RENAULT 6 - Le losange oublié.

RENAULT 6 – Le losange oublié.

Dans le courant des années soixante, alors que l’ère des Trente Glorieuses bat son plein dans la France du général de Gaulle, la Régie nationale des Usines Renault (telle est la raison sociale du constructeur au losange depuis sa nationalisation en 1945) à amorcer un virage à 180 degrés dans la conception technique de ses modèles les plus populaires.

Alors qu’elle s’était faite auparavant (depuis le lancement de la 4 CV en 1946, ainsi qu’avec la Dauphine qui a suivi) le chantre du « tout à l’arrière », la décennie 60 verra le constructeur prendre la décision radicale de passer en « tout à l’avant », avec la nouvelle R4. Si cette évolution sera, certes, progressive (les R8 et R10, présentées, respectivement, en 1962 et 65, conservant toujours une mécanique installée derrière la banquette arrière), la « révolution » est bien en marche. Ainsi que celle de la traction avant (déjà amorcée avec la fourgonnette Estafette).

Concernant celle-ci, ce choix vient sans doute du fait que les dirigeants ainsi que les responsables du bureau d’études de Renault avaient fini par se convaincre que si celle-ci avait si bien réussi à Citroën depuis plus de vingt-cinq ans (avec la présentation des mythiques Traction en 1934), cela pouvait tout aussi bien leur réussir à eux également. En dehors de l’échec commercial de la berline Frégate (qui devait permettre à la marque de se remettre en selle sur le marché, fort concurrentiel, des berlines dites « familiales ») la marque au losange peut s’enorgueillir d’avoir, quasiment, toujours réussi des « coups de maître ». Ce qui, outre sa puissance industrielle, a grandement contribué à lui permettre de devenir le premier des constructeurs français, en termes de chiffres de production.

Si la R4 se présentait comme l’héritière directe de la 4 CV, la Dauphine, dévoilée dix ans après celle-ci reprenait (dans les grandes lignes) la même recette, mais en entendant faire mieux encore. Une sorte de « super 4 CV », en quelque sorte. Lorsqu’au milieu des années 60, celle-ci fait valoir ses droits à la retraite, le bureau d’études s’attèle alors à sa succession. La remplaçante de la Dauphine entendant donc se présenter comme une sorte de « super R4 », non seulement sur le plan technique (en se convertissant ainsi, elle aussi, à la traction avant) mais également d’un point de vue esthétique.

Sans doute parce que la R16, dévoilée en 1965, était désormais considérée comme la nouvelle référence en matière de style au sein du bureau d’études de la Régie, ce sera donc elle qui servira de modèles aux stylistes du losange pour concevoir celle qui aura pour mission de venir s’intercaler et, ainsi, combler le vide existant alors entre la R4 et la R8. Jacques Ousset, le styliste du bureau d’études de Renault qui aura la charge d’en tracer les lignes n’aura, toutefois, pas vraiment la tâche facile. Ceci, car il se verra contraint de prendre pour base les dimensions de la plateforme de la R4.

RENAULT 6 - Le losange oublié.

Le résultat étant une silhouette qui si elle évoque, de manière évidente et immédiate, sa glorieuse aînée, il est, plutôt, loin d’en avoir l’harmonie. Avec ses voies étroites, ainsi que ses montants épais ceinturant les vitres latérales, sans compter ses pneumatiques aux dimensions assez ridicules (même s’il est vrai que les modèles de sa catégorie chaussaient plus souvent des roulettes de trottinette que des roues de tracteur). Autant la R16 avait su conjuger, avec une certaine maestria, l’esthétique et le seul pratique, quel que soit l’angle sous lequel elle est observée, autant la R6 fait presque figure, sous certains angles, de « berlingot à roulettes ».

Si l’idée envisagée à l’origine du projet (numéro de code 118 en interne) était qu’elle puisse, éventuellement, succéder à la R4 (à l’image de la Dyane, conçue pour remplacer, à moyen terme, la 2 CV chez Citroën), l’avenir montrera (comme au sein de la marque aux chevrons) qu’il n’en sera rien.

Son lancement, à l’automne 1968, illustrant à nouveau que Renault entend bien tourné, progressivement, la page de l’ère du moteur arrière (ce qui sera finalement fait lorsque la R8 quittera la scène, tout du moins en France, en 1973). Sous le capot de cette « mini R16 », on retrouve le quatre cylindres en ligne de 850 cc héritée de la Dauphine (ce qui, à l’image de sa devancière, classe la nouvelle R6 dans la catégorie fiscale des modèles de 5 CV). Au vu de sa cylindrée, l’on se doute aisément que les performances n’ont rien de véritablement ébouriffant, néanmoins, étant donné sa vocation essentiellement citadine ainsi que de son faible poids à vide (un peu plus de 800 kg seulement), celui-ci a été jugé amplement suffisant pour la tâche à accomplir.

RENAULT 6 - Le losange oublié.

Il semble toutefois que, à l’époque de sa gestation ainsi qu’au moment de son lancement, la direction de Renault avait d’autres priorités en ce qui concerne le développement ainsi que le renouvellement de sa gamme (telles que la finalisation des futures R12 ainsi que des coupés R15 et R17, qui seront dévoilés, respectivement, l’année suivante et trois ans plus tard). Il n’y a qu’à observer l’évolution (ou, plutôt, les faibles évolutions) que connaîtra la Renault 6 durant une carrière pourtant longue de douze ans.

Dans l’histoire de la marque au losange à l’époque (à l’époque de la R6 comme avant ou après), il y eut nombre de modèles qui ont connu une carrière tout aussi longue, mais en ayant, cependant, bénéficié d’évolutions aussi diverses que nombreuses (aussi bien sur le plan technique qu’esthétique). De ce point de vue, la brave R6 fit véritablement figure de « parent pauvre », voire même, tout simplement, de « laissée pour compte » au sein du catalogue Renault de la fin des années 60 ainsi que durant toutes celles de la décennie suivante. Une situation qui durera, quasiment, durant toute la carrière de la R6 mais qui était déjà évidente lors de son lancement.

RENAULT 6 - Le losange oublié.

Elle n’est ainsi proposée qu’en une seule finition et, en dépit de son poids contenu, certains jugent sa puissance et donc ses performances quelque peu limitées. Si la brave R6 ne fait pas de vagues sur le plan médiatique, cela ne l’empêche toutefois pas de recevoir d’assez bonnes critiques de la part de la presse automobile et d’être, également, très bien accueillie par la clientèle visée. Au point même qu’elle parviendra à se hisser à devenir la deuxième voiture la plus vendue en France durant deux années de suite (1969 et 70), derrière la Peugeot 204. Une très belle performance, surtout pour un modèle qui semble (déjà) quelque peu « délaissé » par son constructeur.

En 1970, celui-ci consent, néanmoins, à écouter les doléances émanant, aussi bien, de la part des essayeurs de la presse spécialisée que des clients et, donc, à améliorer les performances de la R6 avec une nouvelle finition « haut de gamme » TL (la version de base à moteur 845 cc recevant alors l’appellation « L »). Laquelle reçoit une version améliorée du quatre cylindres Cléon fonte, d’une cylindrée de 1 108 cc, équipée d’un vilebrequin à cinq paliers, délivrant 47 chevaux (34 sur la version L d’origine) ainsi que d’une série d’autres améliorations techniques : montage d’un ventilateur électrique débrayable ainsi que freins à disques à l’avant et d’une barre antiroulis à l’arrière.

RENAULT 6 - Le losange oublié.

Hormis cela, le modèle ne connaîtra plus guère évolutions techniques notables jusqu’à la fin de sa production en France (en dehors de la suppression de la version « l » d’entrée de gamme en juin 1979). D’un point de vue esthétique, si elle connaîtra un lifting au début de l’automne 1973 (pour l’année-modèle 74 donc), celui-ci se limitera, toutefois, à une nouvelle calandre au dessin remanié et encadrée par des phares carrés ; des feux arrière au dessin, eux aussi, revus, ainsi que la plupart des pièces d’accastillage sur la carrosserie. Tout juste peut-on noter, à partir du millésime 77, une nouvelle calandre noire (et non plus « chromée ») ainsi qu’un nouvel éclairage de la plaque d’immatriculation, similaire à celui monté sur la R5.

Renault semblant avoir, par la suite, véritablement, oublié l’existence de sa R6, la laissant ainsi comme « livrée à elle-même » jusqu’à la fin de sa carrière. Si celle-ci s’achèvera dans l’hexagone en mai 1980, elle se poursuivra toutefois en Amérique latine (en Argentine et Colombie) jusqu’en 1984 ainsi qu’en Espagne jusqu’en 1986. Concernant les chiffres de production, les compteurs s’arrêteront à un peu de 1 743 300 exemplaires (environ 1 744 400 selon certaines sources, un total comprenant également les voitures assemblées à l’étranger.

Philippe ROCHE

Photos Wheelsage

En vidéo https://www.youtube.com/watch?v=leQ6f3st-TM&ab_channel=PetitesObservationsAutomobiles

Autre Renault à découvrir https://www.retropassionautomobiles.fr/2024/02/renault-espace-i-le-vrai-luxe-cest-lespace/

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