JAGUAR XK 150 – Superbe « fin de race ».
Comme tous les admirateurs du constructeur britannique ainsi que de la lignée des modèles XK en particulier le savent bien, les débuts de celle-ci remontent à 1948, avec la présentation, au Salon automobile d’Earls Court, à Londres, à l’automne 1948, du roadster XK 120. A l’origine, dans l’esprit de son créateur, William Lyons, le « président-fondateur » de Jaguar (Qui s’appelait auparavant SS, pour Standard Swallow, en référence aux moteurs produits par la firme Standard qui équipait auparavant les premiers modèles de la marque. Un patronyme qui dut toutefois être changé au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, ces deux initiales évoquant trop fortement – en particulier dans les pays ayant subi l’occupation de l’Armée allemande, de mauvais souvenirs).
Ce nouveau roadster n’était pas destiné qu’à être, sur le plan commercial, qu’un modèle « d’appoint », qui n’était destiné qu’à occuper un « marché de niche » et, surtout, à servir d’écrin et donc à promouvoir le premier moteur entièrement conçu par Jaguar et qui allait rapidement devenir l’une des mécaniques de référence de sa catégorie : le célèbre six cylindres en ligne XK, qui sera monté sous le capot de tous les modèles de la firme de Brown’s Lane jusqu’en 1986. Initialement, cette brillante mécanique était avant tout et surtout destinée à motoriser la nouvelle berline de la marque, celle qui deviendra la Mark VII.
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Le développement et la mise au point de celle-ci prenant toutefois plus de temps que prévu, William Lyons décide alors de recourir à un « expédiant » en remodelant la carrosserie de la berline et du cabriolet Mark IV avec une preuve aux lignes redessinées et plus au goût du jour, tout comme la partie arrière. Ainsi modernisée, la « nouvelle » Mark V saura faire patienter la clientèle de la marque en attendant l’achèvement de celle qui doit lui succéder.
Si le nouveau roadster XK 120 est donc, en premier lieu, destiné à promouvoir et à mettre en valeur le nouveau moteur XK et que le fondateur n’en espère guère plus, en terme de chiffres de vente, que ce qu’avait connu le roadster SS 100 avant-guerre, la nouvelle XK 120 va connaître, dès le moment de sa présentation au public, un succès dont l’ampleur va surprendre tout le monde, y compris son créateur lui-même. A tel point que, devant l’affluence des bons de commande qui arrivent à l’usine de Brown’s Lane, celle-ci se voit très vite obligée de chambouler son programme de production afin de satisfaire la demande. Non seulement celle venant d’Angleterre et des autres pays d’Europe mais aussi – et surtout – celle venant d’Amérique. Le pays de l’oncle Sam étant alors le principal marché d’exportation pour un grand nombre de constructeurs européens. Celui-ci est d’ailleurs devenu à ce point vital pour eux qu’un certain nombre de leurs nouveaux modèles seront avant-tout conçus afin de répondre aux goûts et aux exigences de la clientèle américaine.
Il en sera ainsi chez Jaguar de celle qui, à l’automne 1954, prend la succession de la XK 120, la XK 140. Si celle-ci n’est présentée, par son constructeur, que comme une « simple » évolution mesurée de sa devancière, l’évolution en question est flagrante, tant sur le plan technique qu’esthétique. Tout d’abord au niveau du moteur XK, qui passe de 160 à 190 chevaux. En option, le six cylindres peut aussi bénéficier d’une culasse hautes performances, baptisée Culasse C, qui fait grimper celui-ci à 210 chevaux. Côté transmission, en plus de l’antique boîte Moss (le maniement de celle-ci renvoyant toujours aux sportives « pures et dures » produites avant la guerre), l’acheteur peut à présent faire équiper celle-ci d’un overdrive Laycock de Normanville ou même faire installer à la place une boîte automatique Borg Warner.
En ce qui concerne les lignes de la nouvelle venue, si elles restent dans la droite ligne de celles de la XK 120, elles n’en affichent pas moins un certain « embourgeoisement ». Tout d’abord au niveau des pare-chocs, plus épais et désormais équipés d’une paire de butoirs remontant jusqu’au niveau des phares. Si la calandre conserve la même forme et la même taille que celle du modèle qui l’a précédé, elle passe de treize à seulement sept barrettes verticales. Les ailes avant ont également été rehaussés (sans doute afin de conférer à la nouvelle Jaguar une allure plus « statutaire » et imposante, tandis que des feux de plus grande taille font leur apparition aux extrémités des ailes arrière. Tout comme le premier modèle de la lignée, la Jaguar XK 140 est, elle aussi, proposée en coupé, cabriolet et roadster. Malgré un succès commercial qui ne se dément pas pour la lignée des Jaguar XK, la XK 140 ne connaîtra toutefois qu’une carrière fort courte : deux ans et demi à peine, puisqu’elle s’achève en février 1957.
Ce qui y mettra fin, ce n’est toutefois pas une décision prise par William Lyons en raison d’un quelconque facteur commercial ou même financier mais à cause du terrible incendie qui, le 12 février 1957, détruit une grande partie de l’usine de Brown’s Lane. En plus des chaînes d’assemblage, les unités de stockage où étaient gardées les voitures en cours de finition ou en attente d’être livrées aux clients ont également été détruites par les flammes et il ne reste alors plus de celles-ci, une fois l’incendie maîtrisée, que des épaves fumantes. Outre la XK 140, l’autre modèle du catalogue Jaguar qui verra sa carrière détruite dans cet incendie sera la XK-SS, la version de route de la Type D qui s’est brillamment illustrée en compétition. Seuls 16 exemplaires en auront réchappés, ce qui fait évidemment aujourd’hui de ces authentiques XK-SS de véritables collectors, parmi les modèles les plus convoités de tous ceux produits par Jaguar au cours de son histoire. En dépit de ce coup du sort, les ouvriers, fortement aidés et guidés en cela par le charisme et le dynamisme de leur patron, ne tardent pas à retrousser leurs manches et à se remettre au travail pour relever l’usine Jaguar de ses ruines et faire en sorte que la production puisse y reprendre le plus rapidement possible. Les travaux de reconstruction seront d’ailleurs menés de manière si rapide et efficace que les chaînes d’assemblage sont remises en fonction à peine deux semaines plus tard, le 26 février.
William Lyons choisissant alors toutefois d’arrêter définitivement la production de la XK 140 et de concentrer, dans les premières semaines et les premiers mois de la reprise des activités à Brown’s Lane, les efforts et les capacités de production sur la berline Mark VIII ainsi que sur les berlines Mark I 2,4 l et 3,4 litres, dont les ventes sont plus importantes que celles des modèles de sport et donc jugées plus rentables par la direction de la marque. Lorsque ce dramatique incendie ravage l’usine Jaguar, le bureau d’études travaille toutefois déjà activement sur celle qui est destinée à lui succéder. Il ne s’agit, cependant, pas encore ici de la sensationnelle Type E, qui ne sera dévoilée au public que quatre ans plus tard, mais de la nouvelle évolution des modèles de la lignée des Jaguar XK. Cet événement qui secoue la firme à la fin de l’hiver 1957 précipitent simplement son entrée en scène.
Dévoilée à peine trois mois plus tard, la nouvelle XK 150 se situe dans la droite ligne de l’évolution amorcée par sa devancière. Cette évolution en question allant dans la voie d’un « embourgeoisement » toujours plus prononcé. Là encore, les causes et l’origine de cette évolution sont à chercher de l’autre côté de l’Atlantique, la riche clientèle des grandes métropoles et des stations balnéaires des côtes est et ouest des Etats-Unis imposant presque sa loi et ses goûts aux constructeurs de voitures de prestige européens lorsque ceux-ci doivent concevoir leurs nouveaux modèles. Une évolution et un embourgeoisement sans doute encore plus marqués sur la nouvelle Jaguar XK que sur celle qui l’a procédé et qui saute immédiatement aux yeux lorsque l’on observe les lignes de la voiture, surtout vue de profil.
Si, vue de face, la XK 150 apparaît identique, ou presque, à la XK 140, sur les flancs, en revanche, les lignes s’avère plus « massives », ceux-ci abandonnant en effet le décrochage de la ligne de caisse au niveau de la portière ainsi que les ailes avant et arrière en forme de « vagues » héritées de la XK 120 et qui avaient été conservées sur la XK 140. Hérité des sportives anglaises d’avant-guerre et des premières années d’après-guerre, ce trait de style est abandonné au profit d’une ligne de caisse presque horizontale (manifestement inspiré par le style dit « ponton intégral » en vigueur sur les modèles de la production américaine depuis la fin des années 1940), où les lignes se retrouvent entièrement intégrées au reste de la carrosserie. L’inspiration des lignes de la nouvelle XK 150 n’est toutefois pas à chercher uniquement outre-Atlantique mais aussi au sein des autres modèles de la marque. Notamment auprès de la berline 3,4 litres (ce qui se remarque d’ailleurs assez nettement dans le dessin de la poupe. Une évolution stylistique qui trouve donc aussi son origine dans la volonté de Lyons que les modèles du catalogue Jaguar partagent tous un « air de famille » en commun, une identité en matière de style qui les rendent aisément et même immédiatement reconnaissable, tant pour la clientèle aisée à laquelle elles sont destinées que pour le profane.
Autre évolution esthétique majeure, le pare-brise en deux parties des précédentes XK 120 et XK 140, qui était lui aussi une réminiscence des sportives anglaises d’avant-guerre, sans-doute parce qu’il est considéré comme étant, à présent, lui aussi, passé de mode cède ici sa place à un nouveau pare-brise incurvé d’une seule pièce. L’habitacle bénéficie, de son côté, d’une finition et d’une présentation encore plus complet et luxueuse que sur ses devancières, tout à fait conforme à l’image de ce que les Américains des classes les plus élevées se font d’une voiture anglaise de prestige, vendue deux à trois fois plus chère qu’une Cadillac. Si le dessin du tableau de bord n’évolue guère en comparaison avec celui de la XK 140 (à l’exception de la partie centrale de la planche de bord, qui abandonne à présent sa forme proéminente et incurvée dans sa partie basse, laquelle présente maintenant une ligne horizontale courant sur toute sa longueur). Si l’agencement des différentes manettes de commande se trouve quelque peu modifié, les cadrans (toutefois réduit au nombre de quatre, au lieu de cinq auparavant) sont toujours placés au centre de la planche de bord. Un autre héritage des sports-cars des années 30 et 40 que le bureau d’études et la direction de Jaguar ont toutefois choisis de conserver sur la XK 150. Si elle n’apparaît guère pratique aux yeux du conducteur d’aujourd’hui, ceux de l’époque devaient sans doute considérer que, surtout lorsque l’on roulait à plus de 150 km/h sur les nationales de l’époque, il était plus important de surveiller ce qu’il y avait de l’autre côté du pare-brise que l’état de santé de la mécanique. Une évolution assez significative est toutefois que les appliques en bois verni qui, sur les modèles précédents, recouvraient entièrement le tableau de bord se trouve ici remplacé par un habillage entièrement tendu de cuir. Un signe de plus que les Jaguar XK ont bel et bien tourné la page de l’ère des sportscars pures et dures pour se métamorphoser en authentique Grand Tourisme.
Si sa conduite reste, néanmoins, plus « virile » et réclame plus d’énergie et de concentration qu’une Ford Thunderbird, il n’est toutefois plus nécessaire d’avoir des biceps ou des bras de camionneur pour manier le volant ou le levier de vitesses. Le fait que le luxe et le confort sont clairement pris le pas sur le sport et la performance se reflète aussi dans le choix des carrosseries proposées au catalogue. Lorsque la XK 150 est dévoile au public, au printemps 1957, elle n’est, en effet, proposée qu’en coupé et en cabriolet, le roadster, ainsi que ses vitres latérales coulissantes. Un équipement de confort auquel n’ont jamais eu droit les roadsters XK 120 et XK 140, lesquels devaient se contenter de vitres en mica intégrées à la capote. Sur le plan technique, outre les changements et les spécifications détaillées précédemment, plus que la motorisation elle-même, l’un des évolutions les plus notables par rapport à la Jaguar XK 140 est son système de freinage, qui bénéficie désormais de freins à disques sur les quatre roues, développés en collaboration avec les ingénieurs de la firme Dunlop et qui a d’ailleurs déjà largement fait ses preuves sur la piste, puisqu’il a en effet équipées les Jaguar Type D plusieurs fois victorieuses aux 24 Heures du Mans. Si la Jaguar XK 150 n’est toutefois par la première voiture européenne à être équipée de freins à disques, puisque ce titre revient à la Citroën DS 19 en 1955, cette dernière n’en était toutefois équipée que sur les roues avant. Même dans la catégorie des voitures de sport et de prestige, les autres modèles à en être dotés se comptent alors quasiment sur les doigts d’une main. Au sein de la production automobile britannique, on peut ainsi citer l’Austin-Healey 100S ou la Jensen 541R. Étrangement, alors que toutes les XK 150 recevront les freins à disques en série, ceux-ci seront pourtant mentionnés comme une option dans les premiers catalogues édités par la marque.
Un autre équipement qui, à l’origine, n’était qu’une option sur les précédentes Jaguar XK mais qui va, à présent, être monté en série sur la XK 150 sont les roues fil. Afin de mieux pouvoir supporter le poids du nouveau félin sorti des usines de Browns Lane, celles-ci sont toutefois renforcées avec l’ajout de nouveaux rayons. Ceci afin d’éviter la perte d’une roue ou tout autre risque d’accident grave en roulant à haute vitesse. Si quelque exemplaires de présérie recevront des jantes tôlées ainsi que des spats sur les roues arrière, deux équipements qui allaient toujours de pair, ils disparaîtront du catalogue peu de temps après le lancement de la XK 150.
C’est sans doute aussi, en partie, à cause de cette surcharge pondérale comme pour répondre à la nouvelle vocation de la voiture que Harry Westlake, l’ingénieur en chef de Jaguar, a pourvu le moteur XK de nouveaux conduits d’admission retravaillés ainsi que de soupapes de plus grande taille qui présentent l’avantage d’offrir un couple plus important à bas régime. Afin d’optimiser encore davantage les performances du six cylindres ainsi que de répondre à la demande des clients les plus exigeants qui souhaitent pouvoir obtenir une monture encore plus rapide, Westlake va également conçevoir une nouvelle culasse straigh port, laquelle, couplée à une alimentation composée d’une impressionnante batterie de trois carburateurs SU HD8, porte la puissance du moteur XK, dans cette nouvelle version baptisée « VS », à 250 chevaux.
Un surcroît de puissance qui n’est d’ailleurs pas superflu et même fort bienvenue pour permettre à la Jaguar XK 150 de soutenir la comparaison face à une concurrence toujours plus nombreuse et de plus en plus féroce. Aussi bien avec des rivales nationales comme la toute nouvelle Aston Martin DB4 ou, du côté des constructeurs italiens, la Ferrari 250 GTE ou la Maserati 3500 GT. Sur le marché américain, même certains des modèles produits par les constructeurs de Detroit sont désormais capables de lui tenir la dragée haute. A l’exemple de la « roturière » Chevrolet Corvette, laquelle, lorsqu’elle est équipée de l’injection, revendique pas moins de 290 chevaux. Si elle peut toujours se targuer de très bons chiffres de vente outre-Atlantique (notamment grâce à cette nouvelle variante hautes performances), celle qui représente la dernière évolution des Jaguar XK est clairement arrivée en bout de développement. Cela, William Lyons, tout comme les hommes du bureau d’études de Jaguar, en ont bien conscience.
C’est pourquoi, en cette fin des années cinquante, alors que la XK 150 S vient d’être dévoile au Salon automobile de New York, en mars 1958, (montrant ainsi bien, une fois de plus, que les Etats-Unis représentent le premier marché du constructeur britannique, celle qui peut alors revendiquer d’être la plus puissante des Jaguar de tourisme n’étant vendue sur le marché européen qu’à partir de la fin de l’été. Elle n’est d’ailleurs proposée, durant les premiers mois de sa carrière, qu’en roadster, confirmant par là même sa vocation et son caractère sportif. Sous le capot, les voitures équipées de la version VS du moteur XK se reconnaissent à leur culasse peinte en bronze (verte pour celles équipées de la culasse « b » avec le six cylindres de 210 chevaux). Extérieurement, en revanche, rien ne les distingue véritablement d’une XK 150 « standard », à l’exception d’un sigle « S » traversé d’une barre longitudinale placé sur le haut des portières, devant les rétroviseurs.
La « course à la puissance » ne s’arrête toutefois pas là pour la Jaguar XK 150, la pression, de plus en plus grande, exercée par la concurrence obligeant constamment la firme de Brown’s Lane et ses ingénieurs a tirer toujours plus de chevaux du six cylindres XK. A l’automne 1959, la version « standard » voit ainsi sa cylindrée portée à 3 871 cc (par l’augmentation de l’alésage). Désignée en interne sous la dénomination « VA », cette nouvelle mouture bénéficie elle aussi de la culasse « B » qui revendique à présent une puissance de 220 chevaux. Aboutissement ultime de cette course à la puissance sur la XK 150 et ultime évolution de la lignée des Jaguar XK, la version connue sous la dénomination « VAS », grâce à la combinaison du montage, sur le haut-moteur, de la culasse straigh port ainsi que d’une alimentation assurée par trois carburateurs SU HD8, la puissance du six cylindres XK culmine désormais à 265 chevaux, soit une augmentation de plus de 60 % par rapport au six cylindres des premières XK 120 dévoilées onze ans plus tôt ! Preuve incontestable autant du talent des ingénieurs de la firme de Brown’s Lane pour tirer le meilleur parti de cette motorisation que de l’excellence et de la réussite du travail mené par Harry Westlake et Walter Hassan, les concepteurs originels du moteur XK. Comme l’histoire automobile l’a souvent démontré, pour de nombreuses mécaniques, lorsque la base est déjà bonne au départ et qu’elle recèle un bon potentiel, elle permet une multitude de développements et donner naissance à des versions capables de très hautes performances. Avec ses versions VS et VAS, la XK 150, tout comme ses devancières, contribuera elle aussi, à la légende du moteur XK.
L’arrivée sur le marché de la version 3,8 litres ne signifiera pas pour autant la disparition du six cylindres de 3,4 litres qui reste donc en production, même si celle-ci, pour cette dernière, les ventes deviennent assez anecdotiques. La XK 150 étant alors arrivée, assez clairement, en fin de carrière et sa remplaçante, celle qui deviendra la mythique Type E, n’étant évidemment pas encore commercialisée, le modèle qui a alors le vent en poupe au sein de la gamme Jaguar est la berline « compacte » Mark II, qui, outre le fait d’être un modèle encore entièrement nouveau bénéficie également, en comparaison, avec la XK 150 à moteur 3,4 litres, d’un meilleur rapport poids/puissance.
Comme il arrive souvent avec les modèles en fin de carrière, la « vénérable » XK 150 commence à être, au fil du temps, de plus en plus délaissée par la clientèle . Celle-ci attendant, avec de plus en plus d’impatience, le lancement de celle qui doit venir prendre sa succession. Les amateurs de compétition ont d’ailleurs pu en avoir un aperçu avec le prototype baptisé du nom de code « E2A » qui effectuera une apparition assez remarquée aux 24 Heures du Mans, où elle courra sous les couleurs de l’écurie de l’Américain Briggs Cunningham. La Jaguar XK 150 n’attendra d’ailleurs pas la présentation officielle de sa remplaçante, qui sera dévoilée en avant-première au Salon de Genève en mars 1961 pour amorcer son retrait. Le roadster sera ainsi le premier à quitter la scène en décembre 1960, suivi du cabriolet deux mois plus tard. Au moment où la XK 150 passe finalement la main à la nouvelle Type E, le coupé reste donc seul en lice. Ce sera donc sous cette forme que la dernière représentante de la lignée des Jaguar XK prendra sa retraite au mois de juillet 1961. Une retraite avec tous les honneurs car, sur le plan commercial, la Jaguar XK 150 n’aura pas démérité, puisque ses chiffres s’établissent à un peu plus de 9 400 exemplaires, toutes carrosseries et toutes motorisations confondues 2 265 roadsters, 2 572 cabriolets et 4 385 coupés, les chiffres variant sensiblement selon les sources). Même s’il reste inférieur à celui du modèle originel de la lignée, la XK 120, avec plus de 12 000 exemplaires produits entre 1948 et 1954, il dépasse cependant celui de la XK 140.
Preuve que même si, aux yeux de William Lyons, elle n’était destinée qu’à être un modèle « d’attente » et « provisoire », devant, à la fois, fidéliser et faire patienter la clientèle en attendant l’achèvement de la mise au point de la Type E, qui inaugure une nouvelle lignée de voitures sportives dans l’histoire de Browns Lane, elle n’aura pas du tout démérité. Et non pas seulement en terme de chiffres de production mais aussi sur le plan des performances ainsi que de l’agrément de conduite et du confort. Si beaucoup d’admirateurs de la XK 120 originelle ainsi que de nostalgiques des roadsters SS d’avant-guerre n’ont pas manqué de froncer les sourcils et de grincer des dents lorsque la XK 150 fut dévoilée au public, celle-ci correspondait simplement aux attentes et aux exigences nouvelles de la grande majorité de la clientèle, pour laquelle « sport » devait désormais obligatoirement rimer avec « confort ». Loin de s’être « abâtardie » ou d’avoir « perdu son âme », cette ultime évolution des Jaguar XK est, plus simplement, le reflet des goûts de la clientèle de l’époque, ainsi que de l’évolution qu’ont dû prendre la plupart des constructeurs de voitures de sport et de prestige dans le courant des années cinquante afin de conserver leur place au sein d’un marché où la concurrence était féroce et où les Américains dictaient quasiment leur loi.
Texte Juan Moreno
Photos DR
D’autres jaguar https://www.retropassionautomobiles.fr/2020/08/jaguar/
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