SIMCA / TALBOT HORIZON - Crise d'identité et désamour.

SIMCA / TALBOT HORIZON – Crise d’identité et désamour.

Durant son âge d’or, dans les années 1950 et 60, SIMCA (initiales, il faut le rappeler, de Société Industrielle de Mécanique et de Carrosserie Automobile, fondée, à l’origine, dans les années 1930 afin de produire sous licence en France des versions « francisées » des Fiat italiennes) peut se vanter de figurer dans le top cinq des plus importants constructeurs français, jouant quasiment à égalité (ou presque) avec Citroën, Peugeot et Renault en termes de chiffres de vente. La France (comme la majorité des pays d’Europe occidentale) est, elle aussi, entrée dans l’ère des « Trente Glorieuses » marqué par un redressement industriel ainsi qu’une prospérité économique que n’avait plus connut le Vieux Continent depuis la crise économique des années 1930.

Ce qui n’empêche toutefois pas le gouvernement français, afin de consolider et pérenniser cette prospérité retrouvée, d’insister auprès des responsables des principales industries du pays (au premier rang desquelles figurent, bien évidemment, celle du secteur automobile) de consacrer une partie importante de leurs efforts à l’exportation. Celle-ci devant permettre de faire rentrer de précieuses devises dont la France a toujours grand besoin. Cette fin des fifties étant aussi celles où (hormis les marques spécialisées dans les modèles de prestige, souvent déjà bien implantés là-bas) les constructeurs européens débarquent sur le territoire américain. Bien que leurs voitures fassent presque figure de lilliputiens en comparaison avec les modèles produits par les constructeurs de Detroit, même les plus populaires, un certain nombre d’entre-eux arrivent à s’y faire une place assez enviable et à trouver auprès des jeunes, des ménages à faibles revenus ainsi que des femmes une clientèle non négligeable.

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Les perspectives commerciales immenses de ce qui est rien moins que le premier marché automobile du monde à l’époque incitent donc Henri-Théodore Pigozzi, le « président-fondateur » de Simca à tenter, à son tour et comme beaucoup d’autres avant lui, « l’aventure américaine ». Une aventure dont il espère qu’elle sera facilitée par le nouveau partenaire commercial de Simca, originaire, justement, des Etats-Unis, le groupe Chrysler. En 1958, celui-ci rachète les 15 % des parts encore en position de son concurrent Ford (dont Simca avait racheté l’ancienne filiale française, quatre ans plus tôt) et acquiert également, dans le même temps, 10 % supplémentaires de celles-ci de la marque à l’hirondelle.

Malheureusement pour Pigozzi et aussi, à terme, pour Simca, cette entrée du groupe au pentastar dans le capital du constructeur français va rapidement engendrer la prise de contrôle de celui-ci par le géant américain. Au début des années 60, les changements liés à l’instauration du marché commun (la nouvelle Union Européenne, dont l’Italie est l’un des Etats fondateurs), l’abaissement des barrières et des tarifs douaniers ainsi que les facilités des échanges commerciaux que celui-ci offre entre les pays membres changent aussi la donne. Fiat décidant alors de se séparer, à terme, de Simca pour créer sa propre filiale en France, qui diffusera alors dans l’Hexagone les modèles produits à Turin et quasiment identiques donc à ceux vendus sur le marché italien (comme lors des débuts de la marque Simca donc).

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C’est pourquoi le constructeur italien n’a guère de mal à accepter les piles de dollars que Chrysler sort de ses valises, lequel acquiert alors, à la fin de l’année 1962, la majorité des parts jusqu’ici détenues par Fiat, le groupe au pentastar devenant alors l’actionnaire majoritaire de Simca avec 63 % des parts. Ce que les Américains ignoraient manifestement, c’est que Simca est, en réalité, divisée en deux sociétés, Simca Automobiles (qui, outre l’assemblage des modèles de la firme à l’hirondelle, rassemble aussi toutes les activités liées à la production des voitures de tourisme) et Simca Industries (créée en 1958 et rassemblant les autres firmes, hors automobiles, rachetées par Simca : Saurer, Unic ainsi que les activités poids lourds de l’ex-Ford SAF pour les camions ainsi que la société Someca pour les tracteurs). Quelques mois plus tard, lorsque la direction de Chrysler s’en rend compte, celle-ci considérant avoir été trompeé et tenant Pigozzi pour responsable, ce dernier est alors limogé sans ménagements. Bien que resté à la tête de Simca Industries, il ne se remit jamais, moralement, de cette éviction qu’il considérera comme une véritable injustice et sera emporté par une crise cardiaque à peine un peu plus d’un an plus tard, en novembre 1964, à l’âge de 66 ans.

Placé à la tête de la marque de Poissy par les dirigeants de Chrysler, Georges Héreil, ancien PDG de Sud-Aviation (constructeur, entre autres, des avions de ligne Caravelle), aura souvent fort à faire pour maintenir au mieux l’identité et donc un maximum d’autonomie à la marque Simca. La direction du groupe américain ayant, en effet, comme objectif de remplacer, progressivement, les modèles Simca arrivés en fin de carrière par ceux de la filiale anglaise de Chrysler, le groupe Rootes (comprenant les marques Hillman, Humber, Singer et Sunbeam), ou, en tout au moins, dérivés de ces derniers. Si Héreil réussira (non sans difficultés) à ce que la nouvelle Simca 1100 (inspirée de l’Autobianchi Primula et deuxième berline française équipée d’un hayon après la Renault 16) voit le jour en 1967. Ce sera toutefois le seul vrai nouveau modèle lancé par Simca durant les années 60 après la prise de contrôle de la marque par Chrysler. Celui-ci achevant la prise de contrôle du constructeur de Poissy lorsqu’il rachète, à l’été 1970, les dernières parts encore en possession de Fiat.

Le constructeur change alors de raison sociale et alors officiellement rebaptisée Chrysler France, même si le nom de Simca sera conservé sur la plupart des modèles produits à Poissy jusqu’à la fin des années 70. La tentative des Américains d’imposer, outre le style de management, leur propre vision de l’automobile s’illustrant avec la présentation, au début de cette décennie*, du trio Chrysler-Simca 160, 180 et 2 Litres, appliquant la même « philosophie » que les concurrents de Chrysler (General Motors) avec leurs propres filiales en Allemagne et en Angleterre : à savoir, sur le plan esthétique, une sorte de « version en réduction » des modèles américains du groupe Chrysler. Malheureusement pour celui-ci, la clientèle française, habituée depuis longtemps au style « franco-italien » des anciennes Simca, boudera cet « ersatz » d’américaine. L’éclatement de la première crise pétrolière, à l’automne 1973 et la récession économique qui s’ensuit va alors assombrir le ciel pour l’ex-Simca, dont les bilans comptables plongent alors dans le rouge.

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Si le lancement des nouvelles 1307 et 1308, en 1975 (qui remporteront, l’année suivante, le titre de Voiture de l’Année) va permettre à la marque de retrouver la voie du succès. Malheureusement (à nouveau) pour Simca / Chrysler France, au même moment, de l’autre côté de l’Atlantique, le groupe Chrysler voit, lui aussi, son horizon s’obscurcir. Le troisième constructeur automobile américain se trouvant, en effet, en grandes difficultés, victime, entre autres, du succès grandissant des modèles produits par les constructeurs japonais et du manque, au sein des différentes divisions du groupe, de modèles capables de répondre à la nouvelle demande pour des voitures de taille plus réduite ainsi que du manque de gestion de son programme de production (avec pour conséquence que, pour certains modèles…., les stocks d’invendus s’accumulaient sur les parkings des usines).

En 1978, Lee Iacocca (ancien président de la marque Ford, dont il venait d’être évincé) est alors appelé à la rescousse par les actionnaires du groupe afin de remettre le groupe sur les rails. Si ce dernier remplira assez brillamment et en quelques années seulement sa mission (au point qu’à la fin de l’année 1983, la Chrysler Corporation aura remboursé l’intégralité de ses dettes et redeviendra à nouveau bénéficiaire), le prix, ou les sacrifices, à payer et à faire pour cela sera, néanmoins, assez lourd. Le prix en question étant, en premier lieu, une aide financière de 1,5 milliard de dollars accordée par l’Etat fédéral et les sacrifices, de leur côté, la vente de l’intégralité de ses filiales européennes à Peugeot. Celles-ci comprenant, non seulement, Simca mais aussi Rootes en Grande-Bretagne et Barreiros en Espagne.

Ce long préambule était sans doute nécessaire afin de planter au mieux le décor et de montrer combien l’histoire de la marque à l’hirondelle fut parfois loin d’être un long fleuve tranquille et aussi que le rachat des différentes filiales de l’ex-Chrysler Europe représentait un très gros morceau pour le constructeur au lion, surtout sur le plan financier… Concernant l’ex-Simca, ce qui avait motivé Peugeot à en faire le rachat, outre le fait de pouvoir augmenter ses capacités de production, était de pouvoir ainsi, en quelque sorte*, « neutraliser » un constructeur qui représentait, depuis très (voire trop) longtemps un concurrent gênant. Bien que le duo des berlines familiales Simca 1307 / 1308 continue à très bien se vendre et que la nouvelle compacte Horizon vient d’être dévoilée au public, même revenu au sein du giron français, l’avenir ne s’annonce pas, pour autant, sous les meilleurs auspices pour l’ancienne filiale française de Chrysler.

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Alors que l’industrie automobile ainsi que l’économie, en France comme dans le reste de l’Europe occidentale, viennent à peine de se remettre des conséquences du premier choc pétrolier (celui qui a éclaté à l’automne 1973, suite à la guerre du Kippour), la révolution iranienne, au début de l’année 1979, va alors en provoquer un nouveau. L’impact de ce dernier sera, certes, moins désastreux (les gouvernements comme l’industrie, redoutant, à juste titre, après la première crise de 73, que celle-ci puisse se reproduire, ayant pris des mesures pour faire en sorte de « limiter la casse »). Mais il n’en reste pas moins que cette nouvelle flambée des prix des produits pétroliers aura engendra, sur bien des points et dans la plupart des pays européens, une politique d’austérité dont les constructeurs automobiles, à l’image des automobilistes eux-mêmes, se seraient, évidemment, bien passés !

Pour en revenir aux origines de la Simca Horizon, lorsque le projet (nom de code : C2) qui va aboutir à celle-ci est mis en chantier au sein du bureau d’études de Poissy, l’objectif est donné une succession à la Simca 1100. Laquelle, si elle est toujours très appréciée de la clientèle, commence, toutefois, à accuser son âge (il faut, en effet, rappeler qu’elle a été commercialisée en 1967). Sa remplaçante devant donc s’inscrire au sein de la même catégorie, celle des berlines compactes familiales, tout en se montrant, non seulement, plus moderne dans ses lignes, mais aussi plus pratique et confortable encore que sa devancière.

Les finances ne sont pas vraiment au beau fixe chez Chrysler France (même si ce n’est pas vraiment nouveau !), d’autant que la conception et le lancement des berlines de la famille « C6 » (nom de code interne du projet ayant abouti aux 1307 et 1308) a déjà coûté assez cher. (La direction de la filiale française ayant quasiment dû « taper du poing sur la table » pour que la maison-mère américaine accepte de délier les cordons de la bourse). Les hommes du bureau d’études vont, dès lors, se voir contraints (une fois de plus, là aussi) à recycler un maximum possible d’éléments déjà existants au sein de la banque d’organes. Les différentes motorisations et boîtes de vitesses ainsi que les essieux avant et arrière sont repris de la 1100 ou des 1307/1308 (suivant les versions).

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Dans l’ensemble, la nouvelle compacte de Chrysler France se montre fort classique, aussi bien sur le plan technique qu’esthétique (à l’image, d’ailleurs, de la grande majorité de ses concurrentes). Même si (en parcourant « à la loupe ») sa fiche technique, l’on peut, néanmoins, trouver quelques touches « d’avant-gardisme » (ou, tout du moins, de modernité) fort bienvenues. A l’image de l’allumage électronique, d’un pare-brise collé ainsi que de longerons en acier à haute limite élastique (cette dernière caractéristique constituant alors, quasiment, une première sur le marché européen).

Lors de son lancement, au début de l’année 1978, l’Horizon est commercialisé sous le nom de Chrysler-Simca (son « nom de baptême » originel, qui fut aussi celui des 1307 et 1308). En entrée de gamme figure le 1,1 l, proposé en deux versions (de 55 ou 59 ch) l’offre étant complétée par le 1,3 litre délivrant, quant à lui, 68 chevaux. Trois niveaux de finition étant proposés : LS, GL et GLS.

Elle ne sera, toutefois, guère produite pendant longtemps sous son nom d’origine, le groupe Chrysler ayant, en effet, déjà décidée, au moment à l’Horizon débute sa carrière commerciale, de se séparer, non seulement, de Chrysler France (ex-Simca), mais aussi de ses filiales en Espagne et au Royaume-Uni.

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Si le second millésime de l’Horizon sera marqué par le changement de propriétaire des trois constructeurs concernés, tous rachetés par PSA, tout ceci n’a (dans un premier temps, en tout cas) guère impact sur la carrière de l’Horizon, laquelle poursuit donc, tranquillement, son « petit bonhomme de chemin ». Les Horizon produites durant cette année-modèle 79 ne se distinguant, toutefois, de celle du premier millésime qu’à quelques modifications, souvent mineures comme les logos indiquant la cylindrée sur les ailes avant ou le montage d’une prise de diagnostic dans le compartiment moteur (qui existaient, en effet, déjà à la fin des années 70, même si elles étaient encore loin de s’être généralisées sur l’ensemble des voitures), mais aussi plus importantes pour d’autres, tel que le montage de ceintures de sécurité aux places arrière.

En ce qui concerne la gamme, la finition LS d’entrée de gamme, qui, au lancement du modèle, n’était disponible qu’avec le 1,1 l de 55 ch, se voit désormais aussi proposer avec la version 59 ch. La GL héritant, quant à elle, de l’ancienne motorisation de la GLS, alors que cette dernière bénéficie, de son côté, d’une mécanique dont la cylindrée est portée à 1 442 cc mais avec une puissance qui reste quasiment inchangée. (Un choix qui relève sans doute d’une « stratégie marketing », afin, en effet, que l’Horizon GLS ne marche pas trop sur les platebandes de la 1308 GT, située juste un cran au-dessus dans la hiérarchie de la gamme Simca).

En tout état de cause, à partir d’octobre 78, la GLS n’est plus le haut de gamme de l’Horizon, cette dernière s’étant, en effet, fait « voler » ce rôle par la nouvelle version SX, laquelle voit sa puissance portée à 83 chevaux. Bien que cela puisse se justifier par son statut de version la plus puissante et la mieux équipée (avec, entre autres, un ordinateur de bord, un régulateur de vitesse ainsi qu’une sellerie plus cossue) de l’Horizon, le fait qu’elle ne soit disponible qu’avec une boîte de vitesse automatique peut, toutefois, apparaître assez curieux dans un pays où (surtout sur les voitures populaires), la grande majorité des conducteurs ne jurent que par les boites manuelles.

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C’est aussi en 1979 que l’Horizon se verra décerner le titre (fort envié) de Voiture Européenne de l’Année (pour rappel, les Simca 1307 et 1308 avaient, elles aussi, reçu la même récompense en 1976). Un événement qui marquera aussi la meilleure année de vente de l’Horizon, avec près de 222 300 exemplaires sortis des chaînes de l’usine de Poissy. La marque ne marquera, évidemment, pas de profiter de cette consécration, en commercialisant une série limitée Jubilé (même si celle-ci ne se différenciait, toutefois, des Horizon de la gamme courante que par sa teinte bicolore ainsi que ses jantes en aluminium).

Si l’année 1979 marquera une date importante pour l’Horizon, c’est aussi (ou surtout) à cause de son changement de patronyme : la marque Simca appartenant, en effet, à présent au passé, pour laisser la place à celle de Talbot. Même si, de ce point de vue, les modèles du millésime 79 représenteront une sorte de « période de transition » en ce qui concerne les noms et logos apposés aux différents endroits de la voiture. Si le capot porte bien le nouveau nom de Talbot, c’est toujours bien le nom de Simca que l’on retrouve sur le hayon, alors que c’est le pentastar (une étoile dans un pentagone) qui figure toujours, quant à lui, sur la calandre (ainsi, même, que sur les clés de la voiture !). Pour l’automobiliste français lambda, surtout s’il ne sait rien des tractations ni des termes du contrat qui ont eu lieu entre Chrysler et PSA pour la revente de Simca – Chrysler France à ce dernier, il y a de quoi être (pour le moins) « dérouté » ! Il semble, toutefois, que la (principale) raison de cet « imbroglio »* se trouve dans le fait que le nouveau propriétaire de l’ex-filiale américaine de Chrysler ait voulu faire preuve d’une sorte de « pragmatisme », en écoulant les stocks de pièces déjà existants sur les voitures montées sur les chaînes d’assemblage (quitte à engendrer une certaine confusion auprès de la clientèle). Autant dire que cela ne va pas contribuer à clarifier sa nouvelle identité, mais, bien au contraire, à brouiller celle-ci dans l’esprit d’une grande partie du public !

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En ce qui concerne la gamme Horizon en elle-même, la finition GLS est, à présent, disponible avec le moteur de 83 ch (réservé, à l’origine, à la SX). Après la Jubilé, une autre série limitée, la Spéciale, ou SPL, qui se distingue, extérieurement, par sa décoration dégradée sur les flancs.

Avec le passage à l’année-modèle 1981, le nom de Simca disparaît définitivement, non seulement de l’Horizon mais aussi des autres modèles issus de l’ancienne gamme de la défunte Chrysler France. C’est désormais uniquement le logo de la marque Talbot (un « T » entouré d’un cercle) que l’on retrouve sur la calandre de l’Horizon ainsi que sur le volant….. Bien qu’en ce début des années 80, la Talbot Horizon continue à figurer dans le « Top 10 » des voitures françaises les plus vendues, sa carrière commerciale a, toutefois, désormais, amorcé son déclin : en 1980, ce ne seront ainsi plus que 158 000 Horizon qui auront été produites.

A l’aube de la décennie 80, les temps sont d’ailleurs assez durs pour le groupe PSA, pour ne pas dire que les comptes de celui-ci plongent dangereusement dans le rouge, le rachat simultané de trois constructeurs qui constituaient les anciennes filiales de Chrysler en Europe (alors que Peugeot venait à peine de « digérer » le rachat de Citroën, en 1974) ayant, en effet, sérieusement plombé ses finances. Afin d’éviter, à terme, un naufrage pur et simple, le groupe décide alors de jeter toutes ses forces dans l’étude des deux modèles qui doivent permettre de remettre le groupe sur les rails : la Citroën BX ainsi que la Peugeot 205.

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Dans ces conditions, la marque Talbot ne fait, clairement, plus partie des priorités de la direction de PSA et va, même, se rapidement se retrouver, au sein des différentes marques du groupe, dans le rôle, peu enviable, du « laisser pour compte ». Il est vrai que les différents modèles de la gamme Talbot, qu’il s’agisse de la compacte Horizon, de la « nouvelle » berline familiale Solara (qui n’est, en réalité, rien d’autre que la version tricorps des anciennes 1307 et 1308) ou de la grande routière Tagora entrent directement en concurrence avec les modèles similaires de la gamme Peugeot.

Une concurrence interne d’autant plus forte qu’au début des années 80, la direction de PSA va commettre une (grosse) erreur supplémentaire en décidant de vendre, désormais, les modèles Peugeot et Talbot au sein d’un seul et même réseau. Les anciens concessionnaires Simca / Chrysler France, peu enclins à devoir vendre et entretenir les modèles de la marque au lion aux côtés des anciennes Simca et des nouvelles Talbot décidant alors, pour certains, de baisser le rideau et, pour la grande majorité d’entre-eux, de passer  à la concurrence. Les concessionnaires Peugeot, de leur côté, ne se montrant guère plus enthousiastes (c’est le moins que l’on puisse dire) à l’idée de vendre les Talbot / ex-Simca – Chrysler, ne feront guère d’efforts pour promouvoir ces dernières dans leurs show-rooms ainsi qu’auprès des clients, d’autant plus que PSA ne les y encourage pas, les incitant même (souvent en termes indirects ou voilés, mais, néanmoins, très clairs) à mettre en avant les productions de la firme de Sochaux.

Si la Tagora (alter ego au sein de la gamme Talbot de la Peugeot 604) représentera sans doute l’exemple le plus flagrant de l’échec de la « nouvelle » marque Talbot (quittant la scène quasiment sur la pointe des pieds après seulement trois millésimes de production), aucun modèle portant le « T » cerclé sur leur calandre ne sera véritablement épargnée par ce désamour à peine dissimulé de la part du réseau. Conséquence logique et inévitable, les ventes vont alors commencer à amorcer, rapidement et dangereusement, une pente descendante.

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Autre conséquence, là aussi, assez logique, concernant la Talbot Horizon, est que celle-ci ne connaître guère d’évolutions significatives au cours de sa carrière. Si chaque millésime apportera, certes, son lot d’évolutions, celles-ci, qu’elles soient techniques ou esthétiques, ne seront, souvent, que mineures. A tel point que chercher à différencier les premières Talbot Horizon (celles commercialisées lors de l’année-modèle 1980) des ultimes exemplaires sortis de l’usine de Poissy six ans plus tard revient presque à jouer au jeu des sept erreurs.

Si la gamme s’élargit vers le bas avec la présentation, à la fin de l’année 1981, de la Samba, réalisée sur la base (sensiblement rallongée) du coupé Peugeot 104 et bien que celle-ci connaisse un honnête succès auprès du public (bénéficiant, comme cette dernière, de quelques dérivés plus ou moins sportifs), le ciel ne s’éclaircit guère pour autant pour la marque Talbot, que du contraire ! En outre, les grèves à répétition vont bientôt devenir monnaie courante au sein de l’usine Talbot de Poissy, avec les retards de livraison (et donc la grogne des clients) que cela ne va pas manquer d’engendrer, dégradant encore un peu plus l’image de la marque Talbot auprès du public.

Ce millésime 81 voyant l’apparition d’une nouvelle déclinaison de la version GL qui se voit greffer un quatre cylindres de 1,5 l mais dont la puissance a été ramenée à 65 ch, permettant ainsi d’abaisser la consommation à 5,5 l (à 90 km/h), contre 6,4 litres avec le 1,3 litre de 69 chevaux. Il est vrai qu’au tout début des années 80, les secousses provoquées par le second pétrolier se font encore sentir et que la priorité numéro un de la grande majorité des acheteurs reste bien la consommation, qu’ils souhaitent la plus faible possible. Dans ces conditions, chaque litre (voire chaque demi-litre) de carburant qu’une voiture consomme en moins n’est jamais à négliger lors du choix d’un modèle. (Il n’y a pas de petites économies !).

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L’année suivante (1982), la version S, qui était la seule à être équipée du moteur de 83 chevaux, disparaît du catalogue, mais y fera, toutefois, sa réapparition lors du millésime suivant. Un autre changement est l’apparition de l’EX, laquelle associe (de façon assez curieuse) le 1,5 l de 65 ch à un habitacle doté d’une présentation et d’un équipement presque aussi cossu que ceux de la SX.

Concernant les (timides) évolutions que connaîtra l’Horizon durant ses années de carrière sous le nom de Talbot, citons (pour se limiter à celles qui permettent de différencier aisément les différents millésimes) des pare-chocs entièrement noirs ainsi que, sur la plupart des versions, un spoiler destiné à améliorer (autant que possible l’aérodynamique) font leur apparition en 1983. De même qu’un hayon dont le bas de la lunette arrière est, désormais, peint en noir afin de masquer le fait que la tablette couvrant le compartiment du coffre a été rehaussée, faute de pouvoir (ou, plutôt, de vouloir) investir dans la création d’un nouveau hayon au dessin retouché.

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Elle est également disponible, à partir de cette même année 83, avec une motorisation Diesel de 65 ch (le très moderne XUD, l’Horizon étant d’ailleurs le premier modèle du groupe PSA à en bénéficier, avant même la Peugeot 205), proposée avec deux niveaux de finitions : LD et EXD. Ainsi qu’avec une nouvelle finition haut de gamme, recevant l’appellation Premium (un rien « prétentieuse »), dont la mécanique de 1,6 litre voit sa puissance portée à 90 chevaux (ce qui en fera ainsi la version la plus puissante de la Talbot Horizon sur le marché français). Cette dernière bénéficiant également, en série, de la direction assistée, d’une boîte de vitesses à cinq rapports (qui fut étrennée par l’éphémère version EX5 et qui équipera, par la suite, un grand nombre des modèles du groupe à l’époque, les premiers étant la Peugeot 305 série II ainsi que la Citroën BX), d’un système de verrouillage centralisé ainsi que des jantes en aluminium.

Autre conséquence d’un budget alloué par PSA devenu, quasiment, insignifiant, l’Horizon se verra obligée, à partir de 1984, d’emprunter une partie de ses éléments à la marque au lion (entre autres l’horloge à la 205 et les bacs de portière à la 505). A cette date, « l’euthanasie » de la marque Talbot est, d’ores et déjà, programmée, même si elle n’interviendra que trois ans plus tard.

Les modèles du millésime 1986, qui sera le dernier sur le marché français, héritant d’une instrumentation au dessin revu et dont le bloc se voit orné d’un (discret) liseré rouge, un logo Talbot de plus grande taille des interrupteurs provenant de la défunte Tagora ainsi qu’un nouveau pommeau (d’origine Peugeot) sur le levier de vitesse. A l’extérieur, la seule modification visible consiste dans le montage de baguettes de protection latérales plus épaisses. En ce qui concerne les différentes versions disponibles pour ce dernier millésime en France, les finitions LD et EXD sont remplacées par une unique version D (pour Diesel, évidemment). Du côté des versions essence, l’EX disparaît, elle aussi, du catalogue.

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Il faut aussi mentionner l’ultime série limitée qui sera proposée sur l’Horizon, la Sherlock, qui se caractérise par ses placages en (faux) bois sur la planche de bord, les contre-portes ainsi que le pommeau du levier de vitesses (logique pour une série spéciale portant le nom du plus célèbre des détectives anglais que de vouloir conférer à l’habitacle une touche quelque peu « british »). Or, assez étrangement, alors qu’étant donné l’esprit qu’elle entendait véhiculer, l’on se serait attendu à ce qu’elle se présente comme une série haut de gamme, c’est pourtant sur la base de la finition LS d’entrée de gamme qu’elle sera réalisée.

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Depuis le début de l’été 1985, la production de l’ensemble des modèles Talbot (Horizon, Solara et Samba) a été transférée en Espagne, au sein de l’usine de Villaverde, au sud de Madrid. PSA ayant, en effet, besoin de libérer de la place sur les chaînes d’assemblage de Poissy pour la production des modèles Peugeot. Dont celle qui devait, à l’origine, remplacer l’Horizon au sein de la gamme Talbot (nom de code : C28) et qui sera, finalement, intégrée à la gamme Peugeot sous l’appellation 309.

Au total, près de 851 000 exemplaires auront été assemblés au sein de cette dernière (auxquels il faut rajouter un peu plus de 167 600 unités produites en Espagne). Si la Talbot Horizon se verra accorder une ultime année de sursis, la quasi-totalité de la production du millésime 1987 sera réservée au marché espagnol. Il faut également mentionner que l’Horizon fut aussi produite par Chrysler pour le marché nord-américain, sous les noms de Plymouth Horizon et Dodge Omni, où elles connaîtront la carrière la plus longue, survivant même à leurs « cousines » européennes, puisque leur carrière outre-Atlantique ne s’achèvera qu’en 1990.

Philippe ROCHE

Photos Wheelsage

En vidéo https://www.youtube.com/watch?v=cRDhXMBnjww&t=3s&ab_channel=INAOfficiel

Une autre Talbot https://www.retropassionautomobiles.fr/2024/02/talbot-solara-heritage-franco-americain/

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