RENAULT KZ11 G7 - Le vrai taxi parisien.

RENAULT KZ11 G7 – Le vrai taxi parisien.

En 1918, lorsque s’achève la Première Guerre mondiale, Renault est déjà devenu l’un des plus importants constructeurs français. Ironie de l’histoire, ce fut sans doute bien le déclenchement du conflit, en 1914, qui a permis à la marque au losange (ainsi qu’à d’autres de ses concurrents) de se développer. La contribution à l’effort de guerre et les besoins de l’Armée française, que ce soit en matière de voitures particulières et, surtout, de poids lourds étant aussi importants qu’urgents. Les usines de Boulogne-Billancourt se développant alors de manière fort rapide afin de pouvoir subvenir aux besoins en question.

Jusqu’à présent, comme tous les autres constructeurs qui étaient présents sur le marché automobile en France, Renault était avant tout et surtout un constructeur de voitures de luxe. Son modèle haut de gamme de l’époque, la 40 CV, étant alors, non seulement, l’un des modèles préférés des hauts gradés de l’état-major mais aussi du président de la République lui-même ainsi que du président du Conseil (le titre que portait alors le chef du gouvernement en France) ainsi qu’une grande partie de ses ministres.

L’arrivée sur le marché de nouveaux venus, dont le plus important est le plus célèbre n’est autre qu’André Citroën, va toutefois rapidement pousser Louis Renault à revoir sa politique et à se lancer à son tour dans la production en grande série de voitures populaires. Avec les capacités de production dont disposait désormais l’usine de Billancourt ainsi que la réputation déjà solidement établie du constructeur au sein du paysage automobile français, les nouvelles Renault « d’entrée de gamme » connurent, dès leur lancement, un grand succès auprès de la clientèle visée, celle des classes moyennes et populaires. Renault devenant alors, avec Peugeot, le principal concurrent de Citroën (une rivalité qui se poursuit d’ailleurs aujourd’hui encore entre la marque aux chevrons et celle au losange).

RENAULT KZ11 G7 - Le vrai taxi parisien.

Dans le courant des années 1920, les Renault – en premier lieu, d’ailleurs, les modèles populaires – commencèrent à abandonner, dans leurs appellations commerciales, les désignations de leur puissance fiscale mais furent alors baptisées de noms aussi « poétiques » que Primaquatre, Vivaquatre, Monaquatre ou Celtaquatre. A partir de la fin des années vingt et du début des années 1930, les modèles de haut de gamme de la marque, à six et huit cylindres, adoptèrent eux aussi ces nouvelles appellations. Si ces dernières continuèrent à composer la plus grande partie des garages de l’Elysée, de Matignon ainsi que des différents ministères parisiens jusqu’au déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, c’était bien les modèles populaires à quatre cylindres, produits en grand nombre, qui assuraient le plus grande partie du chiffre d’affaires de l’entreprise Renault – sans compter une gamme d’utilitaires, de toutes tailles, elle aussi pléthorique.

Si, pour se déplacer au sein de la capitale française, une grande partie des situations sont devenues des habitués du métro ainsi que des autobus de la RATP – dont Renault est d’ailleurs devenu l’un des principaux fournisseurs -, se développe alors aussi un autre mode de transport : le taxi. Réalisant bientôt l’important marché potentiel que celui-ci peut représenter, Louis Renault fait alors étudier, sur base de la Vivaquatre Type KZ7, un modèle spécialement destinée aux flottes des compagnies, recevant la dénomination KZ11.

RENAULT KZ11 G7 - Le vrai taxi parisien.

Sur le plan technique, comme quasiment toutes les voitures populaires de l’époque (y compris Citroën, dont l’avant-gardisme ne constituait pas encore « l’ADN » des modèles de la marque), celle-ci restait fidèle, en tous points, à des solutions techniques simples et éprouvées, avec son moteur conservant une distribution à soupapes latérales – ce qui sera d’ailleurs le cas de tous les modèles de la gamme Renault, qu’ils soient à quatre, six ou huit cylindres jusqu’à la Seconde Guerre mondiale – ou sa suspension qui conserve un essieu arrière tout ce qu’il y a de plus rigide. Avec une puissance de 35 chevaux, pour une cylindrée de 2 120 cc, elle peut atteindre, sans trop de difficultés, une vitesse maximale de 100 km/h – ce qui représentent des performances « normales » et « dans la norme » pour un modèle de cette catégorie.

Si la première génération de la KZ conservait encore – comme tous les autres modèles de la gamme dans la première moitié des années 1920, un capot entièrement fermé, dépourvu de calandre ou de toute autre ouverture. Le radiateur étant alors placé à l’arrière du moteur, les ouïes d’aération à alimenter celui-ci en air frais sont placés sur les flancs de la voiture, à l’arrière du capot. Ce système ayant toutefois fini par montrer ses limites, Renault se décida alors finalement à adopter un dispositif plus classique, avec un radiateur placé à l’avant du moteur, comme sur les modèles de la concurrence. La Vivaquatre, ainsi que les autres modèles alors proposés au catalogue, conservant toutefois le capot trapézoïdal caractéristique des Renault de cette décennie. Ce n’est qu’au début des années trente que ceux-ci finiront par adopter une calandre chromée classique, similaire à celles des autres voitures de l’époque produites par la concurrence.

Concernant les différentes carrosseries proposées au catalogue, outre la limousine (une carrosserie que, au début des années trente, qu’elle est alors la seule des Renault à quatre cylindres à en être équipée), la Vivaquatre est aussi disponible en torpédo ou berline.

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Représentant alors le plus grand des modèles à quatre cylindres de la gamme Renault – tant en terme de taille que pour la cylindrée de son moteur -, ce modèle ne connaîtra toutefois qu’un succès assez limité. Ceci, sans doute parce qu’elle se situe « à la charnière » entre les modèles de taille plus réduite et meilleur marché et les voitures plus imposantes équipées d’une mécanique à six cylindres. La clientèle populaire préférant les modèles d’entrée de gamme du catalogue Renault, comme la Monaquatre, la Celtaquatre ou la Primaquatre, qui correspondaient plus à leurs attentes ainsi qu’à leurs moyens (même si cette dernière partageait le même moteur et le même châssis que la Vivaquatre, cette dernière était affichée au prix de 24 500 francs en version berline, alors que la Primaquatre, avec la même carrosserie, était vendue cinq mille francs moins chère). Une certaine « désaffection » (ou, en tout cas, un succès bien moindre que celles des autres Renault populaires) qui n’empêchera pourtant pas la Vivaquatre de rester au catalogue de la marque jusqu’au déclenchement de la guerre en 1939.

Alors que, dans d’autres pays, un certain nombre de constructeurs développeront des modèles spéciaux  pour servir de taxis, à l’image de Checker aux Etats-Unis ou du taxi londonien produit par Austin -, étrangement, dans toute l’histoire des taxis en France, ce modèle produit par Renault sera le seul spécifiquement conçu pour cet usage. La plus importante société de taxis parisiens de l’époque étant la compagnie G7, c’est donc elle qui commanda et reçue la plus grande partie (1 878 exemplaires sur 2 400 sortis des usines Renault entre 1933 et 1935) de la production de la Renault KZ11.

Afin de mieux être repérables par les clients dans les rues et la circulation parisienne, ainsi que pour se différencier des véhicules des sociétés concurrentes, les taxis G7 arboraient tous des couleurs caractéristiques : un toit peint en noir – ainsi que les ailes pour la KZ11 – alors que le reste de la carrosserie était, elle, recouverte de rouge. Une caractéristique que conserveront d’ailleurs toutes les voitures de la compagnie jusque dans les années soixante.

RENAULT KZ11 G7 - Le vrai taxi parisien.

Si ce modèle, en plus du châssis et de toute la partie mécanique, reprenait aussi la carrosserie conduite intérieure six glaces – l’une des plus prisées alors, chez Renault comme chez les autres constructeurs, sur les modèles de milieu comme de haut de gamme -, elle présente, évidemment, plusieurs particularités. Celles-ci lui permettant ainsi de s’adapter au mieux aux usages en vigueur au sein des taxis de l’époque. Ainsi, alors que, sur la Vivaquatre, à côté du conducteur se trouve, normalement, le siège du passager, sur le taxi KZ11 était placé une vaste soute à bagages destinée à accueillir des bagages encombrant comme des valises ou une grosse malle. Une disposition certainement inspirée de celle des taxis anglais et qui est d’autant plus utile, voire indispensable, qu’à l’arrière, la Renault KZ11 est dépourvue de tout coffre à bagages.

A l’intérieur et, là aussi, comme sur les taxis qui circulent dans les grandes villes anglaises, une cloison de séparation intérieure sépare le chauffeur du compartiment arrière réservé aux clients. Ces derniers ayant la possibilité de communiquer avec le chauffeur tout simplement en abaissant, à l’aide d’une manivelle, la vitre de séparation intérieure. En plus des trois places offertes par la banquette arrière, celle-ci pouvait également être complétée, au besoin, par des strapontins repliables étaient fixés sur la cloison de séparation intérieure (dans le sens contraire de la marche donc) offrant ainsi deux places supplémentaires. Bien que n’affichant guère une ambiance luxueuse avec le velours gris qui recouvrait la banquette ainsi que le reste de la sellerie, cet habillage avait, avant tout, été choisi pour le confort qu’il offrait (au toucher comme pour le fessier des passagers) ainsi que sa facilité de nettoyage comme sa solidité dans le temps.

En outre et même si le climat de la région parisienne, souvent chargé de pluie et d’humidité, surtout en automne et en hiver, n’est pas celui de la Provence, un toit ouvrant en toile a toutefois été installé sur les taxis produits par Renault afin que les passagers puissent profiter du soleil et d’une certaine fraîcheur lors des chaleurs de l’été.

L’un des équipements caractéristiques et indispensables sur tous les taxis de l’époque (à Paris comme dans les autres villes aux quatre coins de la France) était l’appareil appelé le taxi mètre. Installé, sur le Renault KZ11, côté passager (soit devant le pare-brise ou sur l’auvent, au niveau de la portière), cet appareil (que le conducteur, installé de l’autre côté du véhicule, actionnait à l’aide d’une manivelle) avait pour rôle d’enregistrer la distance parcourue et de calculer le prix du trajet grâce à un système de mesure relié aux roues avant. Bien que leur aspect – qui rappelaient, à la fois, les lampadaires que l’on trouvait alors dans les rues comme les lampes à pétrole qui équipaient les premières automobiles au début du XXèe siècle – paraissait probablement déjà anachronique à l’époque, les petites lampes placées entre le capot et les portières servaient, quant à elles, à indiquer (suivant qu’elles étaient allumées ou non) si le taxi était libre ou pas.

Si, par la suite, Renault travailla sur plusieurs prototypes destinés à remplacer, le moment venu, la KZ11, ni la compagnie G7 ni aucune autre société de taxis ne se montrèrent toutefois intéressées. Manifestement, celles-ci semblaient considérer qu’elles n’avaient, au final, guère besoin d’un modèle spécifiquement conçu pour une utilisation en tant que taxi et que les modèles courants de la production française de l’époque rempliraient très bien ce rôle (sans d’ailleurs qu’il y ait besoin, pour cela, de procéder à un aménagement spécial de l’habitacle).

RENAULT KZ11 G7 - Le vrai taxi parisien.

En dépit des conséquences qu’eut la Deuxième Guerre mondiale sur le parc automobile et les parcs de véhicules des transports en commun – où les restrictions et les pénuries de toutes sortes mirent les uns comme les autres à rude épreuve, une grande partie des taxis Renault KZ11 (ceux de la compagnie G7 comme des autres sociétés parisiennes) survécurent aux quatre années de conflit et d’occupation allemande que connue la capitale française. Les usines automobiles françaises (après avoir, pour un certain nombre d’entre-elles, dues être relevées de leurs ruines et que leurs installations furent réparées) devaient essentiellement se consacrer, durant les premières années de l’après-guerre, à la production de véhicules utilitaires.

Pour ces deux raisons, le renouvellement des flottes de taxis n’était donc pas considéré comme une priorité. C’est pourquoi (en plus de la robustesse et de la fiabilité mécanique dont firent preuve ces taxis), la Renault KZ11 continua à assurer, quotidiennement, son rôle jusqu’à al fin des années cinquante. Ce n’est, en effet, qu’en 1959, après environ vingt-cinq ans de bons et loyaux services, que le dernier d’entre-eux put finalement faire valoir ses droits à la retraite et que la Renault Vivaquatre KZ11 disparut alors, définitivement, des rues de Paris.

Maxime DUBREUIL

Photos Wheelsage

D’autres françaises https://www.retropassionautomobiles.fr/2023/04/leon-paulet-la-marseillaise-oubliee/

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