FIAT 124 SPIDER -Dolce Vita Sauce Turinoise.
Vers 1963, alors que l’ équipe de Dante Giacosa travaille d’arrache-pied sur le projet de la future berline 124, qui est destinée à succéder, à brève échéance, aux Fiat 1300 et 1500, débute alors, peu de temps après, l’étude d’ une version spider construite sur cette nouvelle base.
Etant le partenaire privilégié du constructeur, et ayant déjà dessiné les lignes des précédents Spiders 1200 et 1500, le carrossier turinois Pininfarina se voit donc, logiquement, sollicité une nouvelle fois pour concevoir le dessin du futur Spider 124. Renzo Carli, le directeur du bureau de style du carrossier, confie le projet à Tom Tjaarda. Ce jeune designer, d’ origine américaine, reprend alors, comme source d’ inspiration, les lignes du spectaculaire dream car Chevrolet Corvair Rondine (Pourtant très réussi, celui-ci avait été refusé par la direction de General Motors).
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Si, vu sous certains angles, la source d’inspiration qui a donné naissance au futur Spider 124 est manifeste, sa transposition sur le châssis du spider va toutefois nécessiter un gros travail d’ adaptation, les proportions du châssis périmétrique de la grosse Chevrolet n’ayant rien à voir avec celles de la frêle plateforme de la Fiat 124, bien plus compacte. La structure monocoque de l’ Italienne imposant notamment une ceinture de caisse beaucoup plus basse. Si le dessin de la partie arrière est pratiquement identique à celui de la Rondine, celui du capot-moteur devra être remanié à plusieurs reprises afin de ne pas briser l’ équilibre subtil de son profil (La Corvair, sur laquelle était construire la Rondine étant équipée d’ un moteur arrière, alors que le Spider Fiat, beaucoup plus classique, voit son moteur placé à l’avant). Les optiques semi-escamotables du cream-car Chevrolet sont également abandonnées, cédant leur place à de simples phares rectangulaires. La version définitive arborera toutefois, finalement, des phares circulaires, disposés légèrement en retrait de la calandre. Tom Tjaarda quittant Pininfarina en novembre 1965, il n’aura pas le temps d’achever son oeuvre.
Le prototype du Spider effectuant ses premiers tours de roue à peine quelques mois plus tard. Dans l’intervalle, la berline 124, à laquelle le Spider emprunte sa plateforme (raccourcie) ainsi que la grande majorité de ses composants mécaniques, est dévoilée au salon de Genève en mars 1966. Au même salon est également dévoilé le spider Alfa Romeo Duetto, qui risque de s’avérer un redoutable concurrent. La riposte de Fiat ne se fera toutefois pas attendre très longtemps, car le Spider 124 est présenté au public quelques mois plus tard, à l’automne, au Salon de Turin, où elle sera l’ une des vedettes du stand Fiat avec la Dino, d’un caractère toutefois beaucoup plus élitiste et destinée à un autre genre de clientèle. Si, avec son Spider, Fiat chasse désormais ouvertement sur les terres d’ Alfa Romeo et de Lancia, malgré une concurrence assez féroce et déjà bien installée, la 124 peut néanmoins mettre en avant ses tarifs plus raisonnables que ceux de ses prestigieuses rivales.
Une grande partie de ses composants étant empruntés à la berline, cela limite d’ autant les coûts de production. Si, avec son empattement raccourci à 2,28 m (contre 2,42 mètres pour la berline), le Spider n’offre que des places arrière symboliques, la plupart de ses concurrentes, qu’elles soient italiennes ou étrangères, ne sont guère mieux loties sur ce point, et puis, de toute façon, contrairement à la berline dont il est dérivé, le Spider 124 n’a jamais eu pour vocation à être une voiture familiale. Parmi les éléments empruntés à cette dernière figure notamment les trains roulants. La suspension avant reste fidèle à de classiques leviers triangulés associés à des ressorts hélicoïdaux. Le pont arrière, quant à lui, tout ce qu’il y a de plus rigide, est lui aussi guidé par des ressorts du même type et bénéficie aussi d’un tube de poussée et de deux tirants longitudinaux. S’il dispose d’ un système de freinage efficace, avec ses quatre freins à disque (dont bénéficie aussi la berline), la direction, elle, doit se contenter d’ un classique (pour ne pas dire archaïque) boîtier à vis et galet. Le moteur, qui constitue la pièce maîtresse de la voiture, conçu par Aurelio Lampredi (Ce dernier est entré chez fiât en 1955, après un passage remarqué chez Ferrari), est le quatre cylindres à double arbre à cames emprunté à la 124 Sport. Le brillant ingénieur a pris pour base le bloc supercarré de 1 197 cc qu’il vient d’étudier pour la berline. Sur la version sport, grâce à une augmentation de l’ alésage, il voit sa cylindré portée à 1 438 cc et l’ arbre à cames latéral est, ici, remplacé par une culasse poly-sphérique à double arbres à cames en tête. La Fiat 124 Sport revendique ainsi une puissance de 90 chevaux. Elle profite également d’ une boîte de vitesses à cinq rapports, un avantage certain face au Spider d’ Alfa Romeo.
Très bien accueillie par le public, le Spider 124 se voit bientôt épaulé par un élégant coupé, présenté, lui aussi, au Salon de Genève un an après la berline, en mars 1967. Contrairement à la version décapotable de la 124, ce dernier n’ est toutefois pas l’oeuvre de Pininfarina mais du bureau de style interne de Fiat, dirigé alors par Mario Bono. La même année, Fiat lance l’ intéressante berline 125, dont le bloc de 1 608 cc est une extrapolation directe du quatre cylindres double arbre mis au point par Aurelio Lamperai. Il faut attendre néanmoins l’ automne 1969 pour que ce moteur soit installé sous le capot du Spider 124. Alimenté par deux carburateurs Weber, il délivre pas 110 chevaux. Cette nouvelle version du Spider se reconnaît à sa nouvelle grille de calandre façon « nid d’abeilles » et de ses deux bossages sur le capot.
La version 1400 de base reste au catalogue, mais la boîte de vitesses à cinq rapports n’est plus disponible qu’en option, alors qu’elle est montée de série sur la version 1,6 l. Comme tous les grands constructions, Fiat adopte de plus en plus, avec le temps, une politique de standardisation, à laquelle le Spider 124 doit, lui aussi, s’adapter. Lorsque la berline 132 succède à la 125 au printemps 1972, le modèle en reprend logiquement les nouvelles motorisations 1600 et 1 800 cc. La version 1,4 l disparaît donc du catalogue, tandis que celle de 1,6 l est maintint équipée d’un nouveau bloc de 1 592 cc alimenté par un carburateur Weber, mais dont la puissance reste quasiment identique par rapport à l’ancien moteur, soit 108 chevaux.
En haut de la gamme, on trouve la variante 1 800 qui dispose d’un bloc de 1 756 cc développant 118 chevaux. Un rendement très flatteur sur le papier, mais qui, sur la route, décevra quelque peu les amateurs de conduite sportive à cause de son manque de brio et sa sonorité assez fade. A cette époque, les ventes commencent d’ ailleurs à se tasser et l’arrivée de l’originale X 1/9, conçue en collaboration avec Bertone, n’arrange pas la situation. La berline 124 quitte, elle, les chaînes de l’usine de Mirafiori à la fin de l’année 1975, les derniers coupés étant, quant à eux, assemblés en mars 1976.
Si les ventes du Spider ont baissées, le modèle reste cependant suffisamment populaire auprès du public pour que Fiat décide d’en poursuivre la fabrication. Son succès reste grand en effet sur le marché américain (Tout comme d’ailleurs ses principales concurrentes, la MG B et la Triumph TR6). En 1974, plus de 32 000 exemplaires du Spider 124 ont ainsi été écoulés par le réseau américain. Le modèle cesse, à ce moment-là, d’être vendu en Europe, sa production étant à présent réservé à l’exportation. Malgré ses scores de vente aux Etats-Unis, le Spider Fiat fait grise mine, car les systèmes antipollution, imposés par la législation américaine, qui équipent désormais ses moteurs brident ses performances. En Californie (l’un des Etats américains les plus stricts en la matière), le Spider 1800 n’affiche ainsi plus que 80 ch et peine à dépasser les 150 km/h.
La version 2000, qui le remplace en juillet 1978 est, elle, est à peine moins anémique, puisque sa puissance atteint à peine les 86 chevaux. L’appellation « Sport » qui était jusque-là accolée au Spider apparaît donc bien galvaudée et, à cette époque, elle est d’ ailleurs définitivement abandonnée. Afin de coller au mieux aux goûts et aux attentes de sa clientèle, le Spider peut maintenant aussi être équipé, en option, d’une boîte automatique fa (d’origine General Motors), qui se marie d’ ailleurs fort bien avec le caractère désormais très placide du Spider (La plupart des Américains ayant d’ailleurs toujours préféré, avec les cabriolets, une attitude « cool » à une conduite trop virile). L’adoption d’une injection électronique Bosch, en mai 1980, permet au Spider de voir sa puissance remonter à 102 ch, et même à 120 chevaux sur la (rare) version Turbo (diffusée à moins de 700 exemplaires entre 1981 et 1983).
A partir de 1982, le Spider est intégralement assemblée chez Pininfarina. C’est à ce moment-là qu’il revient sur le marché européen, désormais vendu non plus sous la marque Fiat mais sous le label Pininfarina (Ce sera d’ ailleurs le seul modèle que la carrossier ait vendu sous son nom) et portant la dénomination Spider Europa. Sous son capot, on retrouve le double arbre de 1 995 cc qui, bénéficiant de normes européennes moins strictes qu’aux USA, affiche une puissance de 105 chevaux. Les acheteurs intéressés se voient aussi proposés une version plus sportive, dont le compresseur Volumex permet d’obtenir 135 chevaux. Ce qui lui permettra de terminer sa carrière en beauté. C’est maintenant le chant du cygne pour le vénérable Spider (Il approche en effet maintenant des vingt ans d’ âge) qui quittera la scène, dans la plus grande discrétion, en 1985. En dix-neuf ans d’ existence, il aura été produit à plus de 198 000 exemplaires.
Le Spider Fiat tentera aussi en compétition. Le département course de l’usine Fiat de Turin étudiera ainsi, en 1970, une version 1600 Corsa spécialement conçu pour cet usage. Allégée et surélevée par rapport au modèle de série, elle bénéficiera également d’ une mécanique retravaillée dont la puissance atteint 155 chevaux. Lorsqu’en 1971, le préparateur Abarth passe sous le contrôle de Fiat, le constructeur turinois, profitant du savoir-faire reconnu de la célèbre officine, charge alors celle-ci d’élaborer une version encore plus radicale du Spider Corsa. Produite entre 1973 et 1975, l’Abarth 124 Rally se reconnaît, au premier coup, par sa ligne beaucoup plus agressive que celle d’un « simple » Spider de série, avec ses élargisseurs d’ ailes, ses jantes en alliage léger, son capot en fibre de verre peint de couleur noir mat (Une teinte spécialement étudiée pour éviter mes reflets du soleil sur le capot), ses sièges-baquets, son arceau de sécurité ainsi que le hard-top qui viennent remplacer la capote afin d’ offrir la meilleure rigidité possible à la voiture.
Sur le plan technique, le Spider Abarth dispose aussi d’une suspension arrière indépendante (conçue spécifiquement pour ce modèle). Bénéficiant de soupapes de plus grande dimensions et d’une alimentation par deux carburateurs Weber, le moteur qui l’ équipe peut développer plus de 170 chevaux dans sa configuration la plus puissante. Malgré le talent des pilotes qui auront son volant entre leurs mains, comme Markku Alen ou Björn Waldegaard et quelques belles victoires comme au Rallye du Portugal ou une seconde place au Championnat du Monde des Rallyes décrochée par Fiat en 1973, la 124 Abarth ne parviendra cependant pas à surclasser ou même à égaler des pointures de la catégorie comme les berlinettes Alpine ou la Lancia Fulvia HF. De plus, le Spider 124 sera très vite surclassé la Lancia Stratos, qui ne tardera pas à faire la preuve de son efficacité dans les plus grandes épreuves de la compétition automobile. Le constructeur de Turin devra ainsi attendre 1977, avec l’arrivée de la version course du coupé 131, également revue par les soins d’ Abarth, pour parvenir finalement à se hisser sur la plus haute marche du podium.
Philippe Roche
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