OLDSMOBILE – La doyenne sacrifiée (partie II).
C’est donc au début de l’automne 1948 que la marque dévoile au public les premiers nouveaux modèles de sa gamme dont le haut de gamme (et donc, à ce titre, le porte-drapeau de la gamme) est la nouvelle Futuramic 98. Comme il est assez logique, celle-ci sera la première à recevoir la nouvelle ligne de carrosserie adoptant désormais le style « ponton intégral » (même si, contrairement à d’autres modèles comme les Kaiser-Frazer, présentés en 1946 et qui furent les premières, au sein de la production américaine, à adopter ce nouveau courant esthétique, les nouvelles voitures de la GM conservent, encore, de leur côté, des ailes arrière se détachant du reste de la carrosserie), les modèles des séries « intermédiaires » et d’entrée de gamme conservant encore, le temps d’un dernier millésime, les lignes des modèles produits depuis 1946.
Si les Oldsmobile de la gamme Futuramic de 1949 reçoivent aussi les éloges de la presse automobile et remportent, dès leur lancement, un très beau succès commercial auprès du public, c’est aussi grâce à leur nouveau moteur, un V8 qui peut se prévaloir d’une fiche technique très moderne, en particulier avec ses culasses à soupapes en tête (lesquelles remplacent, avantageusement, l’ancienne distribution à soupapes latérales, qui représentaient, jusqu’ici, la « norme » sur l’ensemble de la production américaine, toutes catégories confondues).
Mis au point par Gilbert Burrell, ce bloc de près de cinq litres de cylindrée (4 986 cc, exactement) développe, dans sa version originelle, une puissance de 135 chevaux), (bien que conçu sur le même modèle que le V8 Cadillac, afin de respecter la hiérarchie en vigueur au sein de la General Motors, en ce qui concerne la puissance des moteurs comme dans de nombreux autres domaines, celle du moteur Oldsmobile sera toutefois quelque peu limitée afin qu’elle ne soit pas supérieure à celle des Cadillac, qui atteignait, quant à elle, 160 chevaux). Ayant très vite pris conscience du potentiel de ce nouveau V8 (qui reçoit l’appellation « Rocket », autrement dit « fusée », comme pour mieux souligner, aux yeux de la clientèle visée, les performances qu’il promettait), Sherrod Skinner, alors directeur de la division Oldsmobile, décide alors de le greffer sur un châssis plus court et doté de carrosseries plus légères que celles de la Futuramic 98.
Le résultat de ce montage « hybride » étant présenté en février 1949 sous le nom d’Oldsmobile Rocket 98. Un résultat qui connaîtra, lui aussi, un large plébiscite commercial mais dont le succès s’étendra aussi au domaine de la compétition, le très bon rapport poids/performances de ce nouveau modèle lui permettant, en effet, d’engranger, rapidement, de nombreux succès en compétition : durant l’année 1949, Oldsmobile remportera ainsi six des neuf épreuves majeures du Championnat Nascar. Du côté des stylistes du bureau d’études, l’équipe chargée des modèles de la division Oldsmobile, dirigée par George Snyder, va s’employer, au gré des millésimes, à peaufiner le nouveau style des Oldsmobile du début des années cinquante (même si, à l’instar des Cadillac, la ligne générale des modèles de la gamme Oldsmobile, toutes séries confondues, restera la même jusqu’à la fin du millésime 1953). La série haut de gamme Ninety-Eight adoptant ainsi des ailes arrière spécifiques permettant ainsi (outre le fait d’acquérir, en tout cas, en ce qui concerne le dessin de la partie arrière, une identité propre sur le plan esthétique) d’offrir un profil de caisse (presque) entièrement rectiligne, qui se généralisera bientôt également aux modèles d’entrée de gamme.
Si la division Oldsmobile apparaît alors toujours (et souvent, à juste titre) comme l’une des plus dynamiques et innovantes du groupe, cette innovation ne se limite toutefois pas au domaine technique, mais concerne aussi souvent l’aspect esthétique. C’est ainsi Oldsmobile qui inaugurera, à la fin des années 1940, un nouveau type de carrosserie qui se généralisera, non seulement, aux autres divisions du groupe General Motors mais aussi des membres de la concurrence : le coupé hardtop Holiday, mais qui ne restera toutefois pas cantonné aux carrosseries à deux portes, puisqu’il sera également proposé, à partir de mars 1955, sur les berlines. Comme sur les coupés avant elle, ce concept sera rapidement repris à leur compte par l’ensemble des constructeurs américains et remportera, là aussi, un grand succès auprès du public, lequel apprécie le système hardtop tant pour son côté pratique. (L’absence de montant central permettant ainsi au conducteur et aux passagers de passer librement leur bras hors de la voiture et conférant également une grande impression d’ouverture vers l’extérieur que parce qu’il permet, lorsque l’on observe la voiture vue de l’extérieur, d’apporter un supplément de légèreté au profil des voitures), (lequel faisant, il est vrai, parfois défaut aux berlines « classiques » avec montants).
Les années cinquante voient aussi la naissance d’une nouvelle catégorie, qui recevra, au cours de la décennie suivante, l’appellation de Personal Luxury Cars. Si, à partir des années 60 et, surtout, des années 70, celle-ci ne comprendra bientôt plus que des modèles en carrosserie coupé (les normes fédérales de plus en plus draconiennes en matière de sécurité active et passive obligeant alors les constructeurs à abandonner les carrosseries hardtop ainsi que les décapotables), à l’origine, cette nouvelle mode concernait, avant tout et surtout, les cabriolets. A l’occasion de la présentation des modèles du millésime 1953, plusieurs des divisions de General Motors dévoilent chacune un luxueux cabriolet destiné à devenir le « vaisseau amiral » de la marque qu’il représente : l’Eldorado pour Cadillac, la Skylark chez Buick et la Fiesta du côté d’Oldsmobile. Bien que les lignes de cette dernière restent très proches de celle du cabriolet de la série Ninety-Eight (dont il reprend d’ailleurs la base), le cabriolet Fiesta s’en différencie au premier abord, par son nouveau pare-brise panoramique (une première, non seulement, dans l’histoire de General Motors mais aussi, plus généralement, dans celle de l’automobile américaine, puisque les modèles des gammes courantes n’en bénéficieront qu’à partir de l’année-modèle 1954 sur les Cadillac et Buick et 1955 pour Chevrolet, Pontiac et Oldsmobile.
Si l’Eldorado ainsi que la Skylark s’inscriront de manière durable au catalogue de leurs constructeurs respectif, l’Oldsmobile Fiesta, elle, en revanche, ne durera que le temps d’un millésime. Il est vrai que bien que pouvant se prévaloir d’une finition n’ayant rien à envier à celle d’une Cadillac, tout comme l’équipement, pléthorique, la Fiesta est affichée à un tarif à la hauteur de ses prestations : pas moins de 5 715 dollars, soit près de deux fois le prix du modèle le plus cher de la gamme « ordinaire » d’Oldsmobile pour le millésime 1953, le cabriolet de la série Ninety-Eight, vendu 2 963 dollars. Les chiffres de vente parlent d’eux-mêmes : alors que la Ninety-Eight convertible s’était écoulée à un peu plus de 7 500 exemplaires, la très (voire trop) élitiste Fiesta ne parviendra, quant à elle, à séduire, en tout et pour, que… 458 amateurs (fortunés, cela va sans dire). Il est vrai qu’à un tel niveau de prix (équivalent à quatre ou cinq fois le prix d’une « plébéienne » Chevrolet, Ford ou Plymouth) l’acheteur potentiel, appartenant sans aucun doute à l’élite de la société américaine et attachant donc (assez naturellement) une grande importance à son image et donc, par extension, à celle de la marque à laquelle appartient sa voiture, soit beaucoup plus tenté de s’offrir une Cadillac Eldorado ou un cabriolet Lincoln ou Imperial, celles-ci pouvant, en effet, se vanter d’offrir un prestige beaucoup plus valorisant à leur propriétaire.
Comme Pontiac ainsi que les autres constructeurs américains s’inscrivant sur le marché des modèles de gamme « intermédiaire », l’idée d’inclure à son catalogue un modèle affiché un tarif quasiment sans précédent dans l’histoire du constructeur apparaissait, dans le meilleur des cas, comme un pari fort risqué, pour ne pas dire, quasiment voué à l’échec, voire même comme une sorte d’incongruité. C’est un peu comme si, au sein des groupes Chrysler et Ford, les dirigeants de ces derniers avaient soudain eu l’idée (saugrenue) de proposer (pour l’un) une Dodge et (pour l’autre) une Mercury (aussi luxueuses soient-elles, dans leur présentation comme dans leur équipement) à un prix encore plus élevé que celui de la plus cossue des Imperial ou Lincoln. Ce qui aura certainement été considéré par beaucoup, tant au sein de la presse automobile que du public, véritablement, comme une « erreur de casting ».
Si, à l’image des autres divisions de la GM, le style des modèles de la gamme Oldsmobile se fera de plus en plus extravagant au fil des millésimes, la clientèle finira toutefois par se lasser quelque peu des extravagances des designers de Detroit et par réclamer un retour vers plus de sobriété.
Au début des années soixante, John Belty, l’un des ingénieurs du bureau d’études rattachés à la firme Oldsmobile, souhaite remettre celle-ci à l’avant-plan dans le domaine sur lequel la division avait bâtie une grande partie de sa notoriété : l’avant-gardisme technologique. Pour cela, ce n’est toutefois pas une solution technique inédite, venant de sortir des cerveaux féconds des ingénieurs du groupe destinée à améliorer encore plus le confort des passagers ainsi que la facilité de conduite des voitures (même s’il est vrai que le procédé dont il est question ici, va, d’une certaine façon, contribué à offrir une nouvelle expérience de conduite au conducteur) qui sera choisie, mais une solution qui avait déjà eu son heure de gloire dans le passé et que Belty a décidé de ressortir des placards de l’histoire (en tout cas, en ce qui concerne l’industrie automobile américaine) et de l’oubli : la traction avant.
Il est vrai qu’en dehors des connaisseurs ainsi que des nostalgiques amateurs d’originalités rares sont sans doute ceux qui, au sein du grand public, se souviennent des Cord 810 et 812, disparues avec leur constructeur en 1937, ainsi que de la devancière de ces dernières, la Cord L-29 et, plus encore, les éphémères et confidentielles Gardner et Ruxton (produites, elles aussi, à la fin des années 1920 ainsi qu’au début des années 1930).
Au sein du bureau d’études ainsi que de l’état-major de la GM, certains ne les ont, cependant, pas oublié, au contraire même et sont convaincus que le système des roues avant motrices recèle toujours, bel et bien, un véritable potentiel qui permettra aux futurs modèles de la gamme Oldsmobile de se différencier et de prendre le pas sur leurs concurrents. Si l’idée initiale des hommes de la division était d’appliquer celui-ci à l’un des futurs modèles de la gamme Medium Size alors à l’étude et qui doivent être présentés dans les prochaines années, la direction ainsi que le directeur du bureau de style, Bill Mitchell sont bientôt convaincus qu’un coupé de prestige aura plus de chances à trouver son public, auprès d’une clientèle aisée souhaitant pouvoir afficher son goût pour la différence en roulant d’une voiture de grand tourisme nantie d’une fiche technique ainsi que d’un style très avant-gardistes.
Recevant le nom de code XP 784, le projet est finalement validé par la direction en février 1964 et dévoilé au public un peu plus d’un an et demi plus tard, fin septembre 1965, sous le nom d’Oldsmobile Toronado. Si les stylistes travaillent sous la direction de Bill Mitchell, ainsi que ce dernier, avaient compris, dès le début que pour que ce nouveau coupé à traction avant atteigne ses objectifs sur le plan commercial, il fallait que les lignes de sa carrosserie affichent, elles aussi, une singularité assumée. Ce qui sera amplement le cas, tant sa silhouette (outre qu’elle n’est pas sans évoquer fortement, tant par certaines de ses caractéristiques telles que le dessin des jantes ainsi que les phares rétractables, les dernières Cord) évoque, tout à la fois, un avion de chasse sans les ailes, un sous-marin, voire même une soucoupe volante (elle n’aurait, en effet, pas vraiment dépareillé dans un épisode de la série Star Trek). Ce qui souligne combien son style très sobre (que certains, aussi bien au sein de la presse automobile que du public, à l’époque, qualifièrent même d’austère) tranchait, radicalement, avec les lignes quelque peu « baroques » voire « guindées » des autres modèles de la gamme Oldsmobile de l’époque.
Sur le plan des performances, grâce aux 385 chevaux développés par son imposant V8 de près de 7 litres de cylindrée, la Toronado peut également se vanter d’être la voiture à traction avant la plus puissante de son époque.
Si la marque Oldsmobile ne conservera l’exclusivité de la traction qu’un an à peine, avant qu’elle n’équipe également la nouvelle génération de la Cadillac Eldorado, le projet d’appliquer celle-ci sur des modèles plus populaires et qui sont donc appelés à connaître une diffusion bien plus large serait, toutefois, ressorti des tiroirs au cours de la décennie suivante. Les deux crises pétrolières successives de 1973 et 1979 ainsi que la récession économique engendrée par celles-ci et qui ont profondément secoué l’Amérique obligeant alors les constructeurs de Detroit à repenser, profondément et radicalement, leur vision de l’automobile. Face à « l’invasion » des modèles produits par les constructeurs japonais, robustes, fiables et bon marché, qui séduisent rapidement une partie de plus en plus importante du public américain (en particulier les ménages à faibles revenus, les jeunes et les femmes), General Motors (qui, à l’image de ses concurrents, avait, pendant longtemps, accusé les firmes nippones de copier leurs modèles, bien que dans des versions plus réduites et de vendre ainsi dans tous les pays d’Extrême-Orient des « ersatzs » d’américaines) va alors (paradoxe et ironie de l’histoire) se mettre à copier les marques du pays du Soleil Levant.
C’est ainsi que l’une des réponses de la GM à Datsun (Nissan), Toyota, Mazda, Mitsubishi et Honda (ainsi que les autres) fera son apparition en 1980 avec l’Omega, dont le gabarit ainsi que les motorisations (quatre cylindres 2,5 l et 85 ch ou V6 de 2,8 litres et 115 chevaux) offrent un contraste saisissant avec leurs devancières. La domination écrasante des modèles full-size traditionnels (dont le règne apparaissait, jusqu’alors, aux yeux de certains, comme éternels) prend alors fin et ces derniers (y compris les luxueuses Cadillac et Lincoln) se verront alors imposer une cure d’amaigrissement assez drastique.
Autre signe tangible que les temps ont changé et que l’époque de l’essence vendue moins chère que l’eau du robinet est révolue, à partir de la fin des années 70, une partie des modèles Oldsmobile rouleront désormais aussi au gazole. En l’espèce, un V8 de 5,7 litres développant 120 chevaux, un rapport ch/l qui, il est vrai, ne permettra guère aux voitures qui en sont équipées de grimper aux arbres, mais il convient toutefois de rappeler que la plupart des moteurs américains de l’époque, complètement étouffés par les systèmes anti-pollution, n’offraient guère un rapport cylindrée/puissance plus favorable. Autre preuve que les économies de carburant font désormais partie des préoccupations essentielles des automobilistes américains et que les constructeurs avaient bien compris qu’ils étaient, à présent, obligés d’en tenir compte, ce sont les modèles des gammes « classiques » (ceux appartenant aux catégories Medium et Full-Size), les Delta 88, Ninety-Eight ainsi que le break Custom Cruiser.
Comme la transmission automatique ainsi que la traction avant à leur époque, ce nouveau V8 Diesel ne restera pas longtemps réservé aux modèles d’Oldsmobile et équipera, très bientôt, d’autres modèles produits par General Motors (y compris dans le segment des voitures de prestige, à l’image de la Cadillac Seville). En dépit de la récession économique qui frappe l’Amérique à la fin des années 70, les ventes d’Oldsmobile se portent alors toujours pour le mieux, puisqu’elles atteignent, en 1979, la barre du million d’exemplaires (tous modèles confondus, même s’il est vrai que les modèles Cutlass, qui représentent alors l’un des best-sellers de sa catégorie, celle des voitures de la catégorie Medium, non seulement au sein de General Motors mais aussi, de manière plus large, sur le marché américain, totaliseront, à eux seuls, plus de la moitié de la production du constructeur).
Une période de prospérité qui se poursuivra durant les années 80, l’ascension d’Oldsmobile sur le plan commercial atteignent même son point culminant en 1987, la marque se hisse alors à la troisième place des constructeurs américains.
Malheureusement pour la doyenne des marques américaines encore en activité aujourd’hui, les choses vont commencer à se gâter à partir du début des années 90. En 1993, les ventes totales n’atteignaient ainsi qu’un peu plus de 400 000 voitures, alors qu’elles étaient de 1 066 000 exemplaires en 1985). Si les causes de ce déclin sont multiples mais parmi les principales d’entre-elles que l’on peut donc pointer du doigt figure la trop grande place prise par Chevrolet (au détriment d’Oldsmobile mais aussi de Pontiac), la (trop grande) perte d’identité des modèles de la marque, l’évolution des objectifs et donc de la stratégie commerciale de la part des dirigeants de General Motors ainsi que l’évolution (parfois assez rapide et profonde) des goûts ainsi que des attentes du public.
Au fil du temps, la très grande popularité de la marque Chevrolet (celle-ci partageant, depuis longtemps déjà, en alternance avec son éternel rival, Ford, la place de premier des constructeurs américains en termes de chiffres de production, amenant bientôt la direction de General Motors (de manière plus ou moins inconsciente et involontaire au départ et, ensuite, d’une façon à peine voilée et, parfois même, ouvertement assumée) à favoriser celle-ci en lui faisant prendre une place plus grande que celle qu’elle n’occupait jusqu’ici. Les nouveaux modèles faisant leur apparition au sein de la gamme Chevrolet, au fur et à mesure des années, ne se limitant bientôt plus, en effet, comme cela avait été le cas auparavant, au segment des voitures populaires mais proposant, désormais, également des modèles au caractère (à la présentation ainsi qu’à l’équipement) plus cossu que leurs devancières.
Avec pour conséquence de recréer ou d’aggraver le risque d’une concurrence interne aussi stérile et inutile que dommageable pour les modèles ainsi que les marques concernées. Il est, ainsi, évident que si, au sein d’un même groupe automobile, deux constructeurs proposent chacun un modèle avec (à peu près) les mêmes caractéristiques techniques, le même look (aussi bien pour les lignes des carrosseries que pour la conception de l’habitacle), les mêmes équipements (de série ou optionnels) et qu’ils sont proposés quasiment aux mêmes prix, la clientèle visée a donc de quoi se montrer, pour le moins, perplexe, pour ne pas dire déroutée face à une stratégie commerciale et marketing qui leur apparaît assez confuse, voire même, tout simplement, incohérente.
Si l’une des raisons de la perte d’identité qui commencera à frapper une part importante des productions de la GM à partir de la seconde moitié des années 70 (même si ce phénomène ne concernera pas que celui-ci et s’observera aussi, à des degrés divers, chez Ford ou Chrysler) est sans doute à mettre sur le compte des dirigeants (ainsi que des actionnaires) des différents groupes et de leur recherche effrénée du plus grand bénéfice possible. Avec pour conséquence que les modèles des différentes divisions (en particulier ceux faisant partie du même segment de marché, mais aussi indépendamment des différentes catégories composant le marché automobile américain) se verront ainsi obligés de partager de plus en plus d’éléments (importants ou non) en commun. Avec pour résultat, au final, qu’il n’y avait alors plus guère (à titre d’exemple) que le dessin de la calandre ainsi que le logo figurant au centre de celle-ci (ou à l’extrémité du capot, suivant les modèles), le dessin des phares ainsi que des enjoliveurs de roues ou la décoration latérale sur les flancs qui différencient une Oldsmobile Ninety-Eight d’une Buick Electra ou d’une Chevrolet Caprice. La grande majorité des clients étant suffisamment observateurs pour s’en rendre compte et comprendre ainsi que l’on cherchait à leur vendre le même article en changeant simplement l’emballage.
Avec pour conséquence, sans doute inévitable que si certains modèles parvenaient à tirer sans trop de mal leur épingle et donc à rencontrer (ou à conserver) les faveurs du public, d’autres se retrouvaient délaissés par une grande partie de celui-ci (pour des raisons, il est vrai, parfois assez subjectives ou difficiles à cerner et que la clientèle elle-même ne parvenait pas à expliquer clairement). Si le public et donc la clientèle étaient toujours bien présentes, tout comme la demande en matière de voitures neuves, qui, une fois disparus le spectre ainsi que les conséquences économiques du second choc pétrolier, connaîtra un nouveau rebond (dont profiteront notamment les modèles full-size traditionnels), aux yeux de nombreux automobilistes américains, la marque Oldsmobile ne jouissait plus d’une identité et donc d’un pouvoir d’attractivité aussi fort que ce dont elle pouvait se prévaloir autrefois.
L’un des problèmes essentiels auxquels celle-ci se retrouvera confrontée dans la dernière décennie du 20e siècle est qu’elle s’adressait à une clientèle qui n’existait plus ou qui était partie ailleurs (que ce soit au sein d’autres marques de la GM ou du côté de la concurrence). Un autre facteur d’importance qui explique sans doute, en grande partie, la désaffection du public à son égard est qu’elle avait perdu ce qui constituait jusqu’ici une grande part de son identité : l’innovation technique. Si, depuis la fin des années trente ou le début des années 1940, les modèles Oldsmobile avaient, quasiment, toujours eu la primeur des nouvelles technologies développées par les ingénieurs de la GM, dans les années 90, ce n’est désormais plus le cas. La doyenne des marques américaines se voyant alors même bientôt affligée d’une image de « voitures de vieux » (de nombreuses mauvaises langues ne se priveront d’ailleurs pas de déclarer qu’étant donné son nom, cela n’avait rien de vraiment étonnant, oubliant cependant, un peu trop rapidement et facilement, que, pendant de nombreuses décennies, les Oldsmobile furent le contraire, de voitures pour les personnes du troisième âge).
Malgré les tentatives aussi importantes que louables de remettre la marque sur les rails ainsi que de rajeunir et redynamiser son image avec de nouveaux modèles comme la berline Aurora, aux lignes assez futuristes pour son époque, cette dernière ne remportera pas, malheureusement (pour elle comme pour son constructeur) le succès espéré. Alors que moins de dix ans auparavant, les ventes d’Oldsmobile dépassaient le million d’exemplaires, au milieu et dans la seconde moitié des années 90, elles ne dépassent guère les 300 000 voitures annuelles. Aussi ancien et glorieux que soit le passé d’Oldsmobile, celui-ci ne pèse, toutefois, pas bien lourd dans la balance aux yeux des dirigeants et des actionnaires de la GM. Dans l’industrie et les grands groupes automobiles de cette fin du 20e siècle, aux Etats-Unis comme ailleurs, il n’y a désormais plus de place pour les « seconds couteaux ». Oldsmobile le découvrira à ses dépens.
L’acte de décès de la firme est officiellement prononcé le 30 avril 2004, lorsque l’ultime voiture à porter le nom d’Oldsmobile sort des chaînes d’assemblage de l’usine de Lansing, qui avait été le berceau de la marque depuis près d’un siècle. Une disposition qui, malheureusement, ne sera pas la dernière au sein de la GM, car elle sera, en effet, suivie, quelques années plus tard, de celle de Hummer, Pontiac et Saturn, victimes de la crise économique de 2008 et 2009.
Maxime DUBREUIL
Photos WIKIMEDIA
L’épisode 1 https://www.retropassionautomobiles.fr/2023/09/oldsmobile-la-doyenne-sacrifiee-partie-i/
En vidéo https://www.youtube.com/watch?v=zuB5DULvw7Y&ab_channel=JayLeno%27sGarage