CADILLAC 1949 – 1953 – On The Road Again !
En dehors de certains constructeurs indépendants comme Studebaker et des nouveaux venus sur la scène automobile, comme Kaiser-Frazer, dès la fin du conflit, l’achèvement des commandes militaires et le retour aux productions « civiles », tous les constructeurs américains des « nouveaux » modèles qui, en réalité, sont identiques, ou presque, à ceux produits entre 1940 et 1942.
Chez Cadillac, le dernier véhicule construit pour l’Armée américaine, un char M-24 Chaffee, sort d’usine le 24 août 1945, une dizaine de jours avant la capitulation du Japon, qui mettra un terme définitif à la Seconde guerre mondiale. La première Cadillac d’après-guerre, quant à elle, sort des chaînes d’assemblage moins de deux moins plus tard, le 17 octobre. Toutefois, en dehors du dessin des pare-chocs, de la calandre, des clignotants sous les phares, des enjoliveurs de roues, des ouïes d’aérations du capot, des moulures latérales sur les flancs ainsi que de détails de présentation et d’aménagements intérieurs, les modèles Cadillac du millésime 1946, qu’il s’agisse des berlines, des limousines, des coupés ou des cabriolets, sont quasiment identiques à ceux de l’année modèle 1942, qui n’avait connu que quelques mois d’existence à peine avant que, au début du mois de février 1942, tous les constructeurs, sans exception, soient obligés d’arrêter la production des voitures particulières et de convertir leurs usines pour accueillir celles des chars d’assaut ou des avions ainsi que des armes et munitions de toutes sortes destinées à l’US Army afin de soutenir l’effort de guerre. Si les constructeurs américains ne devront pas attendre la fin « officielle » ou réelle du conflit pour reprendre leurs productions d’avant-guerre, ce retour à la vie civile est toutefois conditionné à l’aval du gouvernement fédéral, le feu vert pour la reconversion étant accordé aux différents constructeurs en fonction de l’importance que ceux-ci occupaient sur le marché automobile avant la guerre ainsi, évidemment, que de l’importance de leur contribution à l’effort de guerre. En toute logique, ce sont donc les grands constructeurs (en terme de chiffres de production), comme Oldsmobile et Ford, qui, dès le mois de juillet 1945, sont, les premiers, autorisés à reprendre la production de leurs voitures particulières. Les constructeurs de voitures de luxe, comme Cadillac, eux, devront donc attendre encore un peu. Certains ne pouvant reprendre leur production civile qu’en octobre ou novembre de cette année-là.
Un retour à la vie civile qui ne se fera toutefois pas du jour au lendemain, car les matières premières, comme l’acier ou le caoutchouc (nécessaire à la fabrication des pneus) sont encore contingentés, les mesures de rationnement prises par le gouvernement fédéral après l’entrée en guerre des Etats-Unis n’étant levées que progressivement, les dernières d’entre-elles n’étant supprimées qu’ à l’été 1946, soit près d’un an après la fin des hostilités. Ce qui explique qu’un peu moins de 30 000 exemplaires seulement des modèles Cadillac du millésime 1946 vont pouvoir être construits avant la fin de l’année civile (au 31 décembre 1946 donc), alors qu il reste encore près de 100 000 commandes à honorer ! Dans ces conditions, il est clair que la priorité numéro un pour les dirigeants de la marque, comme pour ceux des autres constructeurs américains, est de faire tourner les chaînes à plein régime afin de satisfaire la demande et que les nouveaux modèles ne pourront sans doute être mis en production avant deux voire trois ans. Si les Cadillac des millésimes 1946 et 1947 restent très proches, donc, de celles de 1941 et 42, celles de l’année-modèle 1948, en revanche, apporte un sang neuf sur le plan esthétique, avec une grille de calandre très basse et une ligne d’aile presque horizontale à l’avant, qui art des phares jusqu’à la portière arrière, qui remplacent les hautes calandres et les volumes bulbeux qui caractérisaient les Cadillac depuis 1941 (Des formes que certains observateurs de la presse automobile avaient d’ailleurs comparé à celles d’un cachalot ou à une baignoire renversée!). La nouvelle lignes des Cadillac représentant la première phase de la ligne « ponton » intégrale, dont, au sein de la production américaine, les Kaiser-Frazer, dévoilées en 1946, ont été les précurseurs. Les modèles du millésime 1948 se caractérisant aussi par le dessin de leurs ailes arrières, qui se termine par un léger ressaut, où se trouvent placés les feux de signalisation, qui représente la première amorce des ailerons qui deviendront l’une des caractéristiques essentielles et incontournables des voitures américains durant plus de dix ans et qui, notamment sur les Cadillac, prendront des lignes et des proportions délirantes à la fin de la décennie suivante. Cette innovation, qui va se révéler un trait de génie sur le plan commercial, due au designer en chef du groupe General Motors, Harley J. Earl, qui règne en maître absolu sur la conception du dessin de tous les modèles des divisions de la GM depuis la fin des années vingt, ainsi qu’ à son bras-droit (et futur successeur), William « Bill » Mitchell, inspirés, dit-on, par les dérives du bombardier P-38 Lightning construit par Lockheed. Bien que présentées seulement en mars 1948 (alors que, d ordinaire, chez tous les constructeurs américains, la présentation des modèles d’un nouveau millésime a toujours lieu à l’ automne de l’ année précédente), les nouvelles Cadillac prennent de court la concurrence. En effet, à l’ exception des Oldsmobile « Futuramic » et des Packard, les autres marques américaines ne dévoileront leurs nouveaux modèles que fin 1948 (pour le millésime 1949).
Au sein de la division de prestige de General Motors, les voitures de l’année-modèle 1949 ne seront, elles aussi, que dévoiler tardivement par rapport à leurs concurrentes, en janvier 1949. Si les carrosseries sont identiques, ou presque, à celles des voitures de l’année-modèle précédente et ne présentent que des retouches esthétiques mineures (notamment au niveau de la calandre), la vraie nouveauté de ce millésime se situe désormais sous le capot. Le vénérable huit cylindres en V à soupapes latérales, dont les origines remontaient quand même aux années 1920, est (enfin) mis à la retraite, pour laisser la place à un nouveau V8 de conception entièrement nouvelle, équipée d’une distribution à soupapes en tête et d’un système à poussoirs hydrauliques (Un dispositif qui assure un rendement bien meilleur). Un nouveau moteur, conçu sous la responsabilité de J.F. Gordon (Futur président de Cadillac) et de E.N. Cole, dont l’ entrée en scène s’est toutefois fait quelque peu attendre, puisqu’il était à l’ étude depuis 1937. Si cette mécanique, considérée, avec le V8 Rocket, son homologue au sein de la division Oldsmobile, comme le premier V8 « moderne » de la production américaine, dans sa première version en tout cas, est à peine moins grosse en cylindrée (5,4 litres contre 5,7 l) et à peine plus puissante que celle qu’elle remplace, elle saura, néanmoins, rapidement prouver qu’elle recèle un bon potentiel en matière de performances, puisque lorsqu’il quittera la scène, à la fin du millésime 1955, il aura atteint la barre des 270 chevaux. Si la transmission automatique, baptisée Hydra-Matic et qui est apparue sur les modèles de la gamme Oldsmobile en 1940, équipe alors les Cadillac depuis 1942, étrangement, elle n’est pourtant toujours proposée qu’en option, alors qu’elle équipe presque la totalité des voitures de la marque (97 % des voitures produites). Une boîte de vitesse à quatre rapports, commandée par un sélecteur au volant, qui a largement fait la preuve de sa fiabilité et de sa solidité puisqu’ elle équipait également les blindés de l’Armée américaine qui se sont illustrés au cours de la Seconde guerre mondiale. Elle contribuera d’ailleurs largement à la facilité et à la douceur de conduite qui contribueront à bâtir les réputations des Cadillac auprès du public, tant en Amérique qu’à l’étranger.
Dans le catalogue de l’année-modèle 1949, la gamme Cadillac se compose, au total, de onze modèles, répartis en quatre séries (Séries 61, 62, Fleetwood Sixty Special et Fleetwood Seventy-Five) et dont les prix vont de 2 788 à 5 710 dollars. Les deux premières comporte la traditionnelle berline (Sedan, selon la dénomination américaine), proposée en deux niveaux de finition et le coupé à pavillon plongeant. Si celui-ci a souvent reçu l’appellation Sedanet (parfois aussi écrit Sedanette), toutefois, il n’a toujours s’agit que d’un surnom et donc jamais d’une dénomination officielle figurant au catalogue. Si celui-ci est certainement l’une des plus belles carrosseries réalisées sur les Cadillac de cette époque, et bien qu’il connaisse un grand succès depuis son apparition au catalogue en 1941, ce superbe modèle en est hélas ici à sa dernière année. La reconduction de cette carrosserie au catalogue et son adaptation au nouveau style des modèles du millésime 1950 a bien été étudiée mais elle n’a connu aucune suite en série et n’a même probablement pas dépassé le stade de la maquette grandeur nature en argile. Etrangement, alors que les autres divisions de la GM maintiendront cette carrosserie dans leur catalogue, Cadillac sera la seule à décider de la supprimer de sa gamme. A partir du millésime 1950, tous les coupés Cadillac recevront désormais des carrosseries « trois volumes », avec montant central en version Club Coupé ou sans montant central en version Coupé DeVille. La Série 62 se complète, elle, d’un cabriolet (Convertible Coupe, selon la terminologie employée dans le catalogue) et, à la fin de l’année-modèle, en juin 1949, d’un coupé sans montant central qui reçoit l’appellation DeVille. Ce nouveau modèle représentant la première génération des voitures « hardtop », avec la Buick Riviera. En seconde position au sein de la hiérarchie de la marque, la Fleetwood 60 Special est, elle, construite sur un châssis allongé et proposée uniquement en berline. Apparu au catalogue en 1938, ce modèle occupe une place à part au sein de la gamme Cadillac, alliant une décoration discrète et un grand raffinement, en particulier en ce qui concerne l’habillage intérieur. Enfin, au sommet du catalogue trône l’imposante et aristocratique Série 75 Fleetwood. Vendue uniquement sous forme de limousine, celle-ci est proposée en cinq versions différentes. Celles-ci ne diffèrent toutefois, essentiellement, que par le nombre de places assises (avec ou strapontins) ainsi que par la présence (ou l’absence) d’ une cloison de séparation intérieure entre le chauffeur et les passagers. Ce modèle haut de gamme conservant, pour une ultime saison, l’ancien style de carrosserie inauguré en 1941. Que ces limousines conservent une ligne qui date alors de près de dix ans les fait paraître d’autant plus démodées face aux nouveaux modèles de la gamme, qui, eux, ont tous adoptés un nouveau style bien plus moderne. Mais la clientèle de ce genre de voitures, assez conservatrice, n’y attache toutefois guère d’importance. L’adaptation du style des modèles du millésime 1949 aux limousines de la série 75 sera bien étudié, mais elle n’atteindra jamais le stade de la série, à l’exception d’un exemplaire unique, une commande spéciale réalisée pour une cliente très privilégiée.
Maintenant qu’avec leur nouveau V8 à soupapes en tête, les Cadillac sont, du point de vue technique, entrées dans « l’ère moderne », le bureau d’études de la marque peut à nouveau se consacrer au renouvellement du style. Si, d’ordinaire, chez la plupart des constructeurs américains, qu’il s’agisse des marques populaires comme celles de prestige, le style des modèles est, en moyenne, entièrement renouveler tous les deux ou trois ans, dans les années cinquante qui sont celles de la société de consommation par excellence et de la prospérité retrouvée, et où un très fort pouvoir d’achat permet à un grand nombre d’Américains de changer de voiture presque chaque année, le style a une grande importance (Pour ne pas dire une importance capitale) afin d’entretenir et même d’accentuer cette frénésie de consommation (Dans l’automobile comme dans beaucoup d’autres domaines). Les nouvelles Cadillac du millésime 1950 accentuent encore les effets de style des modèles des deux années précédentes, avec une calandre encore plus bombée et des pare-chocs à butoirs encore plus proéminents. A signaler que ces attributs restent alors l’apanage exclusif des Cadillac, les modèles des autres marques de la GM n’en bénéficiant eux aussi qu’à partir de 1956. Tous les modèles du catalogue en bénéficient, y compris la très exclusive Série Seventy-Five. Le modèle « de base », la Série 61, de son côté, est désormais construite sur un châssis raccourci exclusif. La berline partageant avec les Buick Riviera « Touring Sedan » le pavillon raccourci sans vitre de custode, avec un large montant de custode, des portières arrière plus courtes ainsi que l’absence de moulures sur les bas de caisse, qui la distingue des autres berlines proposées au catalogue dans les autres séries.
1949 sera aussi une grande année pour la marque car elle sera marquée par la production, le 25 novembre, de la millionième voiture portant le nom de Cadillac, ainsi que par celle, le 16 novembre de l’année suivante, de la 100 000ème voiture du même modèle. L’année-modèle 1950 verra également la division de prestige de General Motors se hisser en tête des ventes au sein des constructeurs américains de voitures de luxe, loin devant Lincoln, Packard et les Chrysler Imperial. Pour Cadillac, les ventes de l’année 1951 seront meilleures encore. Le contexte politique international, avec le déclenchement de la guerre de Corée, en juin 1950, va toutefois contraindre la marque, comme la plupart des constructeurs, à accorder la priorité aux investissements militaires et, donc, à laisser, en partie, de côté, le développement technique de ses modèles.
En conséquence, les trois millésimes suivants ne connaîtront que des évolutions assez minimes, portant surtout sur les éléments d’accastillage des carrosseries. Sur le plan mécanique, les modèles connaîtront aussi plusieurs changements, avec, notamment, une légère augmentation de la puissance du V8, les modèles du millésime 1952 bénéficiant de 30 chevaux supplémentaires grâce à l’adjonction d’un nouveau carburateur quadruple corps. Une puissance qui augmentera encore, l’année suivante, d’une vingtaine de chevaux, grâce à l’élévation du taux de compression. Un accroissement de la puissance qui n’est pas seulement dû à un « effet de mode » ou afin de rester en permanence en tête du peloton sur le marché américain de la voiture de luxe, mais aussi, plus simplement, à cause des équipements de confort (La direction assistée en 1952, l’air conditionné en 1953, le système de passage « phares-codes » automatique Autronic Eye ainsi que le passage du circuit électrique de 6 à 12 volts la même année) qui, à l’époque, se multiplient, sur les Cadillac comme chez la plupart de leurs concurrentes et qui consomment souvent une part non négligeable des chevaux développés par le moteur. Toujours sur le plan technique, à la même époque, la transmission automatique, baptisée Dual-Range Hydra-Matic, équipe désormais de série toutes les Cadillac, à l’ exception des limousines. Cependant, l’usine de Livonia, dans le Michigan, qui en assurait la fabrication, est entièrement détruite par un incendie. Du coup, en remplacement de celle-ci, les dernières Cadillac de l’année-modèle 1953 seront équipées de la boîte de vitesse automatique Dynaflow empruntée aux modèles de la gamme Buick, qui, sur les Cadillac, recevra la nouvelle dénomination Twin-Turbine Drive.
L’année-modèle 1952, outre la célébration du cinquantenaire de la marque Cadillac, verra aussi la disparition de la marque de la mal-aimée Série 61 (dont la production a chutée de près de 27 000 exemplaires pour le millésime 1950 à seulement 4 700 en 1951). Après sa suppression du catalogue, c’est le Club Coupé de la Série 62 qui deviendra la moins chère des Cadillac proposée au catalogue et qui jouera donc à présent le rôle de modèle d’entrée de gamme de la marque.
En 1953, une fois la guerre de Corée terminée, qui marque donc pour les constructeurs américains un « retour à la normale », la gamme Cadillac est à nouveau étendue, cette fois vers le haut avec l’apparition au sommet de la gamme d’un nouveau modèle au nom d’origine légendaire et qui deviendra l’un des plus emblématiques de l’histoire de la marque. Inspiré d’un show-car dévoilé au public lors du Motorama de l’ nnée précédente, l’Eldorado, ne se présente, de prime abord, que comme un cabriolet similaire à la version décapotable de la Série 62 et qui ne se différencie de cette dernière que par l’adoption d’un pare-brise panoramique. Elle est d’ailleurs, non seulement, la première Cadillac à en être équipée (Les autres modèles de la gamme n’y auront droit que l’année suivante) mais aussi le premier modèle de tout le groupe General Motors à recevoir cet attribut qui va devenir un « gimmick » incontournable sur les voitures américaines des années 50. Toutefois, d’autres caractéristiques permettent également de la différencier d’un cabriolet Cadillac « ordinaire », comme le couvre-capote métallique (peint de la couleur de la carrosserie), les portières échancrées, les roues à rayons montées en série (en option sur les autres modèles de la gamme), ainsi qu’un autoradio à recherche automatique de stations et une sellerie spécifique, alliant le tissu et le cuir, entièrement confectionnée à la main. Evidemment, au vu du prix exorbitant auquel il est affiché (7 750 dollars, soit près du double de celui du cabriolet de la Série 62 (Ce qu’elle est d’ailleurs sur le plan technique, sa mécanique étant exactement identique aux autres Cadillac), qui, lui, ne coûte que 4 144 $, il faut toutefois un peu plus qu’un simple pare-brise panoramique pour espérer convaincre les clients potentiels de signer un chèque. A ce prix-là, l’acheteur d’ une Eldorado a donc à une liste d’équipements pléthorique : A l’exception du système de climatisation, tous les autres équipements de confort qui ne sont disponibles qu’en option sur les autres Cadillac sont ici montés en série. Le client prêt (et, surtout, ayant les moyens) de débourser une telle somme obtient ainsi l’assurance de posséder (En dehors des limousines de la Série 75) la plus luxueuse et exclusive des Cadillac. D’autant plus que, pour sa première année, la production de l’Eldorado sera volontairement limitée à 532 exemplaires seulement. Une exclusivité que ce splendide cabriolet perdra, hélas, quelque peu au cours des années suivante. En dehors de quelques modèles tout aussi exclusifs comme la berline Eldorado Brougham, présentée en 1957. Si la gamme s’élargira au fil des millésimes, avec l’apparition, en plus de la berline citée plus haut, d’un coupé Seville, le cabriolet, quant à lui, ne se différenciera bientôt plus du cabriolet DeVille, l’autre décapotable de la gamme, que par quelques détails de finition, perdant de fait son statut de modèle « à part » dont elle pouvait se targuer lors de son lancement. Ce qui aura, évidemment, pour effet de faire baisser inexorablement ses ventes, les acheteurs n’ayant plus guère de raisons de les préférer au cabriolet DeVille. Il faudra attendre la présentation, en 1967, d’une nouvelle génération d’Eldorado, sous la forme d’un imposant coupé à la ligne très sobre (qui sera la première Cadillac équipée de la traction avant) pour qu’elle retrouve enfin le caractère exclusif qui faisait tout le charme et l’attrait de la version originelle de 1953.
Comme dans la plupart des pays européens, et même si, contrairement à leurs homologues du Vieux Continent) la plupart des constructeurs américains de voitures de luxe proposait, à cette époque déjà, des modèles vendus « clés en main », il était toujours possible à l’acquéreur qui souhaitait une voiture unique et entièrement personnalisée, avait toujours la possibilité de commander un « châssis nu » qu’il faisait alors livrer au carrossier de son choix. Si le règne des grands carrossiers américains s’est pratiquement achevé avec la Seconde guerre mondiale, ceux qui poursuivront leurs activités après le conflit, en plus de poursuivre la transformation des berlines de série en voitures de cérémonies (C’est à dire en limousines rallongées, encore plus longues que celles inscrites au catalogue des constructeurs), se diversifieront aussi dans la réalisation de véhicules funéraires. Ainsi, en plus de ses limousines, Cadillac proposait aussi sur la Série 75, une version vendue sous la forme de « châssis roulant » (ou « Commercial Chassis », pour reprendre la terminologie du catalogue), partiellement carrossé (livré avec toutes les pièces de carrosseries et les éléments d’accastillage de la proue, ainsi que les portières, déjà montés. Un châssis, doté d’un empattement extra-long, destiné à la réalisation d’ambulances ainsi que de véhicules funéraires. Sur celui-ci, des carrossiers comme Hess & Eisenhardt (connu pour avoir réaliser la Lincoln à bord de laquelle le président Kennedy fut assassiné à Dallas en 1963), Meteor, Miller ou Superior, réalisèrent une série de corbillards et d’autres véhicules pour les cérémonies funèbres. Le plus original d’entre eux étant certainement les « flower cars », un véhicule recevant un habitacle de coupé raccourci avec, à l’arrière, un immense plateau en acier inoxydable destiné à reçevoir et à transporter les gerbes et les couronnes mortuaires depuis l’église jusqu’au cimetière. Des modèles qui vont immédiatement connaître un grand succès auprès des entrepreneurs de pompes funèbres, les Cadillac devant, là aussi, sur ce marché très spécial, des modèles incontournables. Ainsi, dans les années 50 et 60, lors des funérailles d’un notable américain, figurait presque invariablement, d’un cortège de Cadillac noires, avec l’original « flower car » fermant le cortège.
Durant les années cinquante, General Motors s’est fait une spécialité des manifestations, statiques ou itinérantes, présentant des « dream cars » destinés à attirer l’attention du public et à tester les réactions de celui-ci sur les projets pour de futurs modèles. Durant les années concernées ici, plusieurs show-cars sur base Cadillac seront ainsi dévoilés au public, certains restant de pures « voitures de rêves », d’autres, par contre, aboutissant (bien que sous une forme parfois modifiée) à des modèles de série inclus au catalogue.
En janvier 1949, l’exposition Transportation Unlimited tenue à l’hôtel Waldorf Astoria de New York présente quatre Cadillac, dont deux berlines Fleetwood 60 S spécialement finies, un coupé sans montants sur le même châssis (En réalité, le prototype du futur Coupé De Ville) et un cabriolet baptisé El Rancho cultivant le thème « western ».
Le Motorama de l’année suivante, qui se tient là aussi au Waldorf Astoria, dévoile aux visiteurs le cabriolet Debutante, d’une couleur jaune vive, agrémenté d’accessoires dorés et d’une sellerie en véritable peau de léopard ! En 1952, l’exposition itinérante, dévoilera un autre cabriolet spécial, dont le pare-brise panoramique annonce la future Eldorado. Le Motorama de 1953, lui, verra la présentation de deux Cadillac encore plus futuristes. La première, recevant l’appellation Orleans, se présente sous la forme d’une berline sans montants à ouverture centrale. La seconde, baptisée Le Mans, est un roadster réalisé sur un châssis raccourci, doté d’une carrosserie en plastique et d’un moteur poussé à 250 chevaux, dont la calandre préfigure celle des modèles 1954 et 1955. Trois exemplaires en auraient été construits, dont deux pour des clients privés. Toutefois, cette brève incursion dans le domaine des voitures de sport en restera-là (et on peut sans doute le regretter). A l’époque, chez General Motors comme ches les autres grands groupes de Detroit (Chrysler et Ford), chaque marque avait un rôle et un secteur de marché bien détermine et s’y tenait. Que ce soit sur instruction de la direction du groupe ou de leur propre initiative, les responsables de Cadillac décideront, finalement, de ne pas s’aventurer plus avant sur le terrain de la Corvette.
Preuve de la robustesse et du potentiel en matière de performances du nouveau V8 Cadillac, ce moteur s’illustrera également dans le domaine de la compétition. Notamment grâce au pilote Briggs Cunningham, qui engagera, à titre privé, deux Cadillac aux 24 Heures du Mans en 1950. Si la première est un coupé de la Série 61, pratiquement identique au modèle de série, la seconde, en revanche, a été radicalement modifiée en prévision de l’épreuve. La voiture ayant, en effet, abandonnée sa carrosserie de série pour celle d’une barquette dont les lignes très simples et fort anguleuses ne sont pas sans rappeler celles d’un char d’assaut (c’ est sans doute pour cette raison qu’elle sera surnommée « Le Monstre » par le public). Si elle n’est, certes, pas la plus élégante des voitures qui participent à la compétition, l’efficacité, l’aérodynamique ainsi que la simplicité de réalisation et de répération ont, ici, prévalus sur toute autre considération. Tout comme le coupé, elle conserve toutefois, elle aussi, une mécanique sans aucune modification par rapport à celle des Cadillac « ordinaires ». Pilotée par Briggs Cunningham lui-même, elle terminera à la 11ème place du classement général (Le coupé Sixty-One réussisant, lui, à décrocher la 10ème place au même classement). Une double victoire qui sera largement commentée dans la presse, aussi bien en France qu’aux Etats-Unis, éclipsant presque la performance réalisée par la monture du Britannique Sydney Allard avec sa J2, elle aussi motorisée par un V8 Cadillac, qui finira troisième de l’épreuve mancelle et première dans la catégorie des voitures de plus de 5 litres. L’année suivante, Cunnigham, avec sa propre écurie de course, passera aux moteurs Chrysler, tandis que les Allard, elles, resteront fidèles aux moteurs Cadillac et continueront, avec eux, d’engranger les succès.
Après cinq années d’une carrière riche de succès, cette première génération de Cadillac d’ après-guerre quittera la scène à l’automne 1953 pour laisser la place à de nouveaux à une nouvelle lignée. Si, en apparence, les nouveaux modèles du millésime 1954 ont simplement reçus une face avant redessinée (Avec une capot et une calandre en forme d’étrave), ils n’ont, en réalité, plus aucun panneau de carrosserie en commun avec ceux des années précédentes. Plus sans doute que toute autre dans l’histoire de la marque, cette décennie sera véritablement celle de l’âge d’or pour Cadillac, celle-ci conservant tout au long des années cinquante sa place de leader incontestée sur le marché des voitures américaines de prestige. Les (riches) acheteurs américains en quête d’encore plus d’exclusivité se tourner vers les marques de luxe européennes, comme Mercedes, Jaguar ou Rolls-Royce. Les Cadillac, aussi luxueuse, puissantes et ultra-équipées qu’elles soient restant, d’une certaine façon, des « productions de masses », alors que les voitures de sport ou de prestige allemandes et anglaises, elles, sont encore, à l’époque, construites, en grande partie, à la main. Cette concurrence étrangère n’entamera cependant en rien le succès ni le prestige des Cadillac aux yeux des Américains, comme ailleurs dans le monde d’ailleurs, où la marque jouissait d’un prestige égal (ou presque) à celui de Rolls-Royce. Aujourd’hui, n »importe quelle Cadillac des fifties peut se vanter d’un statut d’icône et, plus sans doute que n’importe quelle autre américaine de cette époque dorée, elle symbolise pour beaucoup une époque « magique », celle d’un temps où « big » et « beautiful » étaient deux notions indissociables et où rouler en Cadillac conférait un prestige incomparable !
Maxime DUBREUIL
Photos Wheelsage
D’autres articles https://www.retropassionautomobiles.fr/histoire/
En vidéo https://www.youtube.com/channel/UCdnjRO4CUpmk_cUsI5oxs0w?view_as=subscriber