PEUGEOT 304 - La lionne de l'ombre.

PEUGEOT 304 – La lionne de l’ombre.

Seuls les propriétaires du modèle concerné ainsi, plus généralement, que les amateurs de la marque au lion s’en souviennent probablement aujourd’hui, mais l’année 1965 fut marquée par une grande révolution pour Peugeot avec le lancement de la nouvelle 204. Non seulement, car il s’agissait du premier modèle de la firme de Sochaux à s’inscrire dans la catégorie des berlines compactes, mais aussi parce qu’il s’agit du premier à s’être converti à la traction avant. (Mais aussi à recevoir des freins à disques ainsi que quatre roues indépendantes).

En outre, il mettait fin à la politique commerciale qui était pratiquée, jusqu’ici, par le constructeur depuis la fin de la guerre. Contrairement à ce qui a souvent été dit et écrit à ce sujet, l’on ne peut pas véritablement parler (en tout cas s’agissant de l’ensemble de cette époque, qui couvre pas moins de vingt ans) de monoculture au sens strict du terme. En ce sens que, dans le cas de la 203 après l’arrivée de la 403 comme dans celui de cette dernière lors du lancement de la 404, l’ancien modèle cohabitera, durant plusieurs années, avec le nouveau. Le premier cité se voyant alors, toutefois « rétrogradé », une fois la nouvelle venue entrée en scène, au rang de « modèle d’entrée de gamme », celui-ci n’étant maintenu au catalogue que dans ses versions les plus basiques.

PEUGEOT 304 - La lionne de l'ombre.

Les années soixante voient la fin du conflit algérien et, plus généralement, des guerres de décolonisation ainsi que la fin de l’instabilité politique avec la mise en place du nouveau régime de la Ve République ainsi que le renouveau économique atteindre une sorte « d’apogée ». Autant de raisons offrant aux constructeurs français l’opportunité d’élargir leur gamme afin de pouvoir, ainsi, proposer à leur catalogue un modèle correspondant à tous les usages et à tous les budgets.

Preuve de cette démocratisation de l’automobile auprès des classes populaires ; la catégorie dans laquelle s’inscrit la nouvelle petite 204 est alors en pleine expansion, en France mais aussi à l’étranger. L’on peut ainsi citer, parmi les modèles les plus emblématiques présentés à la même époque, les Austin et Morris 1100 en Angleterre, l’Autobianchi Primula ainsi que la Lancia Fulvia en Italie, pour se limiter à quelques exemples parmi les plus représentatifs. La 204 de Peugeot étant, en outre, la première de ce segment au sein de la production française, Simca suivant trois ans plus tard (en 1967) avec la 1100 et Renault en 1969 avec la R12.

Au vu du succès probant (et même important) remporté, dès son lancement, par la 204, il semblait donc tout à fait logique, aux yeux de la direction, de développer un nouveau modèle sur la base de cette dernière. Lequel se situerait un léger cran au-dessus, en termes de gabarit ainsi que de motorisations et d’équipements, reprenant ainsi la recette (fort gagnante) déjà employée par Peugeot avec la 404, qui se voulait, sur bien des points, une version plus évoluée de sa devancière, la 403. Pour être tout à fait exacte, c’est aussi du côté de la concurrence, de Renault en l’occurrence, que viendra aussi une partie de l’inspiration. Comme la marque au losange l’avait fait pour créer la R10 à partir de la R8, le bureau d’études de Sochaux va, tout simplement, se contenter de rallonger la 204 (ou, plus exactement, les parties avant et arrière de cette dernière), en modifiant sensiblement les lignes pour créer ainsi, à peu de frais, un nouveau modèle.

PEUGEOT 304 - La lionne de l'ombre.

En clair, sur un plan strictement technique, la « nouvelle » 304 (les guillemets sont voulus) n’est, finalement, avant tout, qu’une 204 rallongée et habillée d’une carrosserie sensiblement redessinée. Par rapport à cette dernière, la nouvelle venue présente un museau légèrement plus long (2 cm), même si l’allongement bénéficiera surtout au porte-à-faux à l’arrière (13 cm en plus), permettant ainsi d’augmenter, de manière appréciable, la capacité du coffre à bagages. Du point de vue de la puissance fiscale aussi, la 304 monte d’un cran par rapport à son aînée, celle-ci s’établissant ainsi à 7 CV (et non plus 6 comme sur la 204). Bien que fort similaire, dans son architecture générale, à celui du modèle dont elle reprend la base, son quatre cylindres en ligne passe de 1 130 à 1 288 cc et sa puissance de 53 à 65 chevaux et de franchir la barre des 150 km/h. Les suspensions ayant bénéficié, elles aussi, d’une « remise à niveau », avec le montage de barres stabilisatrices plus épaisses ainsi que des ressorts recalibrés.

Etant donné que, bien que reprenant, en grande partie, la base de la 204, la 304 se situe un cran au-dessus de son aînée dans la hiérarchie de la gamme Peugeot, cette dernière bénéficie également d’un intérieur spécifique (bien que reprenant le style des autres modèles du lion de la fin des années 60, qu’il s’agisse de la 204 ainsi que la 504). La cellule de l’habitacle restant, toutefois, identique à celui de la 204, notamment du point de vue des dimensions, le montage de sièges plus épais, s’ils permettent d’offrir un confort accru par rapport à sa devancière, ont eu aussi comme « revers de la médaille » de diminuer l’espace habitable à l’intérieur de celui-ci. La présentation se veut également plus cossue, avec des panneaux de portes au dessin inspiré de ceux de la 504, même si le tableau de bord reste identique à celui des coupés et cabriolets 204 (qui se distingue de celui des berlines et breaks contemporains par son compteur horizontal ainsi que l’habillage en (faux bois) couvrant la partie supérieure du tableau de bord sur toute sa longueur.

PEUGEOT 304 - La lionne de l'ombre.

A l’image de sa devancière, la 304 sera, elle aussi, déclinée en coupé ainsi qu’en cabriolet, mais assez étrangement, si ces derniers seront dévoilés en mars 1970 (remplaçant ainsi les versions similaires de la 204 au sein de la gamme Peugeot), ce ne sera qu’après la fin du Salon de Genève. A l’image de ces dernières, leurs lignes seront dues au styliste Paul Bouvot, lesquelles reprennent le style de leurs devancières, mais dans un style sensiblement plus « carré » et « imposant », même si elles aussi héritent de la proue de la berline et du break. Bien que destinées à un usage assez différent et étant donc nettement plus orientés vers une vocation de type « grand tourisme » que les versions à quatre ou cinq portes, leur mécanique reste, pourtant, quasiment identique. Seul un empattement fort réduit (près de 30 cm en moins par rapport à la berline), avec un poids à vide (sensiblement) plus réduit lui aussi permettent d’offrir une vitesse de pointe ainsi que des chronos (légèrement) plus élevés.

S’agissant de la version break, contrairement aux versions à deux portes, son arrivée au sein de la gamme 304 n’entraînera pas (en tout cas, de manière immédiate) la mise à la retraite de son équivalent sur la 204, les deux breaks cohabitant donc, durant quelques temps, au catalogue. Celui sur la 304 reprenant d’ailleurs la partie arrière de son prédécesseur, avec, comme conséquence assez inattendue, ou « cocasse », que le break 304 affichait une longueur totale inférieur à celle de la berline !

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Au printemps 1972, le coupé ainsi que le cabriolet bénéficient d’une nouvelle version plus sportive recevant la dénomination « S », lesquelles reçoivent une motorisation qui, grâce, entre autres, au montage d’un nouveau carburateur double corps ainsi qu’un collecteur d’échappement à la conception revue, voit sa puissance atteindre 74,5 chevaux. Les versions deux portes n’étant alors plus disponibles que dans cette nouvelle version (même si le coupé sera encore disponible, quelques temps, dans sa version originelle de 65 ch). Même s’il faut avouer que ce supplément de cavalerie n’est pas, en soi, véritablement phénoménal, il justifie, toutefois, que les trains roulants bénéficient d’une remise à niveau afin de pouvoir offrir une tenue de route la plus optimale possible. Bien qu’à la hausse, ces (presque) dix chevaux en plus sur les 304 S n’en font pas, pour autant, ce que l’on pourrait appeler une véritable voiture sportive, même si la marque semble vouloir donner cette impression. La preuve en est le compte-tours, placé à l’origine (et de manière quelque peu « empirique », dans l’un des recoins de la planche de bord, à côté des autres instruments de bord).

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Quelques mois plus tard, à l’automne 72, l’ensemble des carrosseries (qu’il s’agisse, donc, de la berline et du break comme du coupé et du cabriolet) reçoit une partie arrière au dessin revu qui leur permet de s’affranchir davantage, sur le plan esthétique, de la 204 dont elle dérive. Le bénéfice de cette évolution ne se limite, toutefois, pas à la partie esthétique,cette refonte de la partie arrière permettant également d’accroître l’habitabilité pour les passagers installés sur la banquette. La berline étant disponible, elle aussi, à partir du millésime 73, en version S. Cette version plus « sportive » se reconnaissant de la berline « standard » à sa calandre traitée en noire, ses roues spécifiques (comportant vingt alvéoles rondes), son levier de vitesse au plancher (comme sur le coupé et le cabriolet), sa sellerie en skaï ainsi que ses sièges équipés d’appuie-têtes à l’avant. Cette dernière ainsi que l’ensemble des versions à quatre portes recevant également le combiné d’instrumentations à trois cadrans ronds empruntés aux versions contemporaines de la 204, lequel présente l’avantage d’intégrer le compte-tours de manière plus pratique et esthétique que sur la précédente planche de bord.

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C’est au cours de l’année-modèle 1973 que la 304 connaîtra ses meilleurs scores de vente, avec un peu plus de 169 000 exemplaires (toutes motorisations, finitions et carrosseries confondues) dont la grande majorité (plus de 106 000 unités) seront, assez logiquement, écoulée sur le marché français. Lui permettant ainsi de se hisser à la quatrième place des voitures les plus vendues en France durant ce millésime. Au début de l’automne 1975, celle-ci reçoit une nouvelle motorisation (nom de code XL5), laquelle, bien que d’une cylindrée à peine augmentée par rapport à l’ancien moteur (1 290 cc au lieu de… 1 288) bénéficie, toutefois, d’un certain nombre de modifications et d’améliorations. Même si le constructeur ne mettra guère celles-ci en avant dans sa documentation de l’époque. (Il est vrai que la direction de celui-ci sait sans doute fort bien que les acheteurs types d’une Peugeot, dans leur grande majorité, ne s’intéressent guère à l’aspect technique). Outre le fait que la plupart d’entre-elles restent relativement mineures, elles n’ont guère d’impact sur la puissance et les performances, lesquelles demeurent donc inchangées ou presque.

Sur le plan esthétique, les 304 produites à partir du millésime 76, quelque soit leur version, se reconnaissent à leur calandre noire inspirée de celle montée à l’origine sur la S, ainsi que les clignotants sous les phares qui deviennent entièrement blancs. Du point de vue du confort et de l’aspect pratique, outre la banquette arrière qui bénéficie, à présent, d’un accoudoir central, des pochettes de type « aumônières » sont aussi installées au dos des sièges avant, lesquels sont également redessinés. Si la S reste la plus version la plus puissante des 304, elle perd toutefois sa sellerie en skaï et reçoit, désormais, une simple sellerie en tissu.

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Cette année 1976 marque aussi un bouleversement assez profond au sein de la gamme Peugeot : après onze ans de bons et loyaux services, la 204 fait valoir ses droits à la retraite et, au sein de la gamme 304, ce sont les versions à deux portes (coupé et cabriolet donc) qui quittent la scène et, malheureusement pour les amateurs de ce type de carrosseries, celles-ci ne seront pas reprises sur la future 305. (Plusieurs prototypes, notamment pour des coupés trois volumes ou fastback seront bien étudiés, mais tous resteront, hélas, à l’état de prototypes).

Le reste de la gamme 304 est alors remaniée, l’ancienne version de base (appelée auparavant 304 « tout court ») recevant la nouvelle dénomination « SL » et voit son équipement revu à la hausse (recevant ainsi le toit ouvrant ; un levier de vitesse au plancher comme sur l’ex-version S, laquelle est rebaptisée SLS ; ainsi que des appuie-têtes en série sur les sièges avant). L’entrée de gamme étant, quant à elle, assurée par la nouvelle version GL, destinée à « récupérer » la clientèle de la défunte 204, laquelle lui lègue sa planche de bord spécifique. C’est aussi avec cette nouvelle version de base que la motorisation Diesel fait, pour la première fois, son apparition au sein de la gamme 304. Comme la plupart des mécaniques fonctionnant au gazole à l’époque, celle-ci ne brille toutefois pas par des performances fort brillantes : avec 45 ch pour une cylindrée de 1 357 cc, il n’y a, en effet, pas vraiment de quoi grimper aux arbres !

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Avec la présentation de la nouvelle représentante de la lignée des Peugeot « 300 », à savoir la 305, en novembre 1977, marque, évidemment, le début de la fin pour la 304. Dans un souci de rationalisation assez logique, les deux modèles partageront désormais un certain nombre d’éléments en commun, notamment les roues à écrous noirs apparents ainsi qu’un nouveau berceau avant. Autre effet direct (et inévitable de l’arrivée de la nouvelle venue, la gamme va, progressivement, se réduire dès le début de l’année 78. La version « haut de gamme » SLS étant la première à en faire les frais dès le mois de janvier, suivie par la SL à peine deux mois plus tard. Le millésime 1979 ne comportant plus que la version de base GL, ainsi que son équivalent avec la motorisation Diesel (GLD), le break GL étant maintenant équipé du moteur 1,3 litre de la défunte version SL.

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A partir du début de l’été 79, la gamme 304 est réduite à la seule carrosserie break, dont le logo avec son « matricule » disparaît du capot à l’avant (même si de nouveaux monogrammes sont apposés sur le hayon à l’arrière). S’il profite, sous le capot, d’un nouveau Diesel, « offert » par sa remplaçante, la 305, celui-ci, avec 1 548 cc et 47 chevaux, s’avère, toutefois, à peine plus puissant que l’ancien. Ces ultimes breaks 304 Diesel se reconnaissant au bossage (assez disgracieux) sur le capot. Lorsque le break quitte, à son tour, la scène en mars 1980, la version fourgonnette utilitaire (apparue à l’été 1976 pour prendre la succession de la version similaire de la 204) étant alors la seule survivante de la gamme 304, même si le sursis qui lui sera accordé ne durera que quelques mois à peine, puisqu’elle disparaît à son tour au mois de juillet suivant.

Au total, un peu plus de 1 178 400 exemplaires seront sortis des usines du lion en une décennie de carrière. Ce qui, certes, peut paraître « peu » lorsque l’on compare ce score avec celui d’autres modèles contemporains du constructeur de Sochaux (notamment les 1,6 million d’exemplaires atteints par la 204) mais n’a, toutefois, rien de déshonorant, loin de là.

PEUGEOT 304 - La lionne de l'ombre.

Coincée entre la « petite » 204, qu’elle a finit par remplacer au sein de la gamme Peugeot ainsi que la grande 504 (dont elle reprenait le style de la face avant), elle a pourtant fini par se faire une place et à trouver, sans trop de mal, son public… Un lion qui, bien qu’étant toujours fait preuve d’une grande discrétion, n’en a pas moins eu une grande importance au sein de la meute !

Philippe ROCHE

Photos Wheelsage

En vidéo https://www.youtube.com/watch?v=FYKG9RRx-uA&ab_channel=PetitesObservationsAutomobiles

Une autre lionne https://www.retropassionautomobiles.fr/2024/01/peugeot-505-turbo-injection-les-griffes-du-lion/

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