PEUGEOT 605 – La malédiction des « 600 ».

Lorsque la 604 quitte la scène en 1985, après une carrière qui se sera, certes, étalée sur une dizaine d’années mais qui fut toujours et dès le départ en demi-teinte, la marque au lion ne se montre pas véritablement pressée de lui donner une remplaçante. Il est vrai que lorsque la « première grande lionne » (depuis l’éphémère 601 produite au milieu des années 1930) se retire, quasiment sur la pointe des pieds et que son constructeur fait les comptes (en ce qui concerne les chiffres de production comme sur le plan des bénéfices), il semble clair que celle qui entendait concurrencer les grandes berlines allemandes n’a pas vraiment remplie sa mission.

Un constat qui était déjà apparut, de manière plutôt flagrante à l’orée des années 80, ce qui explique que Peugeot ait alors décidé de doter sa 505 (apparue en 1979 et destinée, assez logiquement, à prendre la succession de la 504, même si cette dernière restera en production sur les chaînes de Sochaux jusqu’en 1983) du (célèbre) V6 PRV (Peugeot-Renault-Volvo, est-il encore besoin de le rappeler ?) ainsi que d’une version quatre cylindres équipé d’un Turbo. Ceci, dans le (double) objectif, à la fois, de donner à la 505, un supplément de puissance ainsi que d’agrément à la conduite (deux critères importants et qui, malgré des qualités évidentes, lui faisaient quelque peu défaut à son lancement) mais aussi à jouer, en quelque sorte, un rôle de « haut de gamme de substitution », au vu de l’échec commercial déjà assez patent de la grande 604.

Un rôle auquel la 505 n’était donc pas destinée à l’origine mais qu’elle assumera de manière suffisamment satisfaisante aux yeux de la direction du lion (et cela, quasiment, jusqu’à sa mise à la retraite en 1990) pour que celle-ci ne se sente pas obligée de mettre la pression sur les hommes du bureau d’études pour que ces derniers donnent rapidement naissance à la nouvelle génération des berlines de la famille des Peugeot « 600 ».

Ce n’est, en effet, que dans le courant de l’année 1984 que la conception de la future 605, dont le projet est baptisé, en interne, du nom de code « Z6 » est lancé. Si la marque au lion, ou, plus exactement, la maison-mère, le groupe PSA (contrairement à ce dont il a parfois l’habitude) ne fera pas vraiment preuve, ici, de pingrerie et ouvrira même assez largement les cordons de la bourse (acceptant ainsi de mettre sur la table pas moins de six milliards de francs), en ce qui concerne la conception du nouveau vaisseau amiral de la gamme Peugeot, la politique de rationalisation des coûts aura, là aussi, son mot à dire. Celle-ci obligeant ainsi le partage d’un certain nombre d’éléments en commun avec Citroën, dont le futur haut de gamme, la XM (laquelle, de son côté, doit prendre la succession de la CX) est aussi en gestation à la même époque.

C’est donc sur une plateforme commune que l’une et l’autre seront réalisées (ce qui est alors une première dans l’histoire du groupe, marquant ainsi une étape supplémentaire et importante dans la politique de conception en commun des nouveaux modèles. Une pratique qui commence d’ailleurs à se généraliser au sein des constructeurs européens, l’un des exemples les plus illustratifs étant sans doute celui du projet « Tipo Quattro », où les nouveaux hauts de gammes des trois grandes marques italiennes (la Croma pour Fiat, la Thema chez Lancia ainsi que la 164 au sein d’Alfa Romeo), auquel viendra également se joindre le suédois Saab (avec la 9000) partageront ainsi la même base en commun. Un choix, non seulement, technique mais aussi commercial qui décidera Peugeot a abandonner la propulsion pour ces berlines familiales et grandes routières, au profit de la traction avant, empruntant finalement ainsi la voie inaugurée, en 1934, par Citroën avec ses célèbres Traction Avant.

Si les deux futurs haut de gamme du lion et des chevrons partagent donc un grand nombre d’éléments en commun (le berceau avant, le plancher central et arrière, les triangles de suspension ainsi que les systèmes de freinage sur les roues avant et même de chauffage), la Peugeot 605 et la Citroën XM n’auront, quasiment, aucun élément de carrosserie en commun. Impossible donc (même pour une personne malvoyante ou ne s’intéressant pas du tout à l’automobile) de confondre les deux modèles. Ce sera, toutefois, cette dernière qui aura le privilège d’être dévoilée au public*, la 605, de son côté, ne faisant, à son tour, son entrée en scène « que » six mois plus tard, à l’occasion du Salon de Francfort (un événement qui n’a sans doute pas été choisi au hasard par Peugeot et qui, au contraire, indique clairement quelle est la concurrence qui est en ligne de mire).

Curieusement, le quatre cylindres essence de 2 l et 115 ch (type XU) que l’on retrouve en entrée de gamme (sur la finition SL) est toujours équipé d’un système d’alimentation à carburateur (alors que l’injection électronique commence déjà à devenir la norme, aussi bien sur les citadines, compactes ou familiales que sur les berlines grandes routières). Il est, toutefois, également proposé dans une version à injection (avec la finition Sri), dont la puissance se trouve portée à 130 ch. En haut de gamme, c’est (évidemment) l’incontournable V6 PRV que l’on retrouve, ici, en deux versions également : SV 3.0 de 170 ch et SV 24 développant 200 chevaux. L’appellation de la dernière citée faisnat, évidemment, référence, aux vingt-quatre soupapes de la culasse (ce qui en fait alors sans doute la version la plus aboutie de ce moteur franco-suédois, en tout cas sur une berline de haut de gamme). Celles-ci contribuent grandement à lui conférer un supplément de « noblesse » mécanique non négligeable, qui lui avait, pendant assez longtemps, fait grandement défaut depuis son apparition sur le marché en 1974 (sur les coupé et cabriolet 504, un an avant la présentation de la 604). Malheureusement peut-être, les ingénieurs du lion n’ont, toutefois, pas jugé bon de poursuivre plus avant la remise à niveau du moteur PRV, avec pour conséquence que même sur la version la plus puissante de la 605, il doit encore s’accomoder d’une distribution à simple arbre à cames en tête.

Ceux qui connaissent bien l’histoire de Peugeot le savent sans doute bien, depuis la présentation de la 403 en 1955, le constructeur de Sochaux avait noué une collaboration étroite avec le carrossier italien Pininfarina. Un grand dam (comme l’on peut évidemment s’en douter et ce qui est assez compréhensible) du propre bureau de style de la marque, dirigée d’abord par Paul Bouvot et ensuite, à l’époque de la commercialisation de la 605, par Gérard Welter. Tant et si bien que c’est, bien souvent, une véritable « partie de bras de fer », voire même, par moments, une sorte de « guerre larvée » qui va se dérouler, durant plusieurs décennies (pour être exact, durant plus d’un demi-siècle), entre Sochaux et Turin. Il est vrai que la direction de Peugeot ne fit sans doute pas toujours de grands efforts pour tenter de mettre fin à cet affrontement, parfois aussi inutile (voir « pathétique ») que stérile. Celle-ci encourageant même (parfois involontairement mais, dans certains cas, également, en toute connaissance de cause) cette situation lors de la mise en chantier de chaque nouveau modèle. Les deux équipes de stylistes se livrant alors une véritable bataille acharnée pour parvenir à séduire les dirigeants de Sochaux et donc se voir confier la conception du style du nouveau modèle en question. Les dirigeants de la firme de Sochaux ayant été , à plusieurs reprises, convaincus de réussir à trouver le meilleur compromis (ou ayant, tout du moins, tenté de « ménager la chèvre et le chou ») en confiant la réalisation des lignes de la carrosserie à l’un ainsi que la conception de l’habitacle (et de la planche de bord en particulier) à l’autre.

La 605 faisant partie des modèles de Sochaux résultant de cette « recherche de compromis » : le style extérieur étant ainsi confiée à l’équipe du bureau de style « maison » dirigée par Welter et celle du style intérieur au partenaire italien. Lequel avait sans doute su, autant par les coups de crayon souvent, il est vrai, très bien inspiré de ses stylistes, se rendre, en quelque sorte, indispensable. Sans doute que, sans que ce dernier ait jamais eu besoin de le formuler explicitement, certains des membres de la direction de Peugeot considéraient qu’il aurait « indélicat » (pour ne pas dire, tout simplement, « offensant » pour l’intéressé) de ne pas être consulté (même si ce n’était, parfois, que « pour la forme »). Surtout lorsqu’il s’agissait de la conception des lignes de la nouvelle berline haut de gamme de la marque. Est-ce parce que les Turinois, travaillant alors depuis plus de trente ans avec la firme sochalienne et connaissant donc bien la philosophie de celle-ci, laquelle, si elle ne détestait pas verser (tout du moins, de temps à autre) dans le « glamour » (voir, à ce sujet, les version coupé et cabriolet des 404 et 504), préférait, toutefois, en règle générale, la retenue et un certain « clacissisme » à l’ostentation et à l’avant-gardisme. (Pour ce dernier, Citroën était, de toute façon, là pour ça).

Ce qui explique sans doute pourquoi le tableau de bord de la nouvelle Peugeot 605 reste loin d’afficher, dans ses lignes générales comme dans la présentation ainsi que l’agencement de ses instruments de bord, l’originalité qui faisait quelque peu ressembler celui des premières Citroën CX à un avion ou un vaisseau spatial ! (Cette dernière finira, toutefois, elle aussi, par devoir rentrer dans le rang, en abandonnant ses fameux compteurs « pèse-personne » pour une très classique instrumentation à aiguilles). Sans doute car Pininfarina avait bien compris (où avait été longuement brieffé par Peugeot sur ce point) qu’étant donné que c’étaient les berlines allemandes (BMW Série 5 et Mercedes Classe E en particulier) que la nouvelle grande routière du lion était destinée à concurrencer, mieux valait donc « rester dans le rang ». L’un des points clés du cahier des charges précisant qu’il faut conserver à la silhouette du nouveau haut de gamme du lion « l’ADN » Peugeot de l’époque et donc que la future représentante de la lignée des « 600 » conserve une parenté esthétique avec la nouvelle 405, présentée en 1987. D’aucuns, dans les premiers articles qui paraîtront dans la presse auto lors du lancement de la nouvelle grande Peugeot, ne manqueront pas de lui reprocher une trop grande ressemblance avec cette dernière. Une (trop ?) forte ressemblance entre deux modèles lancés quasiment au même moment ou à quelques années d’interval qui est alors, toutefois, pratiquée par un certain nombre de constructeurs européens. Un cas d’école étant sans doute celui des BMW Série 7 E32 et Série 5 E34 (à tel point qu’un oeil non exercé pourrait sans doute, en particulier sous certains angles, confondre les deux modèles).

Dès les premiers mois de sa carrière, la gamme s’élargie progressivement, avec l’apparition, en février 1990, d’une version SR 3 litres, ainsi que la liste des options, notamment la transmission automatique (disponible avec les finitions SR, SRi et SV 3.0). Comme sur toutes les berlines grandes routières de l’époque (qu’il s’agisse des modèles proposés par les constructeurs « généralistes » comme ceux des marques au nom plus prestigieux, au premier rang desquelles celles d’outre-Rhin), les motorisations Diesel sont alors incontournables sur ces dernières.

La grande Peugeot est donc déclinée, dès le début des années 90, avec un quatre cylindres turbo-diesel de 2 l et 110 ch (disponible en deux versions : SRdt et SVdt), qui fut sans doute (en tout cas, au sein de la production européenne) le premier moteur fonctionnant au gazole à recevoir une culasse dotée de trois soupapes par cylindre. Une mécanique moderne, dont sa « cousine » aux chevrons avait bénéficié en avant-première dès l’automne 1989, mais au sujet duquel beaucoup d’essayeurs (ainsi que de clients) reprocheront toutefois son caractère souvent trop « creux ». Sans doute conscients, dès le départ, de l’importance des versions Diesel sur le plan commercial et que celles-ci constitueront donc l’essentiel des ventes, la marque va rapidement élargir l’offre dans ce domaine, avec deux nouvelles versions Diesel au début de l’automne 1990 (équipées, cette fois-ci, d’une motorisation atmosphérique, délivrant 83 ch), les SLd et SRd.

Si la grande majorité de la clientèle des voitures Diesel (qu’il s’agisse des berlines grandes routières comme des modèles plus populaires) ne prise guère, en général, la transmission automatique (généralement réservée aux versions les plus cossues et les plus puissantes), cela n’empêchera toutefois pas le constructeur de proposer celle-ci sur les versions turbo-Diesel à partir du printemps 1991. Sans doute, à la fois, pour parfaire son image de vaisseau amiral de la gamme Peugeot ainsi que pour mieux soutenir la comparaison face à ses rivales germaniques, la liste des équipements optionnels intègre, à la même époque, le toit ouvrant ainsi qu’un nouveau système de climatisation entièrement automatisée).

Malheureusement pour Peugeot et (surtout) pour la 605, après avoir atteint dépasser la barre des 80 000 exemplaires produits en 1990 (à signaler que bien qu’elle était destiné à contrecarrer « l’invasion allemande » dans l’Hexagone, c’est pourtant hors des frontières de celui-ci qu’elle se vend alors le mieux, les marchés étrangers absorbant, en effet, plus de la moitié des berlines 605 sorties d’usine), les ventes vont redescendre (et même s’effondrer) dès l’année suivante. La production n’atteignant plus, en 1991, qu’un peu moins de 47 000 unités, soit une baisse de 42 %, rien de moins, (réparties de manière presque égale entre les ventes sur le marché français et celles à l’étranger).

C’est à partir de là que les ennuis commencent (déjà) pour la 605, même s’il est vrai qu’au même moment, la cousine chevronnée connaît les mêmes déboires (ce qui n’est guère étonnant, étant donné que les deux grandes berlines ont été conçues sur la même base et partage un grand nombre d’éléments en commun). Les hommes de Peugeot (qu’il s’agisse de ses dirigeants commes des stylistes et des ingénieurs du bureau d’études) pensaient avoir pourtant tout fait dans les règles afin de faire de la Citroën XM comme de la Peugeot 605 les « armes anti-allemandes » par excellence.

Il est vrai que le lancement de ce nouveau haut de gamme a été accéléré par la direction de Peugeot, laquelle souhaitait réussir à battre le « frère ennemi » aux chevrons (ce sur quoi elle échouera, la XM étant dévoilée en avril 1989, trois mois avant la 605. Outre cette concurrence interne entre les deux firmes du groupe PSA, les dirigeants de Sochaux n’ignoraient pas que Renault, de son côté, travaillait alors activement à la remplaçante de la R25 (la future Safrane). Si celle-ci ne sera, finalement, dévoilée qu’en 1992, les grandes lignes en sont, toutefois, déjà figées dès 1987 et la hantise de Citroën comme de Peugeot est que le losange ne leur coupe, en quelque sorte, « l’herbe sous le pied » en présentant sa nouvelle berline haut de gamme avant eux. Alors qu’elle était prévue pour être commercialisée en 1990, PSA décide donc d’avancer d’un an le lancement de ses deux nouveaux vaisseaux amiraux.

Malheureusement pour le groupe PSA, moins de trois ans après leur lancement sur les marchés français et européens, la carrière des hauts de gamme du lion et des chevrons, qui apparaissait pour être une sorte de « voie royale » va alors, très vite, se transformer, sur bien des points, en un véritable « chemin de croix » ! Prenant alors conscience des défauts de jeunesse, aussi nombreux que criants (en particulier en ce qui concerne le circuit électrique, qui constitue sans doute le point le plus noir de la 605, avec, entre autres cas de figure récurrents, des phares hors service ou s’éteignant sans raison apparente………), des deux modèles, la firme de Sochaux décide alors de « prendre le taureau par les cornes » et organise, par l’intermédiaire des concessionnaires, une vaste de campagne de rappel.

Une campagne qui sera, d’ailleurs, largement médiatisée par Peugeot, le constructeur ayant parfaitement compris, au vu des récriminations de plus en plus fortes et nombreuses des propriétaires de 605 auprès de leurs concessionnaires et que ces derniers ne se privent, évidemment, pas de relayer auprès du siège de la marque, à Sochaux, qu’il valait mieux montrer que celle-ci n’hésitait pas à retrousser ses manches et à mouiller sa chemise pour remédier au problème. La direction du lion ayant bien compris qu’elle n’avait pas intérêt à mégotter si elle voulait avoir une chance de sauver son vaisseau amiral du naufrage. En ce qui concerne la version la plus puissante de la 605, la SV 24, la firme n’y va pas par quatre chemins et décide de ramener les exemplaires de cette dernière sur les chaînes d’assemblage (une première, non seulement chez un constructeur français mais aussi, certainement, dans l’histoire de l’industrie automobile européenne).

Si les journalistes de la presse automobile pointent donc, avant tout et surtout, une électricité catastrophique, digne des italiennes de la grande époque (celle des années 70), ce n’est toutefois pas le seul défaut criant qui est pointé du doigt par ces derniers. Une autre tare* (qui n’est probablement pas la plus grande mais qui est, néanmoins, loin d’être négligeable) est le « manque de caractère » qui affecte la plupart de ses motorisations. Les quatre cylindres essence étant ainsi jugés trop rugueux (en particulier à bas régimes)* ainsi que trop gourmands, en comparaison avec la plupart des autres modèles (français ou étrangers) de sa catégorie. Quant aux motorisations Diesel (aussi bien turbos qu’atmosphériques), elles sont estimées comme manquant, non seulement, de puissance mais aussi de couple, avec des reprises insuffisantes et un manque de tonus à presque tous les régimes.

Concernant les premières motorisations mentionnées (celles à essence donc), Peugeot y apportera toutefois la solution avec la présentation des nouvelles SRti et SVti lesquelles réussiront à corriger la plus grande partie des défauts des versions précédentes (sauf, toutefois, en ce qui concerne la consommation). (Les clients intéressés devront toutefois patienter quelque peu pour pouvoir passer commande, car si elles sont annoncées par le constructeur à l’été 1992, elles ne seront toutefois disponibles auprès des concessionnaires qu’en janvier de l’année suivante. Celles recevant le quatre cylindres XU10 suralimenté, d’une cylindrée de 1 998 cc et d’une puissance de 145 chevaux. Dans le même temps, la gamme se voit remaniée, les versions SVi, SR 3 litres ainsi que la SRd disparaissant ainsi (déjà) supprimées du catalogue, tandis que la motorisation tubro-Diesel, qui assure, à elle seule, une part non négligeable des ventes, voit son offre élargie en étant également disponible, à présent, avec la finition d’entrée de gamme SL (Sldt).

Suite aux nouvelles réglementations, françaises et européennes, concernant les émissions de pollution, l’alimentation par injection ainsi que le catalyseur se généralisent alors sur l’ensemble des modèles de la production hexagonale. Les berlines grandes routières figurant (assez logiquement, au vu de leur cylindrée ainsi que de leur consommation) parmi les premières ciblées. Sur la Peugeot 605, l’une des premières motorisations* à en être équipée sera le XU10 dans sa version atmosphérique, lequel développe à présent 123 ch dans ses versions SL (rebaptisée SLi, du fait de son nouveau système d’alimentation) et SRi.

 En plus de tenter (en vain, malheureusement pour elle, comme la suite le montrera) de retrouver son public, la grande Peugeot tente également, durant cette année-modèle 1993, de rattraper son retard au niveau des équipements de sécurité. Les finitions SRti et SVti se voyant ainsi (enfin) équipées en série d’un airbag (uniquement pour le conducteur, toutefoi)  et dont la place que prend celui-ci dans le volant, se voit affligé d’une partie centrale aussi volumineuse que peu esthétique, lui conférant un aspect digne de la planche de bord d’un utilitaire ! Ainsi que des ceintures de sécurité dotées de prétentionneurs frontaux. Il est vrai qu’en la matière, la concurrence étrangère (non seulement allemande mais aussi japonaise, sans même parler des suédois) avait, depuis longtemps déjà, devancé les constructeurs français.

C’est à l’occasion du millésime 94 que la 605 connaît ses premiers remaniements esthétiques, bien que ceux-ci restent, cependant, encore fort légers, le plus visible étant sans doute les répétiteurs de clignotants sur les ailes avant. Les évolutions étant nettement plus importantes en ce qui concerne les équipements de série, lequel s’enrichit de manière très nette (sans doute, encore et toujours, dans le but de pouvoir soutenir la comparaison avec les rivales teutonnes), même si cela s’accomapgne (assez logiquement et de manière presque inévitable) d’une hausse, toute aussi nette, des tarifs. Le V6 PRV voyant, quant à lui, sa cylindrée légèrement réduite (ramenée ainsi à 2 963 cc), dans ses deux versions. La SV 24 étant (même si bien peu s’en souvienne probablement ou le savaient à l’époque) la première voiture française à être équipée d’un système antipatinage. A la fin de ce millésime, la version d’entrée de gamme de la famille des 605 Diesel, la SLd, qui avait toujours pâtie de performances jugées insuffisantes ainsi que d’un comportement poussif (un reproche adressé aussi bien par les essayeurs que par la clientèle) est supprimée de la gamme, en n’ayant donc laissé que fort peu de regrets.

Le vaisseau amiral de la marque au lion est enfin parvenue à se débarasser de (la plus grande partie de) ses défauts de jeunesse (sans, peut-être, toutefois aller jusqu’à dire qu’elle n’a, désormais, plus rien à envier à ses rivales produites à Munich ou à Stuttgart). Malheureusement pour la 605 son image de marque sera toutefois entachée, de manière presque indélébile, par les nombreux problèmes de fiabilité qui ont émaillé le début de sa carrière. (Un constat, amer mais réaliste, qui s’applique également à sa « cousine, mais néanmoins rivale, de chez Citroën, la XM). Bien qu’elle ait encore un certain nombre d’années à vivre, la suite de sa carrière ne sera plus, du point de vue des chiffres de vente, qu’une lente mais irrémédiable dégringolade : la production chutant ainsi à un peu moins de 30 600 exemplaires en 1992, pour ne plus atteindre qu’un peu plus de 19 500 unités en 93.

C’est lors de l’été 1994 que la 605 recevra ce qui sera le seul véritable restylage de sa carrière. Même si cette « opération de chirurgie esthétique » reste, au final, plutôt discrète et que, de prime abord, vouloir distinguer les « nouvelles » 605 (les guillemets sont voulus) des modèles des premiers millésimes s’apparente quasiment à un « jeu des sept erreurs » ! Si celui-ci justifie, aux yeux du constructeur, de lui attribuer un nouveua code interne (Z7 au lieu de Z6), le remaniement cosmétique reste toutefois plutôt léger. Se résumant, en effet, à une nouvelle calandre ne comportant plus qu’une seule (large) barrette, des projecteurs longues portée de plus grande taille, malle de coffre redessinée. Ainsi, à l’intérieur de l’habitacle, que des contre-portes, grilles d’aération, volant, console centrale redessinées, tout comme le graphisme des compteurs).

Les motorisations, elles aussi, se voient remaniées : la version d’entrée de gamme de la 2 litres bénéficiant d’une culasse à seize soupapes (portant ainsi sa puissance à 135 ch) et, s’agissant des versions Diesel, un nouveau 4 cylindres (équipé d’une culasse à douze soupapes seulement) de 2,5 litres et 130 chevaux. Cette nouvelle motorisation (nom de code DK5) ne pouvant, toutefois, toujours masquer ses origines utilitaires, puisqu’il est dérivé de celui qui équipe alors les fourgons Jumper et Boxer !

L’offre en matière de finitions comme en ce qui concerne les motorisations se voyant, à nouveau, remaniée dès le millésime suivant (1996). L’Executive, apparue sous la forme d’une série spéciale lors de l’année-modèle précédente, prend la succession de la SR. Les acheteurs en quête d’une Peugeot « prestigieuse » (mais sont-ils encore tellement nombreux en cette seconde moitié des années 90, en dehors de quelques PDG et autres personnalités politiques de premier plan, qui souhaitent ainsi continuer à afficher leur « fibre patriotique ») devront désormais se contenter de la seule SV 3 litres avec le V6 de 170 ch, la SV 24 équipée du V6 PRV quittant, en effet, la scène à la fin de l’année-modèle 95. Ceci, sans tambour ni trompette et même, au contraire, sur la pointe des pieds.

Plus encore sans doute que toutes les autres versions de la 605, s’il y en a bien une à qui la poisse (ou, plutôt, les problèmes techniques en tous genres) ont collé à la tôle, c’est bien la SV 24 (le fait que Peugeot ait, purement et simplement, de les remettre sur les chaînes de montage pour qu’elles soient presque, sur certains points, « reconstruites », est là pour en témoigner). Ses chiffres de vente reflétant d’ailleurs bien que tous ses ennuis de jeunesse ont ruiné sa carrière : un peu plus de 6 100 exemplaires à peine en auront été produits, alors que la version 12 soupapes du même PRV (certes moins puissantes mais à la réputation bien meilleure sur le plan de la fiabilité) sera produite, de son côté, à plus de 36 500 unités.

Au moment où elle reçoit ce lifting, l’échec commercial de la grande berline du lion est évident (et même, pour tout dire, plutôt cinglant) et plus personne, chez Peugeot, n’est plus vraiment en mesure de se voiler à ce sujet. Dès lors, il n’est guère étonnant que plus personne ou presque (aussi bien au sein des cadres du constructeur que des concessionnaires) ne fassent plus vraiment d’efforts pour la vendre. Comme cela avait été le cas dans le courant des années 80, lors des dernières années de la carrière de la 604, où la 505 s’était vue obligée de remplacer (bien que de manière non officielle) cette dernière dans le rôle de modèle « haut de gamme », c’est aussi le rôle que devra assumé la nouvelle 406, dévoilée en 1995. Cette dernière sera, en outre, le premier modèle de la gamme Peugeot à bénéficier du V6 de nouvelle génération (nom de code : ES9) développant 194 chevaux, le vénérable PRV pouvant désormais, après plus de vingt ans de bons et loyaux services, faire valoir ses droits à la retraite), alors que sa « grande soeur », de son côté, ne le recevra qu’à l’été 1997 (seuls un peu plus de 2 200 exemplaires de la 605 en seront toutefois équipés). Cette nouvelle motorisation pouvant être accouplée, au choix, à une transmission manuelle ou automatique.

Les évolutions et modifications diverses incluant le changement des appellations d’une partie des finitions : à titre d’exemple, celle d’entrée de gamme abandonnant ainsi la dénomination SL pour celle de Pléiade. Outre son nouveau moteur V6, la 406 léguera aussi plusieurs de ses équipements à son aînée, laquelle bénéficiera ainsi (entre autres) d’un capteur de pluie et du rétroviseur électrochrome (dont ne bénéficiera pourtant jamais la Citroën XM, tout du moins en série).

Malgré les qualités du V6 « ES9 » (même si celui-ci, à l’image du PRV qu’il remplace, n’est pas, lui non plus, exempte de certains défauts), il était sans doute assez évident, dès le départ, que cela ne suffirait pas à redonner un véritable second souffle à la 605. Laquelle semble, bel et bien, avoir été, à bien des égards, abandonnée par son constructeur et, tel un navire déserté par son équipage, part alors à la dérive et, donc, au final, vers le naufrage. Même si la marque continuera, quasiment jusqu’à la fin, à éditer de nouvelles brochures (avec des images, de l’intérieur comme de l’extérieur de la voiture, souvent très travaillées) afin de tenter de donner le change, les chiffres de vente parlent (à nouveau) d’eux-mêmes : en 1996, les ventes chutent sous la barre des 10 000 unités et n’atteint plus qu’un peu moins de 6 900 exemplaires deux ans plus tard (soit à peine… 8,5 % du score qu’elle avait connu en 1990 ! Comme le dit si bien l’expression : « Plus dure sera la chute !).

A l’image de la grande majorité des modèles lorsque ceux-ci arrivent en fin de carrière, la gamme se réduit au fil du temps : le 2 litres essence 16 soupapes en version boîte automatique est, ainsi, supprimé du catalogue en juillet 1997, la version SVdt 2,1 l, elle aussi avec l’option transmission automatique, à l’été de l’année suivante. L’ultime évolution dont bénéficiera la 605 concernera les équipements de sécurité, avec le montage, à partir de juillet 98, d’airbags latéraux de série à l’avant.

Environ 2 320 exemplaires sortiront encore des chaînes des usines de Sochaux jusqu’en mai 1999, portant ainsi le total de la production de la Peugeot 605 à 254 505 exemplaires (toutes versions confondues), très exactement. Au sein des différentes motorisations que celle-ci aura reçu au cours de sa carrière, le best-seller reste (comme mentionné précédemment) la version turbo-diesel, avec près de 89 500 exemplaires, tout au long de la carrière du modèle. Au sein des moteurs essence, la « palme » revient au 2 litres à injection qui aura été monté sur les finitions SLi, SRi et Svi), avec un peu plus de 65 500 exemplaires entre 1989 et 97. Du côté des transmissions, l’écrasante majorité des 605 auront (évidemment) été commandées avec la boîte de vitesses manuelle de série, la boîte automatique, de son côté, n’ayant équipée qu’un peu moins de 33 000 exemplaires en tout.

Même si ce score est sans doute nettement inférieur aux espérances que son constructeur avait placé en elle, il convient de rappeler qu’il reste, néanmoins, bien plus élevé que celui de la 604. Llaquelle, sur une durée de carrière quasiment identique, n’a été produite qu’à un peu plus de 153 200 exemplaires en tout, soit des ventes supérieures de 40 % pour la 605, ce qui est donc loin d’être négligeable. (Même s’il est vrai, aussi, que Peugeot avait escompté atteindre, sur la même période de production, pour la 605, la barre des 500 000 exemplaires). Des différents modèles de série produits par Peugeot qui ont fait partie de la lignée des « 600 » (en incluant également dans celle-ci l’éphémère 601 d’avant-guerre), la 605 restera d’ailleurs la plus produite. Celle qui prendra sa succession, la 607 (présentée quelques mois seulement après la fin de la production de sa devancière, au Salon de l’automobile de Francfort, en septembre 1999) n’affichera, quant à elle, en onze ans de production : qu’une production atteignant un peu plus de 168 800 exemplaires seulement.

Outre la « malédiction » qui semble avoir frappé chacun des modèles de la lignée des Peugeot 600, la 607 (qui reste, à ce jour, la dernière représentante de cette lignée au sein du catalogue de la marque au lion) semble également avoir été frappée par une autre sorte de malédiction, qui, s’agissant de celle-ci, n’est toutefois pas propre aux grandes berlines du constructeur de Sochaux mais a également frappé aussi ceux des marques aux chevrons et au losange : celle du haut de gamme français.

Une malédiction qui frappera aussi ses rivales contemporaines : les Citroën XM et Renault Safrane, ainsi que celles qui leur succéderont dans les années 2000, la C6 ainsi que la Vel Satis. Ces dernières connaîtront d’ailleurs, chacune, un échec commercial encore plus cinglant que celles de leurs devancières, qui constitueront sans doute pour leurs constructeurs respectifs « l’échec de trop ». Les marques françaises semblant ainsi avoir, clairement, avoué leur échec et déserteront alors le segment des berlines grandes routières… Tout au moins jusqu’à ce que PSA présente la nouvelle DS 9 en 2020.

D’abord présentés comme des modèles plus exclusifs de la gamme Citroën, la lignée des DS (qui n’a toutefois qu’un lien aussi indirecte que lointain avec la véritable et célèbre DS produite entre 1955 et 75). Laquelle peut se revendiquer comme la digne héritière des CX et XM et semble bien en passe de réussir là où sa devancière, la C6 a échoué sur le paln commercial. Quant à la gamme Peugeot actuelle, bien que la 508 soit présentée comme un modèle « haut de gamme », elle ne peut toutefois se revendiquer comme l’héritière directe de la 605. L’échec de la 607, comme celui de la 605 avant elle, ayant, manifestement, découragé définitivement la marque au lion d’avoir voulu jouer dans la même cour que Mercedes et BMW.

Philippe ROCHE

Photos WIKIMEDIA

En vidéo https://www.youtube.com/watch?v=vQorr_vnBvM&ab_channel=PetitesObservationsAutomobiles

D’autres PEUGEOT https://www.retropassionautomobiles.fr/2022/10/peugeot-405-t16/

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