Art : Alain Moitrier, artiste passionné de vitesse
Texte et photos Cyril de Plater
Look à la « Géo Trouve Tout » et au sourire d’Einstein, Alain Moitrier, un artiste passionné par la vitesse, qui sait prendre son temps.
Lors du dernier Rétromobile, il y a de grandes chances que vous y avez croisé un étonnant personnage.
Chaque année, depuis 1975, Alain Moitrier participe en tant qu’exposant au Salon Rétromobile. C’est ainsi que depuis 1977, il créa une douzaine d’affiches prisées par de vrais collecteurs, surtout celle de 2006.
Pour Rétro Passion Automobiles, Alain Moitrier nous ouvre les portes de son atelier. Un petit garage fait de bric et de broc, installé dans le fond d’une cour, d’un pavillon de la région parisienne.
Célébrer la vitesse avec des sculptures de bronze, éviter les galeries d’art parce qu’elles sont trop ostentatoires, préférer Maserati à Ferrari, Spirou à Tintin, Alain Moitrier est un artiste à part. Si il trouve un acquéreur pour une de ses œuvres, ce sera parce que celui-ci aura réussi à la dénicher.
Tous les souvenirs de la vie d’un passionné d’automobile s’entassent ici dans un désordre qui donne à l’endroit une dimension presque religieuse.
C’est à l’étage qu’Alain a installé son « atelier », accessible par une petite échelle.
Le capharnaüm qui règne en haut est encore plus indescriptible mais l’endroit, chaleureux, où l’artiste se sent bien. Sur ce qui reste d’espace libre d’une table, trône sa dernière œuvre en cours : une Porsche 917 arrêtée au stand, une pin-up en train de se désaltérer assise dessus.
« La Porsche 917 m’intéresse beaucoup car elle a des lignes d’une grande pureté. Et dans ma jeunesse, j’ai dessiné beaucoup de pin-up. J’ai donc eu l’idée d’en ajouter une, pour amener de la sensualité à l’œuvre » explique Alain.
Bien décidé à vivre de sa passion, la presse auto qui publie ses dessins. Rapidement, il se fait une réputation et travaille pour des titres français (L’automobiliste, L’Automobile Magazine) mais aussi internationaux (Classic Cars en Grande Bretagne, Car Graphic au Japon).
Au début des années 80, donne une nouvelle dimension à son art et passer à la sculpture. Il réalise une Ferrari 250 GT SWB en glaise et soumet son projet à l’œil expert d’Adrien Maeght. Séduit par la qualité de la réalisation, le collectionneur présente Alain à la célèbre fonderie Susses. Le sculpteur Alain Moitrier était né.
Rapidement, il impose sa patte : imprimer du mouvement, de la vitesse même à des œuvres par définition statiques. Sans l’avoir vraiment voulu, le succès est au rendez-vous. Ses œuvres, des voitures mais aussi des avions et des motos, sont exposées à travers le monde et trouvent leur place chez les plus grands collectionneurs.
Un succès qui l’amène à faire des rencontres inédites. Celle de Lindsay Owen Jones fait partie des souvenirs qu’il aime raconter : « il m’avait commandé une Berlinette Tour de France SWB mais comme c’était un homme très occupé, c’est son chauffeur qui passait voir l’avancement de l’œuvre. Un jour, il m’a dit : « ce serait bien que l’on se rencontre, venez avec votre bronze et je vous paierai ». On est restés à parler bagnoles pendant 1 heure alors que sa secrétaire venait sans cesse nous interrompre : Monsieur, votre hélicoptère vous attend… ».
Pour ce client très particulier, Alain Moitrier avait fait une entorse à un de ses principes : « c’est très rare que j’accepte de travailler sur commande, c’est moi qui choisis, j’aime trop être libre de faire ce que je veux en fonction de mes idées. » Et il faut de la suite dans les idées pour attaquer une œuvre en bronze. « Entre le travail de recherches préalable, les esquisses et la touche finale apportée à l’œuvre, un an et demi peut s’écouler. Alors qu’il reste encore la patine à réaliser, la Porsche 917 à la pin-up a déjà demandé plus de 150 heures de travail » confie-t-il.
Mais Alain ne compte pas ses heures ni même ses œuvres qui s’alignent dans les vitrines de son salon plutôt que d’être mises en vente dans les galeries. Ce grand artiste qui a comme principal défaut la modestie.
Alain Moitrier : derrière le sculpteur le collectionneur
En plus de les dessiner, de les sculpter, Alain a collectionné les voitures. Sa première, un Torpédo Citroën B14G, il l’achète pour ses 18 ans à un ferrailleur avec la ferme intention de la retaper. Puis il l’échange contre une Triumph TR3 et achète une Gordini 1300 pour participer à la Coupe éponyme. En près de 60 ans de carrière, Alain a eu l’occasion de conduire ou de posséder nombre de modèles mythiques, d’une Maserati A6G 1500 1951 à une Austin Healey en passant par l’Alfa Giulietta Sprint Zagato de Rosinski/Consten. Aujourd’hui encore, il en a conservé un certain nombre, sans savoir exactement combien. Il a bien des modèles aussi divers qu’une Hudson de 1955, une Lotus Seven de 1963, une MG M de 1929, un Mercedes Unimog de 1954, une Honda Z de 1970, une Citroën 2CV de 1954, des motos, des scooters et tout un tas de curiosités entreposés dans des hangars, loin de la région parisienne.
Les étapes de la réalisation d’un bronze « à la cire perdue »
- Les esquisses : après une phase de recherches, Alain réalise des esquisses pour déterminer l’angle, les propositions, les éléments de sa sculpture ;
- Le modelage : Alain utilise de la glaise pour modeler son œuvre en 3 dimensions et réaliser tous les essais et les ajustements nécessaires avant d’obtenir un aperçu du rendu final ;
- Le moule en élastomère : une fois la sculpture en cire réalisée, elle est recouverte de silicone élastomère. Matériau qui, en durcissant, va créer un moule, le négatif de l’œuvre ;
- La cire : à partir du moule, une nouvelle sculpture en cire est fabriquée, creuse cette fois. Ce positif servira à positionner, sur l’œuvre, un réseau de baguettes de cire par lesquelles le bronze coulera.
- Le moule en plâtre réfractaire : la cire est ensuite coulée dans du plâtre réfractaire qui va durcir ;
- La cire perdue : le bloc de plâtre est placé dans un four pendant une douzaine de jours de façon à ce que la cire fonde lentement et s’écoule. L’espace vide alors dégagé servira de moule final pour le bronze ;
- La coulée : le bronze est chauffé à plus de 1 000 degrés puis coulé dans le moule en plâtre ;
- Le décochage : une fois le bronze refroidi, le plâtre est cassé au marteau jusqu’à révéler la sculpture ;
- L’ébarbage : à l’aide d’une disqueuse, la pièce est débarrassée de ses baguettes de bronze qui ont permis de faire couler la matière ;
- Le ciselage : cette étape consiste à travailler les détails et corriger les petits défauts.
- Le polissage : c’est la phase de finition de l’œuvre, celle pendant laquelle l’artiste va obtenir la patine qu’il désire.
Texte et photos Cyril de Plater
Plus d’artistes ici : https://www.retropassionautomobiles.fr/2020/05/les-24-heures-artistiques/
ici : https://www.itsmyworld.fr/
L’artiste est à retrouver ici : http://www.alainmoitrier.com/