LANCIA DELTA INTEGRALE – graine de championne

Genèse d’une future championne

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Lorsque l’on évoque aujourd’hui le nom de la Lancia Delta, immanquablement et immédiatement, arrivent en tête le souvenir de la version Integrale qui, à la fin des années 80, était devenue LA bête de course qui a trusté les podiums dans les plus grandes épreuves des rallyes. Une véritable « machine à trophées » devenue imbattable ou presque durant de nombreuses années et qui a porté la marque italienne à son zénith en compétition. A tel point que dans l’esprit du grand public comme des amateurs de la marque, la Delta se résume uniquement à ses versions sportives à quatre roues motrices et que d’aucuns en ont oublié aujourd’hui que celles-ci ont été les seules produites !

C’est pourtant méconnaître l’histoire du modèle et omettre que lorsqu’elle est dévoilée au public, en 1979, lors du Salon de Francfort, elle n’a rien d’une sportive, tant par ses lignes que par ses performances. Bien que très modernes, celles-ci sont à l’image de celles de la grande majorité des voitures populaires et familiales lancées à la fin des années 70 et au début des années 80 : très cubiques et sobres, voire même un tantinet austère ! A part les quatre roues, tout paraît, en effet, avoir été dessiné à la règle et à l’équerre. Son style est donc assez loin de faire s’extasier les foules et on l’imagine plus volontiers dans les banlieues populaires des cités italiennes, conduites par de braves ménagères italiennes allant faire leurs courses au supermarché et allant conduire ou rechercher les enfants à l’école que de faire du slalome à toute vitesse sur les routes de montagne, dans la neige quand ce n’est pas dans la poussière, sur les plus difficiles des parcours des plus grands rallyes aux quatre coins de l’Europe ! Si, à l’aube de sa carrière, certains avaient dit à leurs propriétaires que la Delta aurait un jour une liste de victoires en courses longues comme le bras tout entier et qu’elle serait révérée comme l’un des plus grands monstres sacrés, plus d’un aurait alors écarquillé les yeux et leur auraient ris au nez !

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DELTA 79-82

La création et la présentation de la Delta par Lancia répond, avant tout, à une nécessité impérieuse sur le plan stratégique et commerciale : celui de permettre à la marque de revenir sur le marché des berlines compactes. Un marché où la marque était présente depuis les années 1930 et où (tout comme sur le marché des modèles de grand tourisme, de petites comme de grosses cylindrées ainsi que les berlines de prestige) Lancia était vite devenue un acteur incontournable sur le marché italien. Malheureusement pour la marque, lorsque la berline Fulvia quitte la scène en 1972, la direction de Fiat, ayant sans doute d’autre priorités (c’est-à-dire la conception et le lancement de ses propres nouveaux modèles) ne juge pas vraiment nécessaire ni même important de lui donner une descendance. (D’autant que Fiat est lui-même présent sur ce segment, déjà devenu à l’époque, en Italie comme dans les autres pays européens, l’un des plus importants du marché automobile. L’état-major de Turin craignant sans doute que la descendante éventuelle de la Fulvia ne fasse de l’ombre à la 128). Les années 70 signeront d’ailleurs la fin progressive de l’indépendance créative de Lancia, celle-ci se voyant bientôt contrainte, lors de la mise à l’étude de tout nouveau modèle, outre de recevoir l’aval des dirigeants de Fiat, de partager un certain nombre d’éléments avec les modèles produits à Turin. La présentation de la nouvelle Delta coïncidant d’ailleurs avec la fin de toute véritable autonomie pour la marque et l’intégration totale de la marque au groupe Fiat, dont elle est, désormais, une « simple » filiale. Les responsables de Lancia ayant, malgré tout, réussis à conserver à la nouvelle venue son identité propre, non seulement en ce qui concerne le dessin de sa carrosserie mais aussi sa fiche technique. Si elle repose sur la plateforme de la Fiat Ritmo, sa « cousine » bénéficie toutefois d’un empattement sensiblement rallongé (de 2,5 cm) et, pour sa suspension arrière, de l’essieu multibras dont sont déjà équipées les Beta et Gamma. Sur le plan des performances, les motorisations, de placides quatre cylindres de 1,3 l et 1,5 l n’ont rien de foudres de guerre.

Premières de cordée

A sa sortie, le sport ne semble pas du tout avoir figuré dans les priorités, ni même parmi les objectifs de ses concepteurs. Jusqu’en mars 1983, la version la plus puissante de la Delta, la 1500, ne développe d’ailleurs que 85 ch, ce qui paraît peu pour revendiquer (ne serait-ce qu’un tant soit peu) l’appellation « sportive ». Surtout en comparaison avec ses concurrentes de l’époque, l’Alfa Romeo Alfasud TI et la Golf GTI peuvent revendiquer toutes deux des motorisations au-dessus de la barre symbolique des 100 chevaux. C’est à cette date que la première vraie version sportive de la Delta fait son apparition, sous la forme de la 1 600 GT. Extérieurement, celle-ci ne se différencie toutefois des autres versions de la gamme que par ses  jantes en aluminium dont le dessin s’inspire de celui des Bugatti de course des années 1920.

En novembre de la même année est dévoilée la version Turbo, dont la calandre se voit apposé le célèbre sigle « HF », bien connu et fort réputé auprès des amateurs de la marque. Un sigle synonyme de sportivité et donc de hautes performances, puisqu’il a été popularisé par les versions les plus puissantes des coupés Fulvia et Flavia. Présentée au même moment que son alter-ego au sein de la gamme Fiat, la Ritmo 130 TC, cette version HF se caractérise par son moteur équipé de soupapes d’échappement au sodium, sa ligne d’échappement en inox, son système de freinage équipé de disques ventilés à l’avant ainsi que sa boîte de vitesses ZF. Est-ce pour mieux souligner son caractère « à part » et de « vaisseau amiral » au sein du catalogue Delta de l’époque ? Sans doute, mais on peut sans doute s’interroger sur la pertinence du choix concernant les pneumatiques choisis pour chausser la nouvelle Delta sportive : des Michelin TRX AS. Ceux-ci étant le modèle « d’entrée de gamme » de la famille des célèbres pneus millimétriques créés par la firme au bibendum et conçus, à l’origine, pour les voitures de grand sport et les berlines de grosse cylindrée. Les pneus AS s’avérant toutefois peu convaincants à l’usage, en tout cas, ils n’apportent pas vraiment grand-chose par rapport aux pneus classiques. Ceux-ci seront d’ailleurs abandonnés à l’automne 1985 pour des pneus de type ordinaire, tout aussi efficace mais, surtout, bien moins chers. Pour mieux souligner son caractère sportif, son capot se voit équipé, au bas du pare-brise, de grosses prises d’air sur le capot ainsi que des jupes latérales noires avec la mention « Turbo » clairement mise en évidence dessus. A l’intérieur aussi, plusieurs différences signalent au conducteur qu’il ne se trouve pas au volant de n’importe quelle Delta, avec un tableau de bord qui reçoit des jauges et autres manomètres de type « bargraphe », sans oublier un volant gainé de cuir ainsi qu’une sellerie en laine réalisée par le couturier Ermenegildo Zegna. Le mois d’octobre 1985 voyant aussi la Delta HF gratifié d’un nouveau volant à trois branches qui renforce le caractère sportif de l’habitacle et aussi de nouvelles jantes et badges.

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HF INTEGRALE

Le Salon de Turin, qui ouvre ses portes en avril 1986, étant l’occasion de dévoiler au public le nouveau et second restylage de la Delta (après le premier, intervenu au printemps 1983). Celui-ci comprenant des pare-chocs redessinés, tout comme les phares et la calandre, légèrement inclinés ; des gouttières de couleur noire le long du toit, des deux côtés de la voiture, de nouveaux enjoliveurs intégraux ainsi qu’un habitacle à présent équipé du tableau de bord de la Prisma (la version trois volumes à quatre portes de la Delta), plus ergonomique ; ainsi que de nouveaux sièges et revêtements intérieurs. Un lifting qui s’accompagne également d’une série de modifications sur le plan technique, avec une meilleure insonorisation avec de nouveaux supports moteur, de nouveaux ancrages de suspension et un réservoir d’essence à la capacité agrandie (57 litres au lieu de 45 précédemment). En ce qui concerne les motorisations, la GT se voit rebaptisée Gtie suite, comme l’indique les deux dernières lettres, à l’adoption, sur l’alimentation, d’une injection électronique. Même si la puissance augmente à peine, puisqu’elle passe à présent de 105… à 108 ch ! L’augmentation étant d’ailleurs à peine plus forte sur la HF Turbo : de 130 à 140 ch.

« Super Delta » en Groupe B

A noter que si une place spéciale est évidemment dévolue aux versions sportives de la Delta dans les brochures publicitaires de la marque, c’est avant-tout la Delta S4 qui y est avant-tout mis à l’avant-plan. C’est elle, en effet, qui défend alors les couleurs de la marque en rallyes. Si, à première vue, il s’agit d’une Delta bobybuildée, elle n’a, en réalité, d’une Delta que le nom. Le nombre d’éléments (mécaniques ou extérieures) qu’elle partage qu’elle partage avec la Delta de série se comptant, en effet, sur les doigts d’une main ! Malgré de très beaux succès en compétition (avec une 3ème place en Championnat du monde en 1985, avant de parvenir à se hisser sur la seconde marche du podium l’année suivante), sa carrière en rallyes sera courte : deux saisons à peine avant que plusieurs accidents mortels (dont celui d’Henri Toivonen au Tour de Corse en 1986) ne décide la FISA de supprimer le Groupe B au terme de la saison 86.

De la traction aux quatre roues motrices

L’année-modèle 1986 est cependant une date-clé, une année-phare à marquer d’une grande pierre blanche dans l’histoire de la Delta, puisqu’elle voit apparaître celle qui demeurera la version la plus emblématique du modèle, celle qui symbolisera bientôt ce que Lancia sait et à jamais su faire de mieux en matière de voiture sportive et qui incarnera rapidement la Lancia Delta à elle toute seule. Il s’agit, bien évidemment, la célèbre et redoutable HF Integrale. Celle qui est le premier modèle de la marque équipée en série d’une transmission aux quatre roues, Recevant l’appellation HF 4WD, cette première version de la Delta Integrale conserve toutefois une présentation extérieure et intérieure assez classique et même fort discrète. Il n’y guère, en effet, que les quatre phares ronds, qui remplacent désormais les optiques carrées (ainsi, accessoirement que les clignotants supplémentaires aux extrémités du pare-choc avant ainsi que le logo « HF 4WD » sur le côté droit de la calandre), qui la distinguent, sur le plan esthétique, de la Turbo ainsi que du reste de la gamme. Si ces quatre optiques circulaires lui confèrent une nouvelle personnalité ainsi qu’un supplément d’agressivité, l’Integrale originelle reste cependant encore assez sage par rapport à ce que seront, quelques années plus tard, les versions ultérieures de la Delta quatre roues motrices. Elle a beau être alors la version la plus puissante de la gamme, avec 165 chevaux délivrés par le deux litres Lampredi (emprunté à la Thema Turbo), cela apparaît toutefois, a posteriori, bien modestes lorsque l’on sait le niveau de puissance qu’atteindront les dernières Delta Integrale.

Comme l’on peut s’en douter, ce sera désormais cette dernière qui, devenant le nouveau « vaisseau-amiral » et donc « porte-drapeau » de la gamme Delta va tirer la couverture à elle, non seulement sur les circuits mais aussi sur les couvertures ainsi qu’à l’intérieur des brochures éditées par Lancia qui sont consacrées à la Delta. Au point qu’il ne faudra guère longtemps (en dehors peut-être du marché italien) pour que beaucoup soient convaincus que l’Integrale était désormais la seule version de la Delta qui était encore proposée au catalogue ! Il est vrai qu’elle ne va pas tarder, peu de temps après sa commercialisation, à faire également son entrée dans l’univers de la compétition, dont elle va très vite devenir une figure incontournable dans les plus grandes épreuves. La Delta HF Integrale va ainsi rapidement collectionner les trophées, en remportant pas moins de six fois sa catégorie en Championnat des rallyes entre 1987 et 1992.

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HF TURBO

Comme cela est souvent le cas pour la majorité des modèles dérivés des voitures de rallyes, si les versions de route s’avèrent, sensiblement moins puissantes. Notamment du fait que tout le monde n’a pas l’expérience et le talent d’un pilote de course professionnelle pour la mener au maximum de ses capacités et, peut-être surtout, que le code de la route ne permet guère, de toute manière, ce genre d’excès. Si, sur la route, la HF Integrale s’affirme bien vite comme l’une des références de sa catégorie, à l’image de la version course sur les pistes de rallyes, la puissance de 165 ch de la version initiale finissent rapidement par apparaître un peu « juste », notamment face à une concurrence qui n’est, certes, pas très nombreuse mais n’en est pas moins présente et qui, face à la montée en puissance de la Delta, commence tout doucement à fourbir ses armes.

C’est pourquoi, en novembre 1987, la HF Integrale voit sa puissance faire un bond d’une vingtaine de chevaux (185 ch) grâce un turbo ainsi qu’un échangeur de taille plus grande. Par rapport à la première Delta Integrale, elle affiche des ailes élargies qui accueille des pneus eux aussi en taille large ainsi qu’une suspension retravaillée. Comme on peut le deviner, étant donné le succès grandissant qu’elle connaît en compétition dans les plus grandes épreuves de l’époque, enfin de soutenir la comparaison avec les sportives les plus emblématiques de sa catégorie, la Delta ne va pas s’arrêter en si bon chemin. Exactement deux ans plus tard, la marque dévoile ainsi la version 16V. Equipée d’une culasse dotée de quatre soupapes par cylindre, celle-ci lui permet d’approcher la barre des 200 chevaux (196, très exactement). Elle se distingue de sa devancière par son capot bombé, des jantes et des pneus au diamètre et à la largeur encore augmentée ainsi qu’une suspension abaissée de 20 mm. La transmission intégrale a, elle aussi, bénéficié d’améliorations techniques, avec un système de répartition du couple qui favorise l’essieu arrière, tout comme la suspension qui reçoit des ressorts affermis ainsi que de nouveaux amortisseurs plus efficaces. Le freinage étant, quant à lui, optimisé par le montage de l’ABS, dont elle sera d’ailleurs la première version de la Delta à bénéficier.

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La course à la puissance

A la fin de l’année 1991, Lancia marque à nouveau un grand coup en présentation celle qui sera l’aboutissement de la lignée des Delta Integrale et qui deviendra, quasiment dès son lancement, le « Saint-Graal » des amateurs du modèle : la Delta Evolution, très vite surnommée « Evo ». A noter toutefois qu’il ne s’agira jamais d’une appellation officielle. Les deux dernières versions de la Delta  ayant été baptisées ainsi par les spécialistes du modèle afin de les différencier de leurs devancières. Destinée, tout comme les précédentes versions Integrales, à l’homologation en rallye mais elle sera aussi la dernière Delta à s’illustrer en rallye. Si la mécanique demeure quasiment inchangée par rapport à celle de la version 16V, la modification du système du calculateur permet de faire grimper la puissance à 210 chevaux. S’il n’est pas vraiment étonnant, au vu de ses lignes, que la Delta affiche une aérodynamique digne de celle d’une armoire normande, le Cx se verra encore augmenté sur l’Evo, tout comme le poids à vide sur la balance. Afin d’en améliorer encore la tenue de route, ce qui s’avère fort utile et parfois même indispensable, au vu de la cavalerie que l’on trouve désormais sous le capot, en conduite musclée, des trains avant et arrière élargis sont maintenant montés. Ceux-ci obligeant à augmenter la largeur des ailes. L’objectif de Lancia, sur le plan esthétique, avec la version Evolution, étant de rappeler à son propriétaire ainsi qu’aux autres automobilistes qu’il se trouve en présence de l’aboutissement de la lignée des Delta Integrale. Afin de souligner l’augmentation de puissance de la nouvelle Delta, rendre la ligne encore plus agressive par rapport aux précédentes versions de l’Integrale, elle reçoit également de nouvelles entrées d’air supplémentaires et une nouvelle grille de calandre. Dans l’habitacle, elle reçoit, à l’avant, des baquets Recaro recouverts d’Alcantara gris foncé (une sellerie en cuir étant proposée en option).

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Contrairement à la première du nom, la Delta Evolution II, ou « Evo II », ne sera pas conçue pour l’homologation en compétition et en connaîtra donc jamais les pistes des rallyes. Les nouvelles normes européennes en matière de pollution imposent désormais le montage d’un catalyseur. La Delta Integrale n’est d’ailleurs pas la seule à se le voir imposer, les autres versions de la gamme y ayant eu droit dès le mois de juillet 1992. Grâce au montage d’un nouveau catalyseur, d’une injection électronique multipoint séquentielle, d’un nouveau turbo Garrett refroidi par eau associé à un système overboost, la puissance passe toutefois à 215 chevaux. Si, esthétiquement, les différences par rapport à la première Evo sont peu nombreuses et, pour la plupart d’entre-elles, peu importantes, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur, elles sont néanmoins présentes : pneus encore plus grands et plus larges montés sur des roues de 16 pouces, nouveau volant trois branches recouvert de cuir et sièges Recaro recouverts d’Alcantara beige ainsi que, sous le capot, un couvre-culasse peint en rouge.

Intégrales très exclusives

Tout au long de sa carrière, la Lancia Delta Integrale, outre les modèles de série, connaîtra un certain nombre de série limitées réalisées sur les deux ultimes évolutions du modèle, les séries Evolution I et II. Les premières seront les « 5 World Rally Champion » et « 6 World Rally Champion », connue aussi sous les appellations « Martini 5 » et « Martini 6 », dont les noms renvoient, évidemment, aux 5ème et 6ème titre de Champion du Monde des rallyes décrochés par la marque, tandis que leurs autres appellations renvoient aux couleurs et aux motifs du célèbre apéritif qui recouvraient les carrosseries des voitures. Dans les raretés figure la Club Italia, produite, en tout et pour tout, à seulement 15 exemplaires. Comme son nom l’indique, ces Delta très spéciales étaient réservées aux membres du Club Italia, une association de passionnés italiens de voitures de sport. Très influent au sein du monde automobile en Italie et figurant parmi les plus grands admirateurs, au sein de la péninsule italienne, de la Delta Integrale, il n’est donc guère surprenant que Lancia, pour les remercier de leur fidélité à la marque, créa alors cette série spéciale qui leur était dédiée. Les Delta « Club Italia » se distinguaient des Delta Evo I « normales » par la couleur « bleu royal » de leur carrosserie, ses badges apposés sur les ailes avant ainsi que, à l’intérieur, le bouton de démarrage placé sur le tableau de bord et les sièges Recaro (qui sont plus tard repris sur l’Evo II) recouverts, ici, de cuir rouge ; le tout complété par une plaque numéroté avec, gravé dessus, le nom du propriétaire. Si l’ultime exemplaire de cette série rarissime et donc ultra-exclusive va jusqu’au numéro 16, c’est tout simplement parce que le client le constructeur était superstitieux et que le numéro 13 n’a donc jamais existé dessus.

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INTEGRALE EVO

Celle qui peut, sans conteste, revendiquée la palme de la rareté et de l’exclusivité sera toutefois, justement, la seconde version de la série Club Italia, basée, cette fois, sur l’Evo II. De couleur rouge vif avec des bandes jaunes et bleu en son centre et sur toute la longueur de la voiture, elle reçoit, à l’intérieur, des sièges baquets Recaro recouverts de cuir bleu. Les amateurs intéressés devront toutefois s’armer d’une patience ainsi que compter sur la chance. D’abord pour espérer gagner à la loterie. Car, quand on sait que les séries limitées les plus diffusées peuvent facilement atteindre les 125 000 euros pour les exemplaires en état concours, on n’ose imaginer ce que vaudrait une voiture faisant partie d’une série limitée dont les exemplaires se comptent, littéralement, sur les doigts d’une main. Puisque l’Evo II Club Italia n’a, en effet, été produite, en tout et pour tout, qu’à… 8 exemplaires ! Le second critère important, voire capitale, pour espérer en acquérir une, étant donc de patienter pour qu’il y en ait une à vendre.

Si elle n’atteint pas le même niveau d’exclusivité, la série Verde York, sera elle aussi une rareté, puisqu’il n’en sera réalisé, au total, que 200 exemplaires. Comme son nom le laisse indiquer, elle se reconnaît immédiatement à sa teinte de carrosserie « vert anglais », similaire à celle des Jaguar et d’autres anglaises de prestige, ainsi que ses sièges Recaro en cuir beige.

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LANCIA DELTA INTEGRALE VERDE YORK

Si certaines séries spéciales peuvent se prévaloir de certains équipements spéciaux, d’autres en revanche se contentent d’offrir une teinte de carrosserie ainsi que des garnitures intérieures spécifiques. Notamment la Bianca Perlato, dont l’appellation trahit, une fois encore, la teinte qui habille sa carrosserie : blanc « perle », laquelle contraste fortement avec l’intérieur traité en cuir bleu. Basée sur l’Evo II, les séries « Blu Lagos » (bleu « lagon » métallisé et sièges Recaro cuir crème) et « Giallo » sont également très prisées des amateurs, cette dernière étant uniquement disponible en jaune avec un habitacle garni d’Alcantara noir.

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BLU LAGOS

Présentée et produite en 1994, la « Dealers Collection » (ou « Dealers Edition ») aura une pincée d’exclusivité en plus puisqu’elle ne sera jamais vendue aux particuliers mais uniquement aux concessionnaires de la marque (chaque voiture se voyant apposée une plaque numérotée avec le nom de leur heureux concessionnaire et propriétaire gravée dessus). Se distinguant des autres Delta Evo par sa couleur rouge vif (« Candy Red ») et ses sièges baquets Recaro en cuir de couleur crème à l’avant, elle sera produite, au total, à 180 exemplaires très exactement.

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DEALERS COLLECTION

La dernière série limitée sera aussi l’ultime évolution, non seulement, de la Delta Intergrale mais aussi, tout simplement, de la Delta tout court. Baptisée « Final Edition », celle-ci offrait une carrosserie de teinte rouge foncé métallisée décorée de bandes jaunes et bleu au centre de la voiture (une décoration sans doute inspirée par celle de la rarissime Club Italia Evo II et des sièges baquets Reco recouverts d’une sellerie « mixte » alliant le tissu et l’Alcantara. Le tout assorti d’une calandre spécifique et de jantes de couleur gris anthracite.

Fin d’une époque pour Lancia

Entretemps, les dernières Delta dites « ordinaires » ont, elles, déjà quitté la scène en septembre 1993, la nouvelle et seconde génération étant alors commercialisée. Il est vrai que, avec leurs lignes carrées, la Delta première du nom (affichant alors pas moins de quatorze ans de carrière au compteur) était clairement passée de mode ! Des modèles de cette première génération « historique », seule l’Integrale subsiste désormais au catalogue. Elle n’est d’ailleurs plus assemblée au sein de l’usine Lancia du Lignotto, où elle était fabriquée depuis son lancement mais dans les ateliers du carrossier Maggiora. Installé près de Turin, celui-ci continuera, par la suite, à travailler pour Fiat, en assurant notamment la production de la Fiat Barchetta ainsi que de la Lancia Kappa coupé, jusqu’à sa fermeture en 2003. Les ultimes exemplaires de la Delta Integrale « Evolution TT » en sortiront finalement à la fin de l’année 1994. Lancia ayant finalement décidé de se retirer de la compétition au terme de la saison 1992, avec avoir ainsi couru pendant dix ans dans le Championnat du monde des rallyes et en avoir décroché, au final, six fois le titre. Un record qui reste, aujourd’hui encore, inégalé.

Des Delta encore plus exclusives

En plus des différentes séries limitées, plusieurs autres projets basées sur les dernières Lancia Delta Integrale, les versions Evo I et II, virent le jour mais pour les fans de l’Integrale, ces derniers ne connaîtront aucune suite en série. On peut notamment citer l’Evo Viola Maggiora. Développée par le carrossier chargé d’assurer la production des dernières Integrale, celle-ci se présentait se distinguaient des autres Delta par sa couleur violet métallisé, ses jantes Speedline encore plus large que sur les précédentes Evo (17 pouces), une console centrale recouverte de carbone et des sièges baquets Recaro en alcantara beige et – cerise sur le gâteau – un moteur dont la puissance se verra poussée à… 240 chevaux ! Malgré un potentiel fort intéressant sur le plan des performances, le projet sera pourtant refusé par Fiat. Celui-ci, après avoir décidé que le domaine du sport et de la performance serait désormais attribué, exclusivement, à Alfa Romeo (racheté en 1986), obligeant, dès lors, Lancia a tiré un trait définitif sur la compétition. C’est pourquoi, aux yeux des décideurs du groupe italien, la Lancia Delta Integrale n’avait donc plus vraiment de raison d’être. La Delta Evo Viola Maggiora restera donc – hélas – un exemplaire unique.

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CLUB ITALIA

Plus étonnant encore peut-être, à certains égards, le cabriolet Delta réalisé pour le grand patron de Fiat de l’époque, Giovanni Agnelli. En plus de se voir transformé en décapotable (en ne conservant que ses portières avant au passage) et d’avoir été réalisé pour le plus célèbre des industriels italiens, cette Delta, très agressive malgré la sobre robe gris métallisé qui habillait sa carrosserie, s’offrait même le luxe d’une mécanique poussée à 250 chevaux ! Si la partie avant, identique à celle de la Delta de série, en conservait toute l’agressivité, celle de l’arrière, en revanche, accusait un dessin un peu trop massif, voir plutôt bâclé. Sans compter une capote assez sommaire et guère élégante une fois mise en place. (Ce qui est, toutefois, aussi le cas d’autres cabriolets italiens de série de la même époque qui, tout comme cette Delta unique, avait été conçue pour rouler le plus souvent « cheveux au vent »). Conservée par Agnelli jusqu’à sa mort en 2003, elle est aujourd’hui conservée au Musée National de l’Automobile de Turin.

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AMOS FUTURISTA

Plus étonnant et plus inattendu peut-être encore est la version Futurista, crée par le jeune Eugenio Ramos, dont la famille a longtemps possédée la marque d’outillage USAG. Il créé alors sa propre société, baptisée Amos Automobili, à Varese, notamment dans le but de faire revivre le mythe de la Lancia Delta Integrale (dont il est lui-même – est-il d’ailleurs besoin de le préciser ? – un grand admirateur. Celle-ci est réalisée sur la base d’une Delta Integrale 16V (à cause de la rareté des versions Evo), cette Delta Integrale « revival », en plus de ne posséder que trois portes. Sous son capot et ses ailes avant bodybuildées (identiques à celle des Evo), se trouve le quatre cylindres repris, lui aussi, de la 16V mais avec un turbo de plus grande taille, d’un nouveau système d’admission ainsi que d’une ligne d’échappement elle aussi inédite. Ce qui permet à cette Delta du 21ème siècle d’afficher plus de 300 chevaux. Ajoutez à cela qu’elle ne pèse que 1 250 kg sur la balance et il apparaît donc clairement que cette Delta a largement de quoi faire parler la poudre ! Un « revival » d’autant plus exclusif que sa production a été limitée à 20 exemplaires, vendus chacun 300 000 euros !

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Dans tous les cas, que vous ne puissiez-vous offrir que l’une des premières versions de la Delta Integrale, une « modeste » HF Integrale ou 16V ou que, vous ayez le privilège de vous asseoir au volant d’une des très exclusives Evo I ou II (voire même dans un exemplaire d’une des – encore plus exclusives – séries limitées), la Lancia Delta Integrale reste bel et bien, aujourd’hui comme à son époque, une voiture pour ceux qui ont toujours eu l’âme d’un sportif. Voire d’un pilote de course ! Autrement dit, une vraie voiture de connaisseur !

Philippe Roche

Photos Droits Réservés

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