SIMCA-CHRYSLER 1307, 1308 et 1309 – L’hirondelle et le pentastar.
Au mois de juillet 1970, le groupe américain Chrysler, déjà actionnaire majoritaire de Simca depuis 1963, rachète les dernières parts de la marque à l’hirondelle qui, jusqu’ici, étaient encore détenues par Fiat et devient alors le seul propriétaire de celle-ci. La raison sociale en est alors modifiée, la filiale française se voyant rebaptisée du nouveau nom officiel de Chrysler France (même si les anciens modèles continueront à porter le nom de Simca).
Cette mainmise totale des Américains sur Simca aura pour conséquence première que ces derniers vont alors s’employer à vouloir « américaniser » la politique commerciale et (par conséquent) les nouveaux modèles de la marque. Les dirigeants de Chrysler ne se cassant pas vraiment la tête et se contentant, tout simplement, de suivre la même stratégie que celle alors employée, depuis les années cinquante, par ses deux principaux concurrents nationaux, GM et Ford. Dont les modèles des filiales européennes (les Ford européennes ainsi que les Vauxhall britanniques et les Opel allemandes) reprennent le style de ceux produits sur le marché américain. Etant donné que cela a plutôt bien marché pour les deux plus grands groupes de Detroit, le troisième d’entre-eux (en terme de taille comme pour sa fondation) est convaincu qu’il n’y a guère de raison que cela ne marche pas pour eux.
Malheureusement pour eux, les dirigeants du groupe au pentastar ont oublié de tenir compte du fait que le marché français était, sur bien des points, différent de ceux d’outre-Rhin et d’outre-Manche et que la clientèle de Simca n’a pas celle de Ford ni d’Opel. Même si, depuis l’apparition de l’Aronde, au début des années 50, les modèles Simca ont acquis leur propre identité esthétique et ont donc cessé d’être de simples copies des Fiat produites à Turin, elles avaient toutefois conservé dont les lignes souvent marquées d’une certaine influence latine. (A l’exception notable des gammes Vedette* issues du rachat de l’ancienne filiale française de Ford). Or, une grande partie de la clientèle traditionnelle de Simca se montrera fort surprise et, pour tout dire, désappointée en découvrant les nouvelles Chrysler 160, 180 et 2 Litres qui seront présentés cette même année 1970.
Avec pour conséquence que celle-ci boudera ces « ersatz » d’américaines, lesquels seront un échec commercial cuisant (il n’en serait produit qu’environ 275 000 exemplaires, soit presque quatre fois moins qu’espéré). La récession économique engendrée par l’éclatement de la première crise pétrolière, à l’automne 1973, n’arrange évidemment pas les affaires de Simca. D’autant qu’en dehors de ces dernières et de la 1100 (commercialisée en 1967), tout le reste des modèles de la gamme date de l’ère Pigozzi (la petite 1000 d’entrée de gamme ayant été présentée en 1961 et la 1300 ainsi que la 1500 deux ans plus tard). La direction américaine accepte alors de donner carte blanche au bureau d’études de Simca afin de concevoir un nouveau modèle devant pouvoir répondre, de manière efficace, aux attentes du public.
Le projet, désigné sous le nom de code « C6 » (rien à voir avec les Citroën du même nom, précisons-le) donnera naissance, en juillet 1975, aux Simca 1307 et 1308. Elles seront commercialisées au Royaume-Uni, à partir d’octobre de la même année, sous le sol de Chrysler Alpine (sans lien, là aussi, avec les sportives créées par Jean Rédélé, le nom d’Alpine étant, dans ce cas-ci, issus de la marque Sunbeam, l’une des branches de la filiale anglaise de Chrysler). Dans un premier temps, les voitures vendues outre-Manche sont toutefois encore produites sur les chaînes de l’usine française de Poissy. Ce n’est qu’en août 1976 que celles-ci seront produites directement en Grande-Bretagne. Les modèles vendus en France arborant d’ailleurs eux aussi le logo au pentastar du groupe américain sur leur calandre ainsi que le nom de celui-ci sur le capot, même si elles conservent, toutefois celui de Simca sur le hayon. Une « double identité » qui contribuera, cependant, à « brouiller » quelque peu leur identité auprès d’une partie du public.
En ce qui concerne l’Espagne, sa carrière débutera en avril 1977, sous le nom de Chrylser 150 (bien que sa production au sud des Pyrénées ne débutera qu’en septembre de cette année-là). Les modèles espagnols se reconnaissant (entre autres) de ceux produits en France à leurs répétiteurs latéraux de clignotant (qui équiperont également les voitures vendues sur le marché italien).
Concernant les différentes versions et motorisations proposées à son lancement, la 1 307 GLS de base est équipée d’un quatre cylindres de 1 294 cc de 68 ch, la 1 307 S par un moteur de même cylindrée, mais porté à 82 ch et, en haut de la gamme, la 1 308 GT par un bloc de 1 442 cc de 85 chevaux. En janvier 1978, une nouvelle version, la 1 308 S (résultant de la combinaison de la motorisation de la 1 308 GT avec la finition de la 1 307 S), fait son apparition au catalogue. La 1 308 GT, de son côté, pouvant bénéficier, au même moment, en option, d’un pack Super Luxe comprenant des jantes en aluminium ainsi que la centralisation des portières*. L’offre s’élargit à nouveau avec une nouvelle version haut de gamme, la 1 309 SX, présentée en octobre 1978, sous le capot de laquelle on retrouve un quatre cylindres de 1 502 cc développant 88 chevaux, accouplé à une boîte de vitesses automatique d’origine Chrysler. Cette dernière se voyant également équipée en série de la direction assistée, de sièges, d’une banquette et de contre-portes en velours (ainsi même, en option, que d’une sellerie en cuir) et d’un régulateur de vitesse (une première sur une voiture française).
Un certain nombre de séries limitées, à la présentation extérieure et/ou intérieure ainsi qu’à l’équipement spécifique ont émaillé l’histoire des 1 307 et 1 308 (dont certaines vendues uniquement à l’étranger). La première (et sans doute la plus connue) sera la série Jubilé, présentée en mars 1979, basée sur la 1 307 S, qui se distingue, à l’extérieur, par sa livrée bicolore et avec une dotation de série accrue (direction assistée, jantes en aluminium, lève-vitres avant électriques, appuie-tête avant et toit ouvrant). Un an plus tard, exactement, en mars 1979, apparaît les séries limitées Swing (réservée aux marchés belge, allemand et néerlandais) et Sprint (pour la Suisse), qui reprennent toutes deux la base mécanique de la 1 308 S. Celles-ci se différenciant des 1 308 « standard » par leurs pare-chocs noirs ainsi que leurs décorations adhésives apposées sur les bas de caisse ainsi que le panneau central arrière. De l’autre côté de la Manche, la clientèle britannique se verra proposée, en parallèle, une série limitée Alpine Sunseeker avec une présentation ainsi que des équipements similaires à ceux des séries Swing et Sprint.
Avec cette nouvelle série de modèles, le succès est bien au rendez-vous et Chrysler France semble donc remise sur les rails. D’autant que ces nouveaux modèles remporteront, en 1976, le titre, fort envié, de Voiture Européenne de l’Année. Une consécration qui ne manquera, évidemment pas, d’en doper les ventes : la barre des 100 000 exemplaires produits étant déjà atteinte à peine six mois après leur lancement. Celle des 500 000 voitures sorties de chaînes étant atteinte, quant à elle, en novembre 1977.
Même si les Simca 1307, 1308 et 1309 vont, d’une certaine façon, se retrouver victimes de leur succès, car l’importance de la demande et la nécessité, qui va en découler, d’augmenter les cadences de production sur les chaînes de l’usine de Poissy vont engendrer un relâchement dans le contrôle qualité. Avec pour conséquence que les voitures souffriront, assez rapidement, d’une tendance un peu trop rapide à la corrosion, ce qui, inévitablement, écorner quelque peu leur image auprès du public.
Malheureusement pour elles, une concurrence interne va apparaître sous la forme de la nouvelle berline compacte Horizon. Si cette dernière s’inscrit dans une catégorie située un cran en-dessous de celle des 1307, 1308 et 1309, elle va, toutefois, ravir une partie de leur clientèle , notamment grâce à une habitabilité similaire à ces dernières. En conséquence, les ventes du trio, qui avaient atteint leur point culminant avec plus de 258 000 exemplaires en 1977 connaissent, dès l’année suivante, une forte baisse avec moins de 157 000 unités en 1978 (et un peu moins de 113 000 en 1979, leur dernière année de production).
Au même moment, de l’autre côté de l’océan Atlantique, le groupe Chrysler se retrouve confronté à de graves difficultés financières qui vont, finalement, l’obliger, pour sortir la tête hors de l’eau, de se séparer de l’ensemble de ses filiales européennes (à savoir, non seulement, Simca en France mais aussi Rootes en Grande-Bretagne et Barreiros en Espagne), mais également de demander l’aide du gouvernement fédéral. Lesquelles sont alors, toutes trois, rachetées par Peugeot. Les dirigeants de la firme au lion (ou, plus exactement, le groupe PSA, formé après le rachat de Citroën en 1974) décident alors de rationaliser l’offre en diffusant désormais l’ensemble des modèles des trois anciennes filiales de Chrysler sous un même nom et leur choix se porte, finalement, sur le nom de Talbot.
Ce choix d’abandonner le nom de Simca (pourtant très populaire auprès du public en France) s’explique par le fait qu’en dehors des quelques pays européens dépourvus d’industrie automobile nationale (à l’image de ceux du Benelux), la marque n’avait jamais véritablement jugé nécessaire ou utile de miser sur les marchés d’exportation. (Le marché français offrant sans doute des débouchés suffisamment importants à leurs yeux). Or, la direction de PSA souhaitait pouvoir rationaliser de l’offre sur le marché européen et donc vendre les anciens modèles du groupe Rootes ainsi que ceux de Simca et Barreiros sous un seul et même nom. En outre, PSA s’était rendu compte que, bien que le nom de Talbot (lequel appartenait, en partie, au groupe Rootes) ait disparu du paysage automobile d’outre-Manch au milieu des années 50*, celui-ci était, cependant, encore bien présent et resté assez populaire au sein du public britannique.
C’est donc sous le nom de Talbot que les anciennes Simca-Chrysler 1307 et 1308, légèrement reliftées (avec, entres autres, de nouveaux phares ainsi qu’une nouvelle calandre inclinées dans le sens inversé), continueront désormais leur carrière, des deux côtés de la Manche, sous le nom de Talbot 1510, jusqu’au printemps 1980. Date à laquelle elle se voit remplacée par une « nouvelle » Talbot, la Solara. Les guillemets sont voulus, car « nouvelle » est un bien grand mot, puisque la Solara n’est, en réalité, rien d’autre qu’une version tricorps de l’ancienne 1510.
Les Simca-Chrysler 1307, 1308 et 1309, elles seront produites, au total, à près de 779 000 exemplaires (toutes versions confondues). Ce total incluant également les Chrysler Alpine produites en Espagne (un peu plus de 108 400 unités pour ces dernières).
Outre les modèles assemblés en France et au Royaume-Uni, les Simca de la série « C6 » (pour reprendre le nom de code du projet qui a donné naissance à ces dernières) seront aussi produites à partir de mai 1976 au Maroc ainsi qu’en Finlande (produite sous licence par l’entreprise locale Valmet) à partir du printemps 1979 et même plus loin encore, puisqu’elles seront également assemblées en Nouvelle-Zélande.
(A noter qu’en dehors des Chrysler Alpine vendues outre-Manche ainsi que des séries limitées mentionnées ci-dessus, l’ensemble des évolutions, techniques ou autres, figurant dans cet article concernent uniquement les modèles vendus sur le marché français).
Pour en revenir à la Talbot Solara, la carrière de celle-ci ne se déroulera pas vraiment sous les meilleurs auspices. La marque Talbot faisant bientôt figure, à certains égards, de « laissé pour compte » au sein du groupe PSA. Il est vrai qu’au sein de la « jeune génération », le nom de Talbot n’évoque rien, quant aux plus anciens, qui se souvenait des Talbot-Lago, qui étaient l’égal français d’une Jaguar ou même d’une Bentley, cela apparaissait comme une incongruité, voire même comme une sorte de « trahison ». (L’industriel Anthony Lago ayant racheté l’ancienne filiale française de Sunbeam-Talbot au début des années 1930 – alors que la maison-mère était rachetée, au même moment, par le groupe Rootes -, avant de finir par revendre celle-ci à Simca à la fin des années 50).
La décision de PSA, au début des années 80, de fusionner l’ancien réseau de vente de Chrysler France avec celui de Peugeot et donc de vendre les anciennes Simca (désormais Talbot) ainsi que les modèles de la marque au lion par les mêmes concessionnaires ne va pas vraiment s’avérer une bonne idée (pour dire le moins). Les anciens membres du réseau Simca-Chrysler choisissant alors, dans leur grande majorité, de passer à la concurrence. Quant à ceux de Peugeot, ils ne feront, pour la plupart d’entre-eux, aucun véritable effort pour vendre les modèles Talbot, qu’ils voyaient (à juste titre) comme des rivales directes des Peugeot.
Tant et si bien que les ventes (aussi bien pour l’Horizon que pour la Solara et, plus encore, pour le haut de gamme de Talbot, la berline Tagora) s’effondrent rapidement. A l’été 1986, PSA décide finalement d’arrêter les frais, la marque Talbot disparaissant alors (définitivement) du paysage automobile de l’Hexagone.
Philippe ROCHE
Photos Wheelsage
En vidéo https://www.youtube.com/watch?v=NdlNBA7skQQ&ab_channel=EssaisLibres
Une autre SIMCA https://www.retropassionautomobiles.fr/2023/12/simca-1100-simca-sur-la-voie-de-la-modernite/