AUVERLAND A3 - Le digne descendant du Cournil.

AUVERLAND A3 – Le digne descendant du Cournil.

Aux origines de la firme Auverland, l’on retrouve un autre constructeur de tout-terrains français légendaire (tout au moins pour les initiés) : l’auvergnat Cournil. Avec le célèbre Tracteur (c’est ainsi que l’avait nommé son créateur, sans doute afin de mieux souligner, par cette appellation, la vocation essentiellement agricole de l’engin), conçu dans les années 50 par Bernard Cournil.

Ce dernier ayant pour ambition de concevoir un véhicule tout-terrain 100 % français, encore plus robuste que la Jeep-Willys américaine qui lui a servi de modèle, rien de moins ! Si le succès sera rapide et permettra à Cournil de se faire un nom, non seulement dans sa région natale du Cantal, mais également dans une grande partie de l’Hexagone.

Malheureusement pour ce dernier, les événements de Mai 68 (dont il faut rappeler que, contrairement à ce que beaucoup pensent généralement aujourd’hui, n’ont pas concerné que les étudiants des facultés d’universités ainsi que la société parisienne, mais ont aussi eu des répercussions sur l’industrie et l’économie française) vont sonner la fin de l’âge d’or pour Cournil. S’étant probablement, d’une certaine façon, laissé grisé par le succès de son tracteur, qu’il a décliné en de nombreuses versions au fil des années, le constructeur d’Aurillac voit alors les commandes chutées et les stocks de véhicules invendus grossirent rapidement. Tant et si bien que Bernard Cournil se voit contraint de déposer le bilan en 1970. Ce dernier n’est, pourtant, pas encore résigner à déposer les armes et relance assez rapidement son activité, mais, malgré les efforts déployés, il ne parviendra jamais à retrouver la prospérité qu’il avait connue dans les années 60.

AUVERLAND A3 - Le digne descendant du Cournil.

En 1977, il se résout alors à baisser le rideau, non sans revendre, toutefois, la licence de production du Tracteur Cournil à la société portugaise UMM, qui y apportera de (légères) modifications pour créer l’Alter ainsi qu’à un autre repreneur, auvergnat tout comme lui, l’industriel Gevarm. Bernard Cournil décédera en 1983, à l’âge de 75 ans. La société s’installant, par la suite, à Saint-Germain Laval (entre Saint-Etienne et Clermont-Ferrand) et sera rebaptisée Autoland et ensuite, en 1984, Auverland. (Un nouveau nom qui fait, à la fois, référence à la région d’Auvergne, auquel à été ajouté le terme anglais Land, car celui-ci renvoie systématiquement, dans l’esprit d’une grande partie du public, à l’univers du 4×4, puisqu’il est déjà porté par plusieurs modèles de référence dans ce domaine, parmi lesquels figurent, évidemment, le Land Rover ainsi que le Land Cruiser de Toyota).

Si le premier modèle produit par ce dernier, l’A2, portera encore, durant quelques années, le nom de Cournil, celui-ci disparaît, toutefois, définitivement, en 1987, lorsque Auverland présente son nouveau modèle, de taille plus réduite ainsi que d’un poids plus léger que les anciens Tracteur Cournil.

Bien que toujours fortement inspiré, sur de nombreux points de sa fiche technique, de ce dernier, le nouvel Auverland A3 s’en différencie, toutefois, déjà par sa motorisation, un quatre cylindres Diesel 2,1 litres d’origine Peugeot (issu des versions turbo diesel de la 605), développant 84 chevaux (identique à celui que l’on retrouve sur le Peugeot P4 de l’Armée Française), alors que les Tracteurs produits par Bernard Cournil, reçurent, quant à eux, d’abord des moteurs diesel Ferguson (un constructeur anglais célèbre pour ses machines agricoles) et ensuite d’origine Leyland (connu pour ses utilitaires aussi que ses autobus, notamment les célèbres bus londoniens à deux étages). A noter que la boîte de transfert (conçue avec la collaboration d’entreprises telles que la société Pont-à-Mousson) qui l’équipe et permet de profiter des quatre roues motrices, ainsi que la plus grande partie des autres organes mécaniques, de leur côté, ont été entièrement réalisés par la société Auverland.

AUVERLAND A3 - Le digne descendant du Cournil.

Lorsque sa production est lancée en 1988, il arrive, malheureusement, un peu tard, pour remporter l’appel d’offre émise par l’Armée pour renouveler son parc de véhicules légers et trouver un remplaçant à l’antique Jeep-Hotchkiss. (Pour rappel, le constructeur, après avoir abandonné la production des voitures de luxe en 1954, a décidé de se recentrer sur la production des poids lourds ainsi que de la Jeep-Willys dont elle a acquis la licence de fabrication). C’est donc Peugeot avec le P4 (lequel, là aussi, pour rappel, n’est, en réalité, rien d’autre qu’un Mercedes Classe G en version découvrable sur châssis court, auquel fut greffé un quatre cylindres Diesel emprunté à la 505) qui remportera la plus grosse part du gâteau. Ce qui n’empêchera, toutefois, pas l’Auverland A3 de susciter, lui aussi, l’intérêt des militaires et servira lui aussi sous les drapeaux. Outre l’Armée, les corps de pompiers et de gendarmerie ainsi que de nombreuses administrations et sociétés publiques officiant en zones rurales. Un succès qui s’étendra aussi au-delà des frontières françaises, puisque l’Auverland A3 sera également distribuée dans plusieurs autres pays européens, son constructeur en vendant même, en 1990, la licence de production au Brésil, sous le nom de JPX Montez.

Dès son lancement, l’Auverland A3 sera également proposé en version « civile », commençant alors à mettre en place un véritable réseau de vente et d’après-vente. Parmi les principaux concessionnaires, l’on retrouvera d’ailleurs, dans le Cantal, la famille Cournil ! Toutefois, les versions de l’Auverland destinées aux particuliers ne connaîtront, cependant, pas le même succès auprès du public. (Ceci, malgré les succès remportés par l’A3 dans les compétitions de tout-terrains, où ses excellentes aptitudes feront, là aussi, merveille). Bien qu’une version recevant une transmission à seulement deux roues motrices, proposée à un prix de vente plus attractif, sera commercialisée dans les années 90, celle-ci ne rencontra, malheureusement, guère de succès auprès du public.

AUVERLAND A3 - Le digne descendant du Cournil.

Le tout-terrain produit par Auverland recevra de nombreuses évolutions au fil du temps. D’abord au niveau de ses motorisations, toujours d’origine Peugeot, mais dont le 4 cylindres, désormais du type XUD, verra, par la suite, sa cylindrée ainsi que la puissance connaîtrent une baisse sensible en retombant à 1,9 litre pour 72 ch, avant de remonter à 92 chevaux grâce au montage d’un turbo. (Les versions qui en sont équipées se reconnaissant à leur entrée d’air de forme carrée placée sur le capot). Le moteur XUD 9 délivrant des performances tout aussi bonnes, voire même, sur certains points, meilleures que celle de l’ancien bloc de 2,1 litres, tout en offrant de meilleures reprises à bas régime. Une évolution qui concerne aussi les carrosseries : fourgon bâché ou tôlé, pick-up, réalisé sur un châssis à empattement court ou long (la version A4, présentée en 1995), avec un empattement rallongé d’une quarantaine de centimètres (soit 2,65 mètres en tout). Une version dotée d’un empattement extra-long, recevant la dénomination A3 L, sera même disponible à partir de 1999, mais uniquement en carrosseries pick-up à simple ou double cabine. Même si des carrossiers et autres entreprises spécialisées créeront de nombreuses versions pour des usages professionnels très spécifiques sur la base de cette version.

Bien que son constructeur s’efforcera (bien que souvent de manière assez timide, il est vrai) d’en améliorer sensiblement le confort ainsi que l’ergonomie ou l’équipement, l’Auverland A3 ne peut guère faire le poids dans ce domaine, face aux tout-terrains japonais (pour ne citer qu’eux) qui inondent alors, de plus en plus, le marché européen. Ces derniers affichant, en effet, pour la plupart d’entre-eux, de très bonnes capacités hors des sentiers battus, tout en affichant une conception technique plus moderne, une esthétique plus avenante ainsi qu’un équipement et un confort nettement supérieurs.

AUVERLAND A3 - Le digne descendant du Cournil.

En outre, à partir des années 90, la grande majorité des 4×4, délaissent, en effet, la plupart du temps, les sentiers ainsi que les pistes de terre, de sable et de pierre pour les nationales et les autoroutes, leur utilisation hors des routes bitumées devenant donc assez marginales.

Aussi bien en Europe qu’en Extrême-Orient, les tout-terrains « purs et durs », à l’image de l’Auverland, se raréfient (au sein de cette « espèce en voie de disparition », l’on ne compte plus guère, sur le marché européen, en dehors du Land Rover, que le Lada Niva) et se voient donc fortement marginalisés, ne pouvant plus guère prétendre occuper que des marchés de « niche ».

La position d’Auverland au sein du marché des tout-terrains en France devient donc de plus en plus intenable au fur et à mesure des années, jusqu’à ce que celui-ci se voit finalement contraint de déposer son bilan en 2001. Celle-ci faisait suite à plusieurs importants revers commerciaux, entre autres une importante commande militaire émanant d’un pays étranger qui n’a pu être concrétisée pour des raisons politiques (assez obscures). Un contrat sur lequel le constructeur avait pourtant misé gros et dont l’échec entraîna, dès lors, l’épuisement de sa trésorerie. Si la création d’une nouvelle entreprise, la Société Nouvelle des Autiomobiles Auverland, permettra de reprendre la production dès le début de l’été 2001, pour le tout-terrain A3, cela ne sera, toutefois, qu’un sursis.

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Trois ans plus tard, en 2004, la société décide, en effet, de se recentrer sur la production de véhicules destinés à un usage strictement militaire et donc d’abandonner toute production de véhicules civils. (Il semble, malheureusement, impossible, ou, en tout cas, fort difficile de connaître les chiffres de production exacts des tout-terrains Auverland. Qu’il s’agisse de la production globale de celle-ci comme de leurs différentes versions). L’année suivante, Auverland rachète la firme Panhard (laquelle avait cessé la production automobile à la fin des années 60, pour se recentrer, justement, sur la production de véhicules militaires). Un rachat qui donnera naissance à la nouvelle firme Panhard General Defense, lequel intégrera finalement, sept ans plus tard, en 2012, le groupe Renault Trucks.

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Son « cousin » portugais, l’UMM Alter, quitta, lui aussi, la scène la même année. L’entreprise qui en assurait la production choisissant alors de revenir à ses activités d’origine, à savoir le secteur de la métallurgie ainsi que la conception industrielle. La JPX Montez (qui, en dehors du dessin de la calandre avec le logo « JPX », ne différait guère, extérieurement, de l’Auverland français) connaîtra une carrière beaucoup plus discrète que ses homologues européens, puisque sa production cessera en 2002, au bout de huit ans à peine.

Philippe ROCHE

Photos Wheelsage

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