JIDE –L’artisanat français en compétition
Lorsqu’en 1969, Jacques Durand fonde, à Châtillon-sur-Thouet, près de Parthenay, dans les Deux-Sèvres, la marque Jidé, il a déjà une idée très claire de la vocation à laquelle il destine ses voitures : celle de la compétition, sur circuit et sur route.
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Né à Paris en 1920, ce dernier, une fois son CAP de mécanique de précision, ne mettra pas longtemps à se lancer, dans l’aventure automobile. Au moment de la création de la marque Jidé, à la fin des années soixante, il n’est d’ailleurs pas un novice en tant que constructeur automobile ni dans le domaine des voitures de sport, puisqu’il aura participé à la naissance et au développement de plusieurs constructeurs français spécialisés dans les petites sportives artisanales : Alta, Arista, Sera et Sovam.
Malheureusement pour Jacques Durand, comme pour les autres protagonistes impliqués dans ces différents aventures automobiles, aucun des modèles créés par ces différents constructeurs ne parviendra jamais vraiment à trouver son public et la plupart d’entre eux disparaîtront au bout de deux ou trois ans à peine, aussi rapidement du marché automobile qu’ils y sont apparus. Ces disparations souvent aussi discrètes que subites de ces artisans-constructeurs ayant parfois des causes diverses et variées ou que les modèles présentés par ces nouveaux constructeurs n’étaient pas commercialement ou techniquement, viables. L’autre cause principale de ces disparitions était souvent que les marques en question n’avaient, tout simplement, pas les moyens de leurs ambitions.
Ces différents échecs et autres mésaventures successives n’ont pourtant pas découragé Jacques Durand de persévérer dans l’aventure automobile et ont probablement même contribué à le convaincre finalement que pour réussir dans ce domaine, la solution la plus simple et aussi la meilleure était de se mettre à son compte et de créer sa propre marque. Lorsque les visiteurs ainsi que les journalistes de la presse automobile découvrant la Jidé au Salon de 1969, beaucoup d’entre-eux ne peuvent évidemment s’empêcher de la comparer à celle qui est devenue, à bien des égards, la référence dans le domaine du sport automobile français depuis le début des années 60 et la voiture à battre dans la plupart des rallyes : l’Alpine A110.
Le cahier des charges établies par Jacques Durand lors de la conception de la Jidé est d’ailleurs fort similaire à celle de la berlinette conçue par Jean Rédélé. A savoir, utiliser le plus grand nombre possible de composants mécaniques et aussi de pièces d’accastillage issues de modèles français de grande série afin de réduire les coûts de conception et de production ainsi que le prix de vente de la voiture et également les coûts d’exploitation en compétition. Dès les débuts de l’émergence de ces petits constructeurs à la fin des années 40 et au début des années 50, ces derniers se sont donc, tout naturellement, tournés vers les grands constructeurs, non seulement, pour la fourniture de moteurs, mais aussi de trains roulants, de la transmission, des freins et de tout le reste des organes mécaniques.
Si la plupart d’entre-eux choisissent de se fournir chez Renault, d’autres, en revanche, optent pour les moteurs bicylindres refroidis par air de la marque Panhard, comme Alta, Arista ou Sera. En ce qui concerne les motorisations qui sont proposée sur la Jidé, cela va, pour la version de base, du quatre cylindres 1100 cc de la R8 jusqu’aux blocs 1600 cc empruntés à la R16, en passant par le 1,2 l de la R8 Gordini ou encore le 1 289 cc de la Renault 12. Quant au reste des organes mécaniques, le train avant ainsi que la direction à crémaillère proviennent, eux aussi, de la R8 Gordini, le radiateur d’eau et le ventilateur débrayable sont empruntés à la Renault 16 TS, les freins à disques étant, de leur côté, issus de la R16 TS, les freins à disques étant, de leur côté, issus de la R16 TS et ceux montés à l’arrière de la Renault 8 Gordini. Les tarifs pouvant toutefois varier grandement suivant la motorisation choisie par le client. Si, parmi les différentes versions de la Jidé proposées en 1970, la version de base à moteur 1100 se laissait ainsi emportée pour un peu plus de 20 000 F, la version 1600 / 807 G, spécifiquement conçue pour la compétition, équipée d’une injection Lucas et développant jusqu’à 158 chevaux, valait, quant à elle, pas moins de 51 000 F.
Si le système de freinage conserve le dispositif à double circuit, il doit, en revanche, abandonner le système d’assistance afin d’optimiser le poids de la voiture et de la rendre la plus légère possible. Contrairement à certaines de ses concurrentes (comme l’Alpine A110 et la CG 1200 S), qui, elles, à l’exemple des Renault 8 et des Simca 1000 dont elles reprennent les mécaniques, conservent un moteur placé en porte-à-faux à l’arrière, la Jidé, de son côté, si elle est, elle aussi, équipée d’un moteur arrière, voit toutefois celui-ci implanté en avant de l’essieu arrière, juste derrière les sièges du conducteur et du passager. Une architecture dite du moteur central s’avérant plus moderne et efficiente et présentant l’avantage non négligeable d’offrir un meilleur équilibre des masses, surtout à vitesse élevée et dans les virages serrés.
Parmi les éléments cosmétiques de la Jidé, en notera aussi le pare-brise provenant de la Renault Floride. Un choix qui, comme mentionné plus haut s’explique par le choix d’utiliser également pour la carrosserie des éléments issus des modèles de la gamme Renault, celui d’utiliser le pare-brise du cabriolet Floride (dont la production venait d’être arrêtée en 1968) n’était peut-être pas le plus judicieux, celui-ci s’avérant un peu trop vertical, ce qui, vu sous certains angles, a pour effet de « casser » quelque peu la ligne de la voiture. Si elles ne sont pas sans rappeler celles d’autres voitures de sport à la création desquelles a participé Jacques Durand, notamment le coupé SOVAM, elles évoquent ainsi notamment par sa face avant, avec son capot, plongeant et ses phares rectangulaires, d’autres sportives emblématiques de la même époque comme la Ford GT40.
Cette habitude qu’ont acquis de nombreux artisans-constructeurs de s’inspirer des sportives parmi les plus célèbres n’est alors pas vraiment nouvelle et va même assez largement au cours des décennies.
Ce qui différencie aussi la Jidé de la plupart de ses rivales, c’est qu’elle est vendue soit entièrement assemblée ou alors en kit à assembler soi-même par le client. Dans ce dernier, il faut toutefois que l’acheteur soit un bricoleur à la fois patient et chevronné, car il faut compter pas moins d’une cinquantaine d’heures de travail pour assembler entièrement la voiture (dont une vingtaine d’heures rien que pour le moteur et la boîte de vitesses). Tout comme les moteurs, la transmission est, elle aussi, d’origine Renault, une boîte type 365 qui a l’avantage de disposer cinq rapports, ce qui permet ainsi, quelle que soit la puissance de la mécanique qui l’équipe, d’optimiser au mieux les performances de la voiture.
Si la Jidé 1600 TS participe, moins d’un mois avant sa présentation officielle au Salon de l’auto, à sa première compétition, le Tour de France automobile, fin septembre 1969, la première voiture de la lignée conçue par Jacques Durand ne s’y fera toutefois guère remarquée et ce n’est qu’au cours des années suivantes que la Jidé commencera à récolter ses lauriers dans les différentes compétitions auxquelles elle participera. Plusieurs grands noms du monde des rallyes de l’époque, comme Jean Ragnotti, Yannick Auxemery, Henri Rimaudière, Pierre Pagani, ou Georges Queyron s’illustreront d’ailleurs à son volant.
La Jidé destinée exclusivement à la compétition se différencie de la version « civile » par son imposant spoiler descendant presque au ras de l’asphalte et englobant tout le bas de la face avant jusqu’en haut des passages de roues. Autres différences importantes : des ailes arrière plus larges et profilées ainsi qu’un imposant aileron placé à l’arrière afin, tout comme le spoiler, de parfaire au mieux l’aérodynamique de la voiture et de lui conférer un bon appui à haute vitesse.
Malgré une assez belle panoplie de lauriers récoltés dans les différentes courses nationales et régionales disputées aux quatre coins de la France, comme beaucoup d’autres constructeurs artisanaux, va rapidement connaître d’importantes difficultés financières, qui vont l’obliger, en mars 1974, à vendre l’ensemble des actifs de la marque Jidé.
En dépit de ce nouveau revers, Jacques Durand n’est pas encore résigner à déposer les armes et, se retroussant à nouveau les manches, se lance, peu de temps après, dans une nouvelle entreprise. Si la Corrèze ne peut se prévaloir d’aucun passé automobile, c’est pourtant dans cette région un peu reculée du centre de la France que Jacques Durand décide alors de s’installer et fonde la marque Scora (pour Société Corrézienne Automobile). Ces nouvelles voitures s’avérant d’ailleurs très proches des Jidé, tant par leurs lignes que par leur architecture comme par le fait qu’elles sont avant tout destinées à la compétition. La principale différence se situant au niveau du système d’éclairage, les Scora étant, en effet, toutes équipées de phares escamotables. Après avoir déjà, auparavant, piloté à plusieurs reprises les Jidé, Jean Ragnotti se glissera également au volant de la Scora, avec laquelle il disputera notamment le Critérium des Cévennes en 1974.
Le constructeur Jidé, de son côté, déménage, elle aussi, ses ateliers à Saintes. Celle-ci est désormais proposée avec deux motorisations, toutes deux d’origine Renault : soit avec le moteur 1,6 l emprunté à la R18 GTS ou avec le 2 litres provenant de la R20 TS. La transmission étant, sur l’une comme sur l’autre, équipée d’une boîte à cinq vitesses. Malheureusement pour le repreneur de la marque Jidé, depuis l’éclatement de la première crise pétrolière, en 1973, et les conséquences que celle-ci a engendrée, le contexte économique et industriel n’est plus guère favorable en France pour permettre à tous les petits constructeurs artisanaux de s’épanouir ou même, tout simplement de survivre. C’est ainsi que la marque Jidé devra finalement mettre la clef sous la porte en 1982, comme beaucoup d’autres du même genre qui l’ont précédé avant elle.
Le Club Jidé France, créé en 1979 et basé à Bergerac, lui, existe toujours aujourd’hui et s’occupe de recenser toutes les Jidé encore existantes et leurs propriétaires afin d’aider ces derniers dans la maintenance et la restauration de leurs voitures. Leur créateur, Jacques Durand, est, lui, décédé à Mougins en août 2009 à l’âge de 89 ans.
Texte Maxime Dubreuil
Photos Thierry Lesparre et Bruno Petit Photographie
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