RENAULT SPIDER- Une Alpine… sans le nom.
Au printemps 1995, Renault annonça, non seulement, de l’arrêt de la production de l’Alpine A610 mais également que celle-ci ne connaîtrait pas de descendance et, en conséquence, que la marque Alpine allait donc, purement et simplement disparaître. Ce qui (comme on peut aisément s’en douter) ne manqua pas de provoquer un véritable séisme d’une magnitude folle au sein du cercle des fans de la marque créée par Jean Rédélé.
S’il est vrai que, pour une part assez importante d’entre eux, cette annonce funeste ne fut pas véritablement une surprise, tant Alpine était progressivement tombée, depuis la fin des années 80, à bien des égards, dans une sorte de « semi-léthargie », victime du désintérêt (évident et à peine voilé) de la part de Renault. Il est vrai que les GT produites par le constructeur de Dieppe, en dépit des lignes fort réussies et de qualités indéniables, avaient de plus en plus de mal à trouver preneurs. Y compris (et parfois même surtout) sur le marché français, ce qui représentait véritablement, à la fois, le comble de l’ironie et du reniement de la part d’un public qui, du temps où la glorieuse berlinette A110, avait pourtant idolâtrée et porté aux nues une marque qui, sans doute plus que n’importe quel autre artisan-constructeur français, portait véritablement la cocarde tricolore chevillée au cœur.
La nouvelle orientation prise par la marque au début des années 70 avec l’A310, de lignes plus modernes et qui se voulait, à la fois, plus performante et plus confortable ne fera jamais l’unanimité au sein des Alpinistes de la première ou des plus intégristes d’entre eux. Ce qui marquera une sorte de rupture aux yeux d’une partie de la clientèle de la marque et le début du « désamour » entre celle-ci et, plus généralement, les fans du sport automobile français et les nouvelles Alpine. Il est vrai qu’après la mise à la retraite de l’A110, en 1977, Alpine se retire progressivement et en grande partie de la compétition, Renault décidant désormais (et assez logiquement) de promouvoir avant tout ses propres modèles en compétition (que ce soit sur circuits ou en rallye).
Ce qui explique également le déclin d’Alpine en termes d’image de marque, celui-ci ne cessant de s’aggraver au fil des années. Au début des années 90, certains, au sein des membres de la direction de la marque au losange, réfléchissent probablement déjà à l’idée de supprimer, à court ou moyen terme, la marque Alpine et si Renault envisage donc d’abandonner, tout simplement, le segment du grand tourisme (où la concurrence, tant de la part des constructeurs allemands qu’anglais ou italiens) est devenu bien trop rude).
Pour autant, personne, tant au sein de la presse automobile que du public, ne peut sans doute véritablement dire que le sport automobile ne fait plus partie de ses priorités principales, bien au contraire. Il n’y a qu’à observer la gamme de l’époque pour s’en convaincre. Le turbo, dont Renault s’était fait le pionnier en France pour les modèles de grande série commence alors, certes, à être passé de mode et cède désormais, peu à peu, la place aux moteurs équipés d’une culasse multisoupapes. Dans les deux cas : le client sportif n’a toutefois que l’embarras du choix, quel que soit son budget : des Clio 16S et RSI jusqu’à la R25 V6 Turbo, en passant par la R19 16S et la R21 2 Litres Turbo, la palette est aussi large qu’éclectique.
En matière de sportives très radicales, c’est-à-dire qui soit, au sens propre et/ou au figuré, une voiture de course homologuée pour la route, en revanche, depuis la disparition de la mythique R5 Turbo, certains clients, parmi les plus exigeants, peuvent toutefois s’estimer un peu frustrés. Au sein du bureau d’études de Renault, l’on travaille alors pourtant sur le projet d’une nouvelle sportive qui répondrait parfaitement à cette définition.
Celle-ci est d’abord dévoilée au public lors du Mondial de l’Automobile en 1990, sous la forme d’un concept-car nommé Laguna Roadster, lequel, en dehors du nom, n’a toutefois rien en commun avec la berline familiale, remplaçant la R21, qui sera commercialisée en 1994. Bien que l’allure générale soit assez réussie (bien que restant, dans l’ensemble, assez classique et consensuel), ce sont surtout l’absence de pare-brise comme de toit comme de capote, laissant ainsi, non seulement, l’habitacle entièrement exposé aux éléments mais obligeant également le conducteur (ou, plutôt, pour employer un terme sans doute plus approprié, le pilote) à porter un caque pour rouler avec la voiture. Rien que ce dernier aspect trahit clairement la vocation du concept-car, celle d’incarner une nouvelle idée de la compétition ainsi que de la voiture de sport « pure et dure ».
A l’image de la plupart des prototypes imaginés par Renault (ainsi que ses concurrents) et exposés au Mondial Automobile de Paris ou dans n’importe quel autre Salon automobile à l’étranger ne connaîtra (malheureusement, comme beaucoup le regretteront probablement) de suite en série. Le concept en lui-même donnera toutefois naissance, quelques années plus-tard à une autre sportive, dotée d’une carrosserie aux lignes très différentes mais tout aussi radicales dans son utilisation : la Renault Spider.
Le projet qui aboutira à celle-ci démarre véritablement à la fin de l’année 1993 et le premier prototype, équipé d’une carrosserie métallique (qui sera abandonnée au profit d’une nouvelle coque en matériau composite), effectue ses premiers tours de roue à la fin du printemps de l’année suivante. Si les hommes du bureau d’études, ainsi que ceux de la direction de Renault, savent, dès le départ, qu’étant donné sa vocation et la radicalité de son concept, celui-ci n’aura sans doute qu’une diffusion assez réduite. Néanmoins, ces derniers accepteront finalement de donner le feu vert pour sa commercialisation car ils sont convaincus que cette nouvelle sportive de circuit homologuée sur route constituera le parfait outil de promotion pour le département Renault Sport.
D’autant que l’état-major de la firme au losange, au moment où les rumeurs sur la suppression d’Alpine se font de plus en plus pressantes, tant dans les couloirs des bureaux de la direction du constructeur qu’au sein des rédactions de la presse automobile, sait que cela permettra, en quelque sorte, d’atténuer cette onde de choc. La décision de confier la production du Spider à l’usine Alpine de Dieppe devant, en effet, permettre de rassurer les syndicats et le personnel sur l’avenir du site. (Même si tous se doutent, néanmoins, assez bien que ce modèle seul ne suffira pas, à lui seul, à l’assurer sur le long terme et qu’il faudra donc, pour cela, y produire également d’autres modèles sportifs pouvant prétendre à une plus large diffusion. Ce qui sera le cas à partir du début des années 2000, lorsque sortiront également de l’usine dieppoise les versions RS des secondes générations des Renault Clio et Mégane.
Pour en revenir au développement du Spider Renault, un second prototype est présenté en septembre 94 à Louis Schweitzer, qui préside depuis 1992 aux destinées de la marque Renault, ainsi qu’aux autres principaux membres de la direction du constructeur. Le feu vert pour une production en petite série ayant été confirmée par le PDG de la marque au losange. Il faudra toutefois encore un certain temps aux hommes du bureau d’études pour pouvoir peaufiner et parfaire suffisamment le prototype avant que la version définitive du Spider puisse être dévoilée au public. Les dirigeants de Renault, Schweitzer en tête, jugeant probablement que les choses traînent un peu en longueur, décident toutefois de profiter du Salon Automobile de Genève, qui doit ouvrir ses portes en mars 1995, pour la présentation officielle de celui-ci.
La voiture qui est y est dévoilée, malgré les apparences, reste toutefois encore inachevée, la conception du Spider n’étant pas encore, à cette date, entièrement achevée. Ce ne sera que quatre mois plus tard, au juillet 95, que l’outillage de production est alors installé au sein de l’usine de Dieppe, en Haute-Normandie (le premier exemplaire de série du Spider ne tombant, quant à lui, des chaînes d’assemblage qu’en décembre suivant).
Contrairement à ce que d’aucuns (tant au sein du directoire de Renault que de la presse automobile et des amateurs d’Alpine) avaient espéré au début, le Spider ne portera donc, malheureusement, pas le nom de la marque de Jean Rédélé mais, plus « simplement », celui de Renault Sport. Ce qui explique aisément qu’un certain nombre d’Alpinistes n’hésitent pas à crier à la trahison et, en conséquence, ne réserve qu’un accueil empreint d’un enthousiasme assez mesuré au nouveau Spider. En dehors de ces quelques « esprits chagrins », celui du grand public est, par contre, de ce côté, quasiment unanime.
Outre les raisons évoquées plus haut, si le choix de la direction de Renault s’est porté sur l’usine Alpine pour la production de celui-ci, c’est également parce que les ingénieurs et ouvriers de Dieppe possèdent un savoir-faire reconnu concernant les véhicules de compétition et entend bien en faire profiter, non seulement le Spider mais aussi (et surtout) les futurs modèles de la gamme Renault Sport.
Le constructeur a cependant conscience, dès le départ que, bien que destiné aux amateurs de sport automobile sous sa forme la plus radicale, l’absence de pare-brise risque de rebuter un certain nombre de clients potentiels. (Soit parce que ceux-ci n’aiment guère le port du casque ou parce que l’absence de pare-brise pourrait éventuellement les faire douter quant à la rigidité de la structure de la voiture ou la sécurité de celle-ci, surtout à haute vitesse). C’est pourquoi, dès la présentation officielle du Spider, Renault annonce également la commercialisation prochaine d’une version équipée d’un pare-brise classique et fixe, même si celle-ci ne sera finalement disponible que l’année suivante.
Il faut toutefois souligner que, s’il porte le nom du département Renault Sport, celui-ci n’a toutefois joué rien d’autre qu’un rôle de « prête-nom » dans la conception et la commercialisation du Spider. Ses lignes à la fois modernes et racées mais sans sans excès esthétique inutile illustrant qu’en ce milieu des années 90, les designers étaient toujours capable, en dépit du fait que ce genre de sportives radicales était alors, en France, en voie d’extinction avancée, toujours capables, lorsqu’on leur laissait les coudées franches (comme aux ingénieurs) de donner le meilleur d’eux-mêmes.
Avec son imposant capot plongeant presque jusqu’au ras du sol, ses doubles optiques circulaires placés sous de grands globes vitrés en plexiglas, son museau dépourvu de pare-chocs, la proue du Spider, en plus d’être élégante et agressive, évoquent clairement le fait que l’on a bien à faire ici à une voiture véritablement faite pour la course et non pour la balade. Vu de profil, là aussi, si les lignes ont été étudiées pour refléter que le Spider se veut une sportive « pure et dure », en dehors des élégantes jantes à cinq branches (que l’on retrouvait déjà sur la dernière série de l’Alpine A610 à partir de 1993), la seule vraie touche d’agressivité est toutefois l’imposante prise d’air latérale dont l’ouverture se voit prolongée par un creusement qui s’étend une grande partie de la surface des portières. Celles-ci étant d’ailleurs équipées d’un système d’ouverture en forme d’élytre (à l’image de celui que l’on retrouve sur la plupart des Lamborghini depuis la Countach), qui équipait d’ailleurs déjà le concept-car Laguna Roadster en 1994.
L’absence quasi totale de porte-à-faux à l’arrière étant aussi un gage de compacité ainsi que, lequel, allié à l’empattement réduit du Spider, offrir la garantie d’une très bonne de tenue de route, notamment à haute vitesse et dans les virages serrés. Outre l’imposant arceau en métal poli, placé en position presque verticale, juste derrière les deux sièges du pilote et du copilote, l’autre touche sportive reflétant bien le caractère de « voiture de compétition » que Renault entendait bien donner à son Spider est le bouchon du réservoir d’essence, dont le dessin évoque fortement celui des voitures de course d’autrefois (même s’il s’agit, avant tout, ici d’un choix esthétique plus que pour de véritables raisons pratiques).
La face arrière, quant à elle, évoquant elle aussi la sportivité avec ses quatre deux ronds au diamètre imposant encadrant l’emplacement de la plaque d’immatriculation, avec l’inscription « Renault Sport » placée juste en-dessous. Sous les feux trouvent place deux discrètes prises d’air rectangulaire en forme « d’ouverture de boîte aux lettres », en complément des deux grandes prises d’air latérales afin d’assurer un refroidissement optimal du moteur. Le capot qui abrite celui-ci étant d’un grand « couvercle » de forme convexe et parfaitement lisse, débordant largement sur les flancs, dépourvu de toute prise d’air, d’inscription ou autre écusson de toute sorte.
Le public dans son ensemble (et en particulier la clientèle visée par le Spider) ayant donc fort apprécié et à raison la silhouette de la nouvelle sportive de la marque au losange, que n’aurait pas renié, dans sa ligne comme dans son architecture, Colin Chapman, le fondateur de la marque britannique Lotus, dont la célèbre devise était d’ailleurs : « Light is right ». L’habitacle étant parfaitement à l’image de la ligne extérieure de la voiture ainsi que reflétant fidèlement la vocation de l’engin. La console centrale qui part du haut du tableau de bord et se prolonge entre les deux sièges jusque devant l’emplacement du frein à main, en encadrant ainsi le levier de vitesse, ainsi que la coque servant d’armature aux deux sièges baquets reprenant la teinte de la carrosserie.
Ce qui apporte deux ou trois touches de couleur assez bienvenues dans un intérieur qui, en dépit d’un accent sportif assez prononcé, n’en affiche pas moins une sobriété qui, sur certains points, confine toutefois quelque peu à l’austérité. Les touches sportives étant ici, apportées, notamment, par le bloc regroupant les deux cadrans circulaires, encadrant un troisième cadran de forme verticale, (dont le style rappelle celles des voitures de compétition d’avant-guerre) avec les principales indications (compte-tours, vitesse, etc), le reste des indications indispensables et utiles sur l’état de santé de la mécanique étant communiqué via trois autres cadrans ronds placés au-dessus de la partie centrale de la planche de bord. Le tout complété par le levier de vitesse se terminant par un pommeau en forme de boule en métal poli, lequel habille également les trois branches et le centre du volant ainsi que le bloc-compteurs placés derrière celui-ci, la partie du tableau de bord se trouvant en face du siège passager ainsi que le levier du frein à main.
Les équipements de confort que l’on retrouvait déjà à l’époque sur n’importe quelle citadine de base étant soit absents ou réduits au strict minimum et souvent disponibles uniquement sous forme d’options. Le client pouvant ainsi bénéficier, s’il le jugeait indispensable ou, simplement, utile dans certaines circonstances, d’un airbag (pour le conducteur uniquement, toutefois), d’une radio (ce qui, même dans la seconde moitié des années 90, pouvait sans doute paraître quelque peu incongrue sur une sportive « extrême » comme le Spider), d’une housse de garage, de surtapis ainsi que d’un porte-bagages pouvant être placé à l’arrière (ne pouvant toutefois supporté qu’une charge de 30 kg maximum, le capot-moteur étant en fibre de verre, il n’aurait sans doute pas pu en supporter beaucoup plus), des jantes spécifiques ainsi qu’une capote (laquelle, comme l’on peut s’en douter, ne sera toutefois disponible que sur la version équipée d’un pare-brise).
Laquelle ne sera toutefois guère commandée ou même, sur les voitures qui en étaient équipées, utilisée très souvent par les propriétaires, se révélant, en effet, de piètre qualité (et donc d’une étanchéité très relative sous la pluie), d’un maniement fastidieux (pour pouvoir la mettre en place ainsi que pour l’enlever) et ne pouvait tenir en place sur la voiture que jusqu’à une vitesse d’environ 90 km/h au maximum, sans quoi la capote risquait, tout simplement, d’être arrachée par le vent.
Du fait du peu d’équipements électriques (ni sièges ou vitres réglables électriquement ou autres), il y avait peu de chances de risquer un court-circuit ni l’un ou l’autre problème électrique du même genre. Afin d’éviter, néanmoins, tout risque de ce côté et (peut-être surtout) pour éviter au pilote et à son passager de devoir s’installer sur des sièges trempés par la pluie, Renault fournissait également un couvre-tonneau dont la partie située au-dessus du siège conducteur pouvait être retirée par un système de fermeture éclair afin de permettre à ce dernier de rouler au sec (même s’il semble que, bien que plus efficace, celui-ci n’était pas toujours, lui non plus, d’une étanchéité absolue).
Une caractéristique qui reflète bien que le Spider a bien été pensé, sur bien des points, comme une voiture de course, si le réglage des sièges s’effectue bien, dans le sens de la longueur, par un système de glissière (comme dans n’importe quelle voiture ordinaire), celui de leur dossier, en revanche, se fait via un serrage à vis. Si les trois pédales de frein, d’embrayage et d’accélérateur peuvent, quant à elles, voir leur réglage en profondeur modifié (ce qui peut s’avérer grandement utile pour les pilotes qui ont de grandes jambes) grâce à une molette située sous le volant, celui-ci reste, par contre, entièrement fixe.
Si l’habitacle est bien doté d’un système de chauffage, celui-ci n’a toutefois pas grand-chose à voir avec celui qui équipe les voitures de grande série, celui-ci étant beaucoup plus simple et même rudimentaire. Puisque c’est le radiateur d’eau situé derrière la cloison qui se trouve au dos des sièges qui, lorsque celle-ci chauffe, se charge, en quelque sorte, de propager la chaleur en direction des deux occupants. Les ingénieurs de Renault ayant sans doute conçu ce système avant tout pour le refroidissement du moteur ainsi que par souci de simplicité technique et donc d’économie. Si celui-ci présente l’avantage d’apporter une chaleur bienvenue en hiver et donc de permettre aux propriétaires du Spider de continuer à profiter de leur monture et donc des joies de se prendre pour un pilote de compétition en plein hiver, il a toutefois ici le défaut de transformer rapidement l’habitacle en sauna en été. (Le fait que celui-ci soit à ciel ouvert n’atténuant qu’à peine cette sensation de se retrouver presque comme dans un four).
Toujours concernant la conduite du Spider en hiver, sur la version équipée d’un pare-brise, celui-ci présente l’avantage d’être chauffant, ce qui permet ainsi d’éviter de se retrouver avec un pare-brise entièrement recouvert de givre après avoir laissé la voiture dehors pendant la nuit. Le « couvercle » abritant le moteur à l’arrière ainsi que l’imposant capot à l’avant faisant office de compartiment à bagages s’ouvre via des poignées dissimulées dans le seuil de porte côté conducteur. Ce qui, en plus de l’aspect pratique, permet aussi de préserver la pureté des lignes du Spider, sans qu’aucune poignée extérieure ne vienne ainsi rompre l’harmonie des lignes.
Détail qui peut apparaître curieux, voire quelque peu incohérent, il s’agit de la seule des deux portières fermant à clé. Le constructeur ayant toutefois pris soin de faire installer un système antivol consistant en une clé à transpondeur devant empêcher le démarrage de la voiture si celle-ci n’a pas été introduite dans l’orifice prévu pour celle-ci (tout du moins en théorie, le dispositif étant parfois, paraît-il, d’une fiabilité assez relative). Un autre dispositif installé sur le Spider en guise d’antivol étant le coupe-circuit, lequel étant toutefois installé sous le bac destiné à accueillir les bagages, il est donc nécessaire d’enlever celui-ci pour y accéder.
Concernant le bac de coffre, comme l’on peut s’en douter, la capacité de chargement de celui-ci est à cent lieues (pour dire le moins) de celui du coffre d’une Renault Espace. S’il permet (en théorie) d’accueillir un grand sac (souple) avec les bagages de deux personnes, il voit toutefois sa capacité assez réduite si l’on veut y installer également la capote repliée (contrairement à la grande majorité des voitures décapotables, il n’est, en effet, prévu aucun bac de rangement pour la capote lorsque celle-ci n’est pas mise en place au-dessus des deux sièges). Ainsi que la mallette contenant le cric ainsi que la bombe anti-crevaison (fournie de série par Renault avec la voiture mais sans emplacement précis donc à l’intérieur de celle-ci pour la mettre) et, surtout, les deux casques destinés au pilote et au copilote. En tout état de cause, la plupart du temps, la faible capacité du bac de coffre ne sera guère un souci, car ce n’est le Spider n’est évidemment pas le genre de monture que l’on choisirait pour un voyage en amoureux sur la Côte d’Azur.
En ce qui concerne la motorisation, le choix de Renault s’est porté sur une mécanique lancée récemment et dont la conception avait d’ailleurs été portée par l’esprit de compétition, puisqu’il ne s’agit autre que de celle qui fut conçue pour la Clio Williams, présentée en 1993 et conçue pour rendre aux victoires remportées par Renault grâce à l’écurie Williams en Formule 1. Les principales caractéristiques de celle-ci demeurant quasiment identiques par rapport à sa version originelle que l’on retrouve sous le capot de la plus exclusive des Renault Clio.
A savoir qu’il s’agit d’un quatre cylindres en ligne équipée d’une culasse à seize soupapes développant une puissance de 150 chevaux, ce qui, avec moins d’une tonne à vide, est largement suffisant pour permettre au Spider de franchir la barre des 200 km/h. (La vitesse de pointe de 213 km/h sur la version originelle dépourvue de pare-brise se voyant toutefois légèrement diminuée avec le montage de celui-ci, avec 204 km/h « seulement », même si celui est, avant tout, dû au poids supplémentaire engendré par la pose du pare-brise qu’à cause d’un problème d’aérodynamique). Le « bloc Williams » se distinguant également, entre autres, par un carter d’huile cloisonné et spécifique ainsi qu’un collecteur d’échappement de type quatre en un réalisé en tôle d’acier, des caractéristiques reflétant clairement la vocation sportive et même de compétition donnée à cette motorisation.
La version que l’on retrouve sous le capot arrière du Spider Renault étant celle que l’on retrouve également sur le coupé Mégane, lancée la même année que celui-ci, laquelle se différencie par sa culasse ainsi qu’une gestion moteur revue et améliorée. Ce qui permet ainsi de faire passer le couple de 175 à 185 Nm à 4 500 tr/mn. Le très bon rapport poids/puissance du Spider, en plus d’une vitesse de pointe fort appréciable, lui assure également d’excellentes reprises, une tenue de route optimale (sur sol sec comme sous la pluie) ainsi qu’un comportement fort joueur sur route sinueuse. Ce qui n’empêchera toutefois pas d’aucuns de juger que ces performances étaient encore un peu « justes » (une manière courtoise de dire qu’elles étaient insuffisantes à leurs yeux) et donc de demander (ou, en tout cas, d’espérer) que Renault en commercialiserait sous peu une version plus sportive encore.
Le célèbre (mais vieux) V6 PRV (trop encombrant et trop lourd pour le compartiment moteur du Spider) dont la mise prochaine à la retraite était, de toute façon déjà programmée) de sa devancière, la (peu regrettée, en tout cas à l’époque par la majorité des Alpinistes) Alpine A610, était sans doute déjà hors course. A défaut d’un nouveau V6, les amateurs concernés espéraient au moins voir le moteur Williams bénéficier d’une suralimentation à l’aide d’un turbocompresseur. Leur insatisfaction était toutefois, d’une certaine façon, plutôt justifiée.
Il est vrai qu’en matière de légèreté, le Renault Spider ne réussit pas à atteindre le « record » de la Lotus Elise, qui n’affiche que 720 kg sur la balance (cette dernière ne sera d’ailleurs dévoilée qu’un an plus tard). Cependant, au vu des qualités dynamiques du châssis, celle qui pouvait néanmoins se présenter, à juste titre, comme la « nouvelle Lotus française » (pour reprendre un surnom que certains Alpinistes ont baptisé, bien qu’a posteriori, l’Alpine A310 V6) aurait pu sans problème encaisser une cavalerie encore plus importante.
Malheureusement sans doute pour les clients les plus exigeants, le 2 litres de 150 chevaux de la Clio Williams restera toujours la seule motorisation proposée sur le Spider jusqu’à la fin de la production de ce dernier en 1999. En ce qui concerne la structure du Spider Renault, le châssis est réalisé en aluminium, lequel fut évidemment choisi par les ingénieurs de Renault étant donné que l’un des points essentiels du cahier des charges était que celui-ci soit le plus léger possible. Grâce à son empattement court (2,34 mètres) et une excellente répartition des masses (42 % à l’avant et 58 % à l’arrière pour la version équipée du pare-brise), un châssis d’une excellente rigidité et un très bon rapport poids/puissance, le Spider Renault ne manquera donc pas de séduire la grande majorité des essayeurs de la presse automobile qui auront l’occasion d’en prendre le volant, avec un comportement très vif en conduite « virile ».
Même si ces derniers ne manquent toutefois pas de pointer une tendance assez forte au survirage nécessitant une certaine capacité d’anticipation de la part du pilote. Surtout que le système de freinage, bien que doté de disques sur les quatre roues, est toutefois dépourvu d’ABS. La direction étant, de son côté, dépourvue d’assistance, la légèreté du Spider ne nécessitant toutefois pas d’avoir des bras à la musculature particulièrement développée pour pouvoir manoeuvrer celui-ci avec facilité.
Bien qu’il soit dépourvu du logo et du nom d’Alpine, le Renault Spider sera bien, quant à lui, engagé en compétition et aura donc l’opportunité de connaître les joies du circuit. Au début des années 80, Renault avait inauguré, avec la R5 Turbo, un nouveau concept dans le domaine de la course automobile en France, celui de la compétition mono-marque. A savoir une épreuve où l’ensemble des pilotes disputeront celle-ci au volant de voitures du même modèle et ayant reçu le même type de préparation mécanique, donnant ainsi (théoriquement, tout du moins) sur la ligne de départ une chance égale à chacun des participants. Après la R5 Turbo, la marque au losange poursuivra dans ce concept avec l’Europa Cup où courront, successivement, l’Alpine GTA, la R21 Turbo ainsi que la R5 (Supercinq) GT Turbo et la Clio 16S.
Le Spider ayant été conçu, dès son origine, comme une voiture de course pour la route, il ne lui faudra donc guère de changements radicaux pour pouvoir en dériver une version adaptée aux épreuves sur circuits. Outre l’objectif de réduire au maximum les coûts, ceci explique le fait qu’il n’y ait, au final, qu’assez peu de différences et donc de pièces spécifiques sur la version de compétition du Spider par rapport à celle de route. L’une des premières différences significatives et qui saute immédiatement aux yeux lorsque l’on observe les Spider de course est l’imposant arceau cage ainsi, lorsque l’on se penche à l’intérieur de l’habitacle, que des renforts latéraux ajoutés à la structure du châssis et à la carrosserie.
Une autre modification significative est l’absence du siège passager, l’emplacement prévu à l’origine pour celui-ci étant couvert par un couvre-tonneau rigide. Si la carrosserie est toujours réalisée en matériau composite, afin d’éliminer au maximum le moindre kilo superflu, les portières ont été supprimées (même si, sur la version « civile », étant donné l’absence de toit, la descente ou la sortie du pilote de la voiture était d’autant plus facilitée). Le siège baquet du pilote se voyant équipé, ici, d’un harnais à six points en remplacement de la ceinture dans le but d’offrir une protection optimale, en cas de collision ou de tonneau, à la tête ainsi qu’au reste du corps du pilote. Les pneumatiques qui chaussent les Spider de compétition, de type slick et pluie, ont été spécialement conçus par Michelin à la demande même de Renault, montés sur des jantes OZ (disponibles également sur le Spider de route).
Bien plus que l’extérieur et l’intérieur de la voiture, c’est donc avant tout et surtout sur le moteur ainsi que le reste des organes mécaniques que les ingénieurs de Renault ont concentré la plus grande partie de leur travail. Si le moteur est toujours le 2 litres conçu à l’origine pour la Clio Williams, la puissance a été portée ici à 180 chevaux, grâce à de nouveaux réglages apportés sur le système d’injection, une gestion électronique spécifique, une ligne d’échappement spécifique et un filtre permettant un apport supérieur en air frais au moteur. Des améliorations permettant à la version compétition du Spider d’afficher un rapport poids/puissance de 5,16 Kg/ch contre 6,2 pour la version de route (6,4 avec le montage du pare-brise).
Cette mécanique optimisée se trouvant ici accouplée à une boîte de vitesse à six rapports, dotée d’un système à crabots au lieu des synchros classiques que l’on retrouve habituellement sur les voitures de tourisme*. Le système de freinage pouvant, quant à lui, être réglé par le pilote grâce à une commande directement depuis l’habitacle et reçoit le renfort de deux maîtres-cylindres indépendants.
Les 80 exemplaires du Spider de course ayant été conçus pour courir, comme les autres Renault sportives mentionnées précédemment, dans une compétition mono-marque, baptisée ici (en toute logique) le Spider Trophy, lequel, malgré le succès rencontré, ne durera toutefois que trois saisons à peine, le Spider Renault quittant la scène en 1999, après avoir été produits à 1 726 exemplaires en tout et pour tout (sur lesquels il n’y eut toutefois qu’à peine 500 unités vendues sur le marché français).
La version initiale (dépourvue de pare-brise donc) étant la plus rare, puisqu’elle représente seulement en quart de la production du Spider mais son utilisation étant évidemment plus contraignante (surtout sur long trajet et à haute vitesse, où le port du casque est alors vivement recommandé, pour ne pas dire obligatoire). Le Spider Renault n’aura toutefois été, à bien des égards, qu’une sorte d’épiphénomène dans l’histoire du département Renault Sport et des modèles produits par celui-ci.
Outre le fait qu’il fut (en tout cas au sein des grands constructeurs de l’Hexagone) le seul représentant du genre au sein de la production automobile française des années 90, ce genre de sportive présentant un caractère très (voire même trop) radical (aux yeux de certains) ne faisait déjà plus partie depuis longtemps de la culture automobile en France, y compris au sein du grand public. Le Spider étant sans doute condamné, dès son lancement et sur le plan commercial, à une sorte de marginalité. C’est pourquoi, au vu de ce caractère de « voiture de course homologuée pour la route » et de son utilisation restreinte (y compris pour la version équipée d’un pare-brise), l’on peut toutefois considéré qu’il a connu un succès assez appréciable et que ses chiffres de production représentent donc ce que l’on peut qualifier d’un beau score.
Si, aux yeux de la clientèle à laquelle il voulait s’adresser, ce qui aurait pu être considérés comme des défauts tout à fait rédhibitoires aux yeux de l’automobiliste lambda apparaissaient, au contraire, par tous ceux qui se sentaient une âme de pilote, comme des qualités ou des atouts qui faisaient tout le « sel » et la personnalité quasiment unique du Spider. Malheureusement pour eux, Renault n’est pas (et n’a jamais) Lotus comme la culture automobile en France a toujours été, dans l’ensemble, très éloignée de celle présente de l’autre côté de la Manche. Au vu de tout cela, il est, dès lors, assez compréhensible (et sans doute même prévisible, déjà à l’époque) que, lorsque Renault décida de mettre fin à la production du Spider, celui-ci ait disparu sans laisser de descendance.
Bien que, des trois grands constructeurs français, la marque au losange ait sans doute été celle qui a toujours eu et depuis longtemps, le plus le sport automobile « dans le sang », nul (ou bien peu, en tout cas), au milieu des années 90, s’attendaient à ce que Renault conçoive et, surtout, commercialise dans sa gamme un tel engin, tout droit sorti de l’univers des circuits. C’est pourquoi l’un des plus grands mérites du Spider Renault est sans doute, tout simplement, celui d’avoir existé. Collector dès son lancement, il l’est devenu plus encore aujourd’hui, l’une des meilleures preuves est que sa côte est aujourd’hui à un niveau assez haut, qu’elle n’a jamais baissé depuis des années et qu’elle n’est sans doute pas prête de l’être.
Maxime DUBREUIL
Photos Wheelsage
D’autres sportives https://www.retropassionautomobiles.fr/2022/09/clio-v6/
En vidéo https://youtu.be/b_GyOrGolpA