TRIUMPH BONNEVILLE – Des deux côtés de l’Atlantique.
Bien qu’elle soit devenue l’une des références de la moto anglaise, c’est pourtant à un Allemand, Siegfried Bettman (qui a émigré en Angleterre deux ans plus tôt), que l’on doit la création en 1885 de celle qui deviendra (dès l’année suivante) la marque Triumph. Pour l’heure, celle-ci, enregistrée sous la raison sociale S. Bettman & Co, n’est, au départ, qu’un commerce d’importation de bicyclettes qu’il revend sur le marché britannique. Se rendant toutefois rapidement compte que son nom de famille (sans doute parce qu’il n’est pas assez « porteur ») risquerait de représenter un frein à la vente de ses deux roues et donc au développement de son commerce. Sans doute parce qu’il parle aussi bien l’anglais et le français que l’allemand, il cherche un nom qui peut sonner aussi bien dans chacune de ces trois langues et opte, finalement, pour celui de Triumph.
En 1887, il s’associe avec Mauritz Schulte, un technicien originaire, comme lui, de Nuremberg, en Bavière. Les West Midlands étant alors, déjà à cette époque, la région la plus industrialisée d’Angleterre, c’est là, dans la ville de Coventry, qu’ils décident d’installer leur entreprise. Celle-ci ne se limite d’ailleurs bientôt plus aux vélos (qu’ils ne se contentent d’ailleurs plus d’importer mais qu’ils construisent à présent eux-mêmes) mais aussi aux deux-roues à moteurs. Bettman et Schulte installent alors sur l’un d’entre-eux un moteur de la marque belge Minerva. Ce qui donnera ainsi naissance, en 1902, à la première moto Triumph.
Si, durant ses trois premières années d’activités, la marque se fournit donc auprès de Minerva pour les moteurs qui équipent ses deux-roues, à partir de 1905, la marque franchit une étape importante de son développement en créant son propre. Celui-ci se présente sous la forme d’un monocylindre, équipé d’une distribution à soupapes latérales, qui, dans sa version originelle, affiche une cylindrée de 363 cc (avant d’augmenter progressivement au fil des évolutions pour atteindre, au final, les 550 cc). La modeste puissance de sa mécanique (3 chevaux à peine) ne l’empêchera pourtant pas, en 1907, de réussir à décroche rla deuxième place du Tourist Trophy, avant de parvenir à se hisser sur la plus haute marche du podium l’année suivante. La fiabilité et la robustesse que vont rapidement acquérir les motos construites par Triumph vont permettre à la firme de connaître un développement rapide et de se faire un nom au sein de l’industrie de la moto qui, tout comme celle de l’automobile à la même époque, est en pleine expansion.
Bien qu’ayant immigrés en Angleterre, les deux associés gardent toujours à l’esprit le souvenir de leur terre natale et nourrissent alors bientôt le projet de s’implanter sur le marché allemand. Ce qu’ils feront dès 1903 avec la création de la filiale allemande TWN (pour Triumph Werke Nurnberg, installée à Nuremberg en Bavière).
L’ascension de Siegfried Bettman ne se limitera d’ailleurs pas au domaine de la production des vélos et des motos. Son succès rapide dans ce domaine lui permettant d’être reconnu et respecter par ses pairs, il fera partie des membres fondateurs de la Chambre de commerce de Coventry et y occupera également les fonctions de juge de paix. Point culminant de cette consécration, il deviendra également, en 1913, le premier citoyen non-britannique à en devenir maire. Ses origines allemandes l’obligeront, malheureusement, à quitter son poste dès l’année suivante, peu de temps après l’entrée en guerre de l’Allemagne et de l’Angleterre. Malgré cet événement qui marquera la fin de sa (courte) carrière politique au sein de sa patrie d’adoption, il créée, la même année, avec son épouse Annie, une fondation à laquelle il donnera le nom de cette dernière (qui existe d’ailleurs toujours aujourd’hui) et qui, en plus d’aider les jeunes entrepreneurs de Coventry à créer leur entreprise, s’occupent aussi de l’allocation de subvention dans le domaine de l’éducation. Bien que la grande dépression l’ait finalement obligé à vendre son entreprise, Siegried Bettman conservera toujours un pied au sein de celle-ci, jusqu’à sa mort, en 1951, à l’âge de 88 ans.
Les motos produites par Triumph ont acquis une si grande réputation que lors du déclenchement de la Première Guerre mondiale, la plupart d’entre-elles seront réquisitionnées pour répondre aux besoins de l’effort de guerre. Pour répondre aux besoins de l’Armée britannique, environ 30 000 motos seront produites jusqu’à la fin du conflit, où leur robustesse se révélera fort précieuse sur le front.
Après la fin de la guerre, des divergences de vues entre Bettman et Schulte (ce dernier souhaitant abandonner la production des motos au profit de celle des voitures, qu’il juge sans doute plus lucrative) conduisent alors à la séparation des deux associés, Schulte quittant ainsi la firme Triumph en 1919.
Les années 1920 verront Triumph connaître un véritable âge d’or, la firme devenant, en effet, l’un des principaux constructeurs de motos du Royaume-Uni, l’usine de Coventry atteignant alors une surface de 46 000 mètres carrés et une capacité de production de 30 000 motos par an. Parallèlement à ces dernières, la firme a aussi poursuivit son activité originelle, celle de constructeur de bicyclettes et celles-ci connaissent, elles aussi, un succès fort enviable, aussi bien sur le marché britannique q’à l’étranger. Les ventes sur les marchés d’exportation finissant d’ailleurs rapidement par dépasser celles au sein du Royaume-Uni et par constituer la principale source de revenus de l’entreprise (même si les motos Triumph qui étaient vendues sur le marché américain étaient, elles, construites sous licence).
Malheureusement pour Triumph, cet âge d’or ne durera qu’une dizaine d’années à peine et, comme pour beaucoup d’autres constructeurs, l’éclatement du krach de Wall Street, à New York, viendra y mettre un terme. La crise économique qui ravage alors l’Amérique finit rapidement par s’étendre en Europe. Cet effondrement de ce qui représentait l’un des principaux marchés d’exportation pour les motos Triumph obligeant la marque, dès 1929, à abandonner sa filiale allemande TWN, qui acquiert ainsi son indépendance. L’année suivante, Triumph est revendu à la firme Ariel (créée en 1901 et elle aussi spécialisée dans les motos), dirigée par Jack Sangster. Ce dernier nomme alors l’ingénieur Edward Turner à la tête du bureau d’études. Ce sera lui qui, avec un autre ingénieur talentueux du nom de Val Page, concevront par la suite les modèles les plus emblématiques de la marque. La première tâche à laquelle va s’atteler Turner est d’uniformiser la production des motos et de simplifier la gamme. Au final, seuls trois modèles, avec des cylindrées allant de 250 à 500 cc à moteurs monocylindres seront conservés au catalogue. La première génération de modèles à moteurs bicyclindres disparaissent alors du programme de fabrication, au profit d’une nouvelle mécanique à deux cylindres de 500 cc, d’un gabarit équivalent à celui des précédents monocylindres, qui équipera la nouvelle Speed Twin, présentée en 1937.
La destruction, quasi totale, au début de la Seconde Guerre mondiale (en novembre 1940, plus précisément), de l’usine de Coventry par les bombardements de l’aviation allemande. Malgré cette perte immense, une unité de production est rapidement remise sur pieds à proximité de là, à Warwick. Il faudra cependant attendre encore deux ans, jusqu’en 1942, pour que la nouvelle usine de production des motos Triumph, située à Meriden, soit opérationnelle. Tournant à plein régime dès son ouverture afin de répondre aux besoins de guerre, près de 50 000 motos (ainsi que de nombreux moteurs statiques pour des générateurs, pompes et autres appareils) y seront construites jusqu’à la fin de la guerre, en 1945.
Si Edward Turner avait quitté Triumph en 1941, il réintégrera la firme à peine trois ans plus tard. Ce sont désormais les nouveaux modèles à moteurs bicylindres qui ont les faveurs du public, à tel point que, pour répondre à la demande, Triump décide rapidement de focaliser tous ses moyens de production sur ces derniers et donc d’arrêter la fabrication des modèles à moteurs monocylindres.
Si la guerre a causé a entièrement détruite l’usine originelle de Coventry, elle aura aussi permis, indirectement mais de manière concrète, de renforcer et même d’élargir fortement la réputation de Triumph de l’autre côté de l’Atlantique. La légèreté et les performances des motos du constructeur britannique vont, en effet, rapidement la génération des jeunes Américains, découvertes par l’intermédiaire des GI’s qui, de retour au pays, ramèneront dans leurs bagages un grand nombre de ces motos qu’ils ont découvert en Europe durant la guerre et les feront ainsi découvrir et apprécier par leurs compatriotes. Comme pour un grand nombre de constructeurs automobiles européens, les Etats-Unis vont très vite devenir également un véritable Eldorado pour les constructeurs de motos, notamment pour Triumph, qui, bientôt, y exportera les trois quarts de sa production. C’est d’ailleurs pour mieux séduire et répondre aux attentes des clients américains que sera présentée, en 1949, un nouveau modèle qui inaugurera une autre des plus célèbres lignées des motos Triumph : la série des Thunderbird, dont la première version, la 6T, si elle reprend la base moteur ainsi que la partie cycle de la Speed Twin, voit la cylindrée de sa mécanique atteint, elle, les 650 cc.
En 1951, Jack Sangster (qui avait racheté Triumph une vingtaine d’années auparavant) revend la marque au groupe BSA (Birmingham Small Arms, spécialisé à l’origine, comme son nom l’indique, dans la fabrication d’armes légères mais qui est aussi un acteur important dans les secteurs de l’automobile et des poids lourds et qui produit également sous ses propres initiales des motos aux initiales du groupe). Si Sangster n’est donc plus le propriétaire direct de la marque Triumph, il obtient un fauteuil au sein du conseil d’administration de BSA. Il obtiendra d’ailleurs, en 1956, le poste de président du groupe après l’éviction de son (trop) fantasque prédécesseur, Bernard Docker.
Cette même année 1956 (le 6 septembre, exactement), le pilote Johnny Allen bat le record de vitesse en réussissant à atteindre la vitesse folle de 342 km/h au commandes d’une moto qui, si elle avait été spécialement conçue et préparée dans cet objectif, n’utilisait pourtant qu’une mécanique de 650 cc empruntée à une Triumph Tiger 110. Même si ce record ne sera pas officiellement homologuée, cela n’empêchera évidemment pas (comme on peut s’en douter) la firme Triumph de faire connaître et d’utiliser abondamment ce record dans ses campagnes publicitaires pour promouvoir les différents modèles de deux-roues qu’elle propose alors à son catalogue.
Le constructeur britannique va toutefois aller plus loin encore, en décidant de créer un nouveau modèle inédit afin de rendre hommage à ce record et qui en reprendra d’ailleurs le nom. C’est ainsi que la Triumph Bonneville T120 est dévoilée au public en 1959. L’appellation T120 renvoyant à la vitesse maximale qu’elle était censée (tout au moins, aux dires de son constructeur) censée pouvoir atteindre, à savoir 120 miles (ou 193 km/h). Le moteur devant lui permettre d’atteindre (dans des conditions idéales) cette vitesse fort symbolique et importante pour un deux-roues est un bicylindre à quatre temps, équipé d’une alimentation à double carburateur, affichant une cylindrée de 649 km/h, accouplé à une boîte de vitesses à quatre rapports, affichant une puissance de 47 chevaux. Une mécanique déjà bien connue des propriétaires de Triumph puisqu’il est étroitement dérivé de ceux qui équipent déjà les Tiger 500 ainsi que, avant elle, les 500 Speed Twin et Tiger 100.
Dans les premières années de sa production d’une boite de vitesse séparée, où le moteur ainsi que la boîte de vitesses sont clairement séparés du moteur, possédant chacun leurs propres réservoirs d’huile, l’un et l’autre étant relié par une chaîne d’entraînement dans un carter primaire. Toutefois, en 1963, Triumph décide d’abandonner ce type de transmission au profit d’une boîte de vitesse intégrée, où celle-ci et le moteur partagent un seul et même carter. Plus moderne, elle contribue à offrir une meilleure rigidité à la moto, de rendre le boîtier de la chaîne plus léger et plus compact, d’aligner le moteur et la transmission d’une manière beaucoup plus précise au sein du cadre de la moto (ce qui permet également d’améliorer la durée de vie du moteur). Quant au cadre, il devient à présent composé d’un simple berceau dédoublé sous le moteur.
Cinq ans plus tard, en 1968, c’est au tour du système de freinage, qui était auparavant confié à des tambours simples cames, est désormais équipé d’un système à double came qui améliore de manière notable l’efficacité des freins. En 1971, c’est au tour du cadre d’être modifié, celui-ci étant maintenant constitué d’un double berceau. Un cadre assez innovant car la poutre centrale, qui constitue véritablement « l’épine dorsale » de la moto, réalisée à partir d’un tube cintré de gros diamètre, assure également le rôle de réservoir et de radiateur d’huile (une innovation issue du domaine de la compétition). En plus de sa solidité et de sa rigidité, ce nouveau cadre offrait aussi l’avantage d’améliorer nettement la tenue de route (en tout cas, lorsque la moto était équipée de combinés ressorts amortisseurs à l’arrière et de ressorts de fourche durcis à l’avant).
La production des premières versions ne sera cependant pas de tout repos et posera même de nombreux problèmes aux ouvriers sur les chaînes de production ainsi que pour l’entretien des motos, le constructeur s’étant aperçu (un peu tard) que le moteur, une fois entièrement monté, n’entrait pas dans le cadre et que le seul moyen pour parvenir à mettre la mécanique en place est de démonter les boîtiers où se trouvaient placé les culbuteurs, installer le moteur dans le cadre, refermé les boîtiers avec des joints neufs et puis, finalement, effectué un nouveau régler du jeu des culbuteurs.
Lorsqu’en 1973, la production de la première génération de la Bonneville cède sa place à la nouvelle T140, l’alésage du bicylindre est augmenté (de 5 mm, la cylindrée passant alors à 744 cc) ainsi qu’une boîte de vitesses à cinq rapports. Quant au système de freinage, il reçoit désormais à l’avant un système à simple disque pincé par un étrier Lockheed (provenant de… l’Austin Mini Cooper), avec des plaquettes munies d’une garniture différente et d’un étrier habillé d’un élégant cache chromé. Le système de freinage à l’arrière restant, lui, de son côté, identique à celui de la précédente T120.
Très appréciée outre-Atlantique (l’acteur Steve McQueen en fera d’ailleurs l’une de ses montures fétiches, qui l’utilisera lors de courses en tout-terrain), qui constitue le principal marché d’exportation de la firme, les exemplaires vendus au pays de l’Oncle Sam se différencient des versions européennes par le type de guidon ainsi que la forme et la capacité du réservoir. Les versions américaines étant équipée d’un guidon relevé et d’un réservoir en forme de goutte d’eau pouvant contenir 13 litres de carburant, alors que les versions européennes reçoivent, elles, un guidon bas (qui rend la moto plus facile à utiliser à grande vitesse) ainsi qu’un réservoir aux formes plus anguleuses avec une capacité maximale de 17 litres, offrant ainsi une plus grande autonomie. Afin d’offrir une tenue de route ainsi qu’une sécurité optimale à haute vitesse, la Bonneville reçoit, à partir de 1976, un freinage entièrement à disque (la roue arrière abandonnant alors le système à tambour), alors que le sélecteur de vitesses est maintenant placé sur le côté gauche de la moto.
L’année suivante (1977) sera marquée par le lancement d’une série limitée de 1 000 exemplaires baptisée Queen Jubilee, présentées à l’occasion de la commémoration des 25 ans de règne de la reine Elisabeth II, qui se distingue des autres Bonneville par son réservoir aux couleurs rouge, blanc et bleu sur fond argenté. Cette même année, l’allumage est, à son tour, modernisé, abandonnant le système classique à vis platinées au profit d’un allumage électronique Lucas RITA. Bien que plus moderne et plus facile à régler et bénéficiant également d’un réglage plus constant, les systèmes d’allumage fabriqués par la firme Lucas était déjà connu (depuis longtemps) leur fonctionnement parfois (voire souvent) assez capricieux et leur fiabilité plus qu’aléatoire. Au point que la plupart des propriétaires de Bonneville de cette époque l’ont souvent remplacé, en cas de panne, par un allumage CDI Boyer-Brandsen bien plus fiable. Si le système électrique dans son ensemble passe, à cette époque, en 12 volts, les bobines d’allumage, elles, restent toutefois en 6 volts. Un choix délibéré de la part du constructeur, car il permet de faciliter les démarrages à froid, un système de résistance ballast ayant été installé par précaution afin d’éviter le claquage des enrouleurs primaires ou secondaires (un risque que ce dispositif ne parvenait toutefois pas toujours à éviter).
En ce qui concerne l’alimentation, en 1978, les carburateurs Amal sont remplacés par de nouveaux modèles plus modernes, qui se reconnaissent à leurs formes plus anguleuses ainsi qu’un couvercle de boisseau en plastique nécessitant de nouvelles pipes d’admission parallèles. Ces nouveaux composants s’avéreront toutefois rapidement peu durables dans le temps, le corps de boisseau présentant, en effet, la fâcheuse tendance de s’ovaliser sous l’effet des vibrations. C’est pourquoi le constructeur et les concessionnaires feront réaliser des kits permettant de monter des carburateurs d’origine japonaise plus fiables.
Parmi les options proposées par le constructeur pour modifier l’aspect esthétique de la moto figurait le remplacement des roues à rayons d’origine par le montage de roues Lester en alliage léger à bâtons produites aux USA. Cette option restera toutefois peu prisée (surtout en dehors du marché américain, leur aspect moderne déplaisant à la plupart des fans de la Bonneville).
Pour 1979, cédant à la mode des choppers venue d’Amérique et alors très prisée dans l’univers des motards, Triumph présente le modèle Special, qui se reconnaît à son guidon haut, un échappement deux en un et une roue arrière de taille plus large. Une version légèrement moins puissante de la Special sera commercialisée la même année sous l’appellation Tiger. Sur le plan mécanique, elle se différencie des autres Bonneville par son alimentation à simple carburateur, plus facile à régler (la suppression du second carburateur éliminant ainsi le problème de la synchronisation de ces derniers).
Triumph proposera également proposée dans une version tout-terrain (TT), reconnaissable, notamment, apr son échappement relevé, qui, malgré ses allures de moto de compétition, n’est pas destinée à l’enduro (une compétition destinée aux motos tout-terrain) mais qui offre néanmoins l’avantage de lui permettre de rouler sur les mauvais chemins (là où une moto « ordinaire » ne pourrait aller sans risquer de subir de dommages). Les motos utilisées par Steve McQuen ainsi que celles des équipes participant aux compétitions comme les Six-Jours Internationaux étaient équipées de parties cycles et de suspensions spéciales créés par les spécialistes Colin Seeley et Don Rickman.
Comme en 1977 avec l’anniversaire des vingt-cinq ans de règne de la reine Elisabeth, en 1981, Triumph profitera d’un autre événement marquant dans l’actualité de la monarchie britannique, à savoir, en 1981, à l’occasion du mariage du prince Charles et de lady Diana pour présenter une nouvelle série spéciale de la Bonneville, la Royale, qui se singularise par ses nombreux éléments mécaniques et d’accastillage polis ou chromé, ainsi que, sur le plan mécanique, par son système de freinage équipé d’un double disque à l’avant ainsi que des amortisseurs Marzocchi. La même année est également dévoilée une version qui, selon l’expression employée par le constructeur, est destinée aux « grands voyageurs », la version Executive, dotée de deux sacoches latérales, d’un top-case ainsi que d’un imposant carénage en forme de tête de fourche fixé sur le guidon.
Le début des années 1980, qui sont marquées, sur le plan politique, par l’arrivée au pouvoir de Margaret Tatcher (en 1979), vont aussi être marquées par une période de fortes turbulences pour l’ensemble de l’industrie britannique. Celle de la moto ne sera par épargnée, avec notamment la fusion chaotique entre BSA, Triumph Norton et Villiers, parsemée de plusieurs dépôts de bilan successifs.
Depuis le milieu des années 60, celle-ci, au Royaume-Uni comme dans la plupart des autres pays d’Europe, subit l’invasion et la concurrence des constructeurs japonais (une concurrence que, comme au sein de l’industrie automobile, les constructeurs européens avaient largement sous-estimée mais qui va rapidement leur faire de l’ombre et même devenir pour eux une menace sérieuse). Comme la plupart de ses rivants nationaux, l’erreur de Triumph sera de s’être trop reposé sur ses lauriers, avec des modèles qui, malgré des qualités réelles et toujours bien présentes, ont de plus en plus de mal à soutenir la comparaison avec les nouvelles motos venues du pays du Soleil Levant.
Si le bureau d’études tentera évidement de réagir à la menace nippone en mettant en chantier de nouveaux moteurs bicylindres (des 350 cc à arbres à cames en tête) seront bien étudiés, les finances du constructeur britannique commençant alors à plonger le rouge, al plupart de ces projets ne connaîtront malheureusement aucune suite en série. Le principal modèle lancée par Triumph pour tenter de répondre aux nouvelles rivales nippones, la Trident, conçue à la hâte et qui (toujours par manque de moyens) reprend un grand nombre d’éléments issues des motos bicylindres 500 cc (le trois cylindres qui est montée sur la Trident en est d’ailleurs dérivé), avec, toutefois, des carters moteurs de conception assez (voire trop) complexes. Sur un certain nombre de points, la Triumph Tirident apparaîtra toutefois quelque peu désuète dès son lancement, la marque (tant à cause d’un certain immobilisme technique qu’à cause de moyens assez limités) ayant dû renoncer au démarreur électrique et un freinage à disque sur la roue avant. Des éléments qui, au début des années 70, commençaient déjà à apparaître fort utiles, voire indispensables, sur les motos modernes mais que Triumph n’avait pas jugé indispensables de proposer sur sa nouvelle Trident. Cette dernière ne rencontrera d’ailleurs pas le succès espéré par son constructeur.
En juillet 1973, lors de la création du groupe N.V.T (pour Norton, Villiers et Triumph), la direction décide de recentrer la production au sein de l’usine BSA de Small Heath. L’usine de Meriden, où étaient jusque-là construites les Bonneville, est alors occupée par les ouvriers qui y travaillent. Débute alors une partie de bras de fer qui va durer pas moins de deux ans et qui aboutira finalement, en 1975, à la création d’une coopérative qui aura pour rôle d’y poursuivre la production des Bonneville de la série T140. Celle de Small-Heath, de son côté, continuant à assurer celle des Trident (celle-ci s’arrêtera toutefois à peine un an plus tard). Pour Triumph, ce ne sera toutefois qu’un sursis, car la firme continue à subir des pertes financières de plus en plus importantes et à voir sa production chuter. L’usine de Meriden ferme finalement ses portes en 1980.
Si, avec ce funeste événement, les amateurs de motos sont alors persuadés d’assister à la mort des Triumph et si beaucoup se mettent bientôt à croiser les doigts et à prier pour qu’un jour la marque soient un jour ressuscitée, leurs espérances et leurs prières vont toutefois être entendues plus rapidement qu’ils ne l’espéraient. A peine trois ans plus tard, en 1983, John Bloor, un homme d’affaires qui a bâti sa fortune sur le marché immobilier se porte acquéreur des droits d’utilisation du nom de la marque ainsi que de l’usine de Meriden. La production des Bonneville est alors relancée en 1985, d’abord sous une forme quasiment identique à celles des modèles T140 produites jusqu’en 1980, en utilisant les stocks de pièces restants. Durant les premières années, celle-ci sera assurée par le distributeur L.F. Harris, qui en a acquis la licence de production auprès de John Bloor.
Les Bonneville de cette époque est équipée d’une fourche Paioli, d’amortisseurs Marzocchi et de freins Brembo. Certains exemplaires seront aussi équipées d’un bloc-cylindre en aluminium revêtu d’un alliage chrome-nickel (fabriqué par un sous-traitant travaillant pour le constructeur italien de motos italiennes Guzzi) qui seront montées soit d’origine ou après l’assemblage final en remplacement du traditionnel bloc en fonte. Un certain nombre d’exemplaires des Bonneville, parmi les dernières produites par Les Harris seront équipées d’un kit constitué d’une courroie crantée (montée à la place de la chaîne de transmission primaire triplex).
En 1988, ce dernier décide toutefois de ne pas renouveler la licence d’exploitation et de mettre fin à la production des anciens modèles Triumph, car le nouveau propriétaire de la marque a désormais pour objectif de lancer la production d’un nouvelle gamme de modèles afin de renouveler l’image de Triumph auprès du public. Etant néanmoins conscient de l’image des motos sortis de l’ancienne usine de Meriden durant les dernières décennies, Bloor décide de reprendre les noms des motos les plus emblématiques de la marque (Trident, Daytona,…), il s’agit toutefois quasiment du seul lien avec leurs devancières, les nouvelles Triumph présentées au Salon de Cologne en 1990 sont entièrement nouvelles, équipées de parties-cycles et de moteurs à trois et quatre cylindres modernes inspirées par les motos contemporaines de la production japonaise. La production des motos Triumph de la nouvelle générations ont à présent produites dans une usine, elle aussi, très moderne située à Hinckley dans le Leicestershire. La marque change alors de raison sociale : Triumph Engineering Co Ltd fait alors place à Triumph Motorcycles Ltd.
L’arrêt de la production des Bonneville par Les Harris marque la seconde mort de la Bonneville, John Bloor ayant également décidé, en parallèle, de ne pas reconduire l’appellation sur la nouvelle gamme présentée au début des années 90. De toute manière, les bicylindres verticaux souffrant désormais d’une image trop obsolète, entachée également par des problèmes, souvent importants, de fiabilité (notamment de vibrations et de problèmes de fuites d’huile), Bloor avait accepté de céder la licence d’exploitation des anciennes Bonneville à Les Harris essentiellement afin de répondre à la demande des nostalgiques de ce modèle déjà devenu « mythique » aux yeux de nombreux amateurs de la marque ainsi que des fans de motos anglaises en général. Celle-ci n’étant plus aussi importante qu’avant, le nouveau propriétaire de Triumph estime donc inutile de continuer à en poursuivre la production et également que pour que Triumph puisse véritablement entrer dans « l’ère moderne », il faut tourner la page des anciennes Bonneville. Pour celle qui peut néanmoins se prévaloir de figurer parmi les plus mythiques des motos produites par Triumph, ce ne sera toutefois (à nouveau) qu’un au-revoir. Devant l’aura quasi mythique qu’a acquise la Triumph Bonneville ainsi que l’émergence de la vague néo-rétro dont il entend tirer profit, John Bloor décide alors de relancer la production de la Bonneville. Cette « nouvelle » génération est toujours motorisée par un bicylindre en ligne à quatre temps, avec, cette fois-ci, une cylindrée de 790 cc développant 62 chevaux, toujours monté sur un cadre à double berceau.
La gamme se diversifiera progressivement au fil des années, avec (entres autres) l’apparition, en 2001 des versions America, T100 Centenial Edition (qui, comme l’indique son appellation, a été créée pour commémorer le centenaire de la firme) ainsi que de la version Speedmaster, l’année suivante. De nombreuses autres versions (qui se différencie entres elles soit par leurs différences cosmétiques ou mécaniques ainsi que par leurs équipements de confort) viendront, soit, compléter ou remplacer les versions antérieures au cours des années, offrant ainsi aux amateurs de la nouvelle génération, séduite par l’allure « vintage » de la Triump Bonneville, ou ceux de l’ancienne génération, animés par la nostalgie et les souvenirs des exploits des anciennes générations de cette moto légendaire, un catalogue pléthorique et exhaustif pouvant satisfaire sans difficulté les motards les plus exigeants et leur permettre ainsi, quelques soient leurs besoins et leurs attentes, de toujours trouver « chaussure à leur pied ».
L’aventure de celle que beaucoup considèrent, à juste titre d’ailleurs, comme l’un des modèles les plus réussis et des plus emblématiques se poursuit toujours aujourd’hui, plus de soixante ans après son lancement. Même en tenant compte des différentes interruptions de sa production, consécutives aux aléas subis par son constructeur au cours de son histoire, en 2019, la Triumph Bonneville aura pu célébrer, avec une ferveur et un enthousiasme amplement mérité de la part des fanatiques du modèle, ses quarante-cinq ans de carrière. Une longévité qui, à l’instar de celles d’autres motos parmi les plus légendaires, prouve que lorsqu’un modèle est bien né et possède suffisamment de qualité ainsi qu’une personnalité particulière et bien affirmée, elle peut véritablement transcendée les époques.
Serge BUREN
Photos Wheelsage
D’autres motos https://www.retropassionautomobiles.fr/2022/04/bfg/
En vidéo https://www.youtube.com/watch?v=kcWCSpPf3Qg&ab_channel=bart