CAR SYSTEME JP4 – La R4 en tenue de plage.
L’origine de l’entreprise Car Systeme remonte à 1980, lors d’un voyage à destination de la Corse poursuivie par deux amis, Patrick Fauchet et Gérard Mailliard. Non pas ensemble à bord d’une voiture ordinaire, mais bien, chacun au volant de deux Renault que l’un et l’autre ont décidé de transformer.
Si les deux voitures ont été raccourcies et débarrassées de leur toit (lequel a été remplacé par un arceau de sécurité) afin de pouvoir jouir ainsi des plaisirs de la vie au grand air, le choix de Fauchet s’est portée sur une R4, alors que le second lui a préféré sa « cousine mal-aimée », la R6. Le concept de transformer ces deux modèles populaires du losange en véhicules de loisirs, destinés à se balader sur les routes ensoleillées du sud de la France, sur les routes de campagne ainsi que le long des plages et dans les dunes, ne manque pas de séduire la plupart des gens que les deux camarades auront l’occasion de croiser au cours de leur voyage.
Ce qui va convaincre le duo qu’il existe une véritable demande pour ce genre de véhicules transformés et de franchir le pas en mettant sur pied une entreprise dédiée à la transformation des Renault 4. Celle-ci étant bien plus populaire aux yeux du public que la R6 et que les exemplaires d’occasion pas trop kilométrés et donc encore en bon état peuvent se trouver, quasiment, à tous les coins de rue.
L’activité de leur entreprise, baptisée Car Système (plus que parce que le terme signifie « voiture » en anglais, le terme « Car » est, surtout, l’abréviation pour Construction Automobile Redonnaise, celle-ci étant, en effet, installée à Redon, en Bretagne) se déroulant, en effet, en dehors de toute collaboration avec la Régie Renault. Celle-ci semblant, d’ailleurs, d’autant moins enclin à apporter son soutien au duo qu’elle poursuit, depuis le début des années 70, une collaboration avec l’entreprise Teilhol pour la production des Rodéo, basées, successivement, sur les R4, R6 et R5. C’est pourquoi la marque au losange ne voit donc pas vraiment l’intérêt d’inclure cette « R4 en tenue de plage » à son catalogue et de la vendre au sein des concessionnaires du réseau. (Même si ce n’était qu’auprès de ceux situés sur les côtes françaises, en Atlantique ou en Méditerranée, qui constitue le terrain le plus propice pour ce genre de véhicules).
Les premières R4, rebaptisées JP4, deux initiales représentant l’abréviation phonétique du nom Jeep, sortant des ateliers bretons en mars 1981. Le principe posé par les deux associés étant que les clients leur apportent leurs voitures personnelles afin que celles-ci soient donc transformées en « voiture de plage » étant que le châssis soit parfaitement sain. Outre la transformation des voitures, le duo Fauchet et Mailliard prennent également en charge l’homologation de celle-ci, laquelle ne peut, toutefois, se faire qu’à titre isolé pour chacune des R4 qui passent par leurs ateliers. Si le résultat de cette transformation est fort satisfaisant, les méthodes de fabrication restent, toutefois, encore très artisanales. Ce qui explique sans doute que le coût de celle-ci ne soit pas spécialement bon marché, puisqu’il atteint, en effet, un peu plus de 14 000 F, soit environ la moitié du prix d’une R4 TL neuve.
Malgré un succès d’estime certain remporté par la JP4, ce genre de véhicules s’inscrit dans un marché « de niche » qui finit par sembler trop étroit pour l’entreprise Car Système, laquelle doit se résoudre, en bout de deux ans d’activité à peine, à déposer son bilan. Celui-ci aura raison du duo qui l’avait fondé, Gérard Mailliard décidant alors de tourner la page et de reprendre son ancienne profession, celle d’architecte. Son ancien associé, Patrick Fauchet, lui, en revanche, résolue à ne pas baisser les bras, poursuit alors l’aventure en solo et, après un « tour de Bretagne », parvient à trouver des investisseurs qui leur permettent de rebondir et donc de relancer l’entreprise, dont le nom est, toutefois, sensiblement modifié, puisqu’elle s’appelle désormais Car Système Style. Celle-ci propose, à présent, trois versions de sa « R4 de plage », baptisées, respectivement, JP4, JP5 et JP6.
Comme sur les premières JP4, en dehors d’un empattement raccourci, le châssis reste identique à celui des Renault 4 d’usine et conserve donc l’ensemble des organes mécaniques des modèles d’origine. (La JP4 pouvant, évidemment, être réalisée sur base de n’importe quelle version contemporaine ou récente de la R4). En dehors de cette opération de raccourcissement du châssis ainsi que de l’ajout d’un arceau (afin, évidemment, de pallier l’absence de toit et de garantir une rigidité suffisante à la structure), le reste des modifications apportées aux voitures sortant des ateliers de Car Système restent purement esthétiques. La motorisation ainsi que les suspensions ou le reste des organes mécaniques restant donc strictement identiques à ceux de la Renault 4 de série.
Même si cette dernière n’a jamais été créée pour grimper des talus ni traverser des rivières, elle a, néanmoins, été conçue pour pouvoir rouler, sans trop de difficultés, sur des routes non asphaltées, telles que des chemins de terre et de gravier, encore nombreux dans la France rurale des années 60. Ce qui est assez heureux pour les acheteurs de la JP qui, à défaut de pouvoir disposer d’une sorte de « mini-Land Rover », peuvent, ainsi, disposer d’un engin facile à conduire et entretenir pour leurs escapades à la campagne ou à la plage lors de la belle saison.
Malgré le succès d’estime que connaissent ces nouvelles R4 modifiées, celui-ci ne sera, malheureusement et à nouveau, pas suffisant pour assurer la rentabilité et donc l’avenir de l’entreprise. Un an à peine après un premier dépôt de bilan, Car Système se voit ainsi contrainte à baisser, une nouvelle fois, le rideau. Pourtant, malgré cette nouvelle déconvenue, c’est grâce aux anciens employés de l’entreprise que celle-ci va renaître pour la troisième fois et connaître une nouvelle fois qui sera, cette fois-ci, plus pérenne que les précédentes. Ces derniers décidant, en effet, contre toute attente, de mettre en commun leurs indemnités de licenciement pour relancer la société, sous la forme d’une coopérative, dont la direction est confiée à Yves Rousteau.
Ce dernier, aidé du chef technicien Philippe Guillouet parvenant même à obtenir, en 1985, l’homologation au niveau européen pour les JP. Laquelle, outre le fait de pouvoir ainsi vendre ses R4 modifiées à l’exportation, va aussi (et surtout) lui permettre de réaliser, désormais, les JP sur la base de châssis neufs et, donc, de ne plus avoir à racheter des R4 d’occasion, ou, même, à demander aux acheteurs intéressés de leur fournir une voiture à transformer.
Si les versions JP 5 et 6 restent toujours disponibles au catalogue, c’est bien la JP 4 qui va devenir le « best-seller » de Car Système. Est-ce dû au fait que, peu de temps après, Renault décide d’abandonner la production des Rodéos (l’ultime modèle de la lignée, la R5 Rodéo, disparaissant ainsi du catalogue à l’automne 1986) ? Toujours est-il que le constructeur au losange commence alors à s’intéresser d’un peu plus près à ces R4 modifiées qui, malgré les vicissitudes en tous genres qu’à connut la société qui les produit, est, pourtant, parvenu à trouver son public (même si elle ne représente toujours qu’un marché de niche).
La Régie Renault acceptant même de vendre les JP au sein de son propre réseau, lui ouvrant ainsi des portes par lesquelles elle n’espérait guère pouvoir entrer jusqu’ici. Une sorte de « consécration », renforcée par le fait que la filiale italienne de Renault en commande, elle-même, 600 exemplaires pour le marché italien. Les nouveaux dirigeants de l’entreprise Car Système peuvent donc, à bon droit, se sentir alors « pousser des ailes » et considérer avoir, dès lors, les moyens nécessaires pour nourrir et concrétiser des ambitions nouvelles.
Ces derniers ont bien conscience que la Renault 4 n’est plus un modèle tout jeune, c’est, même, le moins que l’on puisse dire puisqu’au milieu des années 80, elle vient de souffler ses vingt-cinq bougies, autrement dit son quart de siècle ! Est-ce parce que les responsables de la Régie leur ont soufflé que la fin de la production de la vénérable R4 interviendrait à court ou moyen terme ? Ou que la direction de Car Système ait, elle-même, pris conscience que celle-ci ne durerait plus éternellement, ni même très longtemps ? Toujours est-il que l’idée d’un nouvel engin, identique ou similaire dans son concept aux JP (tout en se montrant plus pratique et plus moderne, sur le plan technique aussi bien que s’agissant de l’esthétique) commence à faire son chemin. Au sein de la gamme Renault de l’époque, le choix semble tout trouvé et se porte donc sur la nouvelle Super Cinq. L’équipe dirigeante de la société redonnaise ayant fini par réaliser ou par se convaincre que le concept de la JP 4, qui était plus proche d’un buggy que d’un véhicule de loisirs adapté à un usage quotidien, avait (très vite) montré ses limites et que cela avait donc fini par freiner sa diffusion.
C’est pourquoi, pour le modèle destiné à la remplacer, il est décidé de concevoir une version découvrable de la Renault Super 5, un concept qui apparaît, certes, moins ambitieux…….. mais aussi plus « réaliste », ou, à tout le moins, pragmatique. Jusqu’ici et depuis les débuts de l’aventure des JP, les méthodes de fabrication en usage chez Car Système étaient toujours restées fort artisanales. Or, pour assurer la production de cette future Super Cinq découvrable à un niveau suffisant pour satisfaire une demande qui, selon les estimations de Renault, n’étaient pas négligeable et, même, assez importante, l’entreprise de Redon allait devoir réorganiser en profondeur son outil de production ainsi que ses méthodes de travail. Le prototype de celle qui recevra l’appellation de Super Cinq Belle-Ile, est présenté au Salon de Paris à l’automne 1988, reçoit un accueil fort enthousiaste du public et que plusieurs commandes sont déjà enregistrées. Ce n’est toutefois que plus de six mois plus tard, en mai de l’année suivante, que le modèle sera homologué.
Malheureusement pour la société Car Sytème, les investissements nécessaires pour passer des méthodes encore assez artisanales qui restaient encore un usage jusqu’à présent à un stade (semi-)industriel vont rapidement avoir raison de l’entreprise bretonne. Laquelle doit, dès lors, se résigner, à peine quelques mois plus tard, à baisser le rideau.
Si le repreneur de l’entreprise, le carrossier Gruau, poursuivra la production de la Super 5 Belle-Ile dans ses ateliers de Laval, dans la Mayenne, (sous une forme quasiment identique à celle de la version initiale conçue par Car Système), ce ne sera, en revanche, pas le cas de la JP4, laquelle tire alors définitivement sa révérence. S’il lancera, par la suite, une version plus aboutie de cette Super Cinq décapotable, qui sera, même, vendue par les concessionnaires Renault, l’aventure ne s’avère pas suffisamment rentable pour Gruau, ce qui, en 1991, décide celui-ci d’en arrêter la production.
Aujourd’hui encore, il semble assez difficile d’estimer, de manière très précise, combien d’exemplaires de la JP4 ont été produits entre 1981 et 1989. Ces huit années de carrière ayant été, comme expliqué en détail précédemment, loin d’être un long fleuve tranquille, avec plusieurs arrêts de la production ainsi que changements de propriétaires et autres avatars en tous genres. Les données les plus fiables établissant celle-ci à un total compris entre 1 500 et 2 000 exemplaires, toutes versions confondues.
Bien que, dans la catégorie des « voitures de plage » comme pour d’autres marchés de niche, la JP4 imaginée par Car Système est sans doute l’une de celles qui a connu l’existence la plus longue, l’on est, cependant, en droit de regretter que l’aventure ne se soit pas poursuivie plus longtemps encore. Que ce soit avec la Super Cinq comme avec d’autres modèles de la marque au losange. L’on peut, ainsi, se prendre à rêver de ce qu’aurait pu donner une Twingo transformée dans le même esprit que la JP4 avec la Renault 4. Preuve qu’en plus d’avoir l’argent nécessaire pour réaliser ainsi que pérenniser leurs idées, l’un des principaux problèmes auxquels furent très (voire trop) souvent confrontés les artisans-constructeurs français et qui expliquent le caractère éphémère qu’a représenté leur aventure, est le manque d’un public en nombre suffisant pour assurer la pérennité de leur aventure.
Philippe ROCHE
Une autre voiture d’été https://www.retropassionautomobiles.fr/2024/07/renault-rodeo-anti-mehari/