FORD MUSTANG II et III – La traversée du désert du Poney Express.
En 1972, lassées du nombre sans cesse croissants d’accidents, souvent graves et parfois même mortels, impliquants les voitures de sport (dont les plus puissantes sont pourvues de moteurs V8 pouvant dépasser les 7 litres et plus de 400 chevaux) et donc de devoir passer la main au portefeuille à chaque fois, les compagnies d’ assurance décident de revoir sérieusement à la hausse leurs primes pour ce genre de voitures. En particulier pour les jeunes conducteurs, souvent dotés d’une nature aussi impulsive qu’impétueuse et donc responsable de beaucoup des accidents en question. C’est là le premier obstacle qui va se dresser sur la route des Muscles cars américains et qui annonce le déclin et même, pour ceux-ci, le début de la fin. De plus, et indépendamment de cela, les ventes de beaucoup d’entre-eux commencent à baisser de façon significative. Avec le début de l’ arrivée sur le marché américain (comme en Europe d’ ailleurs) des constructeurs japonais, les jeunes conducteurs, et surtout les jeunes ménages, commencent à se tourner vers des véhicules plus compactes et moins gourmands en carburant. Sans compter les nouvelles en matière de sécurité et d’émission de pollution. Le premier choc pétrolier, qui éclate à l’automne 1973 (à cause de la décision des pays de l’OPEP d’augmenter sérieusement le prix du baril de pétrole, en représailles contre les pays occidentaux pour avoir soutenus Israël lors de la guerre du Kippour) achevant de mettre un terme à l’âge d’or des voitures de sport des constructeurs de Detroit.
C’est pourquoi Lee Iacocca, qui préside la marque Ford depuis 1970, décide que la nouvelle Mustang (dont il est d’ailleurs le créateur) sera construite sur la base du modèle d’entrée de gamme des Ford américaines de l’époque, la Pinto. (Le projet initial pour la Mustang II prévoyait qu’elle soit construite sur la plate-forme d’un autre modèle compact de la gamme, la Marevick, située un cran au-dessus de la Pinto. mais, au vu du contexte économique plutôt défavorable, le projet a été encore revu à la baisse). La ligne de la Mustang II, bien que fortement inspirée de la première monture, lancée en 1964, n’en est donc plus qu’une reproduction à l’échelle réduite (4,45 mètres contre 4,80 m pour la dernière évolution de la Mustang I, produite entre 1971 et 73). Les motorisations qui équipent la Mustang II montrent elles aussi que l’ère des Muscles cars appartient bel et bien au passé: Un quatre cylindres de 85 ch ou un six cylindres de 105 ch (dérivé de celui qui équipe la Ford Capri construite en Allemagne). Le seul point commun qu’elle garde avec sa devancière est la liste des options qui est, là aussi, des plus exhaustives. Toutefois, en ce qui concerne les carrosseries, conséquence à la fois de la désaffection de la plupart des Américains pour les décapotables et du fait que l’Agence pour la sécurité routière américaine voit alors d’un fort mauvais oeil toutes les voitures qui sont dépourvues de toit, le cabriolet disparaît donc de la gamme, réduite aux coupés trois volumes ou fastback. L’année suivante, à cause des critiques de la presse auto, comme des clients, qui trouvent la puissance des moteurs vraiment trop faibles, le V8 fait sa réapparition au catalogue. Pas de quoi grimper au plafond toutefois: Celui n’offre, en effet, que 125 ch. En 1976, la célèbre version Cobra fait, elle aussi, son retour. Malheureusement, alors que, dans les années 60, cette appellation désignait la version la plus affutée de la Mustang, il ne s’agit plus ici que d’un simple package cosmétique, avec spolier, aileron, calandre noire et bossage sur le capot. Les moteurs (la Cobra est, en effet, disponible aussi bien en quatre et six cylindres qu’ en V8 ) ne gagnant pas un poil de puissance au passage. L’année 1978 voit l’apparition d’une nouvelle version « sport », baptisée King Cobra. Il s’agit d’une édition limitée, produite à un peu plus de 4 300 exemplaires, et disponible, ici, uniquement avec le V8, où le côté agressif des attributs est encore accentué, notamment, par le dessin d’un cobra sur le capot. Hélas, là aussi, les moteurs n’y gagne rien au change. Même si les fans de la première monture ont crié à la trahison lors de son lancement, la Mustang II a connu un fort honorable succès (aidé en cela, il est vrai, par la crise pétrolière) avec plus de 1,1 million d’exemplaires en quatre années de production. Elle sera également élue Voiture de l’année 1974 par le magazine Motor Trend. Un titre qu’aucune autre Mustang ne remportera plus avant 1994.
En 1978, malgré le succès remporté par la Mustang II et bien que celle-ci n’ait que quatre ans de carrière derrière elle, Ford décide néanmoins de la remplacer par une nouvelle génération de celle qui est demeuré, malgré la crise pétrolière, l’un de ses modèles les plus emblématiques. Basée sur la plate-forme dénommée Fox, initialement conçue pour les berlines intermédiaires Ford Fairmont et Mercury Zephyr, cette troisième génération de la Mustang, outre sa ligne en arêtes vives, plus dans l’air du temps, elle offrait aussi un coffre et un compartiment moteur plus grands que ceux de sa devancière. Comme celle-ci, elle était disponible soit en coupé tricorps ou bien fastback (à hayon). Outre le quatre cylindres 2,3 litres de 88 ch issu de la Pinto et les V6 Cologne de 2,8 litres et 109 ch emprunté à la Capri, elle pouvait aussi recevoir un V8 4,9 litres de 140 ch, qui, tous, équipaient également la précédente génération. Dès 1979, le quatre cylindres de la Pinto est remplacé par un six cylindres 3,3 litres (qui ne délivrait cependant qu’une puissance identique à ce dernier) ainsi que par un 2,3 l équipé d’ un turbo qui fournissait, lui, 132 ch. Le V8 4,9 litres ne connu, lui aussi, qu’une première existence éphémère sous le capot de la Mustang. Il fut remplacé, au bout d’un an à peine, par un nouveau V8 de 4,2 l de 120 ch, qui affichait une consommation plus sobre (ce qui en faisait le V8 le moins puissant jamais monté sur une Mustang !). Si le quatre cylindres Turbo s’avérait plus puissant, il connut toutefois pas mal de soucis de fiabilités, notamment au niveau du système de lubrification qui conduisait à une usure prématurée du turbo et qui pouvait même conduire certains moteurs à prendre feu. En 1982, le V8 4,9 litres fit sa réapparition au catalogue, offrant cette fois 157 ch. Les V6 2,8 l et 3,3 l sont, eux, remplacé la même année par un V6 Essex 3,8 l (provenant de la berline Granada américaine). Le premier lifting que connaîtra la Mustang III, en 1983, serra, somme toute, assez léger, avec une nouvelle calandre en forme de « boîte aux lettres », jugée plus « aérodynamique », ainsi que de nouveaux feux arrière qui remplaçaient les précédents, qui étaient inspirés de la Fairmont.
Le millésime 1983 sera cependant une grande date, puisqu’il verra la réapparition de la version cabriolet, après neuf ans d’absence au sein de la gamme Mustang. Bien que proposé en V8, la majorité des exemplaires de la version décapotable furent cependant livrés avec le moteur 6 cylindres. Le V8, quant à lui, grâce à un nouveau carburateur, verra sa puissance grimpé à nouveau, à 175 ch. Le quatre cylindres 2,3 l serra lui aussi revu, bénéficiant maintenant d’un système à injection et affichant alors 145 ch. En 1984, pour célébrer le 20ème anniversaire de la Mustang, Ford lancera une série limitée baptisée GT350. Proposée sur le coupé et le cabriolet, celle-ci, produite à 5 260 exemplaires, se caractérisait par une carrosserie peinte en blanc et un intérieur entièrement rouge. Ils pouvaient être équipés soit avec le 2,3 l Turbo soit avec le V8. De 1984 à 86, la Mustang sera également proposée dans une version spéciale baptisée SVO. Motorisée, elle aussi, par le 2,3 l Turbo, celui-ci voyait cependant, sur la SVO, sa puissance portée à 175 ch et ensuite à 205 puis 200 ch pour les exemplaires produits en 85 et 86. Outre des freins à disque sur les quatre roues, cette version se caractérisait aussi, sur le plan cosmétique, par des jantes spécifiques de 16 pouces et un spoiler à l’arrière. Le prix de cette version, bien plus élevé que celle d’une V8 à l’ équipement comparable, en limitera cependant la diffusion. Pour 1985, la version haut de gamme GT reçoit un V8 revu (avec notamment un nouveau carburateur) qui permet à celui-ci d’atteindre les 210 ch, ainsi qu’ une double sortie d’échappement (dont l’une est toutefois factice). Ce sera le dernier V8 sur la Mustang qui sera équipé d’un carburateur, celui-ci passant à l’injection (et perdant, au passage, une dizaine de chevaux) dès l’année suivante.
A signaler qu’à cette époque, à cause de la baisse des ventes, Ford avait eu en projet de remplacer la Mustang par un coupé à roues avant motrices développé en collaboration avec Mazda, qui deviendra la Probe. Toutefois, sous la pression des admirateurs de la Mustang, cette idée sera rapidement abandonné.
C’est en 1987 que la Mustang III recevra sa refonte la plus importante, avec une nouvelle face avant qui offrait à la voiture une ligne à la fois plus moderne et plus agressive. La version GT, la mieux dotée du catalogue, se caractérisant par une lunette arrière équipée de persiennes. Le V6 disparaît de la gamme, ne laissant plus que le quatre cylindres 2,3 litres et le V8 4,9 l comme motorisations disponibles. Celui-ci est à nouveau revu et bénéficie d’un gain de puissance, affichant maintenant 225 ch. En 1988, l’option toit démontable (hard-top) sur le coupé fastback, hérité de la précédente génération, n’étant plus guère demandée, est supprimée. Bien que 1989 soit l’année de 25ème anniversaire de la Mustang, Ford ne fera simplement, pour « commémorer » l’évènement, qu’ apposer un emblème (représentant le cheval qui a donné son nom au modèle) sur le tableau de bord des voitures construites cette année-là.
La future génération de la Mustang étant, à ce moment-là, déjà à l’étude, la Mustang III ne connaîtra plus guère de changements jusqu’à sa mise à la retraite. Les seules nouveautés notables seront l’apparition, en 1990, d’une série limitée de 4 100 exemplaires basés sur le cabriolet V8, dotés d’une carrosserie vert émeraude, ainsi que d’ un intérieur entièrement recouvert de cuir blanc. Une autre série, basée cette fois sur le coupé, avec une carrosserie couleur argentée et un intérieur gris (environ 5 900 exemplaires) fut également créée. Toutes deux pour un concours organisé par le fabricant de soda Seven Up, qui fut toutefois annulé au dernier moment. En 1992 et 93, trois autres éditions spéciales (toutes sur le cabriolet V8) firent également leur apparition (carrosserie rouge et intérieur en cuir blanc en 92, jaune canari avec intérieur noir ou carrosserie et intérieur en blanc en 93).
L’année 1993, la dernière de la production de la Mustang III, vit, en forme de cadeau d’adieu, l’ pparition d’ une version SVT Cobra (cette dénomination, qui n’était alors plus qu’un simple niveau de finition, avait été supprimé en 82), avec un V8 porté à 235 ch (qui affichait une présentation toutefois plus sobre que la GT) ainsi qu’une autre version, baptisée Cobra R, destinée, elle, plus aux pilotes amateurs, et qui, de ce fait, en plus d’ mortisseurs et d’un système de refroidissement revu, voyait ainsi la banquette arrière, la climatisation et la radio supprimées. La Mustang III quitta la scène en septembre 1993, sa remplaçante prenant la relève dès le mois suivant.
C’est avec l’arrivée de la quatrième génération que la Mustang renouera pleinement et véritablement avec l’esprit des poney et muscle cars de la première génération. Les anémiques moteurs quatre cylindres étant définitivement mis au rebus. Seul les motorisations six et huit cylindres ayant désormais droit de citer sous le capot. Sous celui de la Cobra, qui a, lui aussi, retrouvé pleinement sa nature originelle, le V8 culminera même à 390 chevaux ! De quoi, à nouveau, soutenir sans peine la comparaison face aux meilleurs sportives européennes. Tout en offrant, comme à l’époque des Mustang endiablées par Carroll Shelby, un rapport prix/performances qui bien peu d’entre-elles pouvaient revendiquer. Ce qui faisait aussi partie de l’esprit originel de la Mustang.
Maxime Dubreuil
Photos Wheelsage
D’autres US cars https://www.retropassionautomobiles.fr/2022/06/amc-marlin-une-carriere-en-queue-de-poisson/
En vidéo https://www.youtube.com/channel/UCdnjRO4CUpmk_cUsI5oxs0w?view_as=subscriber