de Rover décide alors de faire appel à un autre ingénieur dont le talent est déjà largement reconnu puisqu’il a, entre autres, oeuvré sur un moteur qui est considéré (et à juste titre) comme l’un des meilleurs six cylindres en ligne de l’époque : le célèbre XK de chez Jaguar. Autant dire que ce dernier, qui a pour nom Harry Weslake, apparaît alors comme l’homme de la situation pour parvenir à donner un nouveau souffle au vieux six cylindres Rover. Un objectif auquel il parviendra assez brillamment, ceci, grâce au montage d’une nouvelle culasse permettant ainsi de faire grimper la puissance à 134 chevaux et la vitesse de pointe de 170 km/h.

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Rebaptisée Mark II A à l’automne 1962. Commercialisé au même moment, le « Coupé » (à quatre portes, rappelons-le) se veut encore plus cossu que la berline originelle et se voit d’ailleurs équipé d’un compte-tours et d’un manomètre de pression d’huile (auxquels n’avait pas eu droit cette dernière, tout du moins en série) ainsi que la direction assistée (laquelle n’est disponible qu’en option sur la « Saloon »). Si une nouvelle version, recevant l’appellation Mark II B prend la relève en 1963, elle ne s’en distingue, toutefois, que par des modifications qui restent, dans l’ensemble assez mineures. Il ne sera d’ailleurs de même avec la Mark II C qui lui succède lors de la présentation des modèles du millésime 1964. Cette dernière ne connaîtra d’ailleurs, elle-même, qu’une existence assez éphémère, puisqu’elle sera, à son tour, par celle qui sera sans doute, sur certains points, la version la plus aboutie de la Rover P5 : la Mark III. Si elle reçoit, elle aussi, à l’image de ses devancières, une série de retouches esthétiques (aussi bien en ce qui concerne la présentation intérieure qu’extérieure), le changement le plus important se situe, toutefois, au niveau de la transmission, avec une nouvelle boîte automatique, toujours fournie par Borg Warner mais qui se montre, cependant, plus réactive que la version précédente.

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S’il est vrai, comme mentionné plus haut, que, grâce au travail des hommes de Rover, la P5 Mark III peut certainement revendiquer des progrès non négligeables (et même assez importants) par rapport à la version originelle présentée sept ans plus tôt, il reste, toutefois, un point important sur lequel elle pèche assez fortement : son moteur. Si celui-ci représente sans doute la seule véritable ombre au tableau, d’un modèle qui peut certainement se vanter d’être l’un des meilleurs de sa catégorie (en particulier l’habitabilité et le confort et non pas uniquement sur le marché britannique), il n’en reste pas moins que cette ombre en question semble prendre de plus en plus de place au fil du temps. D’autant qu’au sein de sa catégorie figurent de nombreux modèles de référence, lesquels, à l’image des Jaguar, a su parfaitement allier les performances au confort. C’est pourquoi les « gentlemen drivers », qui composent une grande partie de la clientèle de ce genre de modèles et dont les attentes ainsi que les exigences sont à la mesure du montant de la somme qu’ils sont prêts à débourser pour l’achat de leur nouvelle « monture », réclament bientôt (et de manière de plus en plus insistance) un supplément de cavalerie, nécessaire à leurs yeux si la P5 veut pouvoir continuer à tenir sa place sur ce marché où la concurrence est rude.

Si Maurice Wilks ainsi que les autres membres de la direction de Rover n’ont d’ailleurs pas attendu ses réclamations pour prendre conscience que le six cylindres était clairement arrivé en bout de développement, ce dont elle a aussi bien conscience est que la conception et, surtout, la mise en production d’un moteur entièrement nouveau représenteraient un coût très, voire même trop, important par rapport aux ventes que la marque peut espérer atteindre (même avec une nouvelle version dont les performances seraient nettement supérieures aux précédentes). Sans compter que la P5 n’est maintenant plus un modèle vraiment tout jeune, puisqu’il faut rappeler qu’elle a été commercialisée en 1958. C’est pourquoi d’aucuns, aussi bien au sein du bureau d’études que de l’état-major de Rover, estiment que, quitte à risquer de mettre à sec les finances de la firme de Solihull, en se décidant à produire une motorisation conçue en partant d’une feuille blanche, autant réservée celle-ci à un nouveau modèle qui viendrait alors prendre la succession de la P5.

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C’est la visite de William Martin-Hurst, le directeur commercial de la marque, aux Etats-Unis, chez le fabricant de moteurs Mercury Marine (la filiale nautique du groupe General Motors) qui va apporter, de manière inattendue mais bien concrète, la solution à leur problème. Au cours de sa visite, ce dernier y découvre le moteur portant la dénomination « X100 », un V8 de 3,5 litres conçu, à l’origine, à destination des modèles de la gamme Medium Size proposés à l’époque par la GM. Après avoir été monté, durant plusieurs années, sur les Buick Skylark, Oldsmobile F85 et Pontiac Tempest, sa production vient toutefois d’être arrêtée, car la direction de la GM a, en effet, décidé de le remplacer par un nouveau V6 plus économique à produire. Hurst décide alors (avec l’avale de la direction de Solihull) de négocier auprès des Américains l’achat de la licence de fabrication du V8 X100.

Celui-ci présentant un grand nombre d’avantages aux yeux des dirigeants de la firme au drakkar : robuste et fiable (comme le sont d’ailleurs la grande majorité des moteurs produits par les constructeurs américains), il se montre également compacte et léger car étant construit entièrement en aluminium. Le directeur commercial de Rover se montrant d’autant plus satisfait de cette acquisition qu’il a déjà probablement en tête que ce V8 américain pourrait aussi très bien convenir, non seulement, à une version haut de gamme de la nouvelle P6 (laquelle, à son lancement, n’est encore motorisée que par un quatre cylindres de deux litres) mais également pour permettre d’enfin mener à bien le projet d’un tout-terrain haut de gamme depuis longtemps déjà à l’étude mais qui n’avait jamais pu aboutir jusqu’ici (entre autres, faute, pour le constructeur, de disposer d’une mécanique adéquate). Ce tout-terrain en question, inspiré des premiers SUV américains, n’étant autre que le Range Rover, qui sera finalement dévoilé au public en 1970.

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C’est un ancien ingénieur de Buick, Joe Turley, que William Martin-Hurst a spécialement débauché pour superviser la greffe du V8 dans le compartiment moteur de la P5 ainsi que son adaptation aux normes du marché britannique. Par rapport à ses versions américaines, où il se voyait alors, le plus souvent, équipé d’un carburateur Rochester, le « nouveau » V8 Rover (ex-Buick) est désormais alimenté par deux carburateurs (comme cela avait déjà été le cas, précédemment, sur le 6 cylindres Rover des P4 et P5). Le système d’allumage AC-Delco d’origine se voyant, lui aussi, remplacé au « profit » d’un système d’origine Lucas. (Si celui-ci est alors presque incontournable sur une grande partie de la production anglaise de l’époque, il n’en était pas moins connu pour sa fiabilité souvent assez problématique. D’aucuns l’ayant d’ailleurs surnommé, pour cette raison, « le prince des ténèbres »). Dans sa configuration que l’on retrouve sur la Rover P5, il développe 160 chevaux (soit vingt-six de plus que le six cylindres « maison » dans son ultime évolution.

Recevant la dénomination P5B (le « B » faisant référence à la firme Buick pour laquelle il fut conçu à l’origine), celle qui sera la première Rover à moteur V8 se différencie, extérieurement, de l’ancienne Mark III par ses jantes Rostyle (que l’on retrouvera également sur plusieurs autres sportives anglaises de la fin des années 60 et du début des années 70, à l’image de la Triumph TR5 et de la MG B GT V8), sa paire de phares additionnels (placés sous ceux d’origine) ainsi que les bas de caisse qui ne sont plus peints de la même teinte que la carrosserie mais traités en noir (afin de conférer à la voiture une allure plus sportive). Si cette ultime évolution de la Rover P5 comptera pas moins de quatre séries distinctes en à peine six ans de carrière, toutes ces séries en question (avec les dénominations A, B, C et D) ne connaîtront, pour chacune d’entre-elles, qu’une existence assez éphémère. Malgré un assez beau succès sur le plan commercial, ce « Coupé à quatre portes » n’aura toutefois pas d’équivalent sur la P6 et restera donc sans descendance au sein de la gamme Rover.

Il est vrai qu’entretemps, Rover s’est retrouvée incorporée (en 1967) au sein du tentaculaire groupe British Leyland et que la direction de celui-ci, préfèrent avant tout miser, pour le marché du haut de gamme, sur Jaguar, a sans doute craint qu’une version « coupé à quatre portes » de la Rover P6 ne fasse de l’ombre à celle qui a été choisie pour devenir son nouveau cheval de bataille sur ce marché : la Jaguar XJ6. Même si (comme mentionné plus haut) la P6 bénéficiera, à son tour, du V8 Rover à compter de 1968, laquelle succède alors à l’ancienne P5 Saloon.

Pour ce moteur « anglo-américain », il ne s’agit que du début d’une longue carrière, puisqu’on le retrouvera également sous le capot des MG, Triumph et Morgan ainsi (assez logiquement) que sur sa remplaçante de la P6, la SD1. Sa carrière britannique ne s’achevant, finalement, qu’en 2003, après avoir ainsi servi durant pas moins de 36 ans sous les couleurs de l’Union Jack.

Maxime DUREUIL

Photos Wkimedia

Découvrez la Rover P4 https://www.retropassionautomobiles.fr/2023/05/rover-p4-chapeau-melon-sur-quatre-roues/

En vidéo https://www.youtube.com/watch?v=6AYp2Fe4fEQ&ab_channel=VanInhalin

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