Peugeot 504 Coupé et Cabriolet – Sur les traces de Nestor Burma
Dévoilées au Salon de Genève, en mars 1969, les versions Coupé et Cabriolet de la Peugeot 504 poursuivent dans la lignée des 404, qui ont inaugurée ces déclinaisons. En effet, la version décapotable de la 403 n’est, tout simplement, qu’une version « décapsulée », à deux portes, de la berline. Même s’il s’agit de la première Peugeot dessinée chez le carrossier italien Pininfarina, avec lequel la marque au lion entamera une longue collaboration. En revanche, lors du lancement de sa remplaçante, la 404, en 1960, la direction de Sochaux décide de jouer la carte de la « rupture ».
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Sans doute consciente que les Coupé et les Cabriolet, même dérivés d’un modèle populaire, ont une image plus prestigieuse qu’un modèle classique, la marque fait alors le choix de leur offrir une identité propre ; elles ont une ligne spécifique ne reprenant aucun panneau de carrosserie de la berline, malgré un châssis et une mécanique identique. Un choix qui va s’avérer gagnant sur le plan de l’image de marque et commercial.
Difficulté du généraliste qui aborde le segment haut-de-gamme
Logiquement, après la commercialisation de la berline 504, vient l’heure d’en donner une succession. Peugeot décide de jouer à nouveau la même carte. Refrain connu : on ne change pas une recette qui marche ! Si, au moment de leur présentation, certains, tant au sein du public que de la presse automobile, considèrent leurs lignes un peu fades, surtout comparées aux Ferrari, dont Pininfarina est le carrossier attitré, ce jugement sera rapidement réévalué. Celles-ci seront, par la suite, unanimement saluées comme une réussite en matière d’élégance et de sobriété. De même pour l’habitacle, pourtant jugé un peu trop austère à ses débuts. Si, comme l’on est en droit d’attendre à l’époque, d’un modèle de ce standing, l’équipement de série est assez riche, en revanche, la peinture métallisée est la seule option disponible au catalogue.
Outre une ligne de carrosserie inédite, il faut bien un équipement cossu pour justifier un tarif nettement plus élevé que celui de la berline : 23 000 F pour le Cabriolet et 24 000 F pour le Coupé, contre 14 800 F pour la berline à injection. Afin de mieux leur permettre de soutenir la comparaison face à ses rivales (le Cabriolet DS, alors en fin de carrière, est vendu 50 % plus cher), à partir de septembre 1970, le moteur voit sa cylindrée passer de 1,8 l à 2 litres avec une puissance accrue, à 104 ch DIN.
Si plupart des voitures de sport, et de grand tourisme, européennes restent encore fidèles à la transmission manuelle. Sur certains marchés d’exportation, la boîte de vitesses automatique commence à avoir plus les faveurs d’une clientèle huppée, plus soucieuse de confort et de facilité de conduite, que de sport et de performance. Celle-ci, fournie ici par la firme ZF, fait alors son apparition au catalogue à la même époque, qui, à partir de l’année-modèle 1973, ne sera toutefois plus disponible sur le Cabriolet, au sein du marché français.
Le tableau de bord reçoit lui aussi de légers changements, avec, notamment, un compte-tours qui prend la place occupée précédemment par la montre, qui se trouve désormais placée au centre derrière le volant. Le compteur de vitesse voit également sa graduation modifiée et passée de 180 à 200 km/h. Comme mentionné plus haut, le succès des 504 « CC » est aussi grandement aidé par le fait qu’elles n’ont aucune vraie rivale française. Le seul autre Coupé de prestige de l’époque, la DS « Le Léman » , carrossée, à l’instar de la version décapotable, par le célèbre carrossier Henri Chapron, ne peut même pas lui être comparé, en tout cas en termes de tarif, étant vendu plus de deux fois plus cher qu’une Coupé 504 ! Chez les autres constructeurs européens, ses concurrents les plus directs sont les versions Coupé de l’Audi 100, la BMW 2002 et l’Alfa Romeo 1750 GT Veloce, qui affichent des prix de vente et des performances assez similaires.
L’arrivée du moteur V6 PRV
Les changements les plus importants des Coupé et Cabriolet 504 interviennent à l’été 1974, avec une nouvelle motorisation, bien plus ambitieuse que le modeste quatre cylindres « maison » emprunté à la berline. Il s’agit du nouveau V6 PRV. Ces trois lettres font référence aux trois constructeurs ayant participé à sa conception : Peugeot, Renault et Volvo. À l’origine, deux moteurs PRV différents devaient toutefois être commercialisés : le lancement du V6, en 1974, devait être suivi, en 1976, de celui d’un V8 de 3,55 litres (les deux mécaniques affichant la même cylindrée unitaire de 444 cc). Le premier choc pétrolier, à l’automne 1973, va toutefois suspendre son développement, avant que la seconde crise pétrolière, six ans plus tard, n’achève de l’enterrer. Seul la version six cylindres se voit alors offrir l’opportunité d’une carrière commerciale.
À l’époque de son lancement, cette nouvelle motorisation ne manqua pas d’être fort décriée par beaucoup d’observateurs de la presse automobile. Son rapport puissance/cylindrée est jugé plutôt décevant. S’il est vrai que, dans sa version originelle, la plupart de ces critiques étaient en grande partie justifiés, il convient toutefois de rappeler que, sur ce plan, les V8 américains, complètement étouffés par les systèmes antipollution, ne fait alors guère mieux !
Compte tenu du contexte économique, il est vrai, en tout cas, que la mise sur le marché d’un moteur de ce genre n’est probablement pas un choix commercial très judicieux. Avec une flambée toujours plus importante du prix du baril de pétrole (multiplié par six en un an et demi, passant ainsi de 2 à 12 dollars), la note à la pompe va devenir de plus en plus douloureuse. Avec une consommation dépassant souvent les 15 l/100 km, le nombre d’amateurs prêts à signer un chèque va s’en retrouve alors fortement réduit.
De plus, le prix des nouveaux Coupé et Cabriolet 504 V6 n’est pas vraiment donné. Avec 41 550 F pour le premier et 40 350 F pour le second, ils sont placés dans la même catégorie que la Datsun 240 Z, la Triumph Stag ou le Coupé Opel Commodore GSE, des rivales sérieuses et au label parfois plus prestigieux. Pour « parachever » cette stratégie commerciale hasardeuse, pour ne pas dire erronée (voire même carrément mauvaise), les versions V6 sont désormais les seules en lice au sein de la gamme « 504 CC », la motorisation quatre cylindres ayant été alors supprimée. On ne s’étonnera, dès lors, pas vraiment de constater que la production des deux portes de la 504 baisse de façon significative. En trois ans, moins de 4500 exemplaires de la version Coupé et moins de 1000 exemplaires à peine sortiront des ateliers de Pininfarina à Turin et des usines Peugeot de Sochaux.
À ce sujet, il faut d’ailleurs dire que, dans le contrat établissant le partenariat pour la production de ces deux modèles, le carrossier italien et le constructeur français ont établi un programme de partage des tâches qui peut paraître quelque peu compliqué : l’usine Peugeot livrant ainsi les plateformes aux ateliers Pininfarina, lesquels, après les avoir habillés de leurs carrosseries, les réexpédient vers leur lieu de production pour recevoir leur moteur et leurs équipements avant d’arriver chez les concessionnaires.
Face à cette chute assez importante des ventes, la marque décide, finalement, au début de l’automne 1977, de réintroduire le moteur quatre cylindres deux litres à injection au sein de la gamme. La « nouvelle génération » des 504 Coupé et Cabriolet à quatre cylindres est proposée au même prix de vente pour les deux carrosseries : 50550 F. Soit près plus de 9000 F de plus que les modèles V6 à leur lancement et même 4000 F de plus que le modèle haut de gamme, la berline 604 en version en version de base, SL, affichée à 46500 F (la version la plus cossue, la Ti, vaut, quant à elle, 52500 F). Le V6 PRV de la 604 a, entretemps, troqué ses carburateurs au profit d’un système d’alimentation à injection. Il présente le double avantage d’offrir un supplément de chevaux tout en diminuant sa consommation. Cette nouvelle configuration se retrouve alors, sous le capot de la 504 à deux portes, qui bénéficie également de sa boîte à cinq vitesses.
Si cela bénéficie au porte-monnaie du conducteur lors du passage à la pompe, revers de la médaille, son prix de vente s’en trouve à nouveau augmenter. Pour faire l’acquisition de la nouvelle 504 Coupé V6, il lui faut désormais signer un chèque de 61500 F, 50 % de plus que le prix du premier Coupé V6. Avec un tel tarif, aussi élitiste que le caractère du modèle, une consommation qui, si elle se révèle plus sobre qu’auparavant, n’affiche pas pour autant la sobriété d’un dromadaire (sans compter que la crise pétrolière continue à faire sentir ses effets. Inutile de dire que les acheteurs ne se bousculent pas chez les concessionnaires pour passer commande. Beaucoup choisiront de se rabattre sur la version à quatre cylindres.
Les changements et progrès techniques ne bénéficient – malheureusement – qu’au Coupé, car le Cabriolet V6 disparaît, au même moment. Même si ce dernier est la moins produite de la famille des « 504 CC », de nombreux amateurs d’exclusivité et de performances regrettent cette suppression, tant la « noblesse » d’une motorisation à 6 cylindres s’accorde bien avec la vocation « élitiste » de la carrosserie Cabriolet. Dans le même temps, beaucoup n’ont pas manqué de souligner et de reprocher à Peugeot que le caractère du V6 PRV, tant en ce qui concerne la sonorité que l’agrément à la conduite, rappelle plus le caractère « rugueux » et « brut de décoffrage » des moteurs américains que le « velouté » des V6 italiens comme celui des Alfa Romeo. En France, la transmission automatique, elle, n’est à présent plus disponible que sur le Coupé 2 litres.
À partir de l’été 1978, pour répondre à la nouvelle législation sur la sécurité, les places arrière sont équipées de ceintures de sécurité. En septembre 1979, la boîte de vitesses à 5 rapports équipe désormais de série l’ensemble des modèles de la gamme des Coupé. Les fins pare-chocs chromés sont remplacés par des modèles épais en résine, qui intègrent les clignotants à l’avant, lors de la présentation des modèles de 1980. Peints de la couleur de la carrosserie avec les teintes métallisées, les nouveaux pare-chocs sont en noir avec les modèles opaques, donnant alors à ces exemplaires un aspect plus « austère », voire « cheap ». La grille de calandre est, elle aussi, sensiblement modifiée avec deux petits joncs chromés.
Est-ce par que la berline 504 arrive alors en fin de carrière ? Présentée en 1968, elle atteint les douze ans d’âge. En tout cas, le sigle « 504 » disparaît alors du capot des Coupé et Cabriolet. Les vitres teintées qui équipent en série le Coupé sont désormais de couleur « bronze ». Quant à la sellerie que l’on retrouve à l’intérieur de l’habitacle, elle est désormais recouverte d’un velours à « petits points », le tableau de bord et la console centrale, de son côté, se voyant agrémenté d’appliques en bois verni. Signe de modernité et que l’on se trouve désormais dans les années 1980. Une montre digitale prend maintenant place sur la console centrale. Elle reste encore, au début de cette décennie, l’apanage d’une certaine élite automobile. Autre signe du caractère « haut de gamme » du modèle, le Coupé se voit équipé en série de superbes jantes Amil à huit branches, conçues pour les célèbres, mais coûteux, Michelin TRX en taille millimétrique.
L’ultime évolution que connaîtra la lignée des 504 à deux portes fera son apparition à l’été 1981, avec le tableau de bord dont les compteurs, auparavant au nombre de trois, passe maintenant à cinq (trois grands cadrans placés au centre derrière le volant et deux autres, de taille plus réduite, sur les côtés). La transmission automatique disparaissant du catalogue à la fin de l’année 82 (fin septembre pour le Cabriolet – en version Export – et fin décembre pour le Coupé). Les Coupé et Cabriolet 504 quittent finalement la scène à la fin du printemps 1983 (les derniers exemplaires quittant l’usine de Sochaux à la fin du mois de mai), après une carrière longue de quinze ans (la berline tirant, elle aussi, sa révérence la même année).
Malgré cette longévité au sein de la gamme Peugeot, la production des 504 « CC » reste, malgré tout, sur le plan commercial, plutôt « confidentielle », avec des productions éloignées des versions à quatre et cinq portes : moins de 26500 pour le Coupé et à peine 8200 pour le Cabriolet.
La 504 Riviera: La Peugeot 504 break de chasse
En parallèle de ces dernières, Pininfarina étudia aussi, au début des années 70, le projet d’un très élégant break de chasse. Baptisé du nom très italien de Riviera. Habillé d’une très élégante teinte bleue, métallisée, d’une sellerie de couleur blanche, chaussée de jantes en alliage dont le dessin semble avoir été inspirée par celle équipant alors l’Aston Martin DBS V8, celui-ci obtient même un très beau succès auprès du public, lors de sa présentation au Salon de Paris en 1971. Le carrossier italien envisage sans doute de convaincre la marque au lion de le produire en petite série. Il et a même fait réaliser la maquette d’un catalogue destiné à assurer la promotion du modèle. Le constructeur ne donnera pas suite à cette proposition pourtant fort séduisante. Sans doute, outre le fait que le break de chasse n’a jamais fait partie de la tradition de la firme sochalienne (Peugeot ne jouant alors pas du tout dans la même cour que Jaguar ou Aston Martin), les coûts de réalisation, répercutés sur le prix de vente, n’auraient sans doute pas permis d’assurer une rentabilité suffisante aux yeux de la direction de Peugeot. En tout état de cause, le Salon de Paris sera la dernière apparition publique de la 504 Riviera, qui disparaîtra dans la nature. On ignore, aujourd’hui encore, ce qu’elle est devenue. Selon des rumeurs, il y en aurait eu, en réalité, deux exemplaires. Si l’un était roulant, l’autre, en revanche, n’aurait simplement été qu’une sorte de maquette grandeur, dépourvue de tout organe mécanique. Des deux exemplaires, lequel a été la voiture exposée au Salon de Paris ?
Mystère ! Toujours d’après la rumeur, ce dernier aurait été détruit par Pininfarina après que Peugeot ait opposé une fin de non-recevoir. Une autre rumeur affirme même qu’un troisième exemplaire aurait été construit, mais sans’indice tangible à ce sujet.
Texte: Juan Moreno
Photos DR
D’autres Peugeot ici : https://www.retropassionautomobiles.fr/2020/03/peugeot-205-gti/