LA CARROSSERIE FRANAY - Haute couture à la française.
BENTLEY MARK VI FRANAY

LA CARROSSERIE FRANAY – Haute couture à la française.

Fondée en 1903 par Jean-Baptiste Franay, la direction de l’entreprise est assurée, à partir de 1923, par son fils, Marius Franay. En quelques années à peine, ce dernier va en faire l’un des plus grands noms de la carrosserie française, un domaine auquel elle apporte une grande part de sa renommée et qui connaîtra, durant les années trente, son âge d’or. Se spécialisant dans les réalisations de très haut de gamme, les ateliers Franay vont bientôt voir défiler en leur sein les châssis des marques les plus prestigieuses, au premier rang desquelles figurent évidemment les marques françaises, qui, dans les années d’avant-guerre, sont encore nombreuses à officier dans ce secteur. De Delage à Renault (du temps de son fondateur, Louis Renault, en plus de ses modèles populaires, la marque au losange proposait également à son catalogue de prestigieux modèles à moteurs six et huit cylindres), en passant par Delaunay-Belleville, Farman, Hispano-Suiza ou Lorraine-Dietrich, toutes verront, à de nombreuses reprises, leurs châssis confiés par de riches clients aux mains expertes des ouvriers de la carrosserie Franay.

De nos jours, étant habitué, depuis longtemps, même chez les constructeurs de voitures de luxe, aux carrosseries standardisées issues de la production en série, on a ainsi oublié que la réalisation de la carrosserie d’une voiture (en tout cas, s’agissant des marques et des modèles de prestige) était alors un travail d’artisans, voire même d’artistes. La grande majorité des constructeurs ne proposant en effet leurs modèles que sous la forme de châssis nus (avec, parfois, quelques éléments de carrosserie sommaires comme le capot et les ailes), le client devant lui-même se charger de confier celui-ci au carrossier de son choix. Celui-ci se chargeant alors de réaliser la carrosserie demandée sur le châssis, sur base des dessins et plans fournis soient par le client ou établis par le bureau de style du carrossier.

En cette seconde moitié des années vingt, où débute l’âge d’or de la carrosserie Franay, le style des voitures est encore fort empreint de celui des véhicules hippomobiles et elles en reprennent d’ ailleurs les appellations (berline, coupé de ville, coach, coupé, phaéton,…). Un style fort classique qui, bien que n’étant pas dépourvu d’élégance, est toutefois assez uniforme. Quelle que soit la marque dont est originaire le châssis, les voitures sortant des ateliers Franay (comme de ceux des autres carrossiers) ont ainsi une forte tendance à se ressembler, surtout si elles sont équipées du même type de carrosserie. De plus, les voitures étant le plus souvent représentées de profil sur les dessins et les photographies de l’époque, à moins qu’il ne soit fait mention de la marque, il n’y a guère que la mascotte placée au sommet du radiateur qui lui confère une personnalité propre et qui permet de différencier une Delage d’ une Hispano-Suiza ou d’ une Farman. (Seules certaines marques, comme Renault, équipent leurs modèles d’une calandre de forme originale, immédiatement reconnaissable).

Comme tous les constructeurs automobiles, la meilleure vitrine, sur le plan commercial, est bien évidemment le Salon de l’ Automobile, qui, à l’époque, se tient chaque année au Grand Palais des Champs Elysée à Paris. Les plus grands carrossiers, eux non plus, ne dérogent pas à la règle et ne manqueraient à aucun prix ce rendez-vous annuel où, sur leurs propres stands, qui se trouvent à l’ époque dans les galeries du rez-de-chaussée du Grand Palais, ils y exposent aux regards émerveillés des visiteurs leurs plus belles créations. Figurant parmi les plus célèbres représentants de la carrosserie française, Franay y occupe bien évidemment l’ une des places d’honneur et son stand affiche des dimensions respectables – de 50 à 60 mètres carrés et jusqu’à 80 mètres carrés en 1936. En plus de son propre stand, Franay ne se prive également pas d’exposer ses réalisations sur ceux des constructeurs dont les châssis passent par ses ateliers. En plus des constructeurs français, les marques étrangères ont elles aussi droit aux égards de Marius Franay et de prestigieux châssis provenant d’Angleterre, d’Allemagne, d’Italie et même des Etats-Unis sont confiés aux bons soins des compagnons (comme on appelait alors les ouvriers chez les carrossiers) de la carrosserie Franay. C’est ainsi qu’en 1929, une année particulièrement faste pour l’entreprise, celle-ci expose sur son stand, outre deux Hispano-Suiza H6, une Mercedes et une Packard.

En dehors de la marque au cormoran (l’emblème de Packard), un autre constructeur américain qui comptera parmi les marques fétiches de la carrosserie Franay est sans aucun doute Duesenberg. Fondée par les frères Frederick et Carl Duesenberg, la marque présente en 1928 son spectaculaire Model J. Avec son huit cylindres en ligne de 6,9 litres développant pas moins de 265 chevaux (et jusqu’à 320 chevaux sur la version équipée d’un compresseur, la SJ), elle propose des performances exceptionnelles et, comme on peut s’ en douter, elle est vendue à un prix absolument faramineux : 8 500 dollars (soit plus de dix fois le prix d’une voiture américaine populaire comme une Chevrolet, une Ford ou une Plymouth), rien que pour le châssis nu ! (Avec les carrosseries les plus complexes, réalisées par les meilleurs carrossiers, le prix d’une voiture complète peut facilement grimper jusqu’à 15 000 voire même 20 000 dollars!). Entre 1930 et 1934, six Duesenberg J passeront par les ateliers Franay. L’une d’elles, une berline décapotable construite en 1931 sur la version à empattement long, présentant des vitres latérales formes incurvées assez originales, ainsi que deux pare-brises (le second, rabattable, servant à protéger les passagers installés à l’ arrière, une fois la capote baissée), est exposée sur le stand du constructeur au Salon de Pari. Elle sera acquise par la reine Marie de Yougoslavie.

Franay compte en effet un grand nombre de têtes couronnées (rois, empereurs, princes, grands-ducs et autres maharadjahs) parmi ses clients. Parmi eux, le Shah d’Iran Reza Pahlavi, pour qui le carrossier réalisera un très élégant coach à l’ arrière profilé sur un châssis d’Hispano-Suiza J12 ou le roi Alphonse XIII d’Espagne qui passera commande d’un coupé-chauffeur construit sur un châssis Packard Eight.

Si Franay est en mesure de réaliser tous les types de carrosseries, l’une de ses spécialités, en ces années d’avant-guerre, est certainement le coupé-chauffeur (aussi connu sous l’appellation coupé de ville). Directement issu de l’époque des véhicules hippomobiles, ce type de carrosserie sera l’un des plus couramment employés sur les automobiles de prestige dans les années vingt et trente. Sur celui-ci, seule la partie arrière, réservée aux passagers, est entièrement fermée, l’avant de la voiture (où se trouve la place réservée au chauffeur) restant à ciel ouvert, comme sur un cabriolet (En cas de mauvais temps, un tendelet en cuir ou un toit métallique, qui s’escamote dans le toit de la partie arrière, permet de protéger le chauffeur des intempéries). A l’image des voitures hippomobiles du XIXe siècle, certaines des voitures de ce genre réalisées par Franay sont aussi équipées d’une partie arrière transformable, dont le toit et les montants peuvent, eux aussi, s’escamoter. Ce système permettant de disposer de plusieurs voitures sur un seul châssis. Celle-ci devenant une berline ou une limousine (suivant que la voiture soit équipée ou non de glaces de custode), un coupé de ville, un landaulet (lorsque le toit au-dessus du chauffeur est mis en place et que le reste de la voiture est décapotée) ou un cabriolet à quatre portes (lorsque la voiture est entièrement décapotée). Un genre de dispositif fort prisé, notamment par les célébrités du show-business et aussi des chefs d’Etats (présidents ou têtes couronnées) et autres personnalités politiques ou militaires de haut rang lors des défilés officiels.

En dehors du Salon de l’auto, la meilleure occasion pour les carrossiers de montrer au public les créations sortant de leurs ateliers est les concours d’élégance. Dans la haute société de l’époque, ceux-ci sont un évènement aussi couru que les bals de l’Opéra de Paris ou les courses de chevaux et font l’objet d’une saison parallèle à ces dernières. Là aussi, Franay ne manque pas de participer à ces manifestations où les voitures sortant de ses ateliers sont souvent distinguées et reçoivent les plus hautes récompenses. Notamment ceux patronnés par la Chambre Syndicale de la Carrosserie (présidée par un autre carrossier renommé, Jean-Henri Labourdette) ou encore ceux organisés à la Cascade du Bois de Boulogne.

Contrairement à certains de ses confrères, comme Labourdette, Figoni ou Saoutchik, dont les réalisations, bien que souvent très originales, atteignent parfois une extravagance qui n’apparaît pas toujours de très bon goût, Franay, de son côté, préfère la retenue à l’ostentation et ses réalisations présentent un style qui marie à merveille l’élégance à la sobriété et, en ce sens, il apparaît très représentatif de ce que l’on appelait alors le « bon goût à la française ». De son fondateur, dont le métier d’origine était la sellerie, l’entreprise tire un savoir-faire reconnu dans l’aménagement des intérieurs. Tout comme pour les carrosseries de ses voitures, Marius Franay insiste, dans ses catalogues, sur ses capacités à répondre aux moindres désirs des amateurs exigeants qui désireraient acquérir une voiture entièrement personnalisée. Les catalogues édités par le carrossier comportent d’ailleurs une planche où sont détaillés les multiples aménagements et perfectionnements dont l’habitacle peut être équipé. Afin de s’assurer que celui-ci corresponde exactement aux souhaits du client et que ce dernier soit parfaitement à son aise une fois installé à la place qui lui est réservé,e c’est-à-dire sur la banquette arrière, celle-ci est souvent réalisée suivant sa morphologie et sa corpulence, après que ses mensurations aient été prises et recopiés sur un siège gabarit (A la manière des tailleurs, qui, à cette époque, réalisent encore les costumes des hommes, comme les robes des dames de la haute société entièrement sur mesures). La banquette arrière dispose aussi, dans presque tous les cas, d’un accoudoir central qui offre, au choix, entre deux fauteuils forts confortables ou, lorsque celui-ci est rabattu, une troisième place en cas de besoin.

De caractère familial, la carrosserie Franay est une entreprise sur laquelle veille un patron pratiquant une forte personnalisation. Ce qu’illustraient bien les catalogues ainsi que les factures émises par la carrosserie, qui sont rédigées par Marius Franay à la première personne. Bien qu’elles représentent, notamment par leur qualité de construction, le summum de l’automobile française de l’époque, comme pour toutes les réalisations entièrement artisanales, les voitures réalisées par Franay apparaissent toutefois fort chères et, de fait, l’activité s’avère peu rentable, les marges bénéficiaires étant souvent assez faibles. Réalisant que la pérennité de son entreprise passe par une diversification de ses activités, Marius Franay décide alors d’investir dans un domaine alors en pleine expansion, celui du cinéma. En 1932, il crée les laboratoires de tirages cinématographiques LTC, qu’il installe à Saint-Cloud. Les affaires de cette nouvelle entreprise vont se révéler florissantes et l’initiative heureuse pour la carrosserie, qui bénéficie dès lors de la bonne santé des laboratoires LTC pour poursuivre son activité. Consacrant de plus en plus temps à la direction des laboratoires LTC, Marius Franay confie alors la gestion de la carrosserie à l’un de ses amis, le commandant Paoletti, un officier de cavalerie en retraite.

Après avoir vécu son âge d’or durant les années trente, l’entreprise devra cesser presque complètement ses activités durant la période sombre de la guerre et de l’occupation. Une exception notable sera la livraison, en 1942, d’une limousine découvrable réalisée sur base d’une Renault Suprastella (celle-ci sera la dernier modèle de prestige de la marque au losange, avant sa nationalisation au lendemain de la guerre et le dernier à être équipé d’un moteur huit cylindres). Commandée à l’origine en 1939 par l’Elysée pour le président de la République Albert Lebrun, elle sera, à sa livraison, utilisée par le maréchal Pétain, puis, à la Libération, par le général De Gaulle et ensuite par le premier président de la IVe République, Vincent Auriol, avant d’être mise à la retraite à la fin des années cinquante.

Une fois la guerre terminée, Franay reprend progressivement ses activités. Ses premières réalisations d’après-guerre sont toutefois, pour la plupart, réalisées sur des modèles d’avant-guerre, dont les carrosseries ont été endommagées ou détruites durant la guerre et qui se voient ainsi offrir une seconde jeunesse. (La production des Delage, Delahaye et Talbot ne reprenant véritablement que dans le courant de l’année 1947). Cette pénurie de châssis neufs, au lendemain de la Libération, et la nécessité de devoir travailler (en tout cas dans un premier temps) sur des châssis de « seconde main » va parfois amener des cas surprenants, comme celui de la Delahaye exposée sur le stand du carrossier au Salon de l’automobile de Paris en octobre 1946 (et qui est aussi le premier Salon automobile de l’après-guerre, aussi bien en France qu’en Europe). Carrossée dans un style assez exubérant, similaire à celui pratiqué par Figoni et Saoutchik, ce superbe roadster a, en réalité, été réalisé sur le châssis d’une monoplace de compétition, la 145 à moteur V12, qui avait remporté le prix du Million en 1937. Elle a été recarrossée en voiture de tourisme après que Marius Franay l’ait racheté aux Domaines en 1946. (Elle sera ensuite rachetée par le styliste Philippe Charbonneaux. Ce dernier fera démonter la carrosserie pour l’installer sur un châssis de Delahaye 135, tandis que le châssis 145 à moteur V12 sera recarrossé dans une version identique à celle du Prix du Million.

Au sein de la marque Delahaye, outre la 135 (en version M et MS), ce sont surtout les nouveaux modèles haut de gamme de la marque, la 175 et ses dérivés, les 178 et 180, que les ouvriers de la carrosserie Franay vont exercer leurs talents. Parmi les Delahaye réalisées par Franay, on retiendra notamment la berline décapotable sur le châssis de la 180 réalisée pour le général Juin (alors résident général au Maroc) ou le coupé-chauffeur réalisé lui aussi sur la 180 et exposé au Salon de Paris en 1949. Bien qu’elle soit encore prisée par certaines marques de prestige comme Rolls-Royce, ce type de carrosserie, très courant avant-guerre sur les voitures de grand luxe, est alors devenue démodée et même anachronique et relève surtout, sur les Delahaye, d’un exercice de style.

Autre marque française de prestige ayant les faveurs de Franay en ces années d’après-guerre, Talbot. Si, dans les années 30, c’était surtout Figoni qui avait les faveurs des clients de la marque de Suresnes (et même si elles les conservent toujours après la guerre), le carrossier va maintenant devoir partager cet honneur avec d’autres carrossiers, comme Franay ou Saoutchik. Comme sur les Delahaye, Franay fera, là aussi, souvent preuve, sur les châssis des Lago Record et Lago Grand Sport, qui passeront par ses ateliers, d’une extravagance plutôt inhabituelle si on les compare à ses créations d’avant-guerre (aussi bien dans les formes données aux carrosseries que dans celles des moulures chromées, parfois nombreuses, qui ornent ses voitures). Une nouvelle orientation en matière de style (en tout cas en ce qui concerne les voitures de sport ou de grand tourisme) qui s’explique sans doute par une volonté de suivre la mode ainsi que les goûts de la clientèle du moment.

En tout cas, si la plupart des Delahaye et Talbot carrossées par Franay sont empreintes d’une ligne très baroque, contrairement à Saoutchik ou à d’autres de ses confrères, les berlines et limousines d’apparat qui sortent de ses ateliers, elles, en revanche, font toujours preuve d’un classicisme de bon aloi, qui, bien que n’étant pas dépourvue d’un côté un peu « grandiloquent », voire « prétentieux » (comme c’est d’ailleurs le cas de la grande majorité des voitures de grand luxe de l’époque) reste cependant suffisamment sobre et consensuel pour plaire à une riche clientèle. Celle-ci étant composée d’hommes d’affaires, de personnalités politiques, ainsi que de stars du cinéma ou de la chanson, qui, s’ils aiment souvent paraîtrent, aiment aussi, en certaines occasions, pouvoir se déplacer de manière incognito, même a volant des voitures les plus luxueuses.

En cette fin des années 1940, le paysage automobile français a beaucoup changé. De nombreux constructeurs (aussi bien de voitures de sport de de luxe que de modèles populaires) n’ont pas survécu à la guerre (comme Amilcar, Georges Irat, La Licorne et bien d’autres) ou (comme Berliet, Chenard & Walcker ou Unic) ont préféré abandonner la production automobile pour se consacrer au secteur, plus lucratif, des utilitaires. Quant à Hispano-Suiza, dont les châssis ont souvent bénéficié, avant-guerre, du travail des ouvriers de la carrosserie Franay, la firme a été obligée, en 1937, sous la pression du gouvernement du Front Populaire, d’arrêter la production de ses luxueuses K6 et J12 à six et douze cylindres pour se consacrer exclusivement à la fabrication de moteurs d’avion et à l’armement. Delaunay-Belleville, qui, dans les années vingt, avait elle aussi les faveurs des clients de la carrosserie Franay, déjà fortement ébranlée par la crise économique au début des années 30, devra finalement cesser la production de ses voitures en 1948. Ses usines de Saint-Denis serviront alors à la production des microcars de la marque De Rovin. Quant à Renault, après l’incarcération et la mort en prison de son fondateur, ses usines seront nationalisées et la marque au losange se concentrera alors sur l’automobile populaire. Le nombre de constructeurs français de voitures de luxe ne se comptant désormais plus que sur les doigts d’une main.

Devant ce manque cruel de châssis français de grande classe pouvant être habillés « hors série », Marius Franay et le directeur de la carrosserie, le commandant Paoletti, se tournent rapidement vers les constructeurs étrangers, venant notamment d’Amérique et surtout du Royaume-Uni. Si, aux Etats-Unis, Duesenberg a disparu en 1937 (après que Errett Cord, miné par la gestion « Don Quichotesque » de son empire, ait dû vendre ses activités automobiles), Packard demeure un acteur important du marché automobile américain (tout au moins jusqu’au début des années cinquante, avant que, comme la plupart des autres constructeurs indépendants aux USA, elle e connaisse un rapide déclin, qui aboutira à sa disparition en 1958). Ce sont désormais Lincoln, Chrysler et, surtout, Cadillac qui tiennent le haut du pavé. En Angleterre, au lendemain de la guerre, les marques de prestige sont encore assez nombreuses. En comptant les « voitures de luxe de milieu de gamme » (le « juste milieu », comme on dorait chez Hotchkiss) et celles spécialisées dans le très grand luxe, on compte ainsi Austin, Wolseley, Humber, Daimler, Lagonda, Jaguar, Alvis, AC, Armstrong-Siddeley et, bien sûr, Bentley et Rolls-Royce.

Deux marques au destin unis depuis que, en 1931, Walter Owen Bentley avait du se résoudre à vendre la marque portant son nom à Henry Royce (le co-fondateur de la marque avec Charles Rolls), victime, comme tant d’autres, de la crise économique frappant les Etats-Unis et l’Europe dans les années trente. La carrosserie Franay avait déjà eu, à plusieurs reprises, l’occasion de travailler sur les châssis de ces deux marques, en particulier sur ceux portant en haut de leur calandre la célèbre statuette « spirit of Ectasy ». Avant la Première Guerre mondiale, Rolls-Royce faisait déjà partie des marques incontournables pour tous les carrossiers spécialisés dans les réalisations de grand luxe. Si, durant l’entre-deux-guerres, plusieurs châssis des Phantom I, II et III passeront par les ateliers Franay, c’est toutefois après 1945 que les rapports avec le constructeur de Crewe vont se développer.

Parmi les Rolls-Royce qui sont sorties des ateliers Franay avant la guerre, l’une des plus réussies est certainement le coupé-chauffeur Phantom III datant de 1938. Avec les courbes de son pavillon, sa poupe effilée et des ailes bombées (surtout à l’arrière), il manifestait une certaine audace dans l’art de Franay. Bien que le style de cette Rolls-Royce marie à merveille l’originalité et l’élégance, ces manifestations d’originalité sont assez rares dans la production du carrossier et ont peut sans doute le regretter. Devenu le carrossier attitré de la société Franco-Britannic, qui, à partir de 1934, importera en France les Rolls-Royce et les Bentley, produites d’abord à Derby puis à Crewe (l’usine de Derby se consacrant, après la fin de la guerre, exclusivement à la production des moteurs d’avion).

Forte de la réputation internationale qu’elle a acquise, la carrosserie s’attire la prestigieuse clientèle de la famille royale d’Arabie Saoudite, qui ne confie l’habillage de ses Rolls-Royce qu’à Franay. Toutefois, le roi se révèle parfois un client difficile. Les couleurs des carrosseries ainsi que les aménagements intérieurs sont en effet soumis de la nouvelle favorite du souverain et il n’est pas rare qu’il faille modifier une voiture en cours de réalisation. Parmi les Rolls-Royce réalisées par Franay pour le roi Abd Al Aziz Ibn Seoud et la cour de Ryad, l’une des plus remarquables est certainement la berline décapotable Silver Wraith réalisée en 1951 sur la version à empattement long (3,38 mètres) du modèle, dont les sièges arrière, ainsi que celui du passager à l’avant (à côté du chauffeur) sont équipés d’un système de guidage électrique qui, en les faisant avancer, sur des rails métalliques et en leur faisant effectuer une rotation à 90°, leur permet de se retrouver face aux portières de la voiture. (Ceci, afin de faciliter la montée et la descente du roi, qui est impotent), qui possède également des marchepieds escamotables (pour les passagers comme pour le personnel d’escorte). (Un dispositif identique équipera d’ailleurs la limousine réalisée, elle aussi, pour le roi d’Arabie par Saoutchik à la même époque). L’autre réalisation la plus remarquable de Franay pour la famille Saoud étant le coupé-chauffeur réalisé pour le prince Saad et exposée sur le stand Franay au Salon automobile de Paris en octobre 1952. Construit, lui aussi, sur la version longue du châssis de la Silver Wraith, il a coûté la bagatelle de sept millions de francs (de l’époque), ce qui en fait la voiture la plus chère du Salon. Les lignes de cette dernière sont dues au talent du styliste Carlo Delaisse.

Si ce dernier est surtout connu pour avoir signé quelques-uns des modèles emblématiques de la production française des années 50 (comme la dernière version de la Talbot Lago Grand Sport ou la Grégoire Sport), il a aussi travaillé pour plusieurs grands noms de la carrosserie française, dont Franay mais aussi Chapron, Labourdette ou Guilloré. En dehors du coupé-chauffeur Silver Wraith du prince Saad, il a aussi réalisé pour Franay plusieurs projets pour des Bentley Mark VI et Continental ainsi qu’un projet de berline décapotable d’apparat basé sur le châssis de l’ultra-élitiste Rolls-Royce Phantom IV. Présentée en 1950, il s’agit alors, en dehors de la Daimler DE 36, de la seule voiture anglaise équipée d’un moteur huit cylindres. Réservée aux familles royales (la reine d’Angleterre en possédera deux) et aux chefs d’Etats (Le Shah d’Iran, l’Emir du Koweith, l’Aga Khan ou encore le « Caudillo » espagnol Francisco Franco figureront parmi les acquéreurs du modèle. Bien que fort réussi, le projet dessiné par Carlo Delaisse ne sera cependant jamais réalisé.

Illustration de l’importance prise par Rolls-Royce et Bentley pour la carrosserie Franay, sur les dix Salons automobiles qui se tiendront au Grand Palais des Champs-Elysées à paris entre 1946 et 1955, le stand du carrossier accueillera soit une Rolls-Royce ou une Bentley et, à quatre reprises, il sera exclusivement dédié aux voitures de Crewe. Ce qui sera le cas en 1950, 1951, 1952 et 1954). En 1948, un cabriolet Bentley Mark VI partage la vedette aux côtés d’une décapotable Talbot Lago Grand Sport. Même chose en 1949, où le stand Franay accueillera également un coupé-chauffeur construit sur un châssis de Delahaye 180. En 1950, un coupé-chauffeur Rolls-Royce Silver Wraith (dont les flancs sont décorés, à l’arrière, d’ un motif canné) est exposé aux côtés d’un cabriolet Bentley Mark VI (dont la ligne « ponton » assez massive s’ éloigne délibérément de celle de la berline de série). A l’occasion du Salon de 1951, le stand Franay accueille deux Bentley Mark VI, la première carrossée en cabriolet de style ponton et la seconde, de ligne plus classique, sous la forme d’un « coupé transformable ». Cette dernière est en effet équipée d’un toit dont la partie antérieure s’escamote à l’arrière du pavillon. (Lorsque les places avant sont découvertes, l’aspect de la voiture évoque celui d’un cabriolet avec la capote en position « mylord », selon une mode très prisée avant-guerre. Une impression encore renforcée par les faux compas qui décorent l’arrière de la voiture. Un aspect « rétro » auquel contribuent également les lanternes fixées sur l’auvent). Ayant coûté pas moins de sept millions de francs (de l’époque), elle est destinée à la célèbre « môme Moineau » (une ancienne chanteuse très populaire dans les années vingt). Après le coupé-chauffeur Silver Wraith (qui occupe, à lui seul, tout le stand Franay au Salon de 1952), en 1954, une autre Rolls-Royce Silver Wraith, carrossée cette fois en limousine, partage la vedette avec un coupé Bentley Continental à l’arrière profilé.

En plus de tous les projets sur des Bentley et Rolls-Royce (même si certains resteront au stade du dessin) qu’il réalise pour Franay, Carlo Delaisse travaille aussi, pour ce dernier, sur des châssis d’autres marques. Toujours à l’attention du roi d’Arabie Saoudite, il concevra une limousine de parade construite sur base d’une Cadillac modèle 1951, dont le châssis (Série 86) présente un empattement d’une longueur considérable de 157 pouces (soit 3,92 mètres), contre 126 pour les modèles de la Série 62. Une limousine qui présente un pavillon courant jusqu’à l’arrière, évoquant, vue de profil, la silhouette d’un break. Un genre de carrosserie pour le moins assez inhabituel (surtout à l’époque) pour une voiture d’apparat.

C’est au début des années 1950 que le style ponton fait son apparition chez Franay. Ce design, importé des Etats-Unis, gomme complètement les ailes (lesquelles, auparavant, se détachaient nettement du reste de la carrosserie et encadraient un étroit capot en forme de V) qui, à présent, se confondent entièrement avec le reste de la voiture et suivent, le long du capot, une ligne presque entièrement rectiligne, courant sur toute la longueur de la voiture. Toutefois, comme ce sera le cas pour la plupart des autres carrossiers français, l’adoption de ce nouveau style ne se fera pas sans mal et demandera un certain temps d’adaptation aux ouvriers de la carrosserie Franay. Les premières voitures à adopter la ligne ponton ne sont, en effet, pas exemptes d’une certaine lourdeur et révèle parfois un manque d’aisance dans la maîtrise des formes. (Il est vrai que les premières voitures américaines à succomber à ce nouveau courant esthétique, comme les Kaiser-Frazer, présentaient des lignes qui n’étaient pas toutes des modèles de légèreté). D’où les tentatives d’alléger les lignes des voitures par des moulures chromées disposées sur les flancs des voitures. (Une solution dont certains carrossiers, comme Saoutchik, abuseront et qui aura, parfois, au final, l’inverse de l’effet recherché).

Installé au 4bis de la rue du Caporal Peugeot (du nom du premier soldat tombé au combat en 1914, baptisée rue Anatole France avant la Deuxième Guerre mondiale), située dans le 17e arrondissement (près de la Porte de Champerret) à Paris, les ateliers de la carrosserie Franay, outre les têtes couronnées (en dehors du roi d’Arabie Saoudite, l’ex-roi d’Angleterre Edouard VIII, les rois de Suède et d’Afghanistan ainsi que le roi Farouk d’Egypte ont eux aussi compté parmi ses clients), l’entreprise peut aussi s’enorgueillir d’avoir les faveurs du prince Nicolas de Roumanie, de membres de la noblesse britanniques comme les duchesses de Lancaster et de Montmorency, ainsi que d’être le fournisseur officiel de plusieurs ambassades comme celles de la Confédération Helvétique et du Royaume-Uni, dont Franay assure l’entretien du parc automobile.

Cette dernière période de gloire pour la carrosserie Franay va toutefois – hélas – bientôt s’achever. En février 1954, Marius Franay meurt prématurément à l’âge de 55 ans, une quinzaine de jours seulement après avoir reçu les insignes de Chevalier de la Légion d’Honneur. Un événement tragique qui apparaît (surtout a posteriori) comme un funeste présage. En effet, pour l’entreprise aussi, l’hallali n’est pas loin. Depuis longtemps, la carrosserie Franay souffre de problèmes de rentabilité (pour ne pas dire qu’elle était déficitaire depuis longtemps). C’est grâce aux bénéfices issus de l’activité des laboratoires de tirage cinématographique LTC que celle-ci avait, en grande partie, réussie à poursuivre son activité et à alimenter sa trésorerie. Mais avec la disparition brutale de son paternaliste et tout-puissant patron, cette situation va bientôt être remise en cause, ce précieux robinet allant rapidement se fermer. (Les successeurs de Marius Franay à la tête des Laboratoires LTC ne tenant manifestement plus à apporter leurs subsides à une entreprise qui, financièrement, apparaît presque comme un tonneau des Danaïdes). La carrosserie Franay, ainsi que sa vingtaine de salariés, se retrouve alors dans une situation des plus délicates.

Si les visiteurs qui se pressent chaque année au Grand Palais lors du Salon de l’auto ne manquent évidemment pas de venir admirer longuement les plus belles créations des plus grands noms de la carrosserie française (et pour cause, puisque leurs stands se trouvent placés juste à l’entrée de la nef du Grand Palais) et qu’ils jettent des regards à la fois envieux et admiratifs sur ces luxueuses voitures, dont celles réalisées par Franay, ils n’ont vraisemblablement aucune idée des difficultés, tant financières que matérielles, dans lesquelles celle-ci se débat durant les derniers temps de son activité. Les installations de la rue du Caporal Peugeot sont vétustes et mal outillées. Les tôliers sont obligés de travailler sur de la terre battue et le chauffage est en panne depuis longtemps. (On imagina alors aisément les conditions de travail des ouvriers en plein hiver).

L’histoire de l’automobile, comme la « grande histoire », présente parfois des coïncidences qui ne manquent pas d’ironie. C’est ainsi au moment où est dévoilée au public la révolutionnaire Citroën DS que Franay, symbole du classicisme automobile français, tire sa révérence. Le 42e Salon de l’automobile qui s’ouvre en octobre 1955 est en effet le dernier pour le célèbre carrossier. Pour ses adieux, la carrosserie Franay expose sur son stand un coupé Bentley Continental doté d’une carrosserie en aluminium, aux côtés de la limousine Citroën réalisée pour la Présidence de la République.

Etant donné l’absence de châssis français de grande classe disponible pour une réalisation de ce niveau (Delage, Delahaye et Hotchkiss ayant abandonné la production automobile l’année précédente et Talbot, de son côté, ayant arrêtée, en 1953, celle de la Record), la voiture a, en effet, été construite sur la plate-forme d’une Citroën 15 CV (en version longue, celle sur laquelle est d’ailleurs construite la version limousine) à suspension oléopneumatique (équipant uniquement la suspension arrière, ce système servit de test pour la suspension hydraulique de la DS. Réservé, en principe, à la berline, il équipa également, à titre exceptionnel, deux exemplaires de la limousine 15 CV, en plus de la voiture construite pour l’Elysée, dont l’une fut d’ailleurs commandée par le président de la République, René Coty). Basées sur un dessin dû au styliste Philippe Charbonneaux, les lignes de la voiture réalisée par Franay seront toutefois quelque peu éloignées des dessins réalisés par ce dernier. (Ceux-ci n’étaient pas sans évoquer une Ford Comète à quatre portes très allongée). Si la limousine exposée au Salon d’octobre 1955 présente une allure plus « statutaire » que celle imaginée par Charbonneaux, elle affiche aussi des lignes plus massives, notamment au niveau de la face avant. On mesure bien, vu sous cet angle, les difficultés qu’a représenté le passage du dessin à la réalité. L’habitacle, surtout à l’arrière, aux places destinées au président et aux invités de marque, présente tout le luxe et le raffinement que l’on est en droit d’attendre d’une voiture destinée à transporter le chef de l’Etat et les dignitaires étrangers lors de leurs déplacements officiels. Habillé d’une sellerie en cuir de couleur « havane » et décoré de frises en bois précieux, il est notamment équipé d’un bar et d’un dictaphone. Le budget qui a été alloué par l’Elysée pour la réalisation de la voiture était toutefois si limité qu’il a fallu utiliser un certain nombre d’éléments issus de modèles de grande série. Le pare-brise et les pare-chocs proviennent ainsi de la Ford Comète, la lunette arrière d’une Buick de 1949, les feux arrière d’une Chevrolet et les poignées de porte d’une Bentley. Si la voiture connaîtra quelques avatars sur le plan mécanique au début de sa carrière (elle tombera en panne lors de la visite en France de la reine Elisabeth d’Angleterre en 1957), elle restera au service de l’Elysée jusqu’en 1972 (elle sera alors remplacée, ainsi que l’autre Citroën 15 CV de la Présidence, réalisée, elle, par Chapron en 1957, par deux berlines décapotables, construites par ce dernier sur base de la Citroën SM, à la demande de Georges Pompidou).

Quant à la Bentley Continental exposée à ses côtés sur le stand Franay, si elle a bien été dessinée chez Franay (toujours par Carlo Delaisse, qui a toutefois dû la débarrasser des embryons d’ailerons sur les ailes arrière ainsi que des passages de roues de forme rectangulaire dont elle était affublée sur le dessin initial), les panneaux qui composent sa carrosserie, eux, en revanche, ont été façonnés et assemblés chez Chapron. Etant peu familiarisés avec le travail de l’ aluminium (notamment la technique de soudure), les compagnons de la carrosserie Franay ont dû renoncer à sa réalisation.

Un fait révélateur de la situation de l’entreprise, ainsi que des méthodes de travail qui y sont encore en vigueur et qui n’ont quasiment pas évolué depuis l’avant-guerre. Trop traditionnelles et artisanales, refusant les nécessaires adaptations et méprisant les techniques nouvelles, elles sont totalement dépassées. Elles expliquent la réputation de cherté et de lourdeur des voitures sortant des ateliers Franay. Des reproches qui sont le fait de nombreux observateurs et spécialistes du monde automobile, y compris du constructeur Rolls-Royce lui-même. D’autant que les voitures réalisées par Mulliner, Park Ward et Hooper, les partenaires privilégiés de la marque (dont les carrosseries présentent pourtant des lignes toues aussi classiques ou « baroques »), apparaissent à la fois moins ch ères et moins lourdes. Comparé au coup de crayon, à la fois original, moderne et sobre, des carrossiers italiens, le style apparaît également archaïque.

En ce milieu des années 50, l’ère des grands carrossiers français touche à sa fin et, à l’image de Franay, de nombreux autres artisans sont contraints de fermer leurs portes. Saoutchik disparaît la même année (son fondateur, jacques Saoutchik, étant, lui aussi, décédé l’année précédente), Letourneur & Marchand en 1959 et d’autres encore. Seul Chapron (en grande partie grâce à la réalisation des versions cabriolet de la DS) réussira à se maintenir en activité, jusqu’au milieu des années 80. C’est d’ailleurs chez Chapron que le commandant Paoletti, l’ancien directeur de la carrosserie Franay, ainsi qu’une partie de ses ouvriers, poursuivront leur carrière. Récupérant alors la prestigieuse clientèle de Franay, le carrossier de Levallois exposera (coïncidence ou clin d’oeil volontaire?), sur son stand de Salon de l’auto de 1956, une Rolls-Royce et une Bentley.

Si Marius Franay avait vécu plus longtemps, la carrosserie portant son nom aurait-elle survécu ? S’il apparaît clairement que c’est bien la disparition subite de ce dernier qui a précipité la fermeture de l’entreprise, cela faisait sans doute longtemps déjà que le ver était dans le fruit. En artisan de la vieille école, exécutant ce qui s’apparentait, à bien des égards, à un véritable travail d’artiste, Marius Franay ne regardait guère à la dépense pour satisfaire les désirs de sa prestigieuse clientèle et éblouir les regards du public lors du Salon de l’auto et des concours d’élégance. Le prix de revient passant au second plan, seule comptait pour lui la satisfaction de ses riches clients, ainsi que les récompenses remportées lors des concours d’élégance dans lesquels s’illustraient ses plus belles créations. Dans ces conditions, il est clair que ce genre de travail est peu rentable et la marge bénéficiaire assez réduite. Même si la manne financière provenant des laboratoires LTC a permis à la carrosserie Franay de poursuivre ses activités jusqu’au milieu des années 50, elle n’aurait probablement pu suffire, à elle seule, à la faire vivre éternellement. A défaut de s’adapter aux nouvelles techniques de la construction automobile (comme l’emploi de l’alliage léger et des structures entièrement métalliques) et d’abandonner la construction à la main ‘exemplaires uniques pour s’orienter vers la réalisation en petite série (à quelques dizaines ou quelques centaines d’exemplaires) pour les grands constructeurs, la disparition de Franay et des autres carrossiers traditionnels était sans doute inéluctable. Les carrossiers italiens, eux, ayant compris que le temps du tout à l’artisanat et au sur-mesure était révolu, ont su opérer, à temps, les évolutions nécessaires qui lui ont permis d’être toujours en activité aujourd’hui. Leurs homologues français auraient certainement été bien inspirés de suivre la même voie. L’une des autres raisons principales de la disparition de la carrosserie française est probablement de s’être entêté dans la voie exclusive de l’outrance et du prestige.

En passant ainsi « l’arme à gauche » de manière aussi brutale qu’inattendue, Marius Franay a, finalement, peut-être eu, d’une certaine façon, de la chance dans son malheur : Le monde pour lequel lui et ses confrères étaient faits, celui qui l’avait accueilli et honoré, disparaissait à peu près en même temps que lui.

Philippe ROCHE

Photos Wheelsage

En vidéo https://www.youtube.com/watch?v=Pls8R5KTqac&ab_channel=GULLWINGMOTORCARS

Une autre histoire https://www.retropassionautomobiles.fr/2024/09/chantilly-arts-elegance-richard-mille-le-plus-beau-musee-ephemere-du-monde/

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