SALMSON 2300 SPORT – Grand tourisme populaire à la française (partie II).
La mécanique que l’on retrouve sous le capot de la 2300 S est, évidemment, le quatre cylindres à double arbres à cames « maison », toutefois revisité par le préparateur Eugène Martin qui parvient à faire passé sa puissance à 105 chevaux. Malgré son allure très sportive, le coupé Salmson n’est toutefois pas exactement ce que l’on pourrait appeler un « poids plume », puisqu’il atteint tout de même 1 200 kg à vide sur la balance (alors que la plupart de ses concurrentes, surtout étrangères, dépasse à peine la tonne). Dans l’objectif de renforcer l’image « sportive » de son nouveau coupé auprès du public (et donc des acheteurs potentiels) et profitant de sa réputation de motoriste de talent qu’ elle a acquise avant la guerre, la marque ne va pas hésiter à engager la 2300 S en compétition, où elle engrangera quelques beaux résultats qui contribueront à sa notoriété. Si ces trophées qui accompagnent son lancement permettent à la marque de connaître une hausse assez significative de sa production (142 exemplaires construits en 1954 contre seulement 53 l’année précédente), celle-ci reste toutefois bien trop faible, malheureusement, pour assurer la pérennité et la rentabilité du constructeur. Si Jacques Bernard réussit à obtenir, au début de cette année-là, un concordat qui a permis d’ offrir un sursis à la marque, la faiblesse persistante de ses finances comme de sa production vont le conduire, une fois le concordat arrivé à échéance, en octobre de la même année, de céder la majorité de ses actions au financier belge Matthieu Van Roggen. Patron de l’entreprise anversoise Minerva (Autrefois célèbre, dans toute l’ Europe et jusqu’aux Etats-Unis, pour ses voitures de prestige mais qui, s’est finalement vue contrainte, victime, comme tant d’autres, de la crise économique au début des années 30, à se recentrer sur la production d’utilitaires), ce dernier nommera, peu de temps après, un nouveau président, en la personne de Serge Chellé. Ce dernier va toutefois avoir fort à faire pour redresser la barre et c’est probablement, en grande partie, à cause de ces difficultés qu’il doit donner sa démission deux mois à peine après avoir pris les rênes de l’ entreprise. Celle-ci se retrouvant alors quasiment au bord du naufrage, il en reprend toutefois la direction dès le mois d’avril pour éviter la faillite. Un nouveau règlement judiciaire intervient le 11 août 1955, tandis que Serge Chellé entame alors des négociations avec Renault pour tenter de s’adjoindre l’aide d’ un partenaire aux reins plus solides. Malheureusement pour Salmson, ces négociations entreprises avec la marque au losange n’ aboutiront à aucune issue positive. Tous ces tumultes et avatars auxquels se retrouvent confronté le constructeur ne sont évidemment pas faits pour aider les ventes de la 2300 S, au contraire. Car ces difficultés de toutes sortes qui affectent la marque, et qui se font chaque jour de plus en plus grandes, ne restent, malheureusement, pas inconnues du public, relayées, souvent en détails, par la presse automobile qui dresse ainsi un portrait bien sombre et incertain (bien qu’assez réaliste) de l’avenir de Salmson. Ce qui va, inévitablement, conduire un grand nombre de clients, même parmi les fidèles de la marques, à s’en détourner rapidement. Conséquence, les ventes chutent à nouveau et seules 82 Salmson 2300 S sortiront d’ usine au cours de l’année 1955.
Pourtant, au moment de sa reprise par Matthieu Van Roggen, son objectif était bien, non seulement, de poursuivre la production de la 2300 S mais aussi d’étendre la gamme proposée par la marque, qui, jusqu’ici, depuis la disparition de la berline Randonnée, se cantonnait désormais au seul coupé 2300 S. Sans doute conscient que, avant-guerre, les berlines ont toujours représenté une part importante (et même parfois la majorité) des ventes des voitures de la marque, le nouveau repreneur de Salmson se persuade alors rapidement que, tout en poursuivant (en tout cas dans un premier temps) la politique du modèle unique, Salmson a notamment besoin, pour augmenter ses ventes, d’une véritable gamme, qui s’articulera autour du coupé 2300 S, celui-ci devant servir de base à de nouvelles versions qui en seront dérivées. Ceux-ci se présenteront sous la forme d’une berline et d’un cabriolet. Pour ces deux dérivés, ce sera au carrossier Henri Chapron que reviendra la mission de réaliser ces deux nouvelles versions de la Salmson 2300 S. Matthieu Van Roggen ayant décidé de dévoiler la nouvelle berline à l’occasion de l’ouverture du Salon automobile de Bruxelles, en janvier 1955, où elle sera présentée sur le stand de la marque, le célèbre carrossier ne dispose toutefois que d’un délai fort court pour réaliser ses trois voitures (surtout compte tenu des méthodes de fabrication très artisanales auxquelles il fait encore appel). Faute de temps suffisant pour faire dessiner une carrosserie entièrement nouvelle, il décide alors de reprendre, comme base de travail, un dessin déjà existant. En l’occurence, celui de la berline Monceau qu’il avait réalisé peu de temps auparavant pour Hotchkiss (Celle-ci avait été présentée au Salon de Paris en octobre 1954, bien qu’elle n’ ait finalement jamais été commercialisée, le constructeur ayant alors décidé d’ abandonner la production automobile). Bien qu’ il ne s’agisse donc, en quelque sorte, que d’un modèle « hybride », une réalisation où Chapron a greffé sur la carrosserie de la Hotchkiss Monceau la face avant de la Salmson 2300 S, le résultat s’avère cependant assez réussi, la nouvelle berline présentant des lignes à la fois élégantes, sobres et modernes. Du fait du manque de temps (et peut être aussi des moyens impartis pour leur réalisation), ces trois berlines seront réalisées sur des châssis empruntés à l’ancienne Randonnée. Etant donné qu’elle s’ adressait à un public bien plus large et diversifié que celui du coupé 2300 S (lequel représentait une frange de clientèle nettement plus limitée), cette nouvelle berline Salmson aurait probablement pu représenter, si pas un joker, à tout le moins une carte maîtresse pour permettre d’augmenter véritablement ses ventes, en faisant revenir celle-ci au niveau qu’elles avaient connues à la fin des années quarante et ainsi, probablement, de sauver la marque. (Ou, en tout cas, de lui offrir un sursis plus long et durable, qui lui aurait permis de lancer la conception et la production de nouveaux modèles qui lui aurait offert un nouvel avenir). Il n’en sera malheureusement rien, la production de la berline 2300 se limitant, en tout et pour tout, aux trois exemplaires mentionnés ci-dessus. Si l’exemplaire exposé aux palais du Heysel, conservait le volant à droit, comme sur le coupé 2300 (Ce qui était aussi le cas sur la plupart des voitures de prestige françaises à l’époque), au moins un des trois exemplaires réalisés par Chapron a reçu, lui, le volant à gauche. Si les représentants de la marque présents au Salon de Bruxelles avaient annoncé la commercialisation de la berline au prix d’ environ 2 000 000 de francs français (soit environ 300 000 francs belges), aucun tarif précis ne sera, en réalité, jamais fourni aux éventuels clients intéressés, du fait que la berline Salmson ne sera jamais produite en série. Les trois seuls exemplaires qui en auront été réalisés seront finalement vendus à des clients fidèles de la marque en octobre 1955.
Quant au cabriolet, lui aussi réalisé par Chapron, il ne connaîtra qu’ un succès d’estime, celui-ci se trouvant, dès le départ, fortement limité, à la fois par les difficultés importantes rencontrées par le constructeur et aussi, bien qu’« accessoirement », par le tarif auquel il est affiché (la carrosserie coûte, à elle seule, 1 100 000 F, auquel il faut évidemment ajouté celui du châssis de la 2300 S. Selon la plupart des sources, seule une poignée d’exemplaires en furent construits, qui furent tous exposés lors des derniers Salons automobiles auxquels participa la marque, soit sur le stand de la marque ou celui du carrossier Chapron (Certaines mentionnant le chiffre de seulement quatre exemplaires!).
En ce qui concerne le modèle de série, si l’assemblage final se faisait au sein des usines Salmson de Billancourt, sur les premières 2300 S, une partie des panneaux de carrosserie étaient réalisés chez le carrossier Esclassan (lui aussi installé à Boulogne-Billancourt). Au total, ce dernier façonnera des éléments de carrosserie pour une quarantaine d’exemplaires. Sur les vingt-cinq exemplaires suivants seront, les panneaux de carrosserie seront réalisés par les ateliers d’Henri Chapron, à Levallois. Par rapport aux exemplaires de la première série, ces derniers recevront un certain nombre de modifications, tant en ce qui concerne les traits de style de la carrosserie que la structure de la voiture. Si Chapron s’occupera de toutes les étapes de la réalisation de la carrosserie des cabriolets 2300 S ainsi que de leur montage sur les châssis livrés par le constructeur, en ce qui concerne le coupé, seule une trentaine d’exemplaires, parmi les dernières 2300 S produites par Salmson, ont toutefois été entièrement réalisés au sein des ateliers du carrossier de Levallois.
En plus de Chapron, quelques autres carrossiers, français mais aussi étrangers, se pencheront sur le châssis de la 2300 S. En France, Pichon et Parat, installé à Sens, réalisera, en 1954, trois exemplaires d’un coupé aux lignes fort racées (bien que doté d’ une calandre assez disgracieuse) qui s’illustrera, en 1954 et 1955, dans plusieurs grandes épreuves comme le rallye Lyon-Charbonneaux ou le rallye Liège-Rome-Liège.
De son côté, à la demande du concessionnaire Marcel Nadaud, qui a obtenu l’exclusivité de la marque Salmson pour la région parisienne (et qui est aussi l’un des principaux agents de la marque en France) s’adresse au styliste Philippe Charbonneaux réalise un cabriolet aux lignes fort réussies qui sera exposé sur un petit stand loué par Nadaud au Salon de Paris de 1954. Charbonneaux ne disposant que d’ un délai assez court pour réaliser la voiture (dotée d’une carrosserie en matière plastique, sans doute l’une des premières réalisée en France à l’époque), celle-ci sera exposée au Grand-Palais alors qu’elle est encore inachevée et elle se trouvera handicapée par une finition bâclée. Lorsqu’elle réapparaîtra, au concours d’ élégance d’ Enghien, à l’été 1955, elle se présente sous un bien meilleur aspect, équipée à l’ avant d’ une calandre grillagée et d’un pare-choc dont elle était encore dépourvue lors du Salon.
A l’ étranger, le carrossier italien Rocco Motto fera construire, en 1955, plusieurs carrosseries inédites sur le châssis de la 2300 S. La première est une barquette d’allure très sportive, équipée d’une carrosserie en aluminium, réalisée à la demande journaliste et pilote Jean-Paul Colas, à l’époque collaborateur de Radio Monte-Carlo, afin d’effectuer un reportage en direct de la course des 24 Heures du Mans depuis une voiture française participant à l’épreuve (Raison pour laquelle elle sera équipée d’une installation radio, une première sur une voiture courant au Mans). Avant cela, elle effectuera toutefois ses premiers tours de roues lors des Mille Milles 1955, avant de disputer, six semaines plus tard, l’épreuve mancelle (où elle arborera un carénage avant masquant dissimulant la calandre ovale d’origine). Pilotée par Jean-pierre Colas et J. Dewez, la barquette (portant le n° 27) devra toutefois abandonner dès la 8ème heure de course à la suite d’une rupture de canalisation d’ huile. Après cette courte carrière sportive, elle sera « civilisée » lors de sa reconversion à la « vie civile » en recevant des pare-chocs et un pare-brise panoramique.
Motto réalisera également, sur base de la 2300 S, là aussi pour la compétition, un coupé qui prendra part, lui aussi, aux 24 Heures du Mans l’année suivante.
Pour sa dernière apparition au Grand-Palais, lors du Salon de Paris d’ octobre 1956, Salmson exposera un nouveau projet pour une version berline de la 2300 S, également due au carrossier italien Motto. Celle-ci, dotée d’une carrosserie bicolore (avec une séparation des deux teintes en forme d’ éclaire horizontale le long des flancs) présente des lignes à la fois modernes et racées qui tranchent radicalement avec celle du coupé originel comme de la berline réalisée par Chapron. Comme cette dernière, la berline réalisée par Motto ne connaîtra aucune suite en série et restera, malheureusement, un exemplaire unique.
Rétrospectivement, les causes de la disparition de Salmson sont, en grande partie, les mêmes que celles qui ont causé la disparition de bien d’autres constructeurs français à la même époque (comme Delage, Delahaye, Hotchkiss et Talbot). A savoir de s’être laisser « engluer » dans des méthodes de fabrication trop artisanales et anachroniques, qui ont engendrées des modèles obsolètes face à la nouvelle concurrence (surtout étrangère) qui avait désormais investie le marché automobile au lendemain de la guerre. Tout comme chez ces autres constructeurs, on peut aussi incriminer la mentalité, à la fois chauviniste et anachronique, des dirigeants de Salmson. Jean Heinrich, qui présidera aux destinées de la marque durant plus de trois décennies, ayant, depuis longtemps, eu l’habitude de mener ses affaires en autocrate et d’une main de fer, sans jamais vraiment se préoccuper (ni, peut être même, se rendre compte) des changements et des bouleversements qui, après la Seconde Guerre mondiale, allaient affecter en profondeur le monde de l’industrie automobile, que ce soit en France ou en Europe.
Par rapport à d’autres « artisans-constructeurs », comme Talbot, et à l’image, plutôt, de Delahaye ou de Hotchkiss, il convient aussi de mentionner que, même si elle a pris une importance grandissante au fur-et-à-mesure des années (en particulier durant les années trente), la branche automobile n’a toujours été, au final, qu’une activité parmi d’autres au sein de la SMS, la Société des Moteurs Salmson. Laquelle a toujours été (et a toujours voulu rester) avant tout un constructeur de moteurs d’avions. Un secteur où, grâce au développement fort important qu’a connu ce secteur durant la Première Guerre mondiale, Salmson est devenu un acteur important et où elle s’est rapidement fait un nom. En 1929, Salmson était ainsi parvenu à la quatrième place, au niveau mondial, des exportateurs de moteurs d’avions. Dix ans plus tard, lorsqu’éclate le second Conflit mondial, ses usines, situées à Billancourt (non loin de celles de Renault) s’étendent sur 70 000 mètres carrés, de part et d’autre de la rue du Point du Jour et de l’avenue Pierre Grenier (qui porte alors le nom d’avenue de Moulineaux). En plus des ateliers, des laboratoires et des forges, elles possèdent aussi leur propre fonderie. Toutes ces activités réunies sur un seul site permettent ainsi aux usines Salmson de pouvoir fonctionner en « autarcie » et lui assure, sur bien des points, une certaine forme « d’ auto-suffisance », lui permettant de ne pas devoir dépendre de sous-traitants extérieurs pour la fourniture de pièces et en s’occupant elle-même du travail de la matière première, de pouvoir s’assurer que la qualité de celles-ci correspondent toujours aux critères qu’ elle s’est fixée. Après la défaite de 1940, durant l’Occupation, ses usines poursuivront leurs activités dans le secteur de l’aviation, en accueillant celles du constructeur d’avions allemand Junckers. A la libération, elles seront mises à la disposition des Alliés pour la réparation des moteurs d’avions américains. Le problème pour Salmson est que ce qui représentait, depuis maintenant plus de trente ans, son principal secteur d’activité, va, malheureusement, commencer à décliner après la fin de la guerre. Notamment du fait que les moteurs Salmson, à cylindres en étoile (utilisant le système Canton-Unné) subissent de plus en plus la concurrences des moteurs à cylindres à plat. Dévoilé en juin 1956, le Super-Phrygane D-211 sera le dernier avion conçu, produit et commercialisé par la Société des Moteurs Salmson. Le Salon de Paris de 1956 restera la dernière participation de la marque à un Salon automobile. La production des automobiles Salmson s’arrêtant définitivement à la fin de cette année-là. On ignore d’ailleurs, avec exactitude, le nombre des derniers exemplaires de la 2300 S furent assemblés cette année-là, mais, si on en juge par les faibles de production (euphémisme!) atteint au terme de l’année 1955, en 1956, ils ne durent guère être plus élevé. On peut même dire, avec une quasi certitude, qu’ils durent être encore plus faible, pour ne pas dire insignifiant. Comme cela est souvent le cas avec des constructeurs artisanaux sur le déclin, qui se sont (bien qu’involontairement) marginalisés avec le temps et qui ont disparus depuis maintenant plus d’un demi-siècle, faute de pouvoir toujours disposer d’ archives survivantes complètes et détaillés, il est assez difficile de dire exactement combien d’exemplaires de la 2300 S, toutes versions confondues (y compris en tant compte des châssis habillés par des carrossiers extérieurs) sont sortis des usines Salmson de Billancourt entre 1953 et 1956. Si le chiffre « officiel » mentionne un total de 236 exemplaires, certaines sources ne font état que de 227 voitures produites. Dans tous les cas, cela reste un total que l’on peut, en toute sincérité, qualifié d’« insignifiant », surtout quand on sait que, lorsque Matthieu Van Roggen avait repris les rênes de la société, au début de l’année 1955, ce dernier avait annoncé son intention de développer la production de la 2300 S et, même, d’atteindre, à terme, un objectif annuel de 10 000 exemplaires ! Une sorte de « malédiction » semble d’ailleurs frappé successivement chacune des marques automobiles qui furent reprises par Van Roggen. Que ce soit Excelsior, Imperia et Minerva en Belgique ainsi que Voisin en France, la « sollicitude » que leur a manifesté l’industriel leur a tout sauf porté chance. Sans aller jusqu’à dire qu’il a, à chaque fois, été responsable ou l’une des causes principales de la disparition des constructeurs cités, il semble, en tout cas, établi que les erreurs de gestion et les choix stratégiques plutôt hasardeux dont il souvent fait preuve n’ont fait qu’ aggraver les ennuis auxquels ils étaient déjà confrontés et n’ont sans doute qu’accélérer leur déclin.
Lorsque la direction de Salmson dépose finalement les armes et fait le bilan de ce qu’a représenté pour l’ entreprise la carrière de la 2300 S, c’est peu dire que, pour la firme, celle qui, dès le départ, représentait sans doute sa dernière carte, n’a, malheureusement, pas été le joker qu’elle espérait ! Les activités automobiles de Salmson cesseront officiellement au printemps 1957, après que les deux ultimes exemplaires (Un coupé, livré en février et un cabriolet le mois suivant, assemblés avec les derniers éléments encore en stock récupérés dans les ateliers) de celle qui restera le dernier modèle de la marque, quitte les usines, maintenant presque désertes, de Billancourt. Salmson dépose alors à nouveau son bilan, définitivement cette fois. Une fin qui marquera aussi, très bientôt, celles des immenses usines du quartier du Point-du-Jour. A peine quelques mois plus tard, celles-ci sont, en effet, mises en vente, fin décembre. La totalité du site sera démoli en quelques semaines seulement pour laisser à un tout nouveau quartier. (La Société des Moteurs Salmson ne sera toutefois officiellement déclarée en faillite et dissoute que près de cinq ans après, en février 1962). Cette opération immobilière qui suivra la démolition des anciennes usines Salmson et la réaffectation du site sera, par la suite, le théâtre d’un important scandale, celui du CNL (le Comptoir National du Logement) qui ne trouvera son épilogue qu’au terme d’une vingtaine d’ années de procédures ! Un vaste ensemble immobilier, conçu par l’ rchitecte Fernand Pouillon se dresse à présent à l’endroit où se situaient autrefois les bâtiments des usines de la Société des Moteurs Salmson.
Il existe néanmoins, aujourd’hui encore, une entreprise qui porte le nom de Salmson. Bien que créée par les descendants du fondateur (d’où son nom, la Société des Fils d’ Emile Salmson), et établie, lors de sa fondation, à Argenteuil (dans le Val-d’Oise), elle ne fit cependant jamais partie de la Société des Moteurs Salmson. Rebaptisée en 1956 Société des Pompes Salmson, elle se spécialise alors notamment dans la fabrication des circuits de chauffage. Ses activités prenant de l’importance et l’ extension du site d’Argenteuil étant impossible, la société décidera, en 1959, à l’initiative de Georges Salmson, le fils d’Emile Salmson, de se délocaliser en province, près de Laval, dans le département de la Mayenne, où il crée une nouvelle usine plus fonctionnelle que celle d’Argenteuil. Toutefois, en 1961, au moment où ce projet de transfert se concrétise, Georges Salmson prend alors la décision de vendre la société au groupe américain Nash. En 1976, à la suite de son rachat par le groupe français Thomson-CSF, la société change alors officiellement de nom et devient et devient la Société Electro-Hydraulique. Elle changera à nouveau de propriétaire huit ans plus tard, en 1984, et intègre cette fois le groupe Opländer, basé à Dortmund, en Allemagne. Celui-ci décidera, en 1996, de regrouper ses activités dans le domaine des pompes hydrauliques au sein d’une nouvelle filiale, le groupe Wilo-Salmson AG, qui sera rebaptisé Wilo AG en 2002. Malgré les différents rachats dont elle a fait l’objet durant les dernières décennies, et même si, depuis sa création, il y a maintenant près d’un siècle, la société n’ avait qu’un rapport lointain et indirect avec les automobiles et les moteurs d’avions du même, ces machines restent, de nos jours, le seul « héritage » survivant des activités et du passé industriel d’Emile Salmson et des descendants.
Philippe ROCHE
Photos Wheelsage et Wikimedia
En vidéo https://www.youtube.com/watch?v=TArzR6N9OnM&ab_channel=OldCars