LINCOLN COSMOPOLITAN – DWIGHT EISENHOWER.
Les raisons exactes du choix de Franklin Roosevelt comme de son successeur, Harry Truman, de privilégier Lincoln au détriment d’autres constructeurs, notamment Cadillac, qui était pourtant alors l’une des principales marques de voitures de prestige sur le marché américain sont, aujourd’hui encore, inconnues, mais il semble que Truman ait gardé une certaine rancune envers General Motors parce que les dirigeants du groupe n’avait pas accepté de prêter ses voitures pour l’usage et les déplacements de Truman et de l’équipe présidentielle lors de la campagne pour l’élection de 1948.
Remplaçant la Continental, la Cosmopolitan inaugure au sein de la marque Lincoln le nouveau courant esthétique alors en vigueur chez la grande majorité des constructeurs américains, la ligne « ponton ». Si ce courant esthétique avait déjà été amorcée lors de la présentation des Continental de l’année-modèle 1942, celui-ci va prendre un tournant encore plus radical avec la nouvelle Cosmopolitan. Les ailes, à l’avant comme à l’arrière, étant désormais entièrement intégrées dans la carrosserie. Avec une proue et une poupe qui, bien que présentant des angles fort adoucis, descendent en pente abrupte jusqu’aux pare-chocs et des roues arrière carénées, ceci explique que les lignes la voiture évoquent assez fortement une baignoire renversée. C’est d’ailleurs ainsi que les nouvelles Lincoln sont surnommés par la presse et par le public. Un style alors fort à la mode mais qui se démodera cependant très vite. Ce qui n’empêchera pourtant pas la Lincoln Cosmopolitan « Special » de Truman de rester au service des présidents qui se succéderont à la tête des Etats-Unis durant une quinzaine d’années.
En 1950, la Maison Blanche loua aussi à Ford une flotte de dix Lincoln Cosmopolitan, toutes peintes en noires. Les voitures furent modifiées, avec une garde au toit rehaussée afin de permettre au président et aux autres occupants de pouvoir voyager à l’intérieur tout en gardant sur eux leurs grands chapeaux de soie. Neuf de ces voitures étaient des limousines classiques, entièrement fermées, alors que la dernière était une décapotable blindée unique, exécutée spécialement pour le président Truman. Cette dernière avait été construite sur un châssis rallongé, ce qui portait ses dimensions à plus de six mètres (6,1 m) et son poids à près de trois tonnes (2 900 kg, soit 770 kg de plus qu’une Cosmopolitan de série). Comme les autres Lincoln commandées par le président Truman, elle était équipée d’un V8 de 152 chevaux, accouplé à une transmission Hydra-Matic. En 1954, le nouveau président, Dwight Eisenhower fit équiper la voiture d’un imposant toit en plexiglas, ce qui lui vaudra son surnom de « Bubble-top ». Même si elle ne fut plus utilisée, par la suite, qu’occasionnellement par le successeur d’Eisenhower, la voiture demeura néanmoins au sein du parc automobile de la Maison Blanche jusqu’en 1965. On peut, aujourd’hui, également l’admirer au Musée Henry Ford.
Durant les huit ans qu’a durée la présidence de Dwight Eisenhower (président de 1953 à 1961), il est aussi arrivé, à plusieurs reprises, que lui et son vice-président Richard Nixon, lors d’occasions particulières, d’autres véhicules que les voitures officielles des garages de la Maison-Blanche. En dehors des véhicules officiels, celle qui est le plus restée dans les mémoires est sans doute le cabriolet Eldorado qui fut prêtée par la marque aux services de la présidence à l’occasion de la cérémonie d’investiture d’Eisenhower en janvier 1953. L’exemplaire utilisé par le nouveau président était d’ailleurs le deuxième exemplaire du nouveau cabriolet haut de gamme de Cadillac et la division haut de gamme de la G.M. réalisa grâce à cela une très belle opération marketing.
L’une des plus réussies de ces autres voitures utilisées, de manière occasionnelle, par l’équipe présidentielle est sans doute une Imperial Phaeton de 1952. Réalisée à trois exemplaires sur des châssis d’un modèle inédit, spécifiquement conçu pour elles, avec des carrosseries construites sur mesure. Leur style avait manifestement été inspiré par celui des Phaeton d’avant-guerre, notamment le double avant qui séparait de façon très nette les compartiments avant et arrière, disposant chacun de son propre pare-brise. Comme les torpédos des années 20 et 30, elles étaient dépourvues de vitres latérales. Comme certains d’entre eux, les portières étaient dépourvues de poignées extérieures et celle à l’arrière étaient à ouverture de type « suicide ». A la différence de ces derniers, la légère capote dont elles étaient équipées, qui était plus faite pour protéger les occupants du soleil que de la pluie, ne couvrait que le compartiment arrière. Devenue passée de mode, ces Chrysler Imperial furent parmi les dernières berlines décapotables dans lesquelles voyagèrent les présidents américains. Les dirigeants de la Chrysler Corporation voulaient offrir l’une d’elles à la Maison Blanche, sans doute dans l’idée de pouvoir ainsi, sur le marché, hautement convoité des voitures présidentielles, avoir eu aussi leur part du gâteau. Une tentative qui, malheureusement pour eux, échoua car le don fut refusé, car les règles en vigueur interdisaient aux responsables des Services Secrets d’accepter ce type de cadeaux. Ce qui n’empêcha toutefois pas le vice-président Nixon de rouler à au moins une reprise à son bord. Elle fait aujourd’hui partie de la collection du musée Petersen de Los Angeles. Fin 1955, elles seront, toutes trois, modifiées au siège de Chrysler à Detroit, pour recevoir les parties avant et arrière des modèles Chrysler et Imperial du millésime 1956, qui inauguraient le style « Forward Look », initié par le nouveau designer en chef de Chrysler, Virgil Exner. Initialement de couleur vert métallique et un intérieur en cuir naturel, la Chrysler Imperial « présidentielle » recevra, à l’occasion de son lifting en 1955, une nouvelle teinte de carrosserie blanc « sable » et une sellerie en cuir rouge. Les deux autres voitures, elles, reçurent, l’une, une carrosserie noire avec un intérieur gris, avant de recevoir, en 1955, un traitement similaire à celle de la première Imperial. Offerte à la ville de New York, elle fut, par la suite, repeinte en noir et participa à plusieurs des grandes cérémonies de la ville. Ce fut, notamment, à son bord que défilèrent, en 1969, les astronautes d’Apollo XI à leur retour de mission. La troisième Imperial, quant à elle, d’abord peinte de couleur crème avec un intérieur rose, elle reçue, lors de son relooking, une teinte bleu argentée et une sellerie en cuir de couleur blanc cassé. Offerte à la municipalité de Los Angeles, elle est toujours utilisée aujourd’hui à l’occasion lors de grands événements.
Si Eisenhower décida de conserver la Lincoln commandé par son prédécesseur comme voiture pour son usage personnel, et si le constructeur conserva ainsi la prééminence qu’elle avait acquise au sein des garages présidentiels sous la présidence de Franklin Roosevelt, la marque Cadillac y conservait toutefois sa place. Ainsi, en 1955 et en 1956, le président commanda à la division d’élite du groupe G.M. Trois nouvelles voitures pour venir compléter le parc de la Maison Blanche. La première fut une limousine réalisée par Hess & Eisenhardt et basée sur le châssis de la Série Seventy-Five, le modèle haut de gamme du catalogue Cadillac. Bien que destinée, à l’origine, en priorité à l’usage de la first lady, il arrivait aussi qu’elle soit utilisée par le président Eisenhower, principalement lors de déplacements privés. Si cette dernière, extérieurement, ne se différenciait guère des limousines proposées au catalogue Cadillac, les deux autres voitures qui fut livrée à la Maison-Blanche, l’année suivante, elle, en revanche, se différenciait assez fortement des modèles de série. Exécutées elles aussi par Hess & Eisenhardt, ses deux limousines décapotables étaient principalement destinées à l’usage de l’épouse du président ainsi que du vice-président ainsi que de l’entourage d’Eisenhower. Elles demeurèrent en service après l’accession de Kennedy à la présidence et figurèrent souvent dans la plupart des cortèges lors des visites officielles du président à travers les Etats-Unis. C’est d’ailleurs l’une d’entre-elles qui se trouvaient en seconde place juste derrière la Lincoln Continental dans laquelle se trouvait le président Kennedy lors de l’attentat de Dallas. Continuant à assurer leur service sous Lyndon Johnson, elles ne prirent finalement leur retraite qu’en 1968.
Philippe Roche
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