RENAULT 20 – « Super R16 ».
Au milieu des années 70, bien que son succès commercial auprès de la clientèle reste assez important, il n’en reste pas moins que la Renault 16, celle qui fut la première berline française dotée d’un hayon, approche maintenant des dix ans d’âge.
Or, même si, en tant que modèle à vocation « populaire » (au sens large du terme) et familiale, elle pourra sans doute se permettre de « jouer les prolongations », même après avoir soufflé sa dixième bougie, il n’en reste pas moins qu’il faut déjà s’occuper de mettre en chantier l’étude de sa remplaçante. Afin que celle-ci soit prête à entrer en scène à moyen terme, au cas, éventuellement, où les ventes de la R16 finiraient par retomber, tel un soufflé.
Etant donné le succès de la R16 et de sa « cinquième porte » (en dépit des railleries de la concurrence lors de son lancement) ainsi que de sa banquette arrière fractionnable permettant de la transformer en un vrai petit utilitaire, qui a fini par faire des émules (et au-delà, même, des frontières de l’Hexagone), les hommes du bureau d’études ainsi que ceux de la direction de Renault se disent que cela peut tout aussi bien marcher dans la catégorie supérieure, celle des berlines grandes routières. En outre, l’idée de bousculer, une nouvelle fois, des traditions bien établies n’est sans doute pas pour déplaire aux hommes du losange.
Au même moment, les ingénieurs de la Française de Mécanique, une entreprise créée, en commun, par Renault et Peugeot pour la production d’un certain nombre de leur motorisation. Installée à Douvrin, dans le Pas-de-Calais, celle-ci travaille sur la création d’une mécanique à l’architecture inédite, non seulement au sein de l’entreprise, mais aussi de l’industrie automobile française en général. La motorisation en question se présentant, en effet, sous la forme d’un six cylindres en V, un type de motorisation qui n’avait plus été vu chez un constructeur français depuis la disparition de Delage, Delahaye et Hotchkiss au milieu des années 50 ainsi que de Talbot-Lago quelques années plus tard (même s’il est vrai, pour être tout à fait exact, que, sur ces dernières, les moteurs conservaient une architecture plus classique, avec les cylindres en ligne).
Il est vrai que nous sommes alors dans la période que l’on connaît sous le nom de « Trente Glorieuses » (avec une prospérité retrouvée après les ravages de la Seconde Guerre mondiale). Une époque où de plus en plus de Français peuvent ou choisissent, désormais, d’avoir leur propre voiture (quitte à contracter un crédit sur dix ans), où l’essence est vendue presque au même prix que l’eau du robinet et où le célèbre slogan « ma voiture, ma liberté ! » a quasiment été érigé en « dogme » par de nombreux automobilistes.
Dans ces conditions, à défaut d’avoir toujours des constructeurs spécialisés dans les voitures de sport et de prestige, les grands constructeurs nationaux se décident à créer leurs propres modèles haut de gamme, destinés à aller chasser sur les terres des berlines germaniques, lesquelles tiennent déjà, en ce début des 70’s, le haut du pavé (trop, même, aux goûts des dirigeants de Citroën ainsi que de Peugeot et Renault). Et l’on est tellement convaincu que cette prospérité retrouvée sera sans fin que les ambitions de deux derniers constructeurs cités vont jusqu’à imaginer de concevoir, en partant de la même base, non seulement un V6 mais aussi un V8 !
Sauf que le ciel va subitement s’obscurcir et le soleil laisser place à l’orage à l’automne 1973. Les pays producteurs de pétrole (OPEP) décidant alors de revoir, brusquement, à la hausse le prix du baril de leur précieux or noir. En ce qui concerne Peugeot et Renault ainsi que leur filiale commune, la conséquence sera que seul le V6 sera finalement commercialisé (le lancement du V8 étant, dans un premier temps, « ajourné », avant qu’il ne soit définitivement enterré en 1979, après l’éclatement d’un second choc pétrolier). Le V6 franco-suédois (Volvo s’étant, en effet, joint, presque au dernier moment, au duo Peugeot et Renault) se révélera, d’ailleurs (surtout dans sa version initiale), déjà bien assez soiffard comme ça (près de 12 litres aux 100 km).
Même si, au moment ou les ingénieurs ainsi que les stylistes de Renault travaillent sur la conception de celle qui doit venir prendre la succession de la R16, personne ne se doute encore qu’une crise pétrolière va subitement leur tomber dessus, la direction décide toutefois, pour rentabiliser au mieux son investissement, de créer non pas un mais deux modèles sur la même plateforme ainsi qu’avec la même carrosserie.
Si la plus cossue et la plus puissante d’entre-elles, la R30, sera dévoilée en mars 1975, sa « cousine » (ou « soeur ») plus « plébéienne », la Renault 20, quant à elle, devra attendre le mois de novembre suivant pour faire son entrée en scène. L’une comme l’autre n’étant toutefois proposées, à leurs débuts, qu’avec une seule motorisation : en l’occurrence, le V6 PRV pour la première et le quatre cylindres en ligne de 1,6 litre emprunté à la R16 TX pour la seconde. La nouvelle R20 étant, cependant, déclinée ne trois niveaux de finition différents : L, TL et GTL. Outre la classique boîte de vitesses manuelle à quatre vitesses, elle aura également droit, en option, à une transmission automatique (à trois rapports seulement, toutefois).
La présentation, intérieure comme extérieure, de la finition L d’entrée de gamme étant jugée trop austère (voire même quelque peu « indigente ») et l’écart de prix avec la version TL étant, finalement, assez faible, la R20 L disparaîtra du catalogue dès 1977. (Même les archives du constructeur n’ont pas conservé de trace du nombre exact d’exemplaires qui en ont été produits).
A l’occasion de ce millésime, le modèle reçoit (tout comme la R30) de nouvelles poignées « classiques » à palette, qui remplacent les poignées « inversées » (avec le bouton-poussoir placé en haut), qui avaient été critiquées par une grande partie de la presse automobile. Une trappe, de la couleur de la carrosserie, remplaçant, de son côté, le bouchon de réservoir apparent (jugé, sans doute, peu esthétique). En juillet de cette année-là, la gamme s’élargit vers le haut avec la R20 TS, laquelle hérite d’un nouveau quatre cylindres, construit entièrement en aluminium, affichant une cylindrée de deux litres. Les places arrière (qui en étaient, jusque-là, dépourvues) sont désormais équipées de ceintures de sécurité et un feu antibrouillard fait son apparition à l’arrière.
Deux ans plus-tard, à la fin de l’année 1979, la version Diesel fait (finalement) son apparition. L’on peut d’ailleurs s’étonner que son apparition au sein de la gamme ait été si tardive, étant donné qu’en cette fin des années 70, (conséquence de la crise pétrolière), les constructeurs français étaient déjà devenus les champions des mécaniques fonctionnant au gazole. Comme la plupart des moteurs Diesel de l’époque, celui-ci que l’on retrouve sous le capot de la R20 n’a rien d’un foudre de guerre, au contraire même, car avec seulement 64 ch pour une cylindrée de 2,1 litres, il va sans dire que ses performances n’ont rien d’ébouriffant.
Au même moment, la boîte cinq vitesses (optionnelle, toutefois) fait, elle aussi, son apparition, permettant ainsi (sur les voitures qui en seront équipées) d’optimiser sensiblement les performances, tout en soulageant le moteur lors des hauts régimes prolongés (comme lors des trajets sur autoroute).
L’année suivante, les (célèbres) pneus Michelin TRX, déjà disponibles depuis deux ans sur la R30, peuvent, à présent, aussi être montés sur la Renault 20 (étant donné leur prix, qui, déjà à l’époque, était assez « dissuasif », il est, toutefois, peu probable que beaucoup d’exemplaires de la R20 en aient bénéficié).
Cette même année 1980 est aussi marquée par un événement important dans l’histoire de Renault, même s’il est vrai qu’il ne concerne que de manière indirecte la R20. Après quinze ans de bons et loyaux services, son illustre devancière, la R16, tire sa révérence. Si la Renault 20 peut, enfin, vivre pleinement en dehors de l’ombre de cette dernière, cela arrive, toutefois, un peu tard, étant donné que la R20 fait partie du paysage automobile français depuis maintenant cinq ans déjà. En outre et bien qu’il ne s’agisse sans doute que d’une coïncidence, c’est juste après que la R16 tire sa révérence que les ventes vont connaître une baisse assez significative : d’un peu plus de 104 400 exemplaires (un score qui comprend aussi la R30) produits en 1980, la production tombe à 79 000 unités seulement l’année suivante et ne va faire, ensuite, que descendre jusqu’à ce que le rideau retombe sur le duo.
A l’occasion du millésime 1981, les Renault 20 et 30 bénéficient toutes deux d’un nouveau tableau de bord « tout plastique », d’un dessin plus moderne que le précédent (apparaissant, en tout cas, comme tel lors de sa présentation, mais qui, contrairement à celui d’avant, en revanche, d’un point de vue esthétique, surtout, vieillira beaucoup moins bien). Concernant la R20, la gamme voit l’apparition d’une nouvelle version TX, équipée d’un bloc 2,2 litres de 115 chevaux, ce qui en fera la motorisation la plus puissante qui équipera la R20. Du côté des finitions, si la GTL disparaît du catalogue, celui-ci s’enrichit, en contrepartie, (outre la TX) d’une nouvelle version LS.
En juillet de l’année suivante, la version TL est, à son tour, supprimé de la gamme, alors que les motorisations de 2 l et 2,2 litres bénéficient, quant à elles, d’un nouvel allumage électronique.
Une nouvelle version Diesel, de 2 litres, mais équipée, cette fois, d’un turbo, permettant ainsi de porter la puissance à 85 ch (et offrant, enfin, des performances dignes dignes de ce nom) fera son apparition pour l’année-modèle 1983.
La carrière de cette version « TD » sera, toutefois, fort courte, puisque la production de la R20, ainsi que de son aînée, la Renault 30, prendra fin en octobre de la même année. (Même si les deux modèles resteront encore disponibles au catalogue durant quelques mois encore, afin d’écouler les stocks. C’est pourquoi les ultimes exemplaires seront immatriculés en tant que modèle du millésime 1984). Au total, un peu plus de 607 400 exemplaires (toutes versions confondues) de la Renault 20 seront sortis des chaînes d’assemblage de l’usine de Sandouville durant ses huit ans de carrière.
A noter que la version TS seront aussi assemblée (bien que manière éphémère) en Australie (entre 1979 et 81) ainsi qu’en Thaïlande (entre 1979 et 80), à partir de pièces importées de France. Ainsi qu’en Roumanie (dirigée à l’époque par le dictateur communiste Nicolae Ceausescu), où elle sera produite (là aussi à partir de pièces détachées expédiées par Renault) durant une brève période (1979 à 82) sous le nom de Dacia 2000. La production n’ayant pas dépassé, semble-t-il, quelques centaines d’exemplaires, destinée principalement à la Police politique (la Securitate) ainsi qu’aux dignitaires du régime.
Et l’on peut dire qu’en la créant, les hommes du bureau d’études ainsi que de la direction de Renault ont « misé juste ». Ceci, car s’il n’y avait eu que la Renault 30 et ses quelques 136 400 exemplaires, l’on pourrait sans doute presque parler d’échec commercial.
(Pour « l’anecdote », outre le V6 PRV, fut aussi proposée, avec le même quatre cylindres turbo-diesel que l’on retrouvera, par la suite, sur la R20 mais dès 1981, soit deux ans avant cette dernière ! (Proposer ce genre de mécanique, à l’image encore très « rustique » et « utilitaire » sur une berline grande routière « de prestige » apparaissant alors, aux yeux de beaucoup, comme une sorte « d’aberration » et n’aura, d’ailleurs, aucune influence positive sur les ventes. La Renault 20 étant alors, déjà, assez clairement, en fin de parcours).
Une fois les R20 et R30 retirées de la scène, Renault renoncera à ce concept du « deux modèles en un », préférant, s’agissant de sa remplaçante, la Renault 25, jouer la carte de la « simplicité ». En proposant, tout simplement et à l’image de la plupart de ses concurrents, un seul modèle avec une vaste gamme de quatre cylindres essence et Diesel ainsi que l’incontournable V6 PRV au sommet de la gamme.
Avec environ 780 000 exemplaires produits entre 1984 et 92, soit une durée de production similaire à celle des R20 et R30, la R25 peut revendiquer un score tout aussi bon (et, même, légèrement supérieur) à celui du tandem qui l’a précédé. Ce sera, toutefois, le dernier vrai succès de Renault dans cette catégorie, avant le déclin que connaîtront les constructeurs « généralistes » en général et les Français en particulier sur le segment des berlines grandes routières à partir des années 90. Ce qui conduira un grand nombre d’entre-eux à le déserter, laissant ainsi le champ libre aux modèles des constructeurs d’outre-Rhin.
Philippe ROCHE
Photos Wheelsage
En vidéo https://www.youtube.com/watch?v=X7Jv5Rb83Gw&ab_channel=PetitesObservationsAutomobiles
Découvrez l’histoire de la Renault 16 https://www.retropassionautomobiles.fr/2024/06/renault-16-une-voiture-a-vivre/